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Pièces de clavecin de Forqueray par Gustav Leonhardt

D 19 février 2015     C 0 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   

Une petite merveille qui vient d’être publiée...

Un sublime clavecin de 1751, contemporain des Forqueray, inspirait à Gustav Leonhardt son dernier récital. Voici ce trésor, salué d’un Diapason d’or en 2003 mais quasi introuvable jusqu’ici.

Pièces de clavecin de Forqueray par Gustav Leonhardt


Au soir de sa vie, Gustav Leonhardt, qui courrait toujours le monde de concert en concert à un rythme impressionnant mais avait renoncé aux studios, revenait au disque par amitié. D’abord pour Jean-Paul Combet et sa jeune collection Alpha, puis pour Marc de Mauny et des musiciens russes chers au couple Leonhardt. Un nouveau label discographique pourrait-il soutenir l’essor — tardif — de la musique ancienne dans leur pays ? Leonhardt y contribuait en leur offrant, littéralement, un opus 1 inespéré. Mais l’album Forqueray, paru en 2005 chez EMR et resté sans suite, a connu en Europe une distribution pour le moins confidentielle, si bien que l’annonce d’un Diapason d’or nourrissait plus de frustrations que d’extases. Il fallait une certaine patience pour se le procurer, en passant par un sympathique disquaire belge et en priant pour que la poste n’égare pas la chose.

Sublime clavecin Hemsch de 1751

D’une amitié à l’autre, ce sont aujourd’hui Marie, Saskia Leonhardt et Marc de Mauny qui nous permettent de l’insérer, avec reconnaissance et fierté, parmi nos Indispensables. Le point de départ de l’album était – comme pour les quatre récitals Alpha — un instrument exceptionnel. Leonhardt n’avait jamais enregistré encore le Hemsch de 1751 installé au château de Flawinne en Belgique, « absolument merveilleux » à ses yeux, exemple suprême du raffinement et de l’ampleur sonore de la facture française tardive : « Un instrument idéal pour le recueil de Forqueray. Ces pièces qui étaient à l’origine pour viole ont été transcrites avec une connaissance supérieure du clavecin, exceptionnelle. Tout sonne facilement, et la musique a beaucoup de force et de délicatesse en même temps. »

A-t-il pris un plaisir tout particulier à la faire chanter, frémir (La Silva, oasis mélancolique), vrombir, claquer du talon (La Portugaise !) sur le vieux Hemsch au décor vert d’eau, précieux mais léger ? Il esquivait la question par mille parades : « Le plaisir ? Pensez-vous ! Si l’on joue sérieusement, on n’a pas de plaisir. On n’a pas le temps. » Hugues Deschaux, qui réalisait la prise de son, confirme le tableau bien connu de Leonhardt faisant une prise, parfois deux, jamais trois, « très concentré mais aussi tendu, nerveux, et d’autant plus irrité quand quelque chose ne marchait pas à son idée ». Il n’a jamais aimé la solitude artificielle face aux micros.

Grandiose confidence

Mais d’où vient alors la mélancolie voluptueuse qui nous saisit, et qu’on ne goûte nulle part dans son premier album Forqueray, en 1973 (Seon) ? D’où vient le sentiment d’abandon associé à ce rubato à la fois microscopique et large, qui donne à chaque mesure de Forqueray l’allure d’une confidence grandiose, parfois capricieuse ? D’où ? De l’imagination, seule vertu aussi estimable que le goût aux yeux de Leonhardt : « On ne joue pas du clavecin ou du violon, on doit jouer la musique, avoir en tête un son beaucoup plus grand que celui qu’on a entre les doigts, garder à l’esprit à chaque instant les pièces pour viole de Forqueray père, être nourri par l’étude de la partition et par toute la culture qui l’entoure, les traités, la poésie, la musique d’ensemble. Ne surtout pas "penser clavecin". » Ce qui, sous les mains du plus nuancé des clavecinistes et sur le vénérable Hemsch nous procure un... plaisir incomparable.


Les Indispensables de Diapason n° 67 : Forqueray : Pièces de clavecin. Gustav Leonhardt. Ø 2005

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