Sur et autour de Sollers
vous etes ici : Accueil » NOTES » Alain Jaubert, La beauté animale par : PileFace.com
  • > NOTES

Alain Jaubert, La beauté animale

D 15 août 2013     C 0 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   

Un film d’Alain Jaubert

Un documentaire qui explore le lien entre art et science, entre curiosité de l’animal et fascination pour sa beauté [1]


La beauté animale par ARTEplus7

*

1. Le DVD La beauté animale regroupe deux documentaires d’Alain Jaubert. Journaliste, romancier, producteur et réalisateur, on lui doit aussi bien la série Palettes pour Arte, que le documentaire Nietzsche, un voyage philosophique (2001).

2. Le documentaire qui donne son titre au DVD (52 minutes) a été réalisé à l’occasion de l’exposition « Beauté Animale » aux Galeries Nationales du Grand Palais à Paris. Il revient sur la façon dont l’homme occidental a représenté les animaux, et comment, en retour, ces représentations ont façonné notre regard. Quels rapports entretenons-nous avec les animaux ? Sommes-nous si différents ?

3. Sera ainsi brossée l’évolution historique de notre rapport à l’animal, en même temps qu’à des animaux particuliers (le mouton, le cochon, l’araignée, le lion). Nous n’allons ici donner que quelques moments clefs. La découverte des Amériques va avoir pour conséquence l’ouverture de nombreux cabinets de curiosité et la fondation de ménageries, ce qui va permettre d’élargir considérablement les bestiaires (Alors que durant les siècles précédents, le réel côtoyait l’imaginaire. Par exemple, de Vinci, à côté de ses dessins d’animaux existants, va tenter de croquer des chimères « viables »). L’usage de la dissection va aller de pair avec la volonté de dépeindre l’apparence des animaux de la façon la plus fidèle possible. La réception des théories de Lamarck et Darwin va rendre poreuse la frontière entre humanité et animalité, du fait d’un arbre généalogique commun.

4. Les animaux ne sont pas seulement représentés, ils sont un miroir dans lequel on se mire. D’une part, on animalise l’homme en comparant ses qualités et défauts à ceux d’animaux, ou bien on rejette du côté de l’animalité les criminels, sauvages etc. D’autre part on humanise les animaux. Pensons aux Fables de la Fontaine qui font parler les animaux pour mieux décrire notre société (ce qui peut induire l’idée que les animaux vivent en société comme les hommes, ce qui n’est pas forcément vrai).

5. Par exemple, le cheval est un animal très humain, au sens où l’on ne dit pas qu’il a des pattes et une gueule, mais des jambes et une bouche. De même, le chien va être le premier animal à bénéficier de portrait peint (auparavant il était représenté en meute, avec son maître), comme on le ferait d’une personne noble. Aujourd’hui, le chat occupe une place importante comme animal de compagnie. Dans le même temps, tout le monde ne s’émeut pas que des taureaux soient tués lors de corrida. La vue des araignées, insectes, rats, serpents, chauves-souris... nous révulse. Ces différents cas illustrent notre rapport différencié en fonction des espèces. Le documentaire revient plusieurs fois sur la cruauté de l’homme, qui tue les animaux pour son plaisir, ce qui se double du problème de la disparition des espèces.

6. Alain Jaubert clos son film sur la question qui nous était venue immédiatement à l’esprit au vu du titre du documentaire : les animaux ont-ils conscience de leur beauté ? Un des biais pour répondre à cette question est lié à la façon dont les animaux choisissent ou sont choisis par leurs partenaires sexuels : certains s’affrontent, d’autres sont dotés de parures, que nous trouvons belles. Mais pour le réalisateur, la beauté est une notion humaine, que les animaux ne s’appliquent pas entre eux.

7. Le documentaire se base à la fois sur les tableaux présents à l’exposition, des vidéos de toute beauté d’animaux vivant en pleine nature, et les interviews de deux spécialistes : Philippe Comar, professeur de morphologie à l’École des Beaux-Arts de Paris, et Emmanuelle Héran, Conservateur du Patrimoine.

8. Le deuxième documentaire, intitulé Lascaux, préhistoire de l’art, Montignac, Dordogne, vers 18 000 ans avant le présent (60 minutes), date de 1996. Il avait été produit dans le cadre de la série des Palettes. Il revient sur les célèbres grottes.

9. Il s’agit d’abord pour le réalisateur de revenir sur l’histoire de la découverte des grottes de Lascaux. Il décrit ensuite en détail la composition de chacune des galeries, les techniques utilisées pour peindre (échelles, éclairage à la graisse...) et les matériaux utilisés pour la couleur. Ce retour sur tous ces détails permet ensuite de se rendre compte à quel point la technique est évoluée : utilisation de dégradé et de la perspective, représentation en mouvement des animaux, optimisation des formes des parois.

10. Le documentaire consacre une dernière partie à la compréhension de la signification de ces peintures. Les différentes hypothèses sont présentés : Au départ, on a crû qu’il s’agissait de simples décoration, puis les hypothèses se sont orientées vers le rôle religieux de ces peintures. Enfin l’analyse structurale a prévalu, les peintures d’animaux étant des totems humains représentants les rapports de force entre différents clans. Même en faisant le parallèle avec les découvertes de l’anthropologie, tout ceci reste à l’état d’hypothèse. Le réalisateur avance que l’on est face à une « relation en miroir avec l’animal » ou bien, l’homme se considérait comme étant animal lui-même. Ces peintures étaient peut être « un récit des temps anciens où hommes et animaux n’étaient pas encore distincts ; »

11. En moins d’une heure, le documentaire La beauté animale traite de façon riche de nombreux aspects du rapport homme-animal, dont certains ne sont qu’esquissés (le récit de l’Arche de Noé comme première ménagerie, l’animal comme viande). Sa vision est stimulante. Quant à Lascaux, préhistoire de l’art, et bien qu’avançant son propos lentement, Alain Jaubert nous fait découvrir les grottes de façon décapante.

Loïc Geffrotin, lectures.revues.org

Voir aussi : La beauté animale.

*

[1Réalisé à l’occasion de l’exposition « Beauté animale » qui s’est tenue du 21 mars au 16 juillet 2012 aux Galeries nationales du Grand Palais à Paris.