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Le livre à l’heure numérique

Il arrive, découvrez le !

D 5 juillet 2008     A par Viktor Kirtov - C 3 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


« Une dématérialisation plus ample du livre est désormais envisageable (...) tout écran connecté à un réseau constitue en fait une porte ouverte à la diffusion du livre numérique » , écrit Bruno Patino, président de Télérama et du Monde Interactif, dans le rapport sur le livre numérique, qu’il a remis, lundi 30 juin, à la ministre de la culture Christine Albanel.

« Le livre n’est pas menacé par un transfert numérique » déclare quant à lui Arnaud Nourry, PDG de Hachette Livre, mais en même temps, il signe un protocole d’accord (mai 2008) pour le rachat de Numilog, une petite société pionnière dans la distribution de livres numériques. Pour préparer l’avenir ajoute-t-il.

Qu’en est-il vraiment ? Eclairage et rétro-éclairage :

Les téléphonistes entrent dans l’arène.

En avril 2008, Orange annonçait le lancement d’une expérimentation de « ReadGo », un livre électronique connecté à son réseau 3G, permettant de lire des éditions adaptées de plusieurs journaux. Juillet 2008, c’est au tour de son SFR d’investir ce créneau.

SFR indique que l’opération est menée en partenariat avec plusieurs titres de presse (Les Echos, Le Monde, L’Equipe, Le Parisien, Le Figaro et l’AFP) et des éditeurs (Dunod, Flammarion, Hachette, M21 éditions, Plon, Ramsay, Solar). Le reader utilisé est celui déjà adopté par Les Echos proposé par société Ganaxa dans sa plateforme de distribution de livres numériques. Ganaxa ne produit pas le reader d’origine chinoise intégré dans ses solutions. Il pèse 175 grammes, est doté d’un écran de 6 pouces. SFR indique une autonomie de 10 à 15 jours, pour une recharge d’environ trois heures.

Le lancement commercial est espéré « en fin d’année 2008 ».

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ebook Ganaxa

©Arnaud Devillard

Deux supports, deux formules commerciales.

Deux supports sont disponibles : l’Iliad de iRex Technologies et un "reader" vendu sous la marque Les Echos, intégré par la société Ganaxa dans sa plateforme de distribution de livres numériques. Il s’agit du reader STAReBOOK de la société chinoise eread, en pointe sur cette technologie

« Les deux readers se distinguent par leurs formats mais aussi leurs prix. Le STAReBOOK est le plus maniable : 176g, 8mm d’épaisseur, 18,8 sur 11,8cm, écran 6 pouces, lecture de MP3 pour 649 euros. Le prix, élevé, comprend un abonnement d’un an aux Echos et à toutes ses actualisations au fil de la journée, un abonnement AFP, un livre au format e-paper et bien sûr le support lui-même. Le chargement des éditions se fait par câble USB ou transfert par carte mémoire SD. »

L’écrit insubmersible

« L’écrit est insubmersible » c’était le thème abordé dans un précédent article que celui-ci prolonge.

L’écrit insubmersible ? Peut-être, mais les médias changent. Des tablettes de terre cuite de Fara que l’on peut voir au Louvre, aux manuscrits sur papyrus puis l’impression sur papier jusqu’à l’e-book sur écran, les médias supports de l’écrit suivent l’évolution technologique de leur temps. L’écriture manuscrite n’a pas disparu avec l’invention de l’imprimerie, mais régresse depuis l’apparition de l’ordinateur personnel. Si Sollers écrit encore ses textes avec un stylo, combien de jeunes auteurs se priveraient-ils de l’aide de l’ordi pour écrire leurs textes ?

L’ebook après une première tentative avortée, il y a déjà une dizaine d’années, renaît de ses cendres depuis plus d’un an, simultanément chez Amazon USA avec son « Kindle » et chez Sony avec son Personal Reader PRS-505. En France, Cybook, un acteur des ebooks de la première génération lance aussi son produit aligné sur les standards « Amazon »... etc.

La technologie de l’encre électronique

Le cadavre de l’ebook qui reprend vie, après des années de purgatoire, mais d’où vient ce sursaut ? Eh bien d’une avancée technologique :« l’encre électronique » encore appelée e-ink, e-paper. Sans entrer dans la technique, disons qu’elle allie la facilité d’usage d’un support mobile au confort de lecture du papier. Cette technologie permet en effet un packaging très plat, très léger, un excellent contraste sans nécessité de rétroéclairage à la lumière du jour, avec comme conséquence une consommation drastiquement diminuée et l’autonomie rédhibitoire de la première génération n’est plus un obstacle. Reste à constituer le catalogue des livres et presse en version numérique et mettre en place les plateformes de distribution adhoc.

