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Mystérieux Mozart (III)

Extrait

D 7 septembre 2008     A par Viktor Kirtov - C 2 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


En exergue

« J’ai la tête et les mains si pleines du troisième acte qu’il ne serait pas étonnant que je me transforme moi-même en troisième acte.  »
MOZART.

« Je devins un opéra fabuleux »
RIMBAUD.

Le début

C’était un matin d’été, un jour de grande chaleur. Je devais prendre un taxi pour traverser Paris. Le chauffeur, un Asiatique souriant, Mercedes climatisée noire, me dit : « La musique ne vous dérange pas ? - En principe, non. Qu’est-ce que vous avez ? » l me cite deux chanteurs de variétés, une chanteuse, et puis, surprise, Bach et Mozart. « Quoi de Mozart ? - Le Requiem. - Vraiment ? - Ça ne vous plaît pas ? - Si, si. Quelle interprétation ? - L’Orchestre philharmonique de Vienne Vous connaissez - Un peu. Allez-y, merci. »

Il envoie la musique. « Pas trop fort ? - Vous pouvez mettre plus fort. »

L’enregistrement de Karl Böhm, 1971, Hambourg.

oOo

L’extrait

La grande musique et l’extrême lucidité passionnée sont évidemment à l’opposé de la communication incessante du bruit techno et de la drogue. Mais cette opposition elle-même est révélatrice. Le corps humain a besoin, depuis toujours, de se précipiter sur l’information, le bruit qui court, la rumeur, le potin, le scandale, et, si cela ne suffit pas, d’aller jusqu’à la manifestation violente ou le tintamarre assourdissant sud fond de speed. Cocaïne, ecstasy, LSD, héroïne ! de plus en plus sniffée, sont désormais des ingrédients du spectacle. La mafia l’a compris depuis longtemps : casser et planer sont des objectifs permanents de la fête. Même plus besoin de danser ou de baiser, on s’assoit et on prend le produit. Allez vous faire foutre avec votre Mozart, il est inaudible.

Écoutons un preneur d’héro d’aujourd’hui : « C’est la même sensation qu’après un orgasme. Tu ne ressens plus aucune douleur ... Au-delà de la sensation physique, ce que j’ai aimé c’est l’impression que ça t’enlève toute humanité. Tu n’as plus d’envies ni de désirs. Rien ne t’énerve. Tu es raide, les pupilles en tête d’épingle, mais tu peux tenir une discussion. Un travail rébarbatif ? Tu le fais, quinze heures d’affilée s’il le faut. Tu n’as pas faim, pas soif, pas envie de sexe. Juste de petits câlins. Tu ne peux pas bander. Regarder un album photo ou écouter un disque ne me procurait plus aucune émotion ... Pour arrêter, tu ne dors pas pendant une semaine, la douleur est indescriptible. Ensuite, c’est la dépression nerveuse. Les deux mois suivants, tu as deux jours où ça va, et puis tu retombes. J’ai perdu cinq kilos. C’était difficile de manger, digérer, j’avais une chiasse de folie. Aujourd’hui même une petite madeleine me dégoûte. Je ne suis pas encore en pleine forme. »

L’héroïne, on le sait, est un relaxant qui favorise la descente des stimulants. Le circuit est bouclé, et il l’est le plus souvent en musique. Le diagnostic de Lautréamont, dans Poésies, est vérifié : « La mouche ne raisonne pas bien à présent. Un homme bourdonne à ses oreilles. »

Mais Rimbaud, déjà : « La musique savante manque à notre désir. »

Mozart ? Vous avez dit Mozart ?

Folio pp. 78-79

oOo

La fin

Il faut le répéter. Encore, et encore.

La Flûte enchantée vous accorde aussi le droit de vous amuser. Un sacré sans humour est une imposture, un humour sans sacré une caricature.

Puissance de la musique : la force lumineuse a triomphé. Ici, chez le mystérieux Mozart, tout est Sagesse et Beauté. Ceux et celles qui ont vu son coeur s’arrêter de battre n’ont certainement pas pu imaginer une telle métamorphose.

On réécoute l’ouverture. Les trois appels solennels. L’électricité tout autour. Signification littérale et dans tous les sens.

De nouveau, ce soir d’été, on éteint les lumières et on fait silence. Donne-moi la main, toi. Les trois coups sont frappés, la féerie recommence.

Vous qui entrez, retrouvez l’espérance. Une révolution aura lieu.

oOo

Les deux autres volets de la trilogie Mozart sur pileface :

Mystérieux Mozart (II), Critique
Mystérieux Mozart (I)

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Quatrième de couverture

Il est étrange de se dire qu’après Mozart tout s’est brusquement ralenti dans le bruit, la fureur, la lourdeur ou le tintamarre. Il y a eu une accélération de l’Histoire, soit, mais sur fond de stupeur, de torpeur. De nos jours, la vitesse est partout sauf dans les esprits. Du temps de Wolfgang, c’est le contraire. On voyage en diligence, les préjugés barrent l’horizon, c’est encore l’immense province, la noblesse, à quelques exceptions près, n’entend rien à ce qui va venir, mais le bouillonnement sensuel et neuronal est là, l’intelligence fuse à travers les doigts et les souffles. L’humanoïde actuel est un montage électronique à tête molle. La pointe du XVIIIe siècle, au contraire, est un oiseau spirituel à animalité de soie et d’acier.

Ph. S.

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2 Messages

  • V.K. | 2 juillet 2009 - 18:08 1

    Savante ?

    Ou Ca vente !

    En ce 2 juillet de grosse chaleur, je puis pourtant témoigner que j’en ai le désir.
    La musique de Mozart a un souffle inouï.

    Humour un peu court
    C’est vrai
    Qui rime avec l’humeur de l’heure
    En vacance.


  • anonyme | 2 juillet 2009 - 15:20 2

    Mais Rimbaud, déjà : « La musique savante manque à notre désir. »

    Moi : Mais ça veut peut-être dire qu’il ne désire pas la musique "savante".