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Philippe Sollers « Agent secret » : un testament du Temps enchanté. Morceaux choisis

Critiques

D 8 mars 2021     A par Viktor Kirtov - C 5 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


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le livre sur amazon.fr

08/03/2021 : Ajout critique de Fabien Ribery

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Un autoportrait pour la collection Traits et Portraits du Mercure de France .
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…toute mon existence s’est organisée par des rencontres, des événements, des détails et des regroupements qui ne doivent finalement plus rien au hasard. Ca s’appelle, d’un terme que j’ose employer, avoir un destin, à supposer que j’en ai un, ou que j’en ai eu un et que j’en ai toujours un. Puisque ce livre qui se bâtit sous vos yeux est un livre que l’on peut imaginer comme un testament du Temps enchanté » (Philippe Sollers, Agent secret (p. 41)


"Agent secret" est un récit biographique qui comporte beaucoup de photos de pans entiers de mon existence, surtout enfantine. S’y ajoute le récit de quelques une de mes rencontres les plus singulières qui ont pris chaque fois une forme de révélation..
Philippe Sollers
Entretien Bulletin Gallimard, mars-avril, 2021

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« Agent secret » rassemble en un seul ouvrage des éléments biographiques que les familiers de Sollers ont déjà vus évoqués, en partie, notamment, dans « Portrait du Joueur », « Vérités et Légendes » de Gérard de Cortanze, « Dictionnaire amoureux de Venise », et d’éléments disséminés dans ses œuvres, articles de journaux et entretiens

Une œuvre de commande de l’éditrice Colette Fellous, directrice de la collection "Traits et Portraits" aux éditions Mercure de France.

Là, au contraire des éléments disséminés ci-dessus, il s’agit d’un autoportrait entièrement de la main de Sollers au, «  rendez-vous de l’essentiel  » comme il l’écrit. C’est quoi, le «  rendez-vous de I’essentiel » ?
A 84 ans, avec une vie riche, une culture immense, « une agilité d’esprit et d’écriture » saluées par Bernard Pivot dans sa chronique du jour, il n’est pas le moins légitime pour nous le dire. Une composition sur des thèmes connus mais l’assemblage des mots et des idées en un seul document synthétique est nouveau. Musique des mots et tempo sollersiens en 190 pages de lecture fluide.

Si vous ne connaissez pas Sollers, c’est une bonne façon d’entrer dans la danse pour découvrir l’homme, son univers, son style, un aperçu de ses œuvres et de ses références littéraires et artistiques.

Entretien avec Colette Fellous directrice de la collection "Traits et Portraits" aux éditions Mercure de France.

Philippe Sollers présente son ouvrage "Agent secret".
Editions Mercure de France

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A propos de Colette Fellous et Philippe Sollers
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Que reste-t-il de vos lectures de Tel Quel ? Un reclassement de la bibliothèque ? Un compagnonnage lointain ou proche avec Philippe Sollers ?

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Ce n’était pas seulement lire Tel Quel que j’aimais, c’était aller aux Conférences à St-Germain. J’avais dix-neuf ans et je venais écouter Derrida, Kristeva, Sollers, Pleynet. Il y avait une effervescence joyeuse qui ne ressemble pas à ce qu’il en reste aujourd’hui. Il y avait aussi Les Cahiers du Cinéma, à la même époque, qui publiaient des textes étonnants, qui nous faisaient comprendre de façon moderne toute l’histoire du cinéma. Le cinéma et la littérature étaient, là encore, un art de vivre, de se mouvoir dans la ville, d’avoir confiance en l’avenir. Tout était neuf, tout était à réinventer.
Extrait d’un entretien avec Fabien Ribery sur son site Intervalle

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L’agent secret ouvre son album de famille .
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Par Bernard Pivot

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Parmi les qualités de Philippe Sollers, écrivain, il en est deux essentielles : son immense culture dans laquelle il puise à volonté comme un prestidigitateur dans sa malle aux trésors, et l’agilité de son esprit et de son écriture. Ces deux qualités sont particulièrement spectaculaires dans son autoportrait publié sous le titre Agent secret.

Ainsi, dans un chapitre commencé avec le récit du rêve qui a déclenché la rédaction de son livre Drame, il enchaîne avec Roland Barthes qui lui donnait à lire ses manuscrits et qui tomba en dépression après la mort de sa mère. La mère de Philippe, dont les yeux n’avaient pas la même couleur, cultivait l’ironie. Lorsque son fils lui disait qu’un jour il serait un très grand écrivain ; elle lui répondait : « Ça se soigne ! » C’est grâce à son père, gazé à Verdun, rebelle aux décorations, aux accommodements, qu’il est devenu écrivain. A. ses obsèques, il a lu au cimetière un sermon de Maître Eckhart, ce qui a fait scandale.

Philippe a toujours aimé les étrangères. D’ailleurs, les deux femmes de sa vie, Dominique· Rolin, la bien-aimée, était « une juive polonaise passée par la Hollande », et Julia Kristeva, sa femme, autre bien-aimée, est bulgare.

Les agents secrets
ne sont jamais
à la retraite. Mais
ils ont la nostalgie
de leurs exploits

Le jour où ils se sont mariés, le 2 août 1967, ils sont allés dans un restaurant où étaient déjà attablés Aragon et Elsa Triolet Celle-ci avait ainsi dédicacé un de ses livres : « À Philippe Sollers, maternellement.  » Il a jeté le livre dans une poubelle. Aragon avait célébré dans Les Lettres françaises le premier roman de Sollers, Une curieuse solitude. ·

Une seule phrase de l’article est citée, alors que c’est tout le célèbre texte de François Mauriac dans lequel il lançait la carrière et la renommée de Sollers après la publication du Défi qui est reproduit à la fin de ce chapitre. Tout cela, vif, rapide, habile, sur quinze pages. Le lecteur doit suivre. Le lecteur suit, mais pas toujours parce que Sollers est un « agent secret » et que, pour ne pas être démasqué, il fait des « zigzags », de L’Odyssée à la prière du Notre Père, du taoïsme aux vins de Bordeaux, de la Bible à Lacan. La planète risquant, de disparaître, retrouvons-nous d’urgence au, « rendez-vous de l’essentiel ». C’est quoi, le « rendez-vous de I’essentiel » ? La littérature, évidemment. Nietzsche, Rimbaud, · Hölderlin, Céline, Montaigne, Shakespeare, Baudelaire. Et j’allais oublier Dante. Et puis Hegel. Sur sa future tombe dans le cimetière d’Ars-en-Ré, Sollers a fait sculpter une croix et une rose avec cette citation de Hegel : « La rose de la Raison dans la croix du présent. » À côté, le carré des aviateurs anglais, néo-zélandais et australiens morts anonymement pour la France et la liberté pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le livre est illustré de photos, certaines inédites. Barthes, la cigarette au bec : Sollers ; âgé de 1 an, sur la plage de l’île de Ré avec sa mère ; son bureau, chez Gallimard ; plusieurs portraits de Dominique Rolin (hou là ! quelle beauté ! quelle sensualité !), L’agent secret ouvre son album privé ; À 84 ans, il peut ! Les agents secrets ne sont jamais à retraite. Mais ils ont la nostalgie de leurs exploits. Les années de leur jeunesse leur arrachent des larmes de joie. D’ailleurs Joyaux est le nom de famille de Sollers. « Joie, Joyaux, pensez tout ce que vous voulez, mais la joie avant tout. Elle est une sorte de contemplation continue. [...] Se tenir à la joie est un principe de vie.  » Cela ne l’empêche pas de se montrer grognon quand il observe la marche du monde et que les vrais lecteurs de littérature se font de plus en plus rares. Mais, hop !, place à la musique, à la peinture, aux beautés de la nature, et bientôt la joie, l’ardeur, l’amour, la poésie reprennent possession de sa riche nature.

