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Le Nobel de littérature 2017 à Kazuo Ishiguro

D 6 octobre 2017     C 0 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   

L’auteur des "Vestiges du jour", Britannique né au Japon, a été couronné par l’Académie suédoise. Un choix consensuel après le chahut Dylan.

VALÉRIE MARIN LA MESLÉE (AVEC SOPHIE PUJAS ET KARYN NISHIMURA-POUPÉE)
le 05/10/2017, Le Point.fr

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Kazuo Ishiguro en 2010.

L’écrivain a été distingué pour son œuvre «  d’une grande force émotionnelle  », qui «  révèle l’abîme sous l’illusion que nous avons de notre relation au monde  », a expliqué le jury des Nobel. © DANIEL DEME / EPA

Il fallait être consensuel, faire oublier le parfum de scandale autour de Dylan l’an dernier et, bien sûr, démentir les paris, comme chaque année, où figuraient les éternels nobélisables, avec, sur le site des parieurs, Margaret Atwood, Ngugi Wa Thiong’O, Philip Roth... «  Ishiguro Nobel ! Les clichés vont pleuvoir, s’exclame Michel Schneider. Le plus british des écrivains nippons, le plus asiatique des romanciers européens... Il est en fait un écrivain universel, ce qui devrait toujours inspirer les jurés plutôt que la tournante géographico-politique à laquelle ils se livrent d’ordinaire. Mais cette année, Ishiguro cochait toutes les cases : c’était le tour de l’Europe et d’un écrivain pas trop engagé, avec un peu d’Asie en prime.  »

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Le romancier, né à Nagasaki le 8 novembre 1954 et qui adopté la nationalité britannique en 1982, n’a en fait que très peu vécu au Japon, suivant son père en Angleterre dès 1960. D’ailleurs, au Japon, il est à peu près inconnu. Seuls cinq titres ont été traduits, et son nom n’est même pas écrit par les médias en idéogrammes, mais en syllabaire katakana, qui sert pour les transcriptions de mots étrangers, c’est tout dire. La chaîne NHK souligne pourtant aux infos de 21 heures qu’il est né au Japon et, dans un reportage, un Japonais confie : «  Je suis heureux, il est d’origine japonaise  » !
Et il joue de la guitare et écrit des chansons aussi ! Bob Dylan peut aller se rhabiller !

Un aveu d’autant plus naïf que c’est grâce à son universalité, par-delà ses «  origines  », que Kazuo Ishiguro a été choisi par l’Académie suédoise comme Prix Nobel de littérature, lui dont l’œuvre est traduite dans près de quarante langues. «  Ishiguro, 62 ans, a révélé, dans des romans d’une grande force émotionnelle, l’abîme sous l’illusion que nous avons de notre relation au monde  », a indiqué la secrétaire perpétuelle de l’Académie suédoise, Sara Danius, lors de l’annonce rituelle sous les ors de la salle de la Bourse à Stockholm.

L’écrivain Salman Rushdie, lauréat du Man Booker Prize, comme Ishiguro, lui aussi régulièrement cité comme nobélisable, a été l’un des premiers à saluer ce choix : « Toutes mes félicitations à mon vieux camarade Ish, dont j’ai aimé et admiré l’œuvre dès que j’ai lu Lumière pâle sur les collines, a-t-il déclaré au quotidien anglais The Guardian. Et il joue de la guitare et écrit des chansons aussi ! Bob Dylan peut aller se rhabiller ! »

Adapté au cinéma

Son attachée de presse aux Presses de la Renaissance, où Ishiguro a été traduit pour la première fois en français, Brigitte Semler, se souvient du regard original que l’écrivain portait «  sur ce Japon de la guerre qu’il n’avait pas connu  » dans ses premiers livres, Lumière pâle sur les collines (1984) ou Un artiste du monde flottant (1987), des œuvres qui se déroulent au Japon. «  À l’époque, un Japonais qui écrivait en anglais, c’était très rare, poursuit-elle, et l’on voyait comment il s’intéressait à la société anglaise. » « On l’avait nommé alors le Modiano japonais  », se souvient-elle.

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La reconnaissance est arrivée grâce à son troisième roman, Les Vestiges du jour (1989), paru en France aux Presses de la Renaissance, avec le merveilleux personnage du majordome dont le silence énigmatique, mais chargé d’ironie, résonne encore. Le livre qui lui valut le Man Booker Prize, fut adapté au cinéma en 1993 par James Ivory, avec Anthony Hopkins et Emma Thompson. Membre du jury du Festival de Cannes en 1994, il signa d’ailleurs plus tard le scénario de La Comtesse blanche, du même Ivory. Puis, en 2010, son roman Auprès de moi toujours est à son tour porté sur grand écran par Mark Romanek avec, au casting, Carey Mulligan et Keira Knightley.

Le mot qui me revient le plus quand je le lis ou que je repense à lui, c’est : accord .
«  C’est vrai, on trouve chez lui la violence d’un Graham Greene et la douceur d’un Kawabata, mais ses histoires tragiques (Auprès de moi toujours) ou carrément gothiques (Le Géant enfoui) parlent à tout le monde, souligne aussi Michel Schneider à propos de ses livres les plus récents publiés par les éditions des Deux Terres. Quand je l’ai rencontré en 2015, j’étais depuis longtemps résigné à ce que la grâce d’écrire n’aille pas toujours avec la justesse d’une vie en harmonie avec soi et les autres. Si grande que soit l’admiration que l’on voue à son œuvre, la rencontre d’un grand écrivain peut être fort décevante. Pas celle d’Ishiguro. Raffinement de la langue, profondeur du propos, intensité de l’être, présence à l’autre : un vrai échange. Le mot qui me revient le plus quand je le lis ou que je repense à lui, c’est : accord. Résolution des dissonances du passé dans une écriture très actuelle, accord entre ses thèmes et son style, entre l’auteur et le lecteur qu’il invite à le suivre dans Les Vestiges du jour. Accord, comme on le dit en musique, si présente dans ses œuvres,comme L’Inconsolé et Nocturnes : cinq nouvelles de musique à la tombée du jour. Musique qui crée entre ses romans et le lecteur que je suis tant d’affinités électives. »

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Crédit : lepoint.fr

Voir aussi « Kazuo Ishiburo en 5 romans »

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