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La naissance de Sprezzatura (Episode 1)

Revue littéraire

D 22 décembre 2009     A par Viktor Kirtov - C 3 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Nous avions envie de saluer cette revue littéraire qui vient de naître et que ses fondateurs ont nommé du gracieux nom de Sprezzatura... Une maîtresse italienne ? Tout vous sera dévoilé de notre rencontre avec Sprezzatura car c’est elle la star du jour, et pourquoi nous nous sommes intéressés à elle.

Pour connaître une star, la méthode est connue : faire parler ses amants, ceux qui glissent quelques billets dans les plis de sa robe italienne.
Oui la belle est italienne,
et c’est Castiglione qui le premier la fit connaître avec « Le livre du courtisan » (1528) ce que l’exergue de la revue nous dit dans le texte :

Mais j’ai déjà souvent réfléchi sur l’origine de cette grâce, et, si on laisse de côté ceux qui la tiennent de la faveur du ciel, je trouve qu’il y a une règle très universelle, qui me semble valoir plus que tout autre sur ce point pour toutes les choses humaines que l’on fait ou que l’on dit, c’est qu’il faut fuir, autant qu’il est possible, comme un écueil très acéré et dangereux, l’affectation, et pour employer peut-être un mot nouveau, faire preuve en toute chose d’une certaine sprezzatura, qui cache l’art et qui montre que ce que l’on a fait et dit est venu sans peine et presque sans y penser.

CASTIGLIONE, Le Livre du courtisan, 1528

Rencontre intellectuelle ou amoureuse, le moment où commence l’aventure est important, attraction, résonance, trouble du comportement... Attention risque d’éblouissement ! Perte de la notion de temps, surtout si accompagné de prise d’alcool. C’est agréable. Plaisir.
C’est sur ce moment particulier de la naissance de la revue que nous avons centré ce premier épisode pour tenter de le faire revivre avec le témoignage des protagonistes.

(un deuxième épisode ultérieur sera lui, centré sur les auteurs dans leurs dits et écrits. Radiographie en diagonale.)

Sprezzatura en une

Robe sobre beige, juste une fantaisie bordeaux dans la couleur du titre et sa disposition. Très genre revue littéraire, pas de celles sur papier glacé, les autres dans leur généalogie glorieuse. Des Temps Modernes à Ligne de risque en passant par L’Infini. Des articles sérieux pour penser. Sérieux, c’est pas marrant ça ! Oui mais sérieux sprezzatura !

Voilà donc de nouveaux courtisans, la trentaine pour la plupart, qui prennent la plume et écrivent à la belle ambigüe. Certains ont déjà publié :
Sandrick le Maguer est de ceux-là, courtisan-servant de l’Italienne bien qu’auteur de Portrait d’Israël en jeune fille, (Genèse de Marie), Gallimard/L’Infini, la collection dirigée par Ph. Sollers. Courtisan au sens de la Renaissance... ce n’est pas chargé négativement. C’est un brevet de savoir-vivre et de grande agilité intellectuelle avec la désinvolture détachée qui sied. Mais n’anticipons pas, Restons focalisé sur Sprezzatura dont une petite bande bien intentionnée nous invite à explorer tous les plis de cette ingénue libertaire, les plis de sa robe pourprée...

Et son teint au vôtre pareil - Métie Navajo.
Sous son « nom d’indienne », - c’est elle qui le dit -, vient de publier L’ ailleurs mexicain (Chroniques d’une indienne invisible) [1].

Une autre figure de proue pour pileface — et vous allez comprendre pourquoi — c’est Jean-Hugues Larché (déjà croisé dans nos colonnes). Il est notamment l’auteur et réalisateur d’un documentaire : Nietzsche le miracle français par Ph. Sollers (disponible en DVD) ainsi que Le Déroulement du Dao, par Sollers (CD) et ses trophées ne s’arrêtent pas là. Nous sommes en face de quelqu’un qui dérange, il a un troisième oeil qui pense !