Les acteurs de la distribution du livre numérique

Amazon aux Etats Unis et Sony au Japon sont actuellement les seuls à avoir lancé cette technologie à l’échelle nationale, Sony fin 2006 et Amazon en 2007. La vieille Europe se prépare à entrer dans la bataille avec en France, comme fer de lance ses téléphonistes Orange et SFR. Offre espérée pour Noël 2008 avec une double connectivité wifi et 3G des lecteurs, en même temps qu’Amazon ouvrira son offre au marché français et européen. Le monde de l’édition papier des grands éditeurs français regarde le train partir. Hachette-livres, nous l’avons cité, a toutefois mis un petit pion en vigie sur son échiquier. La presse est plus sensibilisée et un journal comme Les Echos a commencé son expérimentation depuis 18 mois déjà et la presse (Les Echos, Le Monde...s’associent aux expérimentations des téléphonistes).
A côté d’Amazon La Fnac est hors course, malgré une offre bricolée de téléchargement hors jeu ! Alapage ne manquera pas d’adopter les offres Orange, la Fnac risque d’être en position difficile, à moyen terme, sur ce créneau. A moyen terme seulement, l’invasion ne va être ni soudaine, ni massive et la Fnac a encore le temps de nouer les alliances nécessaires pour la mise en place d’une plateforme à l’état de l’art... A suivre, les sauts technologiques s’accompagnent classiquement de nouveaux entrants (ici, les téléphonistes...) et de sortants...

Les prémisses d’un tsunami pour la fragile édition française

La ministre Albanel le pressentait, Bruno Patino, président de Télérama et du Monde interactif, à qui elle a confié une réflexion sur le livre numérique a mis les points sur les « i », avec précaution. dans le rapport qu’il lui a remis le 30 juin 2008. Mais si l’on retire les précautions de style, de grands acteurs de l’édition, à la papa, risquent bien demain de se voir déposséder de leurs attributs traditionnels...
Que le support de visualisation du livre dématérialisé prenne la forme d’un ereader/ebook, d’un iphone devenu ibook/ ipaper orienté livre et presse ou d’un PocketPC devenu le nouveau livre de poche de demain... etc, ces mêmes publications numériques pouvant être aussi consultées dans le cadre de l’usage classique d’un ordinateur portable d’aujourd’hui, au bureau, à l’hôtel ou à la maison.

Combien ça coûte ? Et quelles perspectives ?

Le prix du lecteur (300 $ pour Sony, 350 $ pour Amazon) est encore un peu cher, mais nul doute que ces prix évolueront à la baisse dans le temps. Pas plus que Sollers n’a adopté l’ordi, l’adoption de l’ebook n’atteindra toutes les générations. A l’image de l’ordi qui a fait son apparition à la fin des années 1970.
Des pionniers, seul le nom d’Appel est resté. On disait alors micro-ordinateur, puis en 1981, IBM lançait son Personal Computer - le PC - qui lui conféra ses lettres de noblesse. Nous sommes actuellement à l’équivalent de 1981 pour l’ebook (ou le nom qu’il prendra dans le futur, « Personal Reader », « Personal Assistant »... ? », le PA d’accès aux livres et à la presse). C’est, du moins, ma conviction personnelle.

Que peut-on faire aujourd’hui avec un ebook ?

Les vidéos ci-après vous en donnent une première idée.

l’Amazon Kindle en action

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Le Sony PRS 505

Crédit : akitsu33

L’iliad : un des deux lecteurs de l’offre Les Echos

Démonstration vidéo ici

Quelques caractéristiques techniques de l’ebook

Ce sont celles du PRS-505 Sony, mais les autres produits ont des caractéristiques proches.

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ebook Sony PRS505

L’écran du Sony PRS-505 mesure 6 pouces (résolution 800 x 600), il est capable d’afficher 4 niveaux de gris et permet la lecture de texte, même en pleine lumière et même sous les angles de vue extrêmes grâce à son encre électronique. Au niveau stockage, le Sony PRS-505 permet de conserver environ 160 livres électroniques. L’ autonomie de lecture avant recharge des batteries est d’environ 7500 pages. Poids : moins de 200 g.

