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Le journal du mois de février 2008

D 25 février 2008     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook



Dimanche 24 février 2008

Le Journal du mois

Sarkozy | Tromperies |Société Générale | Katyn | Robbe-Grillet 1 | Robbe-Grillet 2

Le vrai Sarkozy

Je l’ai déjà dit : tout le monde se trompe sur Sarkozy, par manque de pénétration psychologique. On s’en tient à des apparences trompeuses - bling-bling, Rolex, agitation amoureuse, passion des médias -, alors que c’est un homme profond, blessé, en route vers la transcendance. Son cas a été subtilement analysé à Rome, lors de sa visite au pape et de sa prise de fonction comme chanoine à Saint-Jean-de-Latran. J’ai mes renseignements, je ne dévoilerai pas mes sources. Il suffit de savoir que le Président a été exorcisé à son insu, ce que le temps, peu à peu, mettra en évidence. En deux mille ans, les papes ont acquis un sacré coup d’oeil. Sarkozy, dit un rapport secret, est en réalité un enfant turbulent et glouton, ayant, en toute circonstance, un désir sincère de grandeur et d’affirmation. Avec humilité, cependant, il est à la recherche d’un amour vrai, lequel, encore profane, devrait un jour embraser son coeur. Son intérêt pour Dieu peut sembler opportuniste, mais non, il admire vraiment les religions, même s’il n’a pas encore tout à fait admis que la seule qui soit absolument vraie est la catholique. Pour l’instant, il semble pratiquer un relativisme et un syncrétisme brouillons, parfois même désinvoltes, mais aucun doute, c’est à Rome qu’il sera, italiennement, de plus en plus conduit. C’est un Sarkozy apaisé et serein qui se dévoilera dans les années qui viennent. Il ne serait même pas impossible, alors qu’on le croit fasciné par les illusions de ce monde, qu’il termine sa vie dans un ordre monastique strict. Il faut y veiller, et à cet égard, il serait bon de lui donner un autre guide spirituel que son dominicain blanc un peu voyant. Pour reprendre la grande tradition, un jésuite serait préférable, d’autant plus que le Président ne semble pas avoir encore découvert l’Asie. Cet homme est foncièrement bon, il veut bien faire, et il doit être encouragé contre les laïcards et les républicains fanatiques de tout poil. La conversion retentissante de Tony Blair au catholicisme n’est qu’un début. Celle de la reine d’Angleterre viendra en son temps. Veillons et prions.

Tromperies

Le SMS de Nicolas à Cécilia était peut-être un faux, mais il est quand même remarquable que les deux finalistes de la présidentielle française aient eu à se plaindre de leur conjoint. « J’ai été trompée », a dit Ségolène Royal. Je dois avouer que j’ai failli lui envoyer un SMS, genre : « Ce n’est pas grave, amitiés socialistes, Casanova. » Après le mariage sensationnel de Nicolas avec Carla, surpris au soleil dans le parc de Versailles, il importe maintenant que Ségo se marie avec un artiste ou un acteur de renom. Nicolas marié, Cécilia remariée, Ségo enfin mariée, qu’on en finisse. A leur âge, il serait temps que toutes ces braves personnalités passent dans une légalité sans reproche. « J’aimerai mon mari jusqu’à la mort », a dit Carla. C’est parfait, mais insuffisant tant qu’il n’y aura pas eu le sacrement de la véritable Eglise. Je vais intriguer pour obtenir du Saint-Siège une dérogation avec absolution plénière. « Dérive monarchique » ? Mais bien sûr ! « Monarchie élective » ? Enfin ! Inconsciemment, les Français ne demandent que ça, désir qu’avait compris l’astucieux Mitterrand, dont je trouve scandaleuse la mise aux enchères de ses vêtements. Une écharpe par-ci, un chapeau par-là, et pourquoi pas des mouchoirs, des slips, des chaussettes ? Est-ce ainsi que l’on traite les pharaons, les empereurs, les rois ? « Je crois aux forces de l’esprit », disait Mitterrand, lui-même bon petit catholique des Charentes. Mon Dieu, quelle misère ! Etre enterré à Notre-Dame et finir à Drouot ! On n’imagine pas Mme de Gaulle bradant les uniformes et les képis de son auguste mari. A la mort de Louis XIV, Mme de Maintenon, secrètement mariée avec lui (scène inoubliable), entrait aussitôt au couvent. Si Sarkozy meurt avant Carla, ce qu’à Dieu ne plaise, celle-ci en fera-t-elle autant ? Mais alors, plus de photographes ? C’est dur, je sais, mais il faut bien s’y résoudre un jour.