Dans la bande, aussi un martial personnage Alexandre Gambler,
auteur d’un vibrant texte « Le corps de Sollers », que l’on peut lire sur le site de Stéphane Zagdanski - nous y reviendrons -, ainsi que sa Lettre ouverte aux directeurs des services de renseignement de la république de France accompagnée d’un surréaliste CV, - c’est dans le premier numéro de la revue. Bretteur de grand chemin, nous le laisserons se présenter lui-même.

D’autres noms dans ce premier numéro : Pierre Dulieu, Luc Guégan, Stéphane Marie. Leurs écrits ne sont pas nécessairement propulsés par des éditeurs qui ont pignon sur rue, mais les avenues du Net leur sont ouvertes (d’autres aussi, sûrement qui, hélas, ne nous sont pas toutes connues). Mais vous les découvrirez plus avant par leurs textes dans la revue et par leurs réponses aux questions qui leur ont été soumises. Dans le premier épisode et encore plus dans le second.

Tous ont cependant un point commun, ils aiment fréquenter les séminaires de Gérard Guest, ils y trouvent un terreau fertile favorable à leur épanouissement ! Un lieu d’intelligence qui a servi de catalyseur à la naissance de la bande, un groupe qui ne se revendique pas comme tel, bien au contraire. Ni chef, ni dogme pour cet anti-groupe... mais pas sans foi, ni loi. Le sacré, la bible, la torah et midrash ont droit de cité dans ce premier numéro. Leurs dieux nous sont familiers pour certains : Debord, Sun Tzu, Heidegger, Hölderlin, Rimbaud, Bataille, Nietzsche, Sollers, Zagdanski, Meyronnis..., mais la liste est loin d’être exhaustive ainsi, dans ce premier numéro - et il en sera ainsi pour les autres - à côté des textes des auteurs de la revue nous sont proposés des textes soigneusement sélectionnés pour éclairer le thème du numéro, ici « Guerres irrégulières » - dont il nous est dit quelque part, qu’il est « programmatique »... Tiens donc, cette bande sans dogme, sans manifeste a quand même un programme : mener sa guerre, plus exactement ses guerres.

« Guerres irrégulières » par des bretteurs eux aussi irréguliers, combattants autonomes mais sous la même bannière Sprezzatura. Ils nous offrent leur butin de guerre, la relation de leurs combats. Et dans ce numéro, sont appelés à la rescousse pour consolider les flancs droit et gauche de nos lobes cervicaux en débâcle, Thomas Edward Lawrence avec Guerilla, Prince Charles-Joseph de Ligne (Fantaisies militaires), Comte Raimondo de Montecuccoli (Mémoires militaires).

Le thème du prochain numéro est déjà connu : La servitude .

VOIR LE SITE

De larges extraits de ce premier numéro sont disponibles sur le site de Sprezzatura, aussi notre lecture sera plus une enquête autour de Sprezzatura et de ses auteurs !

Oui c’est bien d’eux dont nous allons parler.

Ils sont l’âme et la chair de Sprezzatura. Son souffle, c’est eux — même si Métie Navajo s’interroge : « ... le souffle, on peut parfois en manquer ».
Notre portrait de Sprezzatura sera donc un portrait kaléidoscopique de ses membres, arbitrairement focalisé et subjectif (il faut bien aussi que le tout tienne dans le cadre...). Portrait inspiré toutefois de leurs contributions à la revue, d’une interview flash par mail, des traces qu’ils ont pu laisser ça et là dans leurs dits et écrits qu’ils soient textuels ou audio-vidéo.

Une enquête en forme de jeu

pour le plaisir

gratuit.

Trop sérieux, s’abstenir, cet article n’est pas sérieux (mais ce qu’eux disent a du sens, il faut lire Sprezzatura)

L’interview comportait pour chacun des questions communes et quelques questions personnalisées. Cet épisode sur la naissance de Sprezzatura n’aborde que les questions communes.

*

La rencontre

Q. Le fait que votre nom soit associé à Sprezzatura indique quelques points de convergences qui dépassent la géographie, Pierre Dulieu vient de Belgique, je crois, Sandrick le Maguer, Brestois, Jean-Hugues Larché, Bordelais, Métie Navajo, la tête au Mexique... comment avez-vous réalisé la jonction ?

