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L’oeil de Willy Ronis se referme

D 13 septembre 2009     A par Viktor Kirtov - C 3 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


« L’oeil de Willy Ronis se referme.

Le photographe s’est éteint samedi à l’âge de 99 ans. Il est à l’origine, aux côtés de Cartier-Bresson et de Doisneau, de "la photographie humaniste". »
C.L. - Le JDD du 12 septembre 2009

Parmi ses images les plus célèbres, poursuit le JDD : Le Nu Provençal (1949), qui montre son épouse nue face à un lavabo près d’une fenêtre ouverte. Pour cette image et pour de nombreuses autres, Willy Ronis a reçu de nombreuses récompenses : Grand Prix des Arts et lettres pour la photographie en 1979, prix Nadar pour son livre Sur le fil du hasard en 1981. Il avait fait l’objet au mois de juillet d’une rétrospective au festival d’Arles, où il s’était déplacé.

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Willy Ronis, juillet 2009
à l’occasion de la rétrospective d’Arles qui lui était consacrée et à laquelle il s’était rendu

A l’occasion de la sortie de l’album Nues, (Photos de Willy Ronis, texte de Philippe Sollers), nous en avions rendu compte avec deux articles de pileface :

La Beauté

Nues



Willy Ronis « Mes photos, le tissu de ma vie »

Le Monde du 28.07.09

Willy Ronis Né en 1910, il est devenu photographe en 1936, dans l’enthousiasme du Front populaire. A partir de cette date, il arpente la ville, et notamment Paris, pour capter des moments du quotidien et imprimer, en noir et blanc, la condition humaine.

[...]

- On vous décrit souvent comme un photographe humaniste. Est-ce que cela vous convient ?

Cela me va. Je crois que mes photos montrent en effet mon intérêt pour la condition humaine. Mais je n’ai jamais aimé chercher l’étrangeté, photographier la difformité par exemple. Les choses désagréables à voir, je n’ai pas envie de les voir, et encore moins de les montrer aux autres. Je suis un photographe de la vie quotidienne, de ce qu’on voit en circulant dans la ville. Je regarde les gens, j’ai envie de les photographier et de creuser un peu ce qu’a été leur vie.

- Comment avez-vous fait votre fameux reportage à la forge de Renault ?

C’était en 1950. Une commande faite par le Régie Renault à dix photographes français, leur laissant toute liberté pour circuler dans les ateliers. J’étais enthousiaste, la forge en particulier était un endroit fabuleux à photographier, dur pour les ouvriers. Et j’ai eu une profonde déception car je tenais beaucoup à ma photo de la forge, avec ce rayon de soleil qui tombait sur les ouvriers au travail, mais Renault n’en a pas voulu. Pour eux « cela faisait trop Zola » et n’insistait pas assez sur la modernité de l’usine. Ils ont choisi, platement, une autre de mes photos, la chaîne des 4 CV.

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Régie Renault, La forge, 1950

- Vous n’aimez pas les photos posées...

Je les préfère sur le vif. Sauf les photos de nu, ça c’est une autre affaire. Une décision. Une rencontre. Et, généralement une pose.

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Les amoureux de la Bastille, 1957

J’aime ne pas être vu, comme pour Les Amoureux de la Bastille, par exemple, en 1957. Une seule prise. La même année Les Amoureux du pont des Arts, dans leur barque, sous le pont, au début du printemps, ne m’ont pas vu non plus.

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Le petit parisien, 1952

Il y a pourtant une notable exception, une photo que j’ai mise en scène et qui a fait le tour du monde, Le Petit Parisien, en 1952, le gamin avec son pain presque plus grand que lui. Je devais illustrer un reportage qui s’appelait « Revoir Paris ». C’était l’histoire d’un homme qui était allé vivre aux Etats-Unis, revenait à Paris et s’attardait à remarquer tous les signes distinctifs de la ville. Parmi eux, il y avait le grand pain parisien. Dans la file d’attente d’une boulangerie, j’ai avisé un gamin qui avait l’air déluré. Il était avec sa grand-mère à laquelle j’ai demandé s’il pouvait sortir avec son pain et courir pour que je le photographie. Elle était d’accord. Et cette photo a eu un succès extraordinaire. On en a fait des posters, des cartes postales.

[...]

- Etes-vous passé à la photo numérique ?

Non, parce qu’au moment de l’expansion du numérique j’ai cessé de photographier. Mais je n’ai aucune réticence de principe face au numérique. Ce n’est pas la technique qui fait la photo, c’est le photographe.

- L’âge ne semble pas vous avoir affecté. N’est-ce pas cruel, toutefois, de renoncer à photographier ?