Philippe Sollers publie en même temps un nouveau roman, Légende, dont le vrai sujet est notre rapport de· plus en plus défaillant avec la culture. Il n’y a pas Hugo dans L’Agent secret. Il est dans Légende. Ses pages sur lui sont superbes. Quelques passerelles entre les deux livres, en particulier sur son fils, David, qu’il aime à la folie. Quand Sollers travaille en silence, David dit à sa mère, Julia Kristeva : « Papa· est comme Dieu, il existe mais il ne répond pas.  » La phrase méritait bien d’être dans les deux livres.

« Ni remords ni erreurs. Assez de “moraline” » dit aussi Sollers à propos d’Agent secret.


Morceaux choisis .
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Je suis assis sur les genoux de ma mère

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J’ai connu à trois ans les maisons de l’île de Ré qui ont été ensuite rasées par les nazis. Elles étaient dans leur ligne de tir, la Wehrmacht a tout liquidé, croyant pouvoir, les crétins, murer l’Atlantique. Sur les plages, les blockhaus sont toujours là. Il a fallu tout reconstruire. Images très vives de ces maisons anciennes, dans la grande lumière de Ré. La plage et, de l’autre côté de la route, les maisons. Je suis assis sur les genoux de ma mère, je la regarde, odeur de cet instant toujours présent, ses yeux à elle vers le large, les miens sur son visage, qui questionnent

en silence, une touche de vert dans son œil noisette. Comme ma mère est singulière. J’ai gardé mes sandales blanches, frôlement du sable, musique de tous mes étés. Singulière, oui, ma mère. Une femme libre, qui ne s’habillait pas de manière conventionnelle, et qui, très tôt, a voulu conduire et posséder sa propre voiture, une Traction Avant 11 chevaux Citroën, qu’elle a fini par casser dans un fossé.

J’ai vécu au plus près ce qu’a été l’envahissement barbare dans des lieux qui étaient enchantés. Jamais je n’ai eu d’autre prescription de la part de mes parents que celle de ne jamais chanter à l’école « Maréchal nous voilà ».
« Si on te demande de chanter, tu sors du rang, tu te mets à part, tu ne chantes pas. » l’épisode Vichy et la collaboration restent encore très ancrés en France, il n’y a pas de semaine ou de mois sans qu’il en soit de nouveau question.

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1936. Ma mère a trente ans

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1936. Ma mère a trente ans. Elle est très belle et son parfum sent très bon, je garde précieusement dans la poche intérieure de ma veste cette photo, je ne la quitte jamais, la voici. C’est donc dans l’année de ma naissance qu’elle a été prise. Enfin un garçon ! C’est ce qu’elle n’aurait jamais dit, mais il est évident qu’elle l’a pensé. Enfin un garçon, après deux filles, on peut imaginer. Sa particularité était, je vous l’ai déjà dit, d’avoir des yeux de différentes couleurs, l’un marron foncé l’autre marron clair (très tôt j’ai recherché le dissemblable), ce qui fait que dans ma vie de doubles et de redoublements, j’avais affaire à quelqu’un qui pouvait être à la fois sorcière et fée. En tout cas magicienne. Je l’appelle comme ça, elle est La Magicienne. Ce que je retiens d’elle surtout c’est sa voix, sa drôlerie implacable contre toutes les attitudes sociales. Elle était parisienne d’origine. Elle est venue ensuite à Bordeaux mais ça ne lui a jamais vraiment plu, la bourgeoisie bordelaise, tout ça, trop encombrant. Elle était très libre d’esprit et avait beaucoup d’humour, ce qui n’est pas si courant. Drôle, très drôle. Très bonne comédienne, excellente même. J’entends aussi son rire. Dans la maison, dans le jardin. Ou quand elle me chantait d’une haute voix tremblée la légende de la boîte à joujoux, ceux qui font grève, etc. La voix c’est si important, je pourrais faire un registre féminin de toutes les voix qui ont compté pour moi. Mais ça peut être aussi tout à fait négatif. Immédiatement on le sent, au premier mot, que ce soit au téléphone ou ailleurs. C’est la voix qui importe, exactement comme en littérature, vous le savez bien. La voix c’est l’âme et le corps. J’étais très proche de ma mère, sans doute trop. Magnifique lien. C’est un problème lorsqu’on arrive garçon au milieu de filles, on veut comprendre les différences. Je voulais saisir le langage des filles, j’écoutais la conversation de mes sœurs à travers la cloison, elles rentraient de soirées et parlaient, riaient, chuchotaient, je faisais de l’espionnage pour savoir ce qu’elles pensaient des hommes. Elles disaient des horreurs, évidemment. Elles étaient très délurées, sorties, surprises-parties, danses, mais il fallait se marier et puis avoir des enfants, c’est ce qu’elles ont fait.

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Mes rencontres

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Toutes mes rencontres importantes ont été des rencontres de singularités. Quand il y a vraiment rencontre, il y a création d’une courbure qui implique une singularité au sens de l’espace-temps ; et c’est vérifiable dans toutes les vraies rencontres, qu’elles soient masculines ou féminines. Du côté féminin ça commence très tôt.

Quatorze ans, avec Eugenia, Basque du côté espagnol. Ensuite, Dominique. Ensuite, Julia. Voilà pour les plus avouables, puisqu’elles sont connues, mais maintenant je laisse la liste ouverte aux biographes éventuels. Pour ce qui est des hommes, ça commence aussi très vite avec des rencontres de singularités. Le premier avec lequel j’ai été très ami, au point de faire une conférence sur lui à la Sorbonne lorsque j’avais vingt-deux ans, c’est Francis Ponge. On s’est fâchés ensuite parce qu’il n’a pas compris ce que je faisais en 68, nous nous sommes brouillés pour des raisons apparemment politiques. Mais enfin il a été un très grand ami. […]

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Dominique Rolin

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La lumière, lorsqu’on en fait l’expérience interne, éblouit. C’est ce qu’on peut appeler le coup de foudre. Ça existe, je l’ai rencontré. À plusieurs reprises. Ou plutôt .« le coup de nuit » parce que la foudre sans la nuit ... Il faut la nuit. La nuit est sacrée. Et donc elle arrive, avec tout ce qui s’y passe. Je l’écris. Je me tiens strictement à la nuit. Ce sont des expériences très singulières. Je suis la nuit.