Société générale

La Société est générale, le Spectacle aussi. Le « trader » est un souverain dans son genre. Il pianote, il spécule, il vend, il revend, la banque vacille, elle se reprendra, de même que le Président comblera, à la force du poignet, son trou dans les sondages. Regardez une salle d’ordinateurs : mille romans se font et se défont là, à toute allure, mélangeant les espaces, les temps. La planète virtuelle tourne, et avouez que ces milliards d’euros partis en fumée vous laissent stupéfaits, ahuris, incrédules. Il faudrait un miracle pour qu’il en aille autrement. Qui sait ? Peut-être cet été, à Lourdes, où le Président, on l’espère, accompagnera le pape au lieu des apparitions. Inutile de dire que j’attends cette photo dans Match avec impatience, de même que les images de Carla avec la reine, à Londres, et celles du voyage triomphal du couple présidentiel en Israël. Sarko pense beaucoup à la Shoah avec une effervescence enfantine, et il a raison, on n’en fera jamais assez sur ce sujet capital. Il aurait quand même pu demander la permission à Simone Veil, dont le sang, dit-elle, s’est « glacé » lors de son annonce au Crif. Un confesseur jésuite aurait peut-être conseillé au Président d’être plus prudent, mais il a ses bonnes intentions fiévreuses, et c’est très louable. Je vais d’ailleurs proposer mon programme éducatif pour les enfants de 8 ou 9 ans : Shoah, naturellement, mais aussi un quart d’heure obligatoire de Mozart tous les jours. La Flûte enchantée chaque matin, où serait le mal ?

Katyn

J’attends aussi, avec curiosité, le dernier film de Wajda sur le massacre de Katyn, en Pologne, qui a fait l’objet du plus grand mensonge de l’histoire. Staline, à l’époque, a commandé l’exécution de 22 000 Polonais, dont 4 000 officiers (l’élite aristocratique), tous assassinés d’une balle dans la nuque, travail épuisant, mené à grand renfort de vodka. On a fait passer cette horreur, pendant cinquante ans, pour un crime nazi, tout cela pour ne pas avoir d’ennuis avec les Russes (ne pas oublier que Roosevelt appelait Staline « Uncle Joe »). J’ai utilisé dans un roman, Le Secret
 [1]
, la confession hallucinante d’un des bourreaux à des Britanniques. Il y a probablement encore des gens qui ne veulent rien savoir de ces atrocités commises dans un pays rayé de la carte par le pacte germano-soviétique, qu’il convient plutôt d’appeler stalinonazi. Le père de Wajda a été assassiné à Katyn. Sur ce sujet, donc pendant des années, lourd silence, énorme mensonge.

Le Secret, A livre ouvert (Katyn)

Le Secret, autre article sur pileface sur les autes aspects du livre

Robbe-Grillet

Robbe-Grillet, « le pape du Nouveau Roman », comme disent les journalistes de façon bébête, est mort à 85 ans. Je l’ai bien connu autrefois, quand il passait pour un révolutionnaire dérangeant, ce que prouvent certains de ses livres, notamment Dans le labyrinthe. Dieu sait pourquoi, il s’est mis à faire du cinéma tocard et à écrire, par la suite, des livres pseudo-érotiques de plus en plus plats. En réalité, quoique drôle et plein d’humour, il aura été très « fin de siècle », c’est-à-dire un décadent. Sa façon d’entrer à l’Académie française sans y rentrer fera date. Qu’a-t-il découvert à cette occasion ? Qu’il ne voulait pas être académicien, mais que son oeuvre, au fond, était académique. Il paraît que, dans une de ses dernières interventions publiques, il m’a traité de « clown ». Grossière erreur, mais sans importance.

