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La grande famille Leymarché-Financier

La vérité sur la crise financière ?

D 19 septembre 2008     A par Albert Gauvin - C 2 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


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« Vous ne voulez pas être de la famille ? De la grande famille Leymarché-Financier ? Décidément vous êtes malade. »

Philippe Sollers, Passion fixe, p.222.


C’était donc le temps où la Chine se laissait pressentir de partout. Mais ce qui nous intéressait, nous, sous ce nom, était la montée voilée d’un continent intérieur. L’humanité marchait sur la lune, elle savait se reproduire artificiellement, elle développait sa communication planétaire, un milliard d’êtres humains étaient maintenant debout de l’autre côté d’une muraille édifiée par des siècles d’exploitation et d’ignorance, les nouveaux tsars russes ne tiendraient pas longtemps, la terre glissait sur elle-même, c’était un merveilleux matin. L’Orient et l’Occident se confondaient dans une dévastation mais aussi dans une résurrection générale. Il fallait trouver sa propre voie dans cette compression violente, ce débordement, ce chaos. Dora, par exemple, magie blanche contre magie noire. Laquelle magie noire, dans cent ans, se résoudra comiquement ainsi :

Monsieur Leymarché-Financier et Madame, née Leymarché-Financier, sont heureux de vous annoncer le mariage de leur fille, Mademoiselle Leymarché-Financier, avec Monsieur Leymarché-Financier, fils de Monsieur et Madame Leymarché-Financier.
La Bénédiction nuptiale, Syncrétiste et Cosmique, leur sera donnée au Centre de Méditation, de Contragestion et de Fusion Universelle, place Victoria Mao, le 14 juillet, prochain, à midi.
Cet avis tient lieu de faire-part.

Studio de la Fondation Leymarché-Financier,

Hong Kong, 1er mai 2099

Passion fixe, Gallimard, mars 2000.

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Krach

Dieu va-t-il nous sauver du terrorisme, du réchauffement de la planète, de la montée des océans, et surtout des fausses interprétations qu’il laisse faire de lui-même ? Ce serait souhaitable. Va-t-il, surtout, nous éviter un krach financier ? Dieu entrant en récession, ce serait un comble. Pour l’instant, une pensée émue pour le petit épargnant mondial dont la crédulité, une fois de plus, aura été flouée. La valse des banques est vertigineuse, et les discours raisonnables (surtout pas de panique !) sont les plus inquiétants. Quel cléricalisme ! Relisons plutôt Beauvoir, c’est rafraîchissant : " S’il est une idée qu’à travers tout son pessimisme Sade répudie farouchement, c’est celle de subir. C’est pourquoi il hait cette hypocrisie résignée qu’on décore du nom de vertu ; elle est en fait une soumission imbécile au règne du Mal, tel que la société l’a recréé ; en elle l’Homme renonce à la fois à son authenticité et à sa liberté... Ce qu’on appelle l’humanité et la bienfaisance, il les attaque fanatiquement ; ce sont des mystifications qui visent à concilier ce qui est inconciliable : les appétits inassouvis du pauvre et l’égoïste cupidité du riche. " Oui, rafraîchissant.

Philippe Sollers, Journal du mois, Le JDD, janvier 2008.

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Le 22 janvier 2008, lors de l’émission Ce soir ou jamais, Ph. Sollers revenait sur la crise financière et annonçait que le pire était à venir devant ses interlocuteurs éberlués.

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Lors de son émission du 18 septembre Frédéric Taddei avait invité Georges Soros, financier, Daniel Cohen, Michel Aglietta, Philippe Manière, économistes. Le thème : la crise économique mondiale [1].
Tous semblaient d’accord : la crise économique est encore devant nous.

Parmi les invités, George Soros, 77 ans, multimilliardaire et gourou des marchés financiers aux Etats-Unis, livre son analyse de la crise. Spéculateur averti, il dénonce les " intégristes du marché " mais critique aussi la Réserve fédérale (Fed) et le Trésor américain. Il les dit responsables de la formation d’une "super bulle", qui plonge les Etats-Unis et l’Europe dans la récession.
Il récidive dans Le Monde du 20 septembre.