Encore une fois, ce qui compte, ce sont les rencontres de singularités. Elles sont radicalement inabsorbables par le tissu social officiel. Tout ça se passe dans une profonde clandestinité. Sans clandestinité, rien. Des bavardages, des fausses confidences, des impasses narcissiques diverses pour briller ou pour faire entendre quelque chose qui ne serait pas dit. La lumière éblouit. Ce qui est intéressant, c’est que ça demande à être éclairé, c’est un processus de connaissance. Connaître ce qui vous éblouit. Dans mon cas ça s’est très vite produit, et c’est ce qui me singularise probablement. Qu’est-ce qu’une singularité ?

Je lis la définition du dictionnaire, nous sommes qu’on le veuille ou non dans un espace qui s’appelle l’espace-temps. Et l’on vit dans la mécanique quantique, qui nous échappe dans tous ses ressorts mathématico-physiques, mais on sait qu’à force de faire des équations qui touchent le plus près possible l’espace-temps, on découvre des choses inouïes, on rejoint par exemple Oppenheimer, et c’est comme ça que la bombe atomique a pu exploser. Et on en parle encore. L’espace-temps, c’est tout simplement un espace (je lis la définition) à quatre dimensions, dont les points sont des événements.
[…]
Une singularité va-t-elle rencontrer une autre singularité ? Ou pas ? On peut très bien vivre sans jamais rencontrer de singularités ou sans se rendre compte qu’on est soi-même une singularité, qui échappe absolument à toute réduction, car c’est là l’endroit où le langage agit avec le plus de force, sous toutes ses formes. La singularité, selon la définition du dictionnaire, c’est un point dans l’espace-temps où la courbure de l’espace-temps devient infinie. Voilà pourquoi de Tel Quel on peut passer à L’infini. Et voilà pourquoi encore j’ai été très surpris lorsque Dominique a écrit, en 1980, un livre qui s’appelle L’infini chez soi. Je n’ai donc eu qu’à changer le nom de Tel Quel. En quoi ? En ce bureau dans lequel vous me voyez improviser ce curieux livre, le bureau de L’infini. Premier numéro, janvier 1983, avec passage des éditions du Seuil à Gallimard. Qu’est-ce que le temps ? L’espace ? Le corps ? La mémoire ? La naissance ? La mort ? L’amour ? La présence ? Le langage ? L’angoisse ? le bonheur ? Le rêve ? Le hasard ? L’oubli ?

Combien êtes-vous en vous-même ? Un ? Deux ? Trois  ? Une foule mal maîtrisée d’anciens « moi »  ? Maintenant, regardez-les, ces deux-là. Ils sont dans « la ville étrangère ». On reconnaît Venise, qui devient dans la seconde moitié du xxe siècle une réalité et un mythe nouveaux, un laboratoire où semble pouvoir s’exercer pour eux un maximum de sensations. Musique, amour, art, passants, couleurs, rêves. Printemps et automne, tous les ans, métronome de l’amour, fenêtres sur les Zattere, à gauche la Salute et, en face, la Giudecca. Tout de suite, ces deux acteurs principaux sont comme morts, doués d’une autre vie que celle de la chronologie. Que se passet-il autour d’eux ? Rien, ou plutôt une multitude de riens magnétiques comme dans Ulysse. Ils observent, ils sentent, on dirait qu’ils ont vécu il y a un siècle, deux singuliers voyageurs sortis de la mécanique psychologique et de la contradiction sexuelle, unis par un certain silence. Écrire, regarder, rire, silence. Toujours. Mais oui, dans écrire, il y a rire [Dominique rit beaucoup, (note pileface)], bien sûr. Et il y a cri, mais ici c’est l’envers du cri, ou un cri de joie. Eux, c’est peut-être vous. Ou nous, Dominique et moi. Deux singuliers voyageurs

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Des voyageurs qui se sont beaucoup écrit :

Lettres à Dominique Rolin 1981-2008 par Phikippe Sollers
et son pendant :
Lettres à Phikippe Sollers 1981-2008 par Dominique Rolin
mais aussi :
Sollers : Lettres à Dominique Rolin 1958-1980
Dominique Rolin toujours

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Julia Kristeva

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Le jour où nous nous sommes mariés, Julia et moi, à la mairie du V" arrondissement, avec comme témoin sa sœur violoniste - qui a fait des tas de prouesses comme violoniste à Moscou -, le maire était légèrement étonné parce que nous n’avions pas voulu d’alliances. Réfractaires. Pas d’alliances, parce que c’est tocard. Et puis fou rire avec le dis¬cours du maire. Puis, à trois ou quatre, nous sommes allés déjeuner à La Bûcherie, à côté de la librairie Shakespeare and Company. Nous allons pour déjeuner tranquillement, et là, il y avait un couple sur lequel nous tombons. C’était donc le jour de notre mariage, le 2 août 1967. Un homme et une femme, attablés. Lesquels ? Aragon et Elsa Triolet. « Dans la nouvelle science, chaque chose vient à son tour, telle est son excellence », vous avez reconnu Isidore Ducasse, dit comte de Lautréamont. Le parti com¬muniste a cru que cette histoire entre Julia et moi était la réédition de l’histoire Aragon-Triolet. Or, rien à voir. Ils se font leur destin eux-mêmes, ils n’imitent personne. Elsa Triolet n’est jamais deve¬nue, à ce que je sache, linguiste et psychanalyste, et Aragon s’est quand même jeté, avec le temps, dans l’homosexualité. Ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être, qu’il n’a jamais cessé d’être, d’ailleurs. Je me souviens de la façon dont il me lisait chez lui ses poèmes, j’aurais pu aller prendre un verre et revenir qu’il ne s’en serait même pas aperçu. C’étaient de grandes séances artistiques. Elsa Triolet ne se ren¬dait pas compte que j’étais là, elle venait, ouvrait la porte, revenait, j’étais comme invisible. Elle m’a dédicacé un jour un de ses livres : « À Philippe Sollers, maternellement. » Je l’ai jeté, évidemment, dans la première poubelle venue.

Une mère, je sais ce que c’est. Je n’ai pas besoin qu’on me dise qu’on va me traiter maternellement. C’est très bête, surtout. Mais le parti communiste a cru que nous étions dans leur filiation. Il ne faut pas oublier qu’Aragon avait célébré Une curieuse solitude dans Les Lettres françaises : « Le destin d’écrire est devant lui comme une admirable prairie. » J’apparaissais comme un phénix, je ne me plaignais pas, j’avais vingt-deux ans, pour beaucoup la transmission était faite.

