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Sollers, personnage de roman

Ma vie dans la CIA

D 27 juin 2005     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Brève apparition de Sollers dans le roman de Harry Mathews, Ma vie dans la CIA, Une chronique de l’année 1973, P.O.L. Editeur, 2005. L’extrait(1) :

Avant-propos de l’auteur : " Afin de ne pas les gêner inutilement, les noms de certaines personnes figurant dans le récit ont été changés."

« ...Plus tard, Loriod apparut brièvement dans ma carrière « d’agent de la CIA », pendant les événements de mai 68.[...]
Rien en France ne fonctionnait, y compris les aéroports. J’atterris à Bruxelles, louai une Coccinelle, la chargeai de quatre jerrycans de 10 litres, et arrivai à Paris en fin d’après-midi. De mon appartement rue de Varenne j’entendais des explosions, qui (comme je l’appris plus tard) n’étaient que les grenades de la police dont le vacarme en effet pouvait suggérer la guerre. [...]
Ce n’était pas la guerre, seulement un genre de psychodrame civique déchaîné : tant que cela dura, une vraie révolution culturelle, rude sans doute mais grisante.

La semaine précédente une bande d’écrivains qui s’étaient désignés eux-mêmes avait envahi l’Hôtel de Massa dans la rue du Faubourg-SaintJacques, une propriété élégante qui hébergeait la respectable Société des Gens de Lettres. Au rez-dechaussée les nouveaux occupants fondèrent une Union des Écrivains. Je fus vite enrôlé par des amis et devins ainsi (n’en déplaise à Stephen Spender) son premier membre de langue anglaise. On ne faisait pratiquement que parler, mais cela même dut être utile puisque quelque dizaines d’intellectuels enthousiastes s’y employèrent pendant que les étudiants et les ouvriers faisaient bouger les choses.

Nous parlions. Nous discutions de sujets tels que : Comment l’écrivain fonctionne-t-il en tant qu’ouvrier dans une société ouvrière ? L’édition commerciale est-elle jamais capable d’être juste ? Parfois on se disputait autour des positions à prendre dans la situation actuelle, et c’était à ces moments-là que les discussions s’envenimaient. La grande majorité d’entre nous soutenait le mouvement étudiants-ouvriers ; mais il y avait une minorité, petite mais bruyante, qui suivait la ligne du Parti communiste et restait résolument contre. Cette minorité, qui comprenait le bureau de la revue Tel Quel (avec en plus Paule Thévenin, l’ancienne compagne d’Antonin Artaud), était animée par Philippe Sollers, son directeur.
Sollers avait déjà défini son curieux personnage littéraire : un animateur de revue agile ; un critique brillant ; son ardente curiosité érotique à part, d’une provocatrice inconstance dans ses professions de foi ; et aussi jaloux, paranoïaque et obsédé par le désir de pouvoir.

Dans la nuit du 24 mai, la minorité sollersienne quitta l’Union après qu’un vote l’eut isolée. Par la suite, Sollers revint souvent seul pour bavarder avec nous de façon plutôt accommodante. Un soir, avec Maurice Roche, je rejoignis un groupe dans un café voisin. Il y avait entre autres la compagne de Maurice, Violante do Canto, Sollers, Jean Pierre et Marie-Odile Faye. À un moment je dis combien j’aurais voulu mieux maîtriser la langue française ; ainsi j’aurais pu accepter la suggestion généreuse de Clarisse Francillon et m’occuper des archives de l’Union. Sollers regarda Maurice comme pour dire : « Et tu me dis qu’il n’est pas espion ? » (Nous avions eu notre espion, un vrai : Marie-Odile l’avait trouvé en train de téléphoner en cachette, en utilisant des termes tels que « R2m appelle 316 ».) Deux jours plus tard Jean Pierre me raconta que Sollers faisait des petits tours dans le jardin avec des membres de l’Union pour leur annoncer mon appartenance à la CIA. Alors je fis un petit tour avec lui pour lui demander comment il pouvait raconter de telles foutaises. Marcelin Pleynet, secrétaire de Tel Quel et mon ami, pouvait très bien mettre les choses au clair. Sollers fit marche arrière ; il ne faisait que répéter ce que Loriod disait. Il promit de ne plus en parler ; il tint parole. »


(1) p.18-21

Sollers, Maurice Roche, Jean-Pierre Faye, Marcelin Pleynet, tous membres de
Tel Quel

Harry Mathews est né le 14 février 1930. Après des études à Princeton, il fut diplomé de musique d’Harvard. Il entre dans le groupe l’Oulipo (L’Ouvroir de Littérature Potentielle) en 1973, aussi évoqué dans ce roman. Il y cotoiera Georges Perec.

(c) Photo Sigrid Estrada

Plus sur l’Oulipo : http://www.oulipo.net

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