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Un esprit libre en situation

A propos d’une émission de télé...

D 26 novembre 2007     A par Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


La preuve est faite une fois de plus : pas facile de parler de « Sollers » quand on ne l’a pas lu, pas facile de parler de « Sollers à la télé » quand on n’a pas compris sa stratégie, a fortiori quand on n’a pas vu l’émission (pas d’image, pas de son) et même, manifestement, quand on l’a vue !
« Irrespect », « grossièreté », « incohérence », « irrationnel », « sectaire, « inintelligent », « sans nuances », le langage des uns peut alors, parfois, étrangement recouper celui des autres !
Puisque les réactions suscitées font suite à l’émission du vendredi 23 novembre sur France 2 « Esprits libres » (et pas, par exemple, à « M. la maudite », le film de Fargier, passé sur Arte, le même soir, une heure plus tôt, où Sollers parle des lettres de Joyce à sa femme), il faut peut-être revenir sur ces images.

La mise en scène était classique : une ministre des Universités, Valérie Pécresse, en proie à une révolte étudiante qu’elle ne comprend pas, un « spécialiste des mouvements sociaux » et invité comme tel, Alain Touraine, Michèle Cotta, experte en coulisses du pouvoir et des media [1], quelques autres invités censés faire table-ronde ; autour, dans le « public » : des étudiants venus, brièvement on s’en doute, « témoigner » (auront la parole, essentiellement, à ma gauche, une étudiante de l’UNEF, à ma droite (jadis à l’extrême-droite), une étudiante de l’UNI).
Tout le dispositif était donc fait pour qu’on ait, face aux questions de l’animateur culturel, Guillaume Durand, et aux interpellations des étudiants, le bon vieux débat académique où ceux qui ont traditionnellement le monopole de la « bonne parole », celle du pouvoir et du savoir (le politique, l’universitaire), auraient pédagogiquement expliqué aux uns et aux autres les raisons pour lesquelles « ils se trompaient » ou pourquoi « ça bougeait ».
Sollers aurait pu participer sagement à ce savant « débat », eh bien non : il a rompu l’échange convenu. Quand il y a grève - dans des secteurs qui touchent à la communication et à la transmission, faut-il le rappeler - pourquoi n’y aurait-il pas interruption dans le spectacle ? Mise en relief du dessous des choses, du dessous des cartes (du sens caché sous les revendications manifestes) ?
L’extrait ci-dessous résume bien ce qui s’est passé : les propos de Sollers, en clair, n’auront choqué que ceux qui voulaient bien l’être (les « vieux », les « jeunes-vieux », les aveugles, les sourds). Puisque, au-delà des images et des sons, il fut aussi beaucoup question de la lecture (de l’illettrisme galopant et pas principalement de celui de la jeunesse !), je le transcris (quasi intégralement) afin qu’on le relise et juge sur le fond. Avec, en prime, la liste des invités de la fameuse Nuit du Fouquet’s, nuit à laquelle - quel qu’ait été votre vote à la présidentielle - vous n’aviez aucune chance de participer.

Esprits libres

France 2, vendredi 23 novembre 2007, vers 23h50...

Après une question de Guillaume Durand sur les raisons de la colère des étudiants, la réponse  à côté de la ministre et le début de  cours du sociologue, Philippe Sollers  interrompt  :

« Qu’est-ce que ça veut dire tout ça, voyons ? Est-ce que vous êtes tous sérieux ?... Vous avez affaire à un gouvernement empêtré dans des luttes sociales qui sont extrêmement vives, que ce soit apparemment les régimes de retraite, apparemment la crise de l’Université, apparemment... Vous êtes devant un mouvement de mécontentement fondamental qui repose... qui repose sur quoi ? sur une gouvernance tout à fait méprisante pour le peuple et pour les étudiants avec des discours insensés du président de la République au moment de sa candidature... « Il faut liquider mai 68 », vous vous rappelez ça, liquider quoi ? liquider le mouvement de la jeunesse, liquider ses aspirations, liquider son identité... C’est un mépris total pour le peuple, un mépris total pour la jeunesse... Vous ne vous en sortirez pas comme ça !