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La rose de la Raison dans la Croix du Présent

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Edouard Manet, Roses dans un verre à champagne, 1882
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« La rose de la Raison dans la Croix du Présent. » J’ai fait sculpter pour ma tombe future, dans le cimetière d’Ars-en-Ré, une croix et une rose avec cette phrase de Hegel. Ma tombe est prête, elle m’attend, près du carré des aviateurs anglais, néo-zélandais et australiens, qui sont venus se battre contre les nazis au-dessus de cette île, entre 1940 et 1942, pour ma liberté. Ils avaient vingt-deux ou vingt-trois ans, pilotes ou mitrailleurs, morts en grande jeunesse, personne n’a jamais réclamé leurs corps, le carré est très bien entretenu par les Britanniques. Ce voisinage me plaît. On peut trouver facilement ce cimetière, le clocher d’Ars-en-Ré est reconnaissable de loin, il est peint en noir et blanc car il servait d’amer aux marins, il est en cours de restauration. Ma maison du Martray n’est pas loin. Les lauriers sont immobiles, le ciel s’est figé en plaques grises, la marée est haute, des mouettes passent au-dessus de moi. Les fleurs respirent, le pin parasol et les acacias sont à leur place, l’herbe dans le léger vent, tout cela m’accompagne et m’accompagnera toujours. Encore une histoire de confiance. La rose de la Raison dans la Croix du Présent, donc. C’est parfait. Il faut tout prévoir, on est joueur professionnel ou on ne l’est pas. Sans pathos ni rien, juste de la lumière et de la musique. Cette rose est un motif de réconciliation, motif qui traverse d’ailleurs toute l’oeuvre de Hegel. Le présent, qu’est-ce que c’est ? La guerre. La Croix du Présent, c’est le combat, le souci, le difficile cheminement à travers les obstacles. La Croix, quoi. Et la Croix ce n’est pas rien, on en parle encore, c’est lourd à porter. La rose, c’est ce qui doit guider malgré le supplice du présent. Il n’y a qu’à consulter l’actualité pour savoir de quoi je parle. Donc, l’existence humaine doit être menée par une raison qui dépassera la raison au sens habituel, et je n’en veux pour preuve que le texte des Illuminations de Rimbaud, qui s’appelle « À une raison ». Je voudrais le reproduire ici intégralement cette fois. Le voici :

« Un coup de ton doigt sur le tambour décharge tous les sons et commence la nouvelle harmonie.
Un pas de toi c’est la levée des nouveaux hommes et leur en-marche.
Ta tête se détourne : le nouvel amour ! Ta tête se retourne, - le nouvel amour !
"Change nos lots, crible les fléaux, à commencer par le temps", te chantent ces enfants. "Élève n’importe où la substance de nos fortunes et de nos vœux", on t’en prie.
Arrivée de toujours, qui t’en iras partout. »
La nouvelle Raison (révolutionnaire) est donc susceptible d’être appelée « le nouvel amour ». Et cette magnifique conclusion : « Arrivée de toujours, qui t’en iras partout. »

Il est clair que c’est là une définition de l’amour tout à fait subversive que donne Rimbaud, révolutionnaire lui-même (Verlaine ne comprend rien à ce que Rimbaud dit là) : « arrivée de toujours », c’est le temps, et « tu t’en iras partout », c’est l’espace. L’espace-temps. Nous sommes là ou pas. C’est cela la nouvelle raison, la rose de la Raison. Comprise comme ça, ce n’est évidemment pas la raison raisonnable, mais la raison en tant que nouvel amour. Et « arrivée de toujours qui t’en iras partout », c’est la définition même de ce que j’appelle la Révolution française. C’est en français que ça a été écrit, par un poète, Rimbaud. Hegel, lui, est le seul penseur qui a compris la Révolution française parce qu’il a saisi qu’il s’agissait avant tout de la mort, qu’un peuple tout entier avait compris la signification formidable de la mort. C’est d’ailleurs l’exergue qu’a choisi, si étrangement, Bataille pour sa préface à Madame Edwarda : « La mort est ce qu’il y a de plus terrible, et maintenir l’œuvre de la mort est ce qui demande la plus grande force. » Oui, supporter, éprouver, être en face de la mort, c’est ce qui donne la plus grande force. Cette force pousse à quoi ? À la rose de la Raison. Et à un nouvel amour qu’il faut redéfinir, parce que l’amour c’est bourré de clichés, de névroses, d’utilisations falsifiées etc. Rien de plus falsifiée que la notion d’amour, dont Céline a eu raison de dire que c’était, le plus souvent, « l’infini mis à la portée des caniches. » En général. Il n’y a qu’à ouvrir la presse et nous en avons l’illustration constante, dans Paris-Match par exemple, ou dans d’autres magazines du même esprit.

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« Drame » et Roland Barthes

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Revenons à Drame. J’ai ouvert, avec ce livre, quelque chose que j’ai appelé ma tentative d’amener l’écri¬ture à l’écriture en tant qu’écriture, ce qui suppose une corporéité spéciale, que Barthes a comprise. Je n’ai jamais oublié le rêve qui a déclenché l’écriture de Drame. « Tard, le soir, il arrive devant la porte de la bibliothèque. Il entre (mais non par la porte, à tra¬vers le mur, plutôt par l’un des livres de l’étagère la plus haute dont, maintenant qu’il est parvenu au sol, il ne peut déchiffrer ni le titre ni l’auteur). Or ce qui le frappe d’emblée, c’est de l’autre côté de la fenêtre ouverte, et sans que l’intérieur en soit modi¬fié, une tempête silencieuse dans un jardin jamais vu. Vent, éclairs, pluie, feuillages arrachés, branches tordues, rien ne manque. Bon, se dit-il, cela change l’air, Après quoi, il se retrouve à l’horizontale, un peu au-dessus de la table. Ou encore, il est en même temps étendu, mort, à la place que je viens d’indi¬quer, et - comme dans une image projetée - légè¬rement au-dessus de lui-même. Le jeu consiste en ce que le second personnage (vivant et imaginaire) tourmente le cadavre réel. Grimaces, gifles, pin¬cements. Le vivant (qu’il se sent être) n’ignore pas qu’il n’a rien à craindre. Le mort (qu’il sait être de la même façon) ne saurait bouger puisqu’il est mort et, en tout cas, ne saurait atteindre une image fic¬tive. La situation est réconfortante, d’ailleurs le calme est revenu dans le jardin. Or, sans transition, l’impossible arrive, la logique est niée d’un trait : le mort vient de prendre le faux vivant par la main, il se dresse, l’entraîne, la peur envahit comme visible¬ment l’image qui s’anéantit. »

Julia Kristeva / Barthes

Un rêve peut traverser les années. Il reste un avertissement, un conseil, une menace, une question. Ces deux corps, le vivant et le mort, sont sans doute à l’origine de toute mon écriture. Voici un texte de Roland Barthes que, je voudrais faire entrer ici. Il date de 1965. C’était l’année de la parution de Drame.

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« C’est un langage furtif, un langage de biais, c’est un temps de parole très court puisqu’il doit coïncider avec la véritable spontanéité, celle d’avoir toute attitude et tout choix. Drame est la description de ce temps. Drame est aussi la remontée vers un âge d’or, celui de la conscience et de la parole. Ce temps est celui du corps qui s’éveille encore neuf, neutre, intouché par la remémoration. La signification lui apparaît, le rêve ici apparaît, le rêve adamique du corps. total marqué à l’aube de notre modernité par le cri de Kierkegaard "Mais donnez-moi un corps !" C’est la division de l’être en corps, âme, cœur, esprit, qui fonde la personne et le langage négatif qui lui est attaché. Le corps total est impersonnel. L’identité est comme un oiseau de proie qui plane très haut au-dessus d’un sommeil où nous vaquons en paix à notre vraie vie, à notre histoire véritable. Quand nous nous éveillons, l’oiseau fonce vers nous, et c’est en somme pendant sa descente avant qu’il nous ait touché qu’il faut le prendre de vitesse et parler. L’éveil sollersien est un temps complexe à la fois très long et très court. C’est un éveil naissant. Un éveil dont la naissance dure. Étymologiquement, l’éveil est une surveillance, ici aussi l’éveil est une activité de la conscience que ni la nuit ni le jour n’oblitèrent et qui gère par la parole soulignée les trésors du som¬meil, du souvenir non situé de la vision. »

Barthes a écrit ces mots en 1965. Il a tout de suite eu la compréhension que quelque chose de l’ordre mystique était au travail dans Drame, non pas mystique dans le sens courant, mais plutôt dans le sens d’une action métaphysique.