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M. Soros : "Wall Street ne s’effondre pas, Wall Street est en crise"

Wall Street s’effondre. Assiste-t-on à la chute de l’empire américain ?

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Georges Soros

Wall Street ne s’effondre pas, Wall Street est en crise. Les effets de cette crise dépendront de sa durée. La situation n’est pas fatale : nous sommes au bord du gouffre mais nous n’y sommes pas encore tombés. Le marché continue à fonctionner. En revanche, le fait nouveau depuis quelques jours, c’est que la possibilité d’un éclatement du système existe.
Ce qui arrive est incroyable ! C’est la conséquence de ce que j’appelle "l’intégrisme de marché", cette idéologie du laisser-faire et de l’autorégulation des marchés. La crise n’est pas due à des facteurs extérieurs, ce n’est pas la conséquence d’une catastrophe naturelle. C’est le système qui a causé sa propre perte. Il a implosé.

Le politique a-t-il sa part de responsabilité ? Quid des régulateurs ?

Alan Greenspan (l’ancien patron de la Fed) est responsable, parce qu’il a laissé les taux d’intérêt trop bas, trop longtemps, qu’il a laissé libre cours à l’innovation financière, considérant qu’il y avait plus à y gagner qu’à y perdre. Les autorités de contrôle sont également responsables, pour avoir donné trop de liberté aux acteurs des marchés et laissé se développer un marché du crédit monstrueusement étendu. Regardez le marché des dérivés de crédits ! Il se chiffre en milliers de milliards de dollars. Le résultat de cette politique, c’est une crise financière qui plonge dans la souffrance des victimes innocentes.

Que pensez-vous des interventions, en urgence, de l’administration américaine ? Seront-elles efficaces ?

Henri Paulson (le secrétaire au Trésor), rechigne à utiliser l’argent public. Il a d’abord refusé de signer un chèque en blanc pour sauver Freddie Mac et Fannie Mae, avant d’y être contraint quelques mois plus tard. On a vu les mêmes hésitations sur Lehman Brothers, que les autorités ont finalement laissé tomber, et sur AIG qui, lui, a été sauvé en raison du risque systémique qu’il représentait. II était nécessaire de le faire, la situation serait sinon devenue incontrôlable. Mais ces actions sont lentes et contreproductives. Pendant qu’on hésite, la situation se détériore. Et ces interventions sont curatives et non préventives.

La crise de 1929 est prise pour référence. Est-ce pertinent ?

La grande différence avec la crise de 1929, c’est l’attitude des autorités. Elles ont compris qu’il fallait soutenir le système, même si c’est compliqué et coûteux, et si ce n’est pas dans leur culture de faire intervenir l’Etat.

Que va-t-il se passer maintenant ? Quelles conséquences pour l’Europe ?

La source des problèmes est aux États-Unis mais l’Europe est concernée. Pour elle, l’avenir dépendra de la façon dont les autorités géreront la crise. Du fait de la décrue des prix des matières premières, nous allons entrer en période de déflation. Je pense qu’il serait opportun de baisser les taux.

L’économie réelle sera-t-elle affectée ?

Cette crise va se transmettre à l’économie réelle. Les Etats-Unis sont sans doute déjà en récession, et cela va s’accélérer aux cours des deux prochains trimestres. Les banques ont déjà restreint leurs crédits. Et l’opinion publique américaine a été choquée par ce qui s’est passé cette semaine. Les consommateurs ne vont plus s’endetter. Ils consommeront moins.

Les pays émergents comme la Chine souffriront-ils ?

Compte tenu du ralentissement brutal de l’économie mondiale, les exportations chinoises se réduiront. Les autorités ont les moyens d’agir pour stimuler l’économie grâce à leurs réserves de changes, mais le feront-elles correctement ? La Chine est un Etat bureaucratique et la crise économique pourrait dégénérer en crise politique, comme ce fut le cas en Indonésie en 1998. La crise du capitalisme américain pourrait avoir raison du communisme chinois.