Le Sony PRS-505 peut lire les formats BBeB Book (avec ou sans DRM(*)), les fichiers TXT, RTF et PDF. Les photos JPEG, GIF, PNG et BMP peuvent aussi être lues, tout comme les formats audio MP3 et AAC (sans DRM).

(*) DRM : sécurité de protection des droits associés aux contenus.

Il y a encore des progrès à réaliser

Crédit : technologyevangelist

Un peu de dérision franchouillarde avec Philippe Stark
Un homme de goût, mais pas un homme de langue...!

Crédit : BeejayHH

Encore un gadget ?

Que faisait-on en 1981avec un PC ? Pas grand-chose ! Son écran était monochrome, résolution limitée, mode texte, pas de mode graphique. La souris n’était pas là ! Sa mémoire centrale commençait à 16 Ko (Kilo octets, non ce n’est pas une erreur !). La mémoire maximum atteignait 64 ko ! La première génération n’avait pas encore le disque dur mais la disquette comme mémoire permanente (160 Ko par disquette) et il n’était pas portable non plus... C’était le paléolithique !
Idem pour les suites logicielles bureautiques et autres... Et Internet n’avait pas encore pénétré l’univers de la microinformatique... L’ebook d’aujourd’hui est déjà wifi. Certes, des progrès sont encore à réaliser comme souligné dans les vidéos critiques. On peut aussi noter qu’il n’est encore que monochrome (nuances de gris), comme un roman de la collection Blanche de Gallimard, en fait, mais les iPod multimedia nous ont déjà habitués à plus, la couleur hautement souhaitable pour la presse et les livres illustrés, et la qualité vidéo pour les prochaines générations de livres multimédia.

Mais il y a déjà quelques « plus » qui m’intéressent par rapport au livre papier monochrome classique : une fonction « recherche » pour localiser un mot, une expression. Ajoutons un dictionnaire intégré consultable - vous n’avez jamais eu envie de consulter un dictionnaire lorsque vous lisiez ? Plus prosaïque, vous pourrez « corner » la page encours pour la retrouver lorsque vous reprendrez la lecture. Signets et brèves annotations, c’est oui et vous pourrez charger l’ebook à proximité d’une borne wifi du dernier titre paru en version numérique. L’argumentaire d’Amazon ménage aussi son catalogue papier : « l’extrait que vous lisez sur votre ebook vous plaît, commandez la version papier ! ». Quelques clics supplémentaires et vous le recevez chez vous. Ce film là est devenu un « classique » coexistant avec les autres modes de vente. L’e-book deviendra t-il un classique au même titre ? L’histoire de l’écrit et des technologies laisse peu de place au doute. La seule véritable incertitude, c’est « combien de temps sera nécessaire pour atteindre ce stade ? ».

30 ans pour passer du paléolithique de quelques pionniers de la microinformatique à l’ordi portable multimédia et connecté sans fil de 2008, largement utilisé ! Nul doute qu’il en faudra moins pour cette autre révolution qui n’en est pas une, mais seulement une évolution « naturelle » de la technologie. Gadget ? Par Sony l’inventeur d’un autre gadget, le walkman..., le baladeur, entré dans les objets mythologiques du XXème siècle. Par Amazon qui a construit son succès sur la vente de livres papier en ligne, un modèle sur lequel les sceptiques ne misaient pas leurs économies... Préparons nous à accueillir ce nouvel objet dans notre univers, le Kindle d’Amazon avec une offre en français est attendu pour Noël 2008 sur les étagères. Les offres des téléphonistes Orange et Amazon visent la même fenêtre temporelle de marché.

L’autre enjeu

Les différents readers de seconde génération se sont ralliés à la même technologie de base qui constitue une base crédible de conquête de marché. Mais une autre bataille est engagée sur les formats de structuration des contenus. Chaque plateforme de distribution a aujourd’hui le sien, Amazon, Sony, Ganaxia... La bataille des standards s’engage, comme il y a eu celle des systèmes d’exploitation sur ordinateur, des formats de télévision, des formats d’enregistrement video etc... A ce niveau, les jeux ne sont pas faits, la partie commence tout juste et la loi de la sélection mondialo-technico-économique est impitoyable. Leadership et domination laissent peu de place aux outsiders, hors niches sectorielles et géographico-linguistiques.