Crédit :
phippesollers.net
Mercure de France


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Critique : "Le futur immédiat par Philippe Sollers, écrivain" .
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Par Fabien Ribery

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Fabien Ribery sait ce qu’il doit à Philippe Sollers et le rappelle avant de nous offrir son analyse d’ « Agent secret » sur son blog « Intervalle », , un site inspiré, de qualité, que nous avons toujours plaisir à visiter.

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Edouard Manet, Le déjeuner dans l’atelier, 1868 (le personnage au canotier est le fils adultérin de Manet, Léon Koelin-Leenhoff)
ZOOM : cliquer l’image
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Je pense souvent à cette phrase que m’a confiée un jour Catherine Millot : « Philippe Sollers est quelqu’un qui rend libre. »

Lisant l’auteur des Folies françaises depuis mes quinze ans, ayant en outre découvert par la suite la plupart des numéros des revues Tel Quel et L’Infini, je ne peux que souscrire à un tel jugement, auquel je joins une gratitude immense envers un écrivain ayant su m’orienter de façon taoïste dans bien des circonstances.

« Le bonheur est possible. Je répète. Le bonheur est possible. » / « Pleinement engagé, pleinement à l’écart. »

Agent secret, que publie Colette Fellous, est un livre de nature autobiographique magnifique, parce que croyant au futur immédiat, aux exceptions qui viendront, et se présentant comme un hommage aux quelques êtres ayant formé une constellation de faveur : Dominique Rolin, Julia Kristeva, leur fils David, un père industriel philosophe, une mère affranchie très drôle, une tante se prénommant Laure (climat incestueux), des femmes réfractaires (Eugenia San Miguel), des écrivains et penseurs majeurs – Mauriac, Malraux, Bataille, Breton, Ponge, Barthes, Guyotat, Derrida, Lacan.

« Contrairement aux apparences, je suis plutôt un homme sauvage, fleurs, papillons, arbres, îles. Ma vie est dans les marais, les vignes, les vagues. Qu’importe ici qui dit je. Ecrire à la main, nager dans l’encre bleue, voir le liquide s’écouler sont des expériences fondamentales. »

Ce livre à la facture testamentaire (celle du Temps enchanté) et pariant sur la joie ne revient sur le passé que pour transmettre à ses lecteurs des gestes libres, des noms majeurs, des méditations solides pour traverser une époque de plus en plus infernale.

Pas de cynisme, aucune arrogance, mais une amitié envers la vie clandestine, le paradis de la nature, les lecteurs qui comprendront.
Importance de trouver les lieux et les formules : une maison d’enfance (transformée en supermarché) dans la proximité de Bordeaux, l’île de Ré (maison du Martray, cimetière d’Ars-en-Ré), Venise (hôtel La Calcina sur les Zattere), le studio de travail à Paris, le petit bureau chez Gallimard partagé avec Marcelin Pleynet.

Catholique profond, et très spécial, Philippe Sollers a traversé ses suicides. Sauvé, il est mort, il est vivant, Athéna le protège.
Intuition majeure : Polemos, père de toutes choses, dirige le monde. Voilà la base, l’axiome, nécessitant d’être stratège, joueur, et comme Ulysse homme aux mille tours.

Art de la guerre, art de la joie, guerre du goût, mémoire.
Tout commence par l’irruption des Allemands du Reich, et la maladie – crises d’asthme, otites, alitements -, tout se poursuit en musique (jazz américain) et sensualité – gammes amoureuses.
Courir, faire du vélo, jouer au tennis, écrire.

Ecouter : les oiseaux, Mozart, Haydn, la messe aux Gesuati vers 6h du soir.
Boire (du Bordeaux), lire (Homère, Dante, Shakespeare, Hölderlin, _ Rimbaud, Nietzsche, Proust, Joyce, Céline, Debord), savoir vivre.
Connaître la Bible à fond, et ne jamais ignorer la Chine.
S’accorder à l’ivresse des rencontres de singularités.
[…]

La suite sur le blog de Fabien Ribery

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5 Messages

  • Viktor Kirtov | 1er avril 2021 - 10:54 1

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    par Jean-Marie Planes
    Sud Ouest le 31/03/2021

    Philippe Sollers se retourne vers son enfance bordelaise et recense les rencontres, les lieux, les admirations, et les bonheurs d’une vie. Superbe

    La collection Traits et portraits, que dirige Colette Fellous, a pour principe le dialogue. Elle met en rapport un texte à caractère autobiographique et des images, évitant, grâce à une sélection et une répartition subtiles, la redondance, la paraphrase. Il faut croire que ce parti – contrairement à l’idée répandue qu’une illustration affaiblit toujours l’écrit – n’est pas sans fécondité. Considérez la liste des auteurs qui se sont pliés aux exigences d’un tel genre : Le Clézio, J.-B.Pontalis, Roger Grenier, d’autres, et tout récemment Chantal Thomas. Ils ont publié, à cette enseigne, leur meilleur livre.


  • Thelonious | 12 mars 2021 - 22:51 3

    J’ouvre Agent secret, nouvel autoportrait du joueur Sollers en totale roue libre et c’est tout de suite sa voix si essentielle, au rendez-vous à chaque livre. Toujours le même disque ? Mais quel disque ! Pour qui lit Sollers, les propos sont connus, lus ailleurs déjà. "Voyez -vous, je n’aime que la répétition", "Pensez tout ce que vous voulez, mais la joie avant tout", "je répète, me contredis, et me répète encore, aucune importance", "Je n’aime que la répétition, c’est-à-dire Jean -Sébastien Bach". Philippe Sollers ou l’Eternel Retour des mêmes phrases. Discours Parfait !

    Au même moment, un autre joueur, le pongiste et échéphile Roland Jaccard publie sur son blog un texte intitulé "Ma mère, musicienne, est morte". C’est une référence à l’écrivain Louis Wolfson et à la mère de celui-ci, une certaine Rose, qui employa toute sa vie beaucoup d’énergie à faire interner son écrivain de fils. La relation est maladive et Rose meurt d’un cancer. Wolfson devient ensuite millionnaire grâce à un jeu de loterie ce qui laisse Jaccard songeur, qui pense que la mort de Rose a pu porter chance à son fils : "si seulement cela avait pu m’arriver", rêve-t-il...
    Le lendemain de la mort de sa mère, l’helvète nihiliste, branché sur "Le monde d’avant", gagne son dernier tournoi de ping-pong ; ensuite rideau...Echec et mat !
    Sollers : "On est joueur professionnel ou on ne l’est pas".
    "Il faut traverser sa mère, si elle s’y prête bien sûr. Là je n’ai qu’à me louer de la mienne qui, avec beaucoup d’humour m’a facilité le passage de la mer Rouge, à pieds secs".
    Et encore, "Qu’est-ce qu’un écrivain qui gagne ? C’est celui qui arrive à remplacer le père de sa mère. Je suis devenu le père de ma mère".
    C’est une autre Rose que Sollers respire, pas celle de Wolfson-Jaccard, mais la Rose de la Raison dans la Croix du Présent.
    Pourquoi la Rose ? "Le souci, les difficultés se traversent et la Rose est ce qui guide malgré le supplice du présent".
    Voici donc la Rose et son pourquoi...
    Enfin, un message aux résistants, puisque c’est encore et toujours la guerre : " Le bonheur est possible. Je répète. Le bonheur est possible".