En posant cette question à tous, m’importait de recueillir l’impact du même événement sur chacun. C’est le même événement mais il percute chacun dans le cours de sa propre histoire. Croisement de trajectoires de vie. Collisions de particules comme dans le grand Collisionneur LHN du CERN à Genève. Libération de nouvelles particules, clés de lecture de la grande bibliothèque du temps dans son magma premier ? Quel impact, quelle trace dans les neurones de la rencontre de ces auteurs qui vont bientôt féconder Sprezzatura ? Couches informulées de ma question. D’où viennent-ils ?

*

R. Pierre Dulieu tire la première bouffée de particules : « Comment nous sommes-nous rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde - ou plutôt, tout le contraire. D’où venions-nous ? Des lieux les plus lointains. Où allons-nous ? Nous le savons assez précisément, mais gardons la surprise.
Certains se connaissaient, depuis longtemps ou depuis peu. On s’est retrouvés un soir autour de la même table, à Montparnasse, à une heure avancée. Il y a une ravissante serveuse nommée Daisy. Rires, étonnement, chance.
Ça se passe dans une nuit de novembre 2007. Le séminaire de Gérard Guest joue, dans cette rencontre et celles qui suivent, un rôle important. L’idée d’une revue naît à l’été 2009. » (P. Dulieu)

*

Luc Guégan est d’abord sensible au regard, au sourire : « Des regards échangés au sortir du séminaire, de ceux qui ne baissent pas les yeux, mais sourient, ont envie de partager la joie et de continuer la réflexion... et des amitiés déjà anciennes qui accélèrent un peu le mouvement. Et le plaisir de se retrouver chaque mois au même endroit sans s’être donné rendez-vous. » (L. Guégan)

*

Et son comparse breton, Sadrick Le Maguer d’enchaîner : « Personnellement, je connaissais Luc Guégan, complice de longue date. Mon amitié avec Jean-Hugues Larché date d’une rencontre par l’intermédiaire de S. Zagdanski. Pour le reste, vous devez le savoir, c’est une longue nuit à l’issue d’un séminaire de G. Guest (le deuxième si ma mémoire est bonne) qui a scellé les choses. [...] Si ma mémoire me seconde toujours de son exactitude, je crois que notre goût commun et très renseigné pour Sollers (entre autre écrivain) a joué un rôle important (mais aussi pour la mer, l’alcool, et autres vices éclairés). Pensée de Debord attachée à cette soirée : « Pour savoir écrire, il faut savoir lire, et pour savoir lire, il faut savoir vivre » (de mémoire). Que voulez-vous, ces gens savent vivre, lire, pourquoi n’écriraient-ils pas ?
Je le signale, personne ne voulait fonder une revue. On peut même affirmer que c’est ce que nous ne voulions surtout pas. Sprezzatura est donc un excellent titre. » (S. Le Maguer)

*

Stéphane Marie : « Comment toutes ces individualités se sont-elles retrouvées ? Quels ont été les ferments et les événements de la rencontre ?
Au séminaire de Gérard Guest sur Heidegger, et prochainement Wittgenstein. La plupart se connaissait deux à deux ; pour ma part j’y ai fait la connaissance de tous. L’hospitalité, la jovialité, la discrétion, la reconnaissance de singularités que la littérature et la pensée font vivre ont fait le reste, et tout d’abord au coeur de nuits blanches très ensoleillées. » (St. Marie)

*


Jean-Hugues Larché
qui ajoute à son oeil exercé et perçant, nous l’avons dit, celui d’une caméra quand il veut tout capter de l’être, n’en avait pas lorsque la jonction a eu lieu, mais il restitue la scène de son oeil panoramique, grand angle :

« C’est bien sous le signe de la fête que la jonction a pu se produire et provoquer cette petite revue. Mais ce miracle est appelé aussi à se défaire pour mieux se reconstruire au fil des affinités (qui ne pourront plus être qu’électives.) Complicités coulées dans la grande fête du temps de l’Arc et de la Lyre. » (J-H. Larché)

pileface avait tout de suite relevé le beau mot d’Héraclite et l’avait publié dans la rubrique "citations" :

Ils ne comprennent pas comment ce qui s’oppose à soi-même s’accorde avec soi : ajustement par action de sens contraire, comme de l’arc et la lyre.