Comment sortir du chaos ?

Tout le système financier américain doit être repensé. Les banques d’investissement devront s’adosser à des banques de dépôt. Il faudra mettre en place de nouvelles régulations. La mission des autorités est d’empêcher la formation de bulles financières. Elles ont des instruments à leur disposition et doivent les utiliser. Le crédit doit être régulé de la même manière que le marché monétaire. Il faut exiger des banques plus de fonds propres. Il faut aussi empêcher les prix de l’immobilier de s’effondrer et limiter les saisies des maisons.

De Barack Obama ou de John McCain, qui vous paraît à même de mieux réformer ?

Je pense qu’Obama a une meilleure compréhension de la situation.

Avez-vous perdu de l’argent dans cette crise ?

Je n’ai pas perdu d’argent mais je n’en ai pas gagné. Mais je ne vous révélerai pas mes secrets.

Vous êtes le "père" des hedge funds [2], dont les excès sont au coeur de la crise. Avez-vous des remords ?

Je ne suis pas le père des hedge funds mais l’un d’eux. Si c’était à refaire ? Je spéculerais mieux...

Propos recueillis par Claire Gatinois et Anne Michel, Le Monde du 20.09.08.

Lire aussi : George Soros : "Le système financier est au bord de la rupture".

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Le financier George Soros sur France Inter

Invité de Nicolas Demorand le 17 septembre.

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Critique

"La Vérité sur la crise financière", de George Soros : un milliardaire doute de la vertu des marchés.

A 78 ans, George Soros semble avoir, enfin, l’occasion de démontrer la pertinence de sa thèse. Le milliardaire américain, qui assume tout autant son statut de "philosophe raté" que de spéculateur averti, estime que la crise financière qui sévit depuis plus d’un an illustre son idée iconoclaste que les marchés sont pervers. Que deux phénomènes dominent la vie économique : la recherche de vérité et celle qui tente de la manipuler. Que la seconde biaise la première, provoquant aussi bien l’euphorie des marchés que leurs descentes aux enfers.
George Soros, explique, démontre, légitime sa théorie dans la première partie de son ouvrage : La Vérité sur la crise financière. Dans The New Paradigm of Financial Markets, le financier s’essaie davantage à un traité de philosophie qu’à une explication de texte de la crise. Citant à l’envi son référent, Karl Popper, mais aussi Aristote, le siècle des Lumières, ou Werner Heisenberg (1901-1976), spécialiste de physique quantique, cette "vieille barbe", comme il se décrit lui-même, explique comment, depuis la seconde guerre mondiale, la finance est partie à la dérive, trompée sur l’idée que les marchés étaient naturellement vertueux et qu’il fallait les "laisser faire".

Parti de Hongrie à 15 ans, diplômé de la London School of Economics à 22 ans, millionnaire à moins de 40 ans, M. Soros donne dans son ouvrage un peu de hauteur aux débats sur le désordre économique occidental. En dépit d’un vocabulaire parfois technique, l’écriture est appliquée, concrète, mais aussi accusatoire. George Soros fustige la finance sophistiquée, dénonce les crédits subprimes délivrés par des banquiers avides, les prêts "Ninja" trappe du surendettement, ou les crédits "Alt-A", encore appelés, des "prêts pour menteurs". Plus fondamentalement, il accuse Ronald Reagan et Margaret Thatcher, chantres du libéralisme, et traite Alan Greenspan, président de la Réserve fédérale américaine, ancienne idole des marchés, de manipulateur.

Convaincu, M. Soros met sa théorie à l’épreuve des faits. Expliquant que la crise actuelle ne correspond pas uniquement à l’éclatement d’une bulle des crédits et encore moins à celle des subprimes. Pour lui, c’est une énorme bulle qui est en train d’exploser et de faire voler en éclats toutes nos certitudes. En clair, nous vivons la fin d’une époque.