  • Viktor Kirtov | 11 mars 2021 - 11:40 4

    - 10 MARS 2021· PAR SAUL SANTANGELO

    · BLOG : « C’EST UNE AUTRE CHANSON »

    Une paire de Sollers, comme un joyau... (Petit exercice d’admiration à la suite de la parution de deux livres de Philippe Sollers– )

    Après « Désir » l’an passé, Philippe Sollers, de son nom de naissance Philippe Joyaux, publie son autobiographie intitulée « Agent secret » dans la nouvelle collection « Traits et Portraits » au Mercure de France. Un très bel objet, avec sa couverture prune, un lettrage de Pierre Alechinsky, un papier presque glacé et un bon nombre d’illustrations. Dès le début, le ton est donné. Ce sera heureux ! « Qu’importe qui dit je », ce sera une belle histoire. Mais c’est parce que c’était vraiment une belle histoire. Où est Sollers ? Il faut du culot pour publier, à 85 ans, une autobiographie alors que l’on a écrit des dizaines de livres bâtis sur l’opposition et la complémentarité vie / œuvre et que l’on n’a jamais cessé d’inventer sa vie à partir de l’oeuvre et le contraire autant que l’inverse. Non, pas du culot ! Une malice d’enfant jamais éteinte. Et un cœur intelligent.

    Sollers ? Un grand bourgeois, un écrivain avant-gardiste puis grand-public, un révolutionnaire, un maoïste, un grand éditeur, un journaliste, un critique, un créateur de revues qui comptent, un poète, un amant, un mari, un voyageur, un grand catholique etc. Et, pourtant, le goût du secret cultivé à l’envie. Une belle idée que cette autobiographie qui prouvera, encore une fois, on le sait avant de commencer, que les romans recèlent plus de vérité que les bios. La chanson douce d’un vieil homme qui a tout fait, tout connu, tout lu, tout écrit. Ce sera heureux !

    Où en étions-nous avec Sollers ? Je l’ai lu. Pas tout, mais un bon nombre d’ouvrages. Même le premier roman, de facture classique, « une curieuse Solitude » plus ou moins renié par la suite. J’ai séché sur la complexité de « Drame » et du « Parc » mais, depuis que j’ai lu « Femmes », au style inspiré par celui de Céline, je suis fidèle. Il faut se souvenir de l’exergue de « Femmes. » Une phrase d’Hémingway. « Né mâle et célibataire. Possède sa propre machine à écrire et sait s’en servir. » Les mots sont importants, nous dirait-il. Une machine à écrire. Qu’est ce que c’est qu’une machine à écrire ? Une machine désirante, comme chez Deleuze ? Avec un devenir-écrivain total. Bien sûr que Sollers est une machine à écrire. Une machine sacrément performante, avec la régularité d’un métronome. Une petite musique qui ne s’est jamais éteinte. Car l’homme parle comme il écrit. C’est ça un écrivain à l’ancienne. Quelqu’un de tout entier consacré à l’écriture. Les mêmes mots, les mêmes envolées, en parole que dans les textes. Les mêmes jeux de mots, les mêmes digressions. Sollers une machine ? Avec Deleuze. Il préfère Barthes et Lacan mais Deleuze avait compris tous ceux-là. Machine désirante, célibataire, échappée de la guerre mondiale, de la guerre familiale, de la guerre des sexes. Une machine bien sûr. Bien avant l’invention de l’intelligence artificielle. « Mâle et célibataire », quésako ? Les mots sont importants. Il faut regarder à côté mais lire de face. Une machine célibataire bien sûr ! Lui qui a simulé la schizophrénie pour échapper à la Guerre d’Algérie.

    Après la lecture de « Femmes » à vingt ans, je l’ai suivi presque chaque année, en le retrouvant parfois dans son rôle de ludion à la télévision. C’est un des rares écrivains à ne pas être ridicule à la télé. Parce qu’il a compris avec les penseurs taoïstes le caché / montré. M’as-tu-vu ? Mais non puisque ce n’était pas moi ! Entendez-vous ma voix ? Mais non, ce n’est que la chanson dont la musique est dans mes romans !

    Pourquoi Sollers ? Nous sommes en 2021 et l’homme a 85 ans. Passé de mode, vraiment ? Il suffit de jeter un œil au livret, petit mais fourni, destiné à la publicité des livres de la seule grande librairie de mes campagnes, paru à l’occasion des fêtes de fin d’année. Et il suffit de prendre les courts résumés au hasard, dans la section « littérature française »

    « Thésée part vers l’Est, avec ses boîtes de documents et ses enfants. Fuite en avant pour ne pas regarder son passé (…) il découvre un passé difficile à accepter. La réalité sombre de ses ancêtres se révèle »

    Un autre, sur la même page... « Vita, vieille femme solitaire (…) retrouver les traces de ce père perdu. »

    Un autre encore, toujours sur la même page, mais mis en évidence par un fond rouge... « Dans les paroles alternées du père et de sa fille (…) sans ce père, ce ’géant’. Absence qui rend l’exil intérieur plus fort. »

    Tournons la page... « Alors qu’elle vient de perdre son père (…) un père plein de contradictions, alcoolique (…) un hommage émouvant et joyeux à ce père qu’elle aimait. »

    Encore un autre, à côté, lui aussi mis en évidence par un fond rouge... « Nous sommes dans les années 70 (…) Son père vient de mourir (….) un road-trip. »

    Un dernier, sur la page des plus recommandés.. « Au hameau des trois Filles Seules vivent (…) On prépare les 40 ans de Marion. Mais tout ne va pas se dérouler comme on le pensait. »

    Et d’autres encore. Des pères de toutes sortes ! Des collabos, des tristes, des violeurs incestueux, des alcooliques, des salauds ordinaires.... Des pères, encore des pères, le plus souvent morts et des filles, encore des filles, le plus souvent déjà fanées... On n’en sort plus !

    Pourquoi Sollers ? Mais parce qu’il n’a jamais cédé face aux modes des époques qu’il a traversées. Qu’il a toujours été à-côté, sans jamais se fourvoyer. Et que cette pléthore de petits romans familiaux merdiques commencent à emmerder sérieusement les lecteurs un peu plus exigeants ! Pourquoi Sollers en 2021 ? Mais parce qu’il est toujours l’un des seuls à tenir ses promesses. Et à honorer le contrat qu’il a passé avec ses lecteurs voilà plus de Quarante ans !

