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Cavale

(nouvelle)

D 30 juin 2005     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Nouvelle créée pour le journal Le Monde, 2001

LE DEBUT :

« On part ? - On part.

Maud ne pose pas de questions, elle est prête. On interrompt les contacts, on ferme, on boucle, on roule, on disparaît, passage de la frontière, pluie et soleil, ouverture de la maison, respire, maintenant, respire. Ecoute, regarde, sens, touche, bois, respire. Je saurai plus tard où aller. Je te dirai.

On va dormir beaucoup, c’est nécessaire. Dormir et encore dormir, c’est la meilleure façon de leur échapper, et le plus possible d’un sommeil sans rêves. Car ils s’infiltrent aussi dans vos rêves, ils vous parasitent, vous tordent, vous imposent leurs voix. Bribes chuchotées, martelées, conneries, éclats, obscénités, refus, reproches, arrestations, interdictions, ordres. Impossible de les faire taire, le silence serait pour eux un poison. Ils se défendent, vous bousculent, vous attaquent, vous cognent. Vous vous croyez seul, mon oeil. Votre chambre est remplie d’échos, les caméras sont là, les murs craquent, votre lit est électrique, la vermine monte dans les rideaux. « Ici ! » « Vous ! » « Toi ! ». Drôle de banlieue sans fin, drôle de trame. - Tu es fou ? - Un peu.

Maud pense qu’on vit un roman que j’invente, elle me suit, elle me croit. Tout a commencé par son obstination et sa gentillesse. Au début, méfiance, qu’est-ce qu’elle veut celle-là, l’étudiante, bon, oui, d’accord, jeune, brune, jolie, ronde, gracieuse, danseuse, regard noir amusé profond, mélodie, harmonie, la raison même. Les cinglées, merci, j’en ai eu ma claque. En insistant un peu, on finit d’ailleurs par s’apercevoir qu’elles le sont toutes. Ça peut mettre longtemps à se dévoiler, mais ça vient. Les visages se creusent ou s’affaissent, les masques tombent, la grimace d’argent apparaît, les sourires à reproduction s’enfoncent, les yeux égarés virent au fixe. Les types, nounours plus ou moins pervers, ignorent que la grande folie passe à ce moment-là sur eux, la vraie, celle de toujours, grottes, cryptes, couvents, maternités, crèches, écoles, liftings, cliniques, hôpitaux, bureaux, banques. Ils deviennent débiles ou se taisent. La folie, elle, parle à ciel ouvert, et personne ne semble s’en rendre compte. Ils sombrent, elles se décomposent, le spectacle continue, salut. »


CE QU’EN DIT PHILIPPE SOLLERS : dans un entretien avec Christine Rousseau Le Monde du 01/09/01 :

« Dans ces onze pages, je lance des choses qui peuvent passer inaperçues ; comme je fais d’habitude, d’ailleurs. Une proposition simple de deux personnages qui sont quelque part, mais en réalité avec une intention métaphysique. Ils réfléchissent sur ce qui leur arrive, leur rapport au temps, à l’espace. C’est un petit traité de métaphysique déguisé en nouvelle, qui n’est elle-même qu’un roman éventuel. Ce qui me permet de glisser une critique sociale très forte de ce qui pourrait être en effet l’histoire déprimée qu’on vous raconte, l’impact, l’emprise sociale sur les individus. En tout cas, j’essaie de ne pas me raconter d’histoires. »

NOTE
Un an après, Sollers publiera L’Etoile des amants, dont les trente premières pages reprennent in extenso cette nouvelle. Procédé qui sera utilisé aussi pour une Une Vie divine, dont le début sera préalablement publié dans L’Infini, sous le titre "Le Sujet"

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