Héraclite, frg. 125

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Apollon tenant l’arc, Musée du Louvre
L’arc et la lyre, les deux attributs premiers d’Apollon ( l’arc dans une main, la lyre dans l’autre...) (c) Studio AK

Cité en exergue de son article "Noblesse de la guerre, Nietzsche en stratège" dans SPREZZATURA, N°1 Automne-Hiver 2009.

*

Alors Gambler est arrivé
Sans se presser
Avec Heidegger et sa mandoline
pour à tous jouer du grand Hölderlin
un beau soir d’été jusqu’à mâtines.

Ceci est bien sûr complètement apocryphe et fictif, Mais son personnage, dans ses textes, prend souvent la posture de la provocation et de l’excès, c’est donc par une sorte de mimétisme affectueux que me suis permis ce chapeau pour son entrée en scène :

« J’ai rencontré Métie Navajo un jour de neige à Aix en Provence. Nous étions partis explorer une mystérieuse mine de lignite et nous en avons déclenché, par mégarde, la fermeture accélérée. Dulieu a commencé de m’envoyer des conseils de stratégie pendant mon premier séjour au Kosovo. Il s’agissait de trouver la meilleure manière d’extraire une jeune fille d’un bordel. Nous avons partiellement réussi. La fille a quitté le Kosovo, trop dangereux, pour un bordel plus classe, en Turquie. Dulieu a ainsi pu commencer à m’envoyer des conseils plus littéraires. J’ai rencontré Le Maguer, Larché, Guégan et Marie au « Dingo » après le premier séminaire Guest à l’automne 2007. Nous avons commencé à parler d’îles, de femmes, de livres, d’enfants et de bateaux et nous sommes restés parfaitement sobres jusqu’à l’aube. »

Notons qu’avant d’écrire pour Sprezzatura sur le thème des guerres irrégulières, Alexandre Gambler est allé mener la sienne au Kosovo ...et dans une mine de lignite ! A proximité d’Aix et de la Montagne Sainte Victoire. Là où Paul Cézanne l’avait précédé, pour y peindre ses Sainte Victoire et mener sa guerre des couleurs, la profondeur rendue par le seul traitement de la couleur. Soit, mais Cézanne ne descendait pas dans les entrailles de la terre pour trouver la profondeur. Qu’était allé chercher là, Gambler ? Peut-être nous le dira-t-il dans un de ses prochains livres d’espionnage ? N’est-ce pas une Lettre ouverte aux Directeurs des Services de Renseignement qu’il adresse dans le numéro 1... et écrit-on pareille missive par hasard ? Avec en pièce jointe à sa missive, un CV à faire pâlir les gentils correspondants en titre, les animateurs du club, intermittents du spectacle !

*

Et Métie Navajo qu’a-t-elle dit ?

« Un soir, je revenais tout juste du Mexique, j’ai retrouvé mon cher ami Gambler entouré de garçons très gais. Peter de Belgique m’a parlé espagnol, je me suis assise, je suis restée. L’ivresse devenant plus profonde, nous parlions et rions plus fort, et nous nous entendions. A un moment, j’ai entendu Jean-Hugues Larché me dire : « Mais tu es solaire, toi aussi... » et oui, vraiment, il nous arrive encore de rayonner dans la nuit parisienne... »

Oui, elle est solaire. La version brute de la rencontre existe dans son blog, son livre de sable. Là, sont placés ses textes saisis dans leur immédiateté, dans leur leur prime jeunesse, comme un jardinier met en nourrice ses plants, pour les repiquer plus tard dans leur carré final, bêché, sarclé, plants sélectionnés, espacés, arrosés, baignant dans la lumière et la chaleur environnantes propices à leur maturité.