Philippe Sollers
Journal du mois,
Le JDD N° 3189, dimanche 24 février 2008


C’était au printemps 2003, il faisait beau, j’étais déjà allé voir Alain Robbe-Grillet chez lui, près d’un bois calme, avec Laure Adler, pour convenir d’une longue série d’été sur France Culture (25 émissions d’une demiheure) qui serait un voyage dans sa littérature et dans celle des autres. Car il connaissait de nombreux textes par coeur, pas seulement des poèmes, chose assez commune, mais aussi des romans, en particulier Flaubert ou Albert Camus ou Kafka. L’idée l’amusait, il devait y voir la possibilité d’exercer un double talent, de séduction et de persuasion, avec les élans, les enthousiasmes, le rire, toute l’intonation de la pensée. Il y avait aussi, sans que le mot ne fût jamais prononcé, une idée de testament littéraire que, par élégance, il proposa d’intituler « Préface à une vie d’écrivain livré dans la voix vive ». Restait à mettre ce grandiose projet en oeuvre. Il fut convenu qu’Alain Robbe-Grillet viendrait, à intervalles réguliers, enregistrer trois émissions d’un coup, parfois quatre. Ce serait sur le coup de midi, car il fallait que tout l’esprit soit en éveil et que la mémoire roule à plein régime. Je lui envoyais un taxi et je descendais l’accueillir dans le hall de Radio France, où nous nous accordions quelques minutes au kiosque-bar pour esquisser les thématiques du jour et, surtout, pour prendre un café double et une tartelette au citron, invariable rituel de ce qui nous avait porté chance au premier enregistrement, et que, comme deux joueurs superstitieux, nous reproduisions scrupuleusement. J’ai aimé son exigence de précision, les petits pièges qu’il posait dans ses phrases pour vérifier que vous étiez un digne interlocuteur, et son regard qui s’illuminait à certains souvenirs ou à certaines idées qui lui venaient en tête. Il passait pour narcissique et suffisant. J’ai découvert au contraire un homme généreux, drôle, libre et soucieux de le rester en tout moment, inventif, et incomparablement doué pour transmettre à la fois ses passions et ses plaisirs. A la dernière séance, je suis venu avec quelques-uns de ses livres pour qu’il me les dédicace. Car Alain Robbe-Grillet a été et reste un très grand écrivain, parfaitement lisible, au contraire de ce qu’on voudrait faire croire. Il faut ouvrir Les Gommes sans se laisser intimider et y découvrir un magnifique roman où le lecteur sent que sa propre intelligence est mise en oeuvre. Ou La Jalousie, ce regard du narrateur sur ce qui se passe ou pourrait se passer entre sa femme et son ami Franck, qui est aussi un regard sur le monde colonial passant de l’ordre rêvé au désordre avéré, comme ces bananiers qui repoussent par le côté et déforment petit à petit le beau dispositif en quinconce. Et tant d’autres romans, tous aux éditions de Minuit, dont le dernier, La Reprise, en 2001, magnifique composition qui s’articulait autour de l’Europe en ruines d’après-guerre et des paysages dévastés par la tempête de décembre 1999. Alain Robbe-Grillet était ingénieur- agronome de formation, il croyait au progrès de la science et des arts, acharné à ne plus s’en laisser conter par les vieilles lunes. Bref, un écrivain moderne, résolument moderne. Dans sa dédicace personnelle de Préface à une vie d’écrivain (Seuil, 2005), il m’avait mis, simplement : « En avant ! » Alors, oui, « en avant », dans la lecture.

Bernard Comment

* Ecrivain et éditeur au Seuil.


[1Folio Gallimard, n° 2687.
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