    Il y a eu « la Fête à Venise », « une Vie divine », « la Guerre du Goût » - important le goût ! Et la guerre bien sûr ! - « les Folies françaises » et puis d’autres très bons livres encore avec « Passion fixe », « Studio » et « l’Etoile des Amants. » A chaque fois le plaisir de retrouver un style singulier entre tous et une forme sans cesse améliorée. Un système ?

    Et puis il y eut « les Lettres à Dominique Rolin. » Et la révélation au grand-public qu’il avait une maîtresse depuis trente ans. Une maîtresse de 20 ans plus âgée, avec laquelle il n’a cessé de nourrir une correspondance fournie. Vous me croyiez papiste et bon père de famille ? Je le suis. Mais je suis bien plus encore ! Un adolescent vous dis-je ! Seize ans à tout jamais, comme Rimbaud ! Le Chiffre 3 bien sûr. Les Grecs, les Chinois et le catholicisme. Tout à la fois, mélangé et trié sur le petit tamis de l’orpailleur pour n’en garder que l’essentiel. Vous le croyiez agenouillé devant Jean-Paul II mais, au même moment, on l’a vu se baigner aux côtés de Mao dans le Fleuve Bleu ! N’y-a-t-il pas dans son œuvre un « Portrait du Joueur » ? Jouer avec les mots, les identités, les références et avec l’amour. Sur une machine à écrire, sans écran, sans possibilité de se tromper, comme en calligraphie. Et toucher du doigt l’infini...

    « L’Infini » c’est le nom de la revue qu’il continue à diriger aux éditions Gallimard. Mais, avant, il y a eu « Tel Quel », aux éditions du Seuil. Une drôle d’histoire que celle-là ; lointaine déjà. Mais qui a compté dans l’histoire littéraire du XXème siècle. Où ai-je lu l’histoire de la création de « Tel Quel » ? Je ne sais plus. Dans Nabe ? Et la course folle d’Edern-Hallier, déjà fou, pour essayer de lever des fonds en quelques jours à travers Paris. Pour réunir des auteurs qui n’ont en commun que l’amour des lettres et qui, sous d’autres latitudes, se seraient écharpés. Un adolescent vous dis-je ! Julia Kristeva, sa psychanalyste de femme l’a d’ailleurs théorisé. Dans « les nouvelles Maladies de l’Âme », elle publie un texte très directement inspiré par son mari d’écrivain pour nous dire que l’écrivain était celui qui avait conservé intacte sa part adolescente pour écrire son Idéal du Moi. Un beau texte. Et une belle femme. Ils ne sont pas si courants les psychanalystes qui osent employer le mot « âme. » Les mots sont importants. Un adolescent vous dis-je !

    Ludion. Action, réaction. Allumez les lampions, Monsieur Sollers donne un nouveau bal ! Le prochain sera encore meilleur que le dernier. Ce sera encore la fête à Venise. Un petit bal secret, Yalta de la poésie dans lequel il tient tous les rôles, accompagné par des nymphes sorties d’un tableau de Poussin. Nous danserons sur du Mozart et chanterons sur du Bach. A moins que l’on ne retienne des Variations Goldberg que les petits ahanements de Glenn Gould. Grognements sacrés de plaisir sublime. Torpeur de laquelle on sort grâce à la légèreté d’une bouteille de Sauternes – un vin de chez lui. C’est toujours le même bal joyeux. Eternel retour du même. Sollers nous promet un prochain roman ; on le lira avec beaucoup de joie simple et de plaisir raffiné.

    Ouvrons « Agent secret », l’autobiographie parue il y a quelques jours. Sollers nous dit : c’est la guerre, il faut résister, cultiver sa vie en secret, dissimuler ses intentions profondes, apparaître quand personne ne regarde et ne montrer que ce qu’ils croient obscènes mais qu’on sait chargé de pureté. C’est la guerre. Résistons avec lui en célébrant l’écriture, la lecture et l’amour des femmes et des singularités sous toutes ses formes. Caché / montré. Dedans / dehors. Lire et écrire. Parler beaucoup pour ne dire que l’essentiel. Sollers croit toujours en la jeunesse. Ce vieux monsieur est un jeune homme. Un jeune homme en guerre contre les scléroses, les mollesses, toutes les vulgarités, toutes le vérités mensongères de l’époque.

    « Reprenons. Lorsque que quelque chose d’essentiel se passe, le temps est là et a tendance, en suivant la courbure de l’espace-temps, à devenir infini. » Qu’est ce que ça veut dire ? Il faut relire. Même les mêmes phrases. A l’infini. Ecrire debout pour ne pas tomber de sa chaise en se faisant tirer dans le dos. Ils veulent jouer au casse-pattes ? Changer de pied d’appel et sauter sur une nouvelle idée. Ils essaient de me faire tourner sur moi-même ? Je m’accroupis en dansant la capucine et je rebondis en une polka endiablée. C’est le temps de l’écriture....

    Dans « le Figaro », le week-end dernier, cette phrase de Renan : « Nous vivons de l’ombre d’une ombre. De quoi vivra-t-on après nous ? » Qu’il est plaisant d’écrire dans l’ombre de Sollers – lui qui étincelle dans l’ombre des grands pour éclairer nos ténèbres. Un passeur, aussi, bien sûr. Assumé comme tel !

    On me dit qu’il est indécent de célébrer le talent des autres. On me répète que je me fourvoie, voire que je m’humilie, dans mes petits exercices d’admiration de quelques contemporains. C’est qu’ils ne sont plus si nombreux, ceux que j’admire. Alors j’encense, et même en chansons ! Je réponds qu’il n’y a pas péché plus mortel que la médisance envieuse des scribouillards patentés. Il y a quelques semaines, j’ai reçu une nouvelle réponse négative suite à l’envoi d’un manuscrit dans une grande maison d’édition. Une lettre-type, avec ces quelques mots à la main : « Tout cela ressemble à un journal égoïste loin de ce que nous publions... Désolée Sollers a un enfant trisomique la maman est Julia Kristeva. » Je n’ai pas compris. Puis j’ai cru qu’elle parlait de moi. En lisant « Agent secret » j’ai compris qu’elle avait eu vent bien avant moi de la parution de ce livre. Mais il n’est pas du tout trisomique. Pourquoi cette rage dans la mesquinerie de la part de ces gens-là ? Je ne serai sans doute jamais un écrivain français. Puisqu’ils ne savent que détruire ce que les autres ont fait mieux qu’eux. Sollers a célébré les grands vivants et les grands morts durant toute sa vie. Aussi bien Lacan que Freud. Aussi bien Barthes que Nietzsche. Aussi bien Rimbaud que Rimbaud...

    Un nouveau coup d’oeil sur le prospectus de ma librairie préférée (puisqu’elle est la seule...) A la page « Musique » à présent. « Pour la première fois dans un même ouvrage 250 disques sélectionnés par vingt journalistes pour le plus grand bonheur des mélomanes (…) Cinq grandes parties le composent : musique ancienne, baroque, classique, romantique et postromantique, XX è siècle. » Nos contemporains n’ont de cesse de vouloir tout savoir sur tout en fournissant le moindre effort. Encore l’influence de l’Internet. Pourquoi vouloir en savoir plus sur 250 disques de grande musique si l’on est incapable d’écouter les « Variations Goldberg » et de comprendre ce que sont des variations ?