La version brute de fonderie, la voici, extraite de son jardin au nomsdefleurs, fleurs sauvages, jardin ouvert à tous vents , l’entrée date du dimanche 25 mai 2008 et s’intitule : « Nuit(s) aux deux roses (folie sans épines ni bonnes manières) »... La collection de ses titres, résumés mystère en forme de rébus pourrait aussi constituer une forme de promenade dans son jardin, mais ils sont aussi une invite à entrer... Entrons dons :

Nuit(s) aux deux roses (folie sans épines ni bonnes manières)

« [...] Gambler retrouvé (par étonnement)
- je lui ai dit déjà qu’entre les paroles belles et bonnes du Philosophe je regardais ses lobes d’oreilles rouges...-
vient s’asseoir très exactement devant moi, refuse de me voir, tout absorbé qu’il est par la fille X imperméable et peau laiteuse de parisienne (pensé-je de la Slovaque)...
Ai-je tant changé au Mexique ?
(Ou plutôt : changea -t-il son peu en mon absence....?)

Ses larges épaules, sa haute tête blonde. La pensée parlée se déploie dans l’espace, parfois souriante.
Il s’agit de ce qui apparaît soudain, émerveille...
Le rire que je prévoyais de ses petits yeux bleus quand enfin il se retourne et s’étonne de me voir.

[...] j’appelle Gambler, il ne répond pas. Je décide de rejoindre quand même ses compagnons de séminaire, pour voir...

Je retrouve la bande, soi disant pas la bande à Gambler mais celle d’un autre, dans un bar à cocktails roses qui ne sont pas de pamplemousse. [...] Gambler n’y est pas, je suis malgré tout accueillie. - Bien sûr, je suis fille, les gars sont déjà un peu soûls... Ce n’est pas seulement ça. - Présence-absence de Gambler ; comme un fait exprès... Je bois et bientôt je fume les premières cigarettes depuis la pneumonie mexicaine. Mes poumons chantent. Nous parlons nous rions la bande est bretonne parisienne bruxelloise bordelaise et fort sympathique. Je ne parle pas de l’Autre Bande à l’Autre Table, un rien plus assise et moins folle, qui lève le camp plus tôt, avec regards appuyés vers le Génie avec nous assis, regards masculin de l’écrivain et féminin de la Slovaque peau laiteuse, dont on reparlera...
le Génie c’est le gars marin qui vient de publier un livre au beau titre que les voix hautes et ivres massacreront bien des fois au cours des nuits.

Gambler ici est Fils de. Fils de ? Fils de son père spirituel qu’il s’est fait naturel. - Si seulement je pouvais en faire autant, si seulement je pouvais avoir envie d’en faire autant...-

Cocktails roses acidulés servis par beau serveur belle gueule en habit blanc dans bar vaguement chic de Montparnasse où, paraît-il, venait se soûler la gueule telle idole soler de la bande... - j’exagère, la bande bien catholique n’est pas idolâtre... - J’en savais rien. Je m’étonne toujours d’être si peu connaisseuse des gens et des lieux.
Après chaque séance du séminaire H [2] où ils se sont rencontrés ils passent une nuit à se soûler ensemble en alcools et paroles. Je suis accueillie. Au départ je suis fille et reçois en conséquence l’attention ivre des gars pour cette raison, mais dans le fond je m’en fous, depuis le retour du Mexique je manquais de folie, c’est de la beauté folle qui jaillit tout à coup dans ma vie parisienne, et je m’émerveille. Les langues - bavardes - ouvrent le monde où toutes les expériences peuvent être faites...

lire la suite

...La rose à la main, la main à la rose, la fille..., je souris. Le sentiment d’une liberté énorme, totalement mienne, m’envahit sans me déborder... liberté dont je ne suis peut-être pas encore totalement responsable, mais qui au moins ne fait pas peur. [...]

La morena à Paris [3] ; ciel gris dans les feuilles,
je crois que le monde me sourit

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Les noces de la morena et de la spirale Soler
Titre apocryphe, mais vrai tableau de l’artiste
Morena
*

Le choix du nom Sprezzatura

Q : La clé du nom Sprezzatura nous est donnée en exergue de la revue avec la citation de Castiglione extraite de Le Livre du Courtisan, 1528. S’est-il imposé facilement ? Quelles discussions préalables au choix, ce nom a-t-il provoquées entre vous ?