L’exercice peut sembler schizophrénique pour un homme qui a gagné 1 milliard de dollars en une seule journée de 1992 grâce à la sortie de la livre sterling du système monétaire européen. Mais George Soros n’en a cure, désormais plus actif dans ses occupations philanthropiques que spéculatives.

Démocrate affirmé, il suggère qu’un soutien aux minorités américaines, les plus douloureusement affectées par la crise, serait plus urgent, si ce n’est plus efficace, que le sauvetage des banques. Humble, il reconnaît s’être parfois trompé. Visiblement blessé d’avoir été jusqu’ici incompris et parfois méprisé par l’élite intellectuelle, George Soros-le-spéculateur se dévoile sur le ton de la confidence, livrant pudiquement quelques bribes de son passé et du traumatisme qu’a suscité dans son enfance l’occupation nazie. Un moyen aussi de justifier son incursion dans le domaine de la philosophie.

Caustique, il devance les quolibets, rapportant les propos blasés de son propre fils, Robert : "Mon père va s’asseoir et vous sortir des théories pour expliquer pourquoi il fait ceci ou cela, mais je me rappelle avoir vu ça enfant et m’être dit : "Oh mon dieu, il y a au moins la moitié de conneries là-dedans !""

Le lecteur jugera. George Soros est de fait, sans doute meilleur financier que philosophe, mais son explication de la crise mérite qu’on s’y attarde.

Claire Gatinois, Le Monde du 16.09.08.

Crédit : Le Monde.fr

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M. Léjean

« M. Léjean est petit, brun, presque chauve, bien habillé, concentré : le vrai cadre supérieur Leymarché-Financier. Il m’a invité à déjeuner pour faire porter de plus près sa publicité humaniste. Il invite à tour de bras, ces temps-ci, les contrôles s’intensifient, la chasse aux cerveaux est rouverte. Je l’écoute. Il est sérieux, sans illusions, il débite son discours avec un ennui profond, mais, si on s’y opposait, ce serait avec fanatisme. Il a dû beaucoup souffrir dans son enfance et sa jeunesse. Humiliations, mérite non reconnu, désirs bridés, revanche à prendre, bref le parfait prototype social vers lequel, désormais, tout le monde tend (Mme Léjean a un petit tailleur gris, un air affairé, une gaieté forcée, un portable qui sonne toutes les dix minutes). Comme toute activité relève de la Centrale Leymarché-Financier, il n’y a plus à la limite d’entité répondant à ce nom, il est impossible de la montrer du dehors, les seules critiques admises provenant du Bureau des Communications négatives. Que vous le vouliez ou non, vous êtes LF. Qui n’est pas LF est mort. Evidemment, vous pouvez toujours faire semblant d’appartenir au syndicat LF qui dénonce les excès de LF. Libre à vous d’être davantage surveillé, à moins que vous ne préfériez rentrer carrément dans la police LF qui, sous le nom de Ligue anti-LF, est organisée comme une secte intervenant jour et nuit dans votre vie privée. Plus secrète encore, l’organisation terroriste LF contre LF : là, bonne chance, il faut aimer mourir, et les candidats s’y appliquent. [...]

Vous ne voulez pas être de la famille ? De la grande famille Leymarché-Financier ? Décidément vous êtes malade. »

Philippe Sollers, Passion fixe, p.220 et 222.

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Voir en ligne : George Soros sur Wikipedia


[1

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Les mécanismes de la crise financière
Crédit : La Croix.com

[2Un hedge fund ou fonds alternatif est un organisme de gestion collective, fonctionnant sur le même principe que les Organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) ou Mutual funds américains, mais investi dans une stratégie alternative. Contrairement aux fonds « classiques », les hedge funds obtiennent des performances généralement déconnectées de la tendance générale des marchés actions ou obligations.
Remarque : to hedge signifie couvrir une position en prenant une autre position symétrique. Ceci ne signifie pas pour autant que tous les hedge funds pratiquent des stratégies « sans risque » ; cela ne leur permettrait pas d’obtenir les performances dont ils se targuent.

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