L’âge m’a affecté physiquement, pas moralement. Mais précisément, quand j’ai fait une dernière photo de nu - la dernière de l’album Nues, publié en 2008 aux éditions Terre bleue -, je l’ai faite pour faire plaisir à une jeune femme de mes amies qui me le demandait. Je trouve que je me tenais mal sur mes jambes, je tenais mal mon appareil. J’ai fait la photo. Puis je me suis dit : mon petit vieux, tu as tenu cet appareil pendant près de soixante ans. Tu as bien travaillé. Tu peux le poser. Ce n’est pas un problème. Et je l’ai fait.

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Place Vendome, 1947

En outre, la plupart de mes photos sont prises pendant que j’arpente la ville, et je ne peux presque plus marcher. Alors, cela n’avait pas de sens de s’obstiner. J’ai légué tout mon fonds à l’Etat, mais j’en garde l’usufruit. Je peux donc gérer mes archives, faire des livres, des expositions. Je ne suis pas inoccupé. J’ai toujours du travail et du plaisir au travail.

Propos recueillis par Josyane Savigneau





*

L’histoire du “nu provençal” (1949)

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Le nu provençal, Gordes, 1949

Nouvel Observateur. - Il y a en tout cas un nu pour lequel vous n’avez jamais eu de soucis, puisqu’il est déjà mondialement connu. C’est le fameux « nu provençal » qui est reproduit ici. Est-ce que vous pourriez nous raconter comment est née cette icône moderne ?

W. Ronis. - C’était au cours de l’été 1948. Avec ma femme, nous avions acheté une ruine à Gordes et nous avions décidé d’y passer nos vacances. Le confort était rustique, il n’y avait pas d’électricité et nous devions aller chercher l’eau à une fontaine.
Un matin, alors que j’allais prendre mon petit déjeuner, j’ai vu ma femme en train de faire sa toilette. Je lui ai dit : « Ne bouge pas », et je suis allé chercher en vitesse mon Rolleiflex qui était sur le buffet. J’ai gravi deux marches de l’escalier qui montait au grenier. J’ai pris quatre photos. Pas une de plus. Cela m’a pris à peine une minute. L’agence Rapho Fa diffusée et elle est aussitôt devenue célèbre.

N. O. - C’est une photo qui fait songer à un tableau du peintre Bonnard. Vous y avez pensé ?

W. Ronis. - On me l’a souvent dit, en effet. Mais au moment où j’ai pris la photo, je n’y ai pas songé une seconde. J’ai pensé : c’est un joli nu, c’est ma femme.

N. O. - C’est la première fois que vous la preniez ainsi ?

W. Ronis. - Non, je l’avais déjà photographiée chez nous à Paris, dans l’appartement que nous occupions alors boulevard Richard-Lenoir. Les volets étaient entrebâillés et il y avait un jeu de lumière, avec des traits d’ombre qui se projetaient sur sa peau.

Source : Le Nouvel Observateur -2301-11/12/2008
« (Re)voir les nus secrets de Willy Ronis »
Par Bernard Géniès

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L’histoire de "Mouche" (audio)

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Mouche, la femme qui retire son maillot rayé en couverture de l’album Nues. Ici, adolescente. (1948)
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VOIR AUSSI :

Nues, Willy Ronis, Sollers
La Beauté, Willy Ronis, Sollers

Crédit :

Le Nouvel Observateur
Le JDD
Le Monde


Willy Ronis, l’oeil humaniste


Le Journal du Dimanche, (édition du 13/09/2009)
par Danielle Attali

L’immense photographe, contemporain de Doisneau et Cartier-Bresson est mort samedi à Paris à l’âge de 99 ans.

L’un des derniers grands photographes humanistes du 20e siècle vient de s’éteindre et notre coeur se serre car c’était un immense artiste, et quelqu’un de bien.

Très affaibli, ne se déplaçant plus qu’en fauteuil roulant, à 99 ans, Willy Ronis n’en conservait pas moins un esprit plein de vivacité. Cet été, les Rencontres d’Arles l’avaient mis à l’honneur en organisant une magnifique rétrospective de son oeuvre vibrante d’humanité, chaleureuse et lucide à la fois. Un vrai moment d’émotion tout comme en 2005, lors de l’exposition parisienne qui avait attiré un demi-million de personnes, preuve de sa popularité et de sa cote d’amour auprès du public. Le photographe en avait été bouleversé avant que sa pensée n’aille vers ces visiteurs qui bravaient des températures glaciales. Juste pour lui !