Liens

Mardi 8 juillet 2008 à Paris : 10ème édition des Rencontres Tebaldo
Papier Electronique Communicant, Stratégies et Enjeux

http://www.tebaldo.com/seminaires.htm

Le Cybook-Gen3-nos-conclusions

Le projet pionnier des Echos

Juillet 2008, SFR entre dans l’arène

Vous voulez avoir un bref état des lieux en juillet 2008, lisez Alain Beuve-Méry dans Le Monde du 04/07/08.

Voir aussi son compte-rendu sur le rapport Petito dans le Monde du 30/06/08.

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3 Messages

  • Jean l’Aveugle | 8 juillet 2008 - 01:14 1

    Cher Monsieur,
    Excusez-moi si je m’y suis mal pris, selon une expression trop rapide et elliptique de sorte à ce qu’elle puisse-être sujète à maints malentendus, certains d’ailleurs ne manquant pas de se produire.
    Commençons par une citation :
     et, dans le miroir glacé de l’écran, les spectateurs ne voient présentement rien qui évoque les citoyens respectables d’une démocratie. » Certes ici il s’agit de l’écran du cinéma, pas de l’ebook.
    Mais, ce que je visais était en premier lieu l’écran en général, l’écran glacé qui fait obstacle, celui du cinéma et de l’informatique, du multimédia, qui voile (sans perspective d’un horizon de dévoilement quelconque pour un supposé en-deçà magique en attente...derrière la tête du spectateur ?). Rien à voir, donc, dans cet écran glacé qui puisse être mis en rapport avec la profondeur du bleu du ciel.
    Je ne parlai pas de l’écran au sens de l’écran de fumée ou même de celui qui put et peut servir dans la peinture.

    L’usage que je fais de la citation d’Aristote est détourné : je ne vise plus la vue au sens naturel, immédiat (au sens où sans elle on devient aveugle au sens strict), mais selon un usage métaphorique : la perte de la vue se réduit à l’écran comme miroir glacé où le spectateur ne voit etc. (l’idolâtrie rend littéralement aveugle).

    Le texte que vous citez commence ainsi : « 
    L’histoire de l’écriture montre comment, à chaque étape, la modification des supports
    d’écriture a influencé la nature des textes eux-mêmes »
    Je vous pose donc la question : quoi ou qui veut l’ebook et dans quel but, qui fabrique cela ; qui ou quoi, présentement, décide de la modification des supports de l’écriture, de la « lecture » ?
    Le fait de favoriser désormais objectivement les catégories du voir dans la lecture même (je veux dire de façon total, ce n’est plus la BD), en la faisant passer et défiler sur un écran, ne fait-il pas écho au mot de l’électrique Voltaire que Sollers d’ailleurs aime à citer : « La plupart des gens ne lisent que des yeux. » ?
    Du coup, ce qui est premier dans la lecture, en lien au temps de la lecture - lequel n’est pas celui du défilement des lignes sur un écran - à savoir la mémoire du texte, est ce qui est substantiellement visé (volontairement, involontairement, cyniquement ?) par la réduction du Livre à un outil informatique. Vous semblez dire que l’informatique est un gain de temps (et je suis en partie d’accord évidemment) pour la recherche d’occurrences d’un mot ou d’une expression dans un texte donné. Mais, ce qui est présenté comme un gain est aussi une perte. Car, l’apparente perte de temps à chercher où se trouve tel mot, telle expression, est en même temps un gain dans l’entretien (pas au sens des managères) de la mémoire nécessaire au temps de la lecture. Je veux juste dire qu’il faut être conscient de cela lorsqu’on se sert de l’outil informatique pour, paraît-il, aller plus vite (plus vite à perdre l’intégralité vivante de sa mémoire ?).
    Croyez-vous que les gens qui lisaient des codex/codices exploitaient la dimension tabulaire de la page ? N’y a-t-il pas là un anachronisme révélateur ?
    Est-ce qu’inconsciemment (ou pas tant que cela) la volonté de réduire la bibliothèque à un outil informatique, intégré et falsifiable à loisir n’est pas une continuation de l’objectif d’extermination nazie, par d’autres moyens ?
    J’aime beaucoup dans votre tableau l’adjectif « numérique » appliqué au lecteur. Charmant.
    Le lecteur au lieu de lire numérisera donc le texte, quelle Merveille, Wunderbar ! Je veux dire que cet article manque sans doute d’une réelle critique des sipposés bienfaits de cette invention néotechnologique.
    La question reste ouverte : est-ce qu’on peut écrire vraiment sur un ordinateur sans passer par le papier ? Est-ce que vous sauriez-dire si en ce moment je recopie quelque chose d’écrit sur papier ou si j’improvise sur clavier ?
    Ces remarques (comme ma remarque, si on la lit bien) n’implique pas qu’on ne puisse pas avoir un libre usage du ebook, bien au contraire, mais on ne pourra pas l’avoir sans s’être posé ce type de questions, et sans y avoir réfléchi. Ou alors on ne lira que des yeux, c’est-à-dire dans l’obscurité.
    Mais après tout, n’est-ce pas ainsi que le monde croit tourner ?
    Je me répète : « 
    L’écran sème la mort dans l’oeil. L’accès à la lecture (mémoire, temps, histoire) vivifie la vue, et réciproquement. L’e-book n’est qu’un gadget au service du renouvellement technologique incessant visant à annihiler la vue, et par elle la perception, la lecture, le temps de la lecture, et donc la mémoire vivante de l’histoire »