R : « Dans mon souvenir, il y avait une cinquantaine de titres proposés et il était difficile de choisir. Le choix s’est réalisé à Bruxelles, un peu à la manière de Baudelaire dans Pauvre Belgique ! en "emportant sa patrie à la semelle des ses souliers". » ( S. Le Maguer)

« Le choix du titre était un de nos sujets favoris, d’ailleurs davantage prétexte à de grands éclats de rire. Mais Sprezzatura s’est imposé pour sa légèreté italienne alliée à la rudesse consonante. Ce mot nous est apparu très vite comme le concentré de ce qui nous avait réunis : « traiter sereinement - et même joyeusement - de questions graves ».
Je pense que c’est lorsque les premiers exemplaires ont été entre nos mains que nous avons réalisé à quel point la Sprezzatura n’était pas chose à prendre à la légère, dans un monde si volontiers abruti par l’esprit de lourdeur. Nous nous en portons fort bien depuis. » (L. Guegan.)

« Nous avions le choix entre « Sprezzatura », « Pick me up » et « Spermacetti », si ma mémoire est bonne. Comme nous prévoyons un numéro sur la virginité, le choix a été vite fait. » (A.Gambler.)

« Si vous saviez ! » (M.Navajo)

« Sprezzatura, c’est l’évidence italienne dans toute la splendeur du libertinage vénitien, par exemple. Et dans son surdosage, c’est le grand évitement de cette gravité qui selon La Rochefoucault cache les défauts de l’esprit, (question de masque). » (J-H. Larché)

Q. Dans la discussion inaugurale, vous parlez avec grande aisance et éloquence Mr Gambler. L’idée de la Sprezzatura, c’est vous, non ?

R. « Pas du tout, l’idée de la « Sprezzatura » vient de l’armurier de la bande, notre ami Jean-Hugues Larché. J’avais proposé comme titre pour la revue « Phoenix Park » en mémoire du premier combat à mains nues de Joyce. Mais la giacoma sprezzatura, c’est mieux. » (A. Gambler)

*

Q : Certains de vous ont déjà publié donnant une indication de leur premier lieu de combat. Des individualités très fortes qui conscientes de leurs antagonismes déclarent d’emblée qu’ils ne constituent pas un groupe, (nécessairement voué à la scission), et de déclarer ... cette « scission a déjà eu lieu, en quelque sorte » (sic), mais alors qu’est-ce qui unit ? Sprezzatura ? Une bannière, une belle idée aux contours flous capable de s’adapter avec grâce à toute situation rencontrée par le Courtisan.
C’est très ambigu tout ça. Qui voulez-vous courtiser ?

R :« Le courtisan auquel nous faisons allusion est celui de Castiglione, un homme au sein de la Renaissance. Ce n’est pas l’homme d’un groupe mais quelqu’un qui peut se choisir quelques amis pour, momentanément et avec joie sans oublier un certain détachement, traiter avec profondeur de sujets graves. Sprezzatura est un réacteur nucléaire composé d’électrons libres. La réaction en chaîne ne nous regarde pas. » (S. Le Maguer)

« Les courtisés se reconnaissent, je pense, d’eux-mêmes. Ah la fascination de la hiérarchie ! du pouvoir ! De tout cela, nul n’en est exempt.
L’ambiguïté dans ce premier numéro de revue permet tous les possibles, et il est clair qu’à l’Impossible chacun est dès lors tenu,dans le sillage de Georges Bataille... Et des autres.
Nul gardien, nul dogme n’est supportable aux participants de Sprezzatura.
Et si je ne fréquente que peu de monde, j’en aime cependant un nombre suffisant. Quand par exemple, j’ai la chance de croiser quelques heures Sollers, Jullien, Zagdanski ou Malek Chebel, pour recueillir leur substantifique pensée, je me dis parfois qu’une certaine candeur voltairienne doit m’entourer, me protéger pour ne pas être écrasé par ces univers en bloc. Par ces exigences et ces libertés-là. » (J-H. Larché)

Note. [4]

*

Le jeu du trombinoscope

En quatrième de couverture, un trombinoscope avec des citations. Seulement des citations pour aider à reconnaître "Qui est qui ?". C’est le "jeu du trombinoscope" auquel vous convie pileface, l’informatique aidant un peu.