Photographe de la vie quotidienne

Willy Ronis aimait les gens et revendiquait "cet intérêt pour la condition humaine", au même titre qu’il se voulait un photographe de la vie quotidienne. Il aimait tout autant les rues, les faubourgs, ceux de la capitale en particulier, s’y baladant en infatigable marcheur, appareil photo à l’épaule, saisissant des visages sur le vif, des couples qui s’embrassent comme les célèbres Amoureux de la Bastille. Traquant le naturel, il fuyait la mise en scène. "Un clic ou deux", confiait-il, tout en reconnaissant une exception pour la photo du Petit Parisien, le garçonnet à la baguette, "un inconnu que j’ai fait courir trois fois devant une boulangerie".

"J’ai rencontré assez peu de salauds"

Pas de quoi en faire un drame. Au-delà des scènes capturées sur les pavés parisiens, Ronis était aussi le photographe de la condition ouvrière : des clichés simples et grandioses où réalisme social, noir et blanc et intensité se mêlent dans une osmose magistrale, à l’instar de cette femme qui harangue la foule aux usines Citroën en 1938. "J’ai de l’empathie naturelle pour mes semblables et sans faire d’angélisme, disait-il, j’ai rencontré assez peu de salauds." Né en 1910 à Paris, d’un père ukrainien et photographe dans le 11e arrondissement et d’une mère lituanienne et professeur de piano, Willy Ronis s’imagine compositeur et violoniste. "La grave maladie de mon père qui me demandait de reprendre la boutique m’a sauvé la vie. J’aurais été un piètre musicien." C’est ainsi que parfois se nouent des destins. Nous sommes en 1932 et le jeune homme reprend l’atelier et réalise sans passion des clichés de naissances et de mariages. Pour s’évader, il part à la montagne d’où il rapporte des vues réalisées avec un vieux Rolleiflex et plus tard exposées.

"Je suis resté communiste dans l’âme"

En 1936, à la mort de son père, il devient indépendant. L’époque lui offre l’occasion de premiers reportages sur les luttes sociales. Bientôt, la guerre éclate et Willy Ronis, qui est juif, fuit en zone libre. Régisseur à Nice, dans un théâtre ambulant, dès la Libération, il reprend son appareil et ne tarde pas à intégrer l’agence Rapho aux côtés de Brassaï et Doisneau. Avant d’investir l’univers de la mode et de la publicité. Homme de gauche, Ronis adhère un temps au Parti communiste avant de rendre sa carte en 1965 en même temps que sa femme Anne-Marie. "Je suis resté communiste dans l’âme", affirmait celui qui voulait changer le monde par le regard et en capter avec une éternelle bienveillance "la beauté ordinaire".

A 84 ans, il saute pour la première fois en parachute

Remarqué, son travail lui vaut alors des commandes du magazine américain Life. Mais n’ayant pas la maîtrise des textes qui accompagnent ses images, il se retire, redoutant qu’on ne tronque le sens de son travail. En 1972, après avoir enseigné la photo à Paris, il se réfugie à Gordes, puis à L’Isle-sur-la-Sorgue, dans le Vaucluse, pendant douze ans. Finalement, en 1983, il revient dans cette capitale qu’il a tant aimée à cause de la maladie de sa femme.

A 84 ans, alors qu’il a perdu son fils dans un accident de Deltaplane, il saute pour la première fois de sa vie en parachute, avec son Minox à la main, comme pour une catharsis. Reconnu internationalement à la fin des années 1970, Willy Ronis disait cet été, alors qu’il devait subir trois dialyses par semaine : "A 99 ans, je sais que je fais du rab. Mais, j’ai toute ma tête et tous mes enthousiasmes. A l’intérieur, je n’ai pas changé." L’ami toujours pétillant de Robert Capa a définitivement posé son appareil.

Danielle Attali - Le Journal du Dimanche
Dimanche 13 Septembre 2009

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2008, Willy Ronis dédicaçant son album Nues en compagnie de Ph. Sollers
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Onfray-Sollers pour une fois d’accord !

Sollers et Onfray se reconnaissent, de facto, un point commun :
ils apprécient tous deux Willy Ronis, le photographe qui compose ses photos, comme le peintre, un tableau :

Sollers en écrivant un texte pour l’Album de Willy Ronis «  Nues  »

Ed. Terre Bleue, 2008
Des années 30 aux années 70, cinquante ans de corps féminins vus par Willy Ronis, accompagné de d’un texte original de Philippe Sollers. Willy Ronis voulait Sollers. Sollers n’attendait que ça. Il a dit oui pour Ronis. Immédiatement [...]
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Onfray en publiant un essai «  Fixer des vertiges : Les photographies de Willy Ronis »
Ed. Galilée (83 p.), 2007

« Comment peut-on fixer des vertiges ? J’emprunte ce « fixer des vertiges » à Rimbaud pour l’embarquer dans mon aventure d’une lecture de l’ ?uvre photographique de Willy Ronis. L’auteur prodige du Bateau ivre vise les vertiges du corps et de la chair, de l’âme et des passions, il aime les alcools [...] »
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