    Mais je conluai : « 
    Mais une fois qu’on le sait, on peut aussi en jouer librement et par exemple se servir d’un ordinateur pour écrire ceci.

    Sachant à quoi peut servir, en tant qu’instrument cybernétique visant à la réduction de la mémoire et du temps de la lecture (sans temps mort n’est-ce pas ?) l’ebook - ou quelque autre instrument qui sera usiné -, rien, si on sait exactement de quoi il retourne, n’empêche de s’en servir de façon libre à moins que l’instrument en question n’entrave la liberté humaine de telle façon que cela devienne « impossible ». Mais de quel impossible s’agit-il, s’agira-t-il ? Relativement à quel corps, dans quel contexte ? Affaire de devenir sans doute.
    Bien cordialement.
    Jean L’Aveugle


  • V.K. | 6 juillet 2008 - 23:27 2

    « L’écran est à la lettre la perte de la vue, » ...
    _ ce qui est bien vu, bravo Jeannot !
    _ Mais les écrans de fumée ne laissent-ils pas voir
    _ jaillissant des fumeroles tous ces mots
    _ qui livrent Bataille pour atteindre notre ?il ?
    _ « Mon ?il ! » dîtes-vous en jetant de l’essence sur le feu,
    _ tel le pompier pyromane. Pour voir.
    _ Cet objet animé aurait-il une âme ?
    _ Diable, nous allons bientôt le savoir,
    _ mais, même dans les temps obscurs
    _ Il n’a jamais été interdit de consommer dans le noir.
    _ ...

    On pourrait ajouter que dans le noir, on peut aussi percevoir, non ?
    De là à crever l’écran... il n’y a qu’une percée. Encore pour voir...

    _ Afin de poursuivre cette profonde réflexion, soumets à votre sagacité
    _ le texte suivant qui, comme vous, est allé fouiller loin en arrière pour regarder notre présent de plus près :

    Les métamorphoses du texte

    _ L’histoire de l’écriture montre comment, à chaque étape, la modification des supports d’écriture a influencé la nature des textes eux-mêmes. Dans notre culture occidentale, la naissance de l’alphabet a eu pour effet de linéariser l’écriture en la calquant sur la chaîne parlée. Avec l’invention du codex, l’écriture rompt avec la linéarité et exploite la dimension tabulaire de la page. L’oeil circule plus librement et s’affranchit de la lecture à haute voix. La naissance progressive du livre, avec ses nouveaux outils de lecture (pagination, division en chapitres, table des matières, index, etc.), introduit une troisième dimension : le volume. Le livre ne se donne plus désormais seulement à lire, il peut aussi se consulter. L’encyclopédie en est l’expression la plus achevée. Ces diverses transformations ont eu une profonde influence sur notre rapport au savoir, elles ont façonné notre culture du livre.

    L’apparition de l’informatique pourrait bien constituer dans cette évolution des supports du livre une coupure épistémologique qui se manifeste de deux façons. D’une part la lecture d’un livre sur écran d’ordinateur prive le lecteur de l’appréhension physique de son volume. Le texte est réduit à une surface lisse sans profondeur. Le livre n’est plus un objet que l’on tient dans la main. Il forme un dispositif mouvant au sein duquel le lecteur doit inventer de nouveaux repères. La rassurante ordonnance du livre classique fait place à un labyrinthe dans lequel il risque de se perdre sans instruments d’orientation.