non identifié, T-E Lawrence jeune ? Pierre Dulieu
Luc Guégan,Breton Comte Raimondo de Montecuccoli
Prince Charles-Joseph de Ligne Sandrick Le Maguer, Brestois
Alexandre Gambler, Paris Jean-Hugues Larché, Bordelais
Métie Navajo, Paris Stéphane Marie, Normand
*
*

LE LIVRE DU COURTISAN, Balthazar CASTIGLIONE

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Balthazar CASTIGLIONE, par RAPHAEL

« Le Livre du Courtisan (1528) de Baldassar Castiglione est un des chefs-d’oeuvre de la littérature italienne, mais aussi un de ces textes, rares, qui ont eu un destin vraiment européen et qui ont exercé une influence dépassant le cadre littéraire. Son succès immense pendant près de trois siècles prouve que la société européenne d’Ancien Régime s’est reconnue dans le personnage du "parfait Courtisan" dessiné, au début du XVIè siècle, par un gentilhomme originaire de Mantoue, homme de guerre, diplomate, humaniste, poète, qui devait finir sa carrière comme nonce pontifical à la cour de l’empereur Charles-Quint. Loin d’être un "vil flatteur", le courtisan de Castiglione résume en lui toutes les qualités que la Renaissance exige de (homme individuel et social. L’idéal chevaleresque du Moyen Agé et l’idéal culturel de l’Humanisme, les "armes" et les "lettres", s’unissent pour former un modèle qui inspirera par la suite d’innombrables variations.

Mais le Courtisan n’est pas un livre théorique. C’est une "conversation", pleine d’esprit, de grâce et de désinvolture, de poésie aussi, qu’échangent des amis dans le cadre du palais ducal d’Urbino, siège d’une des cours les plus raffinées d’Italie.

Rabelais, Montaigne, Cervantès, Shakespeare, pour ne citer que les plus grands, retiendront les leçons du "comte Baldassar", doublement immortalisé par son livre et par le portrait que Raphaël, son ami, a fait de lui. »

(
Le livre du Courtisan
, Quatrième de couverture)

Un peu plus sur le site de l’Encyclopédie Universalis

Le livre sur amazon


[1éd. L’Esprit Frappeur

[2Heidegger

[3soulignement pileface

[4soulignements de pileface, pour la version écran

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3 Messages

  • A.G. | 23 juillet 2011 - 20:44 1

    Merci. Rappelons les thèmes des trois premiers numéros de la revue :

    n°1 - Guerres irrégulières (octobre 2009)
    _ n°2 - Servitudes abandonnées (juin 2010)
    _ n°3 - Virginal Tempo (avril 2011)
    _ n°4 - L’Ardeur (en préparation)

    Jacques Munier s’entretient avec Sandrick Le Maguer et Léo Zyngerman (France Culture, 8 juillet 2011, 29’37).


    Pour démarrer l’écoute, cliquez sur la flèche verte

    Le site de la revue.


  • anonyme | 23 juillet 2011 - 13:48 2

    Je vous signale la présentation de la revue Sprezzatura entendue par hasard sur France Culture le 8 juillet 2011.
    Réécoute.


  • A.G. | 23 décembre 2009 - 13:59 3

    L’hiver dernier, le musée Jacquemart-André consacrait à Van Dyck sa première grande monographie française. On lisait sur le site artnet :

    « [...] Il n’est guère aisé de traduire la « sprezzatura ». De son origine latine - le verbe « sperno » - on retiendra l’idée d’écarter, d’éloigner, de repousser ou encore de dédaigner. Dans l’italien contemporain, on le traduit par mépris, dédain, désinvolture. Autant de termes que l’on pourrait facilement interpréter dans une perspective morale. Le premier traducteur français du Traité du Courtisan [de Castiglione] l’avait d’ailleurs rendu par « mépris », ce que le second traducteur, Alain Pons, corrige intelligemment en le remplaçant par « désinvolture ». Mais « négligence » conviendrait également. [...] »

    l’extrait dans son contexte >>