    A côté, sur la même page ; Billie Eilish. La biographie non officielle. « Billie Elish est un phénomène : catapultée sur le devant de la scène à quatorze ans, elle triomphe en 2020 , alors âgée de dix-huit ans, en remportant cinq Grammy dans la même soirée ! (…) Ce livre retrace l’incroyable parcours de la nouvelle icône de la pop. » ça laisse sans voix. Surtout lorsque l’on a eu la curiosité d’aller voir un peu du côté des textes de la star. Un délire mêlant le rap féminin à la théorie du genre...

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    Agent secret

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    Ouvrons « Agent secret. » La voix est là. Vieillissante mais toujours fidèle à elle-même, dès les premières lignes. C’est important les premières lignes. « Contrairement aux apparences, je suis plutôt un homme sauvage, fleurs, papillons, arbres, îles. » Un homme sauvage ? Lui, le parangon de l’homme civilisé du XX è Siècle ? Un homme sauvage, vraiment ? Moi je suis un home sauvage.. Mais Sollers ?! C’est qu’il a ses cachettes, ses cabanes de trappeurs où boire avec des femmes élégantes friandes de culture classique au clair de lune, sa maison de Ré héritée de ses parents, qui dirigeaient une usine à Bordeaux avant la faillite, dans laquelle il cuisine peut-être des entrecôtes aux cèpes, accompagnées de Haut-Brion. Une fois de plus, il convoque la mort pour la regarder en face et mieux la nier.

    « Reprenons. Lorsque quelque chose d’essentiel se passe, le temps est là et a tendance, en suivant la courbure de l’espace-temps, à devenir infini. » L’infini encore. Comme si c’était la création dont il est le plus fier. Cette revue qui a succédé à « Tel Quel. » Au sommaire du premier numéro, en hiver 1983 ; Philippe Sollers bien sûr, Norman Mailer, Julia Kristeva, Alain Finkielkraut, René Girard, Marcelin Pleynet, Pierre Guyotat et d’autres. Excusez du peu ! L’infini appétit de textes peut-il conduire à l’éternité ? L’éternité ? Mais elle s’en est allée avec le soleil. Ne l’a-t-il pas souvent répété ? L’infini ; une notion du XXè siècle. Le concept survivra-t-il à la révolution numérique ? Internet ce n’est pas l’infini, c’est le « tout tout de suite » hurlé et matraqué par deux générations analphabètes. Pour comprendre le concept d’infini, dans le Vieux Monde, on lisait les philosophes en finissant par Heidegger. Et l’on tentait d’apporter sa petite pierre à l’infini de la littérature. Pour faire entendre sa voix dans la masse informe des textes de l’Internet, que faut-il lire ? Que fallait-il dire ? Et à qui ? Les mots sont importants. « La courbure de l’espace-temps » ? Et si c’était la courbure d’un dos féminin entrevu au coin d’une rue il y a dix ans ? Qui sait ? L’infinie profondeur du regard vairon de sa mère dans la grande maison de Bordeaux ? L’infinie tendresse des femmes pour les hommes joyeux ? L’infinie douleur de la perte ?

    Sollers en agent secret. Comme un enfant. Toujours le cache-cache, comme le dimanche dans l’usine familiale – deux sœurs qui ont épousé deux frères – lorsque ses sœurs aînées le cherchaient. Le cache-cache avec Julia et Dominique, encore. Le cache-cache des narrateurs de ses romans. Un enfant vous dis-je !

    Plus loin : « C’est ce que je fais, une défense constante. Pour rester libre. Personne ne sait tout ce que je fais, et ce que je suis en train d’écrire. Ma façon de lire, organisée militairement échappe absolument à tout contrôle. » Que dire de ça à l’époque du triomphe de Google ? On aurait aimé en savoir plus sur cette façon de lire, nous qui sommes toute la journée sur nos écrans, aidés par des logiciels dans l’écriture. Mais la question c’est surtout : que lire ?

    Et bien, toujours les mêmes. Les Grecs, les Lumières et les suivants. Poètes et philosophes. Voltaire, Nietzsche, Rimbaud etc. Sans oublier les Bordelais : Montaigne et Montesquieu. Les mêmes, mais à sa propre façon. Singulière. Continuer à s’abreuver aux courants des Classiques et tenter de les éclairer à l’aune des techniques du XXI è siècle. C’est cela, lire Sollers. Reprendre goût à la lecture, au jeu, aux jeux d’écriture et croire à nouveau au cache-cache amoureux. Ce sera une histoire heureuse ! Dire que c’est un homme de 85 ans qui a l’exclusivité de ce discours en France en dit long sur l’époque ! Sollers ne mourra pas : je m’en souviendrai !

    Retour au petit livret publicitaire de ma librairie. A la page « Découvrir le monde. » Un livre intitulé « Marcher à Kerguelen » Est-ce toujours de la République en marche, si loin de l’hexagone ? Deux livres sur les sites industriels et les villages remarquables de France. « Une nouvelle collection déclinée des fameux guides verts. » Rien de nouveau sous le soleil. Et au soleil, qu’y-a-t-il de nouveau dans le déferlement continu du tourismes de masse ? Et puis un livre dans l’air du temps, sur la même page. « Prendre la Route – dans un savant équilibre entre voyage et travail, ces nomades modernes sont en quête de nouvelles expériences et cultures. Prendre la route est une passionnante collection d’aventures au grand air menées par ceux qui ont laissé derrière eux le train. » En quête de nouvelles expériences, vraiment ? Nomades modernes ? Mais qui sont ces gens ? Mais tout le monde. Tous ces gens qui passent des heures, au bureau ou dans la voiture, à préparer leurs prochaines vacances au bout du monde en surfant sur leurs smartphones. Prendre la route ? Mais n’est-elle pas encombrée depuis fort longtemps ! Et même pas un livre sur l’Italie pour faire plaisir à Sollers ! Des singularités et des rencontres singulières ; voilà ce qu’a recherché l’auteur depuis toujours. Sollers est vivant et ils sont déjà morts !
    [...]

    Il y a quelques semaines, mon petit-neveu âgé de cinq ans m’a offert un autre dessin, encouragé par le fait que le précédent était accroché au mur de mon appartement. Des vagues et deux inscriptions : « Arme – Armel. » Quoi de plus révolutionnaire que cette arme-Armel ? Quelle réflexion philosophique saurait construire autant de puissance que ces deux mots inscrits l’un à la suite de l’autre ? Je ne peux que lui souhaiter un monde où les écrivains comme Sollers résisteront encore aux vendeurs de Mort.

    Et quelle plus belle fin pour une autobiographie écrite à 85 ans que ce « Ëtre un oiseau. » ?

    Santangelo

    Crédit :· Sur un Air de Campagne (207)


  • Viktor Kirtov | 8 mars 2021 - 21:31 5

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    Ajout critique de Fabien Ribery :
    "Le futur immédiat par Philippe Sollers, écrivain"
    VOIR ICI