    D’autre part le texte lui-même, privé d’un support solide, se trouve dématérialisé, virtualisé.. Seul l’ordinateur [ou n’importe quel boîtier substitut] peut lui redonner une forme déchiffrable et intelligible au lecteur. Cette particularité lui confère certaines caractéristiques originales :

    _ - il peut prendre forme dans diverses typographies et/ou mises en page à l’aide d’une simple commande.
    _ - il peut faire l’objet d’un programme de lecture informatique (recherche d’occurrences et de contextes par exemple).
    _ - il peut être soumis à un affichage dynamique qui lui confère une dimension temporelle.

    _ ...

    Du livre papier au livre numérique

    Comme le montre le tableau ci-contre, l’introduction de l’électronique modifie profondément chacun des trois pôles de la chaîne de production/réception du livre. La première combinaison définit le livre traditionnel.

    La deuxième est celle d’un lecteur numérisant pour lui-même un texte édité sur papier.

    La troisième représente la situation d’un éditeur utilisant l’informatique pour saisir un texte et/ou le mettre en photocomposition.

    Dans la quatrième, un lecteur lit sur écran un texte écrit sur papier, mais édité sur un support numérique.

    Dans la cinquième un écrivain écrit sur son ordinateur un texte qu’il imprime pour envoyer à son éditeur qui l’éditera sur papier.

    La sixième situation diffère de la précédente par la numérisation par le lecteur du texte imprimé.

    La septième est celle d’un édition papier avec de moyens électroniques d’un texte écrit sur ordinateur.

    La dernière correspond à une utilisation de l’informatique à toutes les étapes du processus.

    Le livre électronique proprement dit suppose un texte édité sur un support numérique et lisible sur un écran.

    [...]

    Du texte au multimédia

    _ En passant de la page à l’écran, le livre électronique se donne moins à lire qu’à regarder ou à écouter. [...] L’écriture multimédia est encore balbutiante. Il est normal qu’elle cherche ses références dans des genres éditoriaux qui ont fait leurs preuves sur le papier. Un exemple réussi de synthèse des apports du texte, de l’image de synthèse, de la vidéo et du son est fourni par Le livre de Lulu (*) .
    _ un bel album électronique pour enfants. [...] Le livre électronique doit être un spectacle mis en scène, un nouvel opéra s’adressant à tous les sens.

    La conclusion de l’article

    Le livre électronique [...], a un bel avenir devant lui. Mais l’examen de ses caractéristiques et des effets qu’il produit dans le champ de la lecture/écriture conduit à penser que l’expression qui le désigne encore ici n’est peut-être plus tout à fait adéquate à sa vrai nature. En passant du papier au support numérique, le livre est en proie à une véritable mue. Ce qui en sortira au terme du processus engagé n’aura que peu de rapports avec ce que l’on appelle aujourd’hui un livre. L’interactivité, le multimédia et les réseaux excèdent de toutes parts les frontières qui le définissaient jusqu’à présent.[...] Le livre électronique n’est donc plus ici qu’un syntagme provisoire et éphémère, une étiquette commode posée sur un objet virtuel aux caractéristiques mal définies. Seul l’avenir lui donnera un nom.

    .

    Cherchez l’erreur !
    _ Ces extraits sont tirés d’un livre écrit en 1997 (sous la direction Jacques Crinon et Christian Gautellier )
    _ 11 ans déjà ! Mais qu’est-ce que onze ans à l’échelle de l’histoire des mutations des supports de l’écriture et de ses interactions intimes avec la pensée ?

    (*) Le livre de Lulu, un CD-Rom édité par Flammarion, 1995.
    _


  • Jean | 6 juillet 2008 - 16:27 3

    L’écran est à la lettre la perte de la vue, sa réduction formelle i.e. sa mise à mort.
    Ecoutons Aristote : "Si par exemple l’oeil était un vivant indépendant, la vue serait son âme, car la vue est l’essence (ousia) de l’oeil selon son concept. Mais l’oeil comme tel est seulement la matière de la vue ; si la vue est perdue, il n’est plus oeil que de nom, comme un oeil de pierre ou un oeil peint." (Aristote, De l’âme)
    L’écran sème la mort dans l’oeil. L’accès à la lecture (mémoire, temps, histoire) vivifie la vue, et réciproquement.
    L’e-book n’est qu’un gadget au service du renouvellement technologique incessant visant à annihiler la vue, et par elle la perception, la lecture, le temps de la lecture, et donc la mémoire vivante de l’histoire.
    Mais une fois qu’on le sait, on peut aussi en jouer librement et par exemple se servir d’un ordinateur pour écrire ceci.
    Bonne journée