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Capitalisme communiste, par Giorgio Agamben

D 25 janvier 2021     C 0 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   

Capitalisme communiste

Le capitalisme qui se consolide à l’échelle planétaire n’est pas le capitalisme tel qu’il a pris en Occident : c’est plutôt le capitalisme dans sa variante communiste, qui a combiné un développement extrêmement rapide de la production avec un régime politique totalitaire. Telle est la signification historique du rôle de premier plan que la Chine assume non seulement dans l’économie au sens strict, mais aussi, comme l’utilisation politique de la pandémie l’a éloquemment montré, en tant que paradigme de la gouvernance humaine. Que les régimes établis dans les soi-disant pays communistes étaient une forme particulière de capitalisme, particulièrement adaptée aux pays économiquement arriérés et classée pour cela comme capitalisme d’État, était parfaitement connu de ceux qui savent lire l’histoire ; tout à fait inattendu était que cette forme de capitalisme, qui semblait avoir épuisé sa tâche et donc obsolète, était plutôt destiné à devenir, dans une configuration technologiquement actualisée, le principe dominant dans la phase actuelle du capitalisme mondialisé. En effet, il est possible qu’aujourd’hui nous assistions à un conflit entre le capitalisme occidental, qui a coexisté avec l’État de droit et les démocraties bourgeoises, et le nouveau capitalisme communiste, dont ce dernier semble sortir victorieux. Ce qui est certain, cependant, c’est que le nouveau régime unira en lui-même l’aspect le plus inhumain du capitalisme avec le plus atroce du communisme étatiste, combinant l’extrême aliénation des relations entre les hommes avec un contrôle social sans précédent.

Giorgio Agamben, 15 décembre 2020.

Capitalismo comunista

Il capitalismo che si sta consolidando su scala planetaria non è il capitalismo nella forma che aveva assunto in occidente : è, piuttosto, il capitalismo nella sua variante comunista, che univa uno sviluppo estremamente rapido della produzione con un regime politico totalitario. Questo è il significato storico del ruolo di guida che sta assumendo la Cina non solo nell’economia in senso stretto, ma anche, come l’uso politico della pandemia ha mostrato eloquentemente, come paradigma di governo degli uomini. Che i regimi istaurati nei paesi sedicenti comunisti fossero una particolare forma di capitalismo, specialmente adatta ai paesi economicamente arretrati e rubricata per questo come capitalismo di Stato, era perfettamente noto a chi sa leggere la storia ; del tutto inatteso era invece che questa forma di capitalismo, che sembrava aver esaurito il suo compito e quindi obsoleta, fosse invece destinata a diventare, in una configurazione tecnologicamente aggiornata, il principio dominante nella fase attuale del capitalismo globalizzato. È possibile, infatti, che noi stiamo oggi assistendo a un conflitto fra il capitalismo occidentale, che conviveva con lo stato di diritto e le democrazie borghesi e il nuovo capitalismo comunista, dal quale quest’ultimo sembra uscire vittorioso. Quel che è certo, tuttavia, è che il nuovo regime unirà in sé l’aspetto più disumano del capitalismo con quello più atroce del comunismo statalista, coniugando l’estrema alienazione dei rapporti fra gli uomini con un controllo sociale senza precedenti.

Quodlibet

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Voilà ce que j’écrivais le 4 juin 2009 dans mon article sur le printemps de Pékin (celui de 1989).

« A l’heure où la Chine s’affirme comme une puissance économique incontournable, sa conception du développement et du "management" — capitalisme débridé + politique autoritaire — pourrait en séduire et en faire rêver plus d’un parmi les classes dirigeantes occidentales. La Chine contemporaine n’est-elle pas, finalement, une des meilleures illustrations de cette fusion entre le spectaculaire diffus et le spectaculaire concentré que Guy Debord décrit dans ses Commentaires sur la société du spectacle sous le nom de "spectaculaire intégré" — et dont "l’américanisation du monde", contrairement à ce que pensait Debord, ne serait peut-être pas le dernier mot ?
Quand Debord écrit en 1988 : « La société modernisée jusqu’au stade du spectaculaire intégré se caractérise par l’effet combiné de cinq traits principaux, qui sont : le renouvellement technologique incessant ; la fusion économico-étatique ; le secret généralisé ; le faux sans réplique ; un présent perpétuel. », n’annonce-t-il pas autant l’avenir possible d’un modèle chinois de globalisation qu’il ne décrit le présent des sociétés capitalistes occidentales ? Voilà une hypothèse que certains hérauts de la "démocratie" planétaire — nouveaux candides — n’ont peut-être pas suffisamment pesée. Laissons la question ouverte.

En 1998, Sollers écrivait à propos « du grand jeu de masques du communisme chinois » : « Ce dernier est toujours là, mais dans quel état : celui du cynisme policier technique, conforté par des démocraties affairistes malgré le massacre à ciel ouvert de Tiananmen en 1989. La Chine sera-t-elle, un jour, vraiment démocratique ? Sans doute, mais quand ? Leys écrit : "Il ne fait aucun doute qu’à long terme les Chinois sauront finalement avaler, digérer et totalement transformer le communisme peut-être en conserveront-ils le nom par une sorte de conservatisme purement formel et quelque peu ironique." Le processus est en cours, mais il faut sans cesse y revenir, insister... »

Les régimes passent... Les Chinois demeurent. »

LIRE : Chinamerica ou Chimérica ?

A.G.