Guillaume Durand : Mai 68 a été une libération incroyable, écrivez-vous...
Ph. Sollers : Absolument. C’est ça qu’il faut liquider justement...

GD : Vous écrivez aussi : « le pays de la lutte des classes »
Ph. S : ça sera encore vrai demain... Malgré la gauche !...

GD : Je cite là Sollers : « Il y a les riches, il y a les pauvres. Les pauvres n’aiment pas les riches, les riches ne voient pas les pauvres. »
Ph. S : Oui. Voilà. C’est ça. Eh bien, quand vous êtes à L’Elysée, que vous vous augmentez (applaudissements), que vous avez affaire... il faut lire  « La nuit du Fouquet’s » , le livre des journalistes, Chemin et Perrignon [2], c’est admirable, c’est un livre admirable, qui détaille l’afflux de l’argent autour de ce pouvoir, qui détaille ce qui est en jeu... Attendez ! Laissez-moi dire... Il s’agit de quelque chose qui est cette arrogance de l’argent, avec le mépris total... Vous devez travailler plus pour gagner plus !... Vous devez travailler plus pour penser moins ! C’est ça le fond des choses. (applaudissements)

Valérie Pécresse : C’est une caricature.
[...] Ph. S : et d’ailleurs quand Renaud dit : « Valérie Pécresse, quelle tigresse », mon dieu, quelle rime faible ! Vous avez eu des manifestantes, d’ailleurs ravissantes, qui vous ont fait une très belle pancarte : « Valérie Pécresse, pas de tendresse ! Trop de CRS ! » Eh bien, trop de CRS ! C’est comme ça ! (Applaudissements d’un côté, sifflets de l’autre).
Ph. S : Silence la droite !

V.P. explique comment elle a négocié sa loi avec les syndicats étudiants, etc...
Ph. S : On connaît tout ça.

VP : La loi a été votée.
Ph. S : La loi, la loi... et pourquoi ça ne passe pas ?

VP : Ils n’ont pas d’emploi et vous en moquez ?
Ph. S : Mais non. Pas du tout. Au contraire.

VP : Parce que vous vivez dans le Paris du quartier latin...
Ph. S : Ah ! voilà ! Et 68, c’était aussi les bourgeois du quartier latin. Liquidez-moi tout ça !

VP : Vingt ans qu’on aurait dû la faire [cette loi].
Ph. S : Pourquoi c’est refusé ? Vous ne comprenez pas qu’il y a un rejet presque physiologique de votre gouvernement, qu’il y a un mécontentement très profond par rapport à une classe absolument arrogante, absolument d’argent, chez les gens qui habitent ce pays.
[...] Je vous dis que vous êtes absolument ignorante de ce qui se passe dans le peuple.

VP : J’ai fait une campagne électorale. J’ai fait des salles, sans doute vous n’en avez jamais fait.
Ph. S : Mais si...

VP : ... et j’ai rencontré des ouvriers qui m’ont dit « j’ai toujours voté à gauche et je vote Sarkozy. »
Ph. S : Oh ! Oh ! Vive la gauche ! Vive la gauche qui vote Sarkozy !

GD : Vous écrivez : « Je n’aimerai pas être aujourd’hui un jeune homme de 26 ans » Pourquoi ?
Ph. S : Parce que la société a tellement changé et est devenue tellement oppressive et réquisitionnante qu’aujourd’hui il y a énormément moins de liberté pour quelqu’un qui a cet âge-là qu’il y en a eu à l’époque où j’ai vécu, c’est-à-dire sur tous les plans, le plan privé, le plan professionnel, le plan social, etc. Il y a une sorte d’angoisse formidable. Il n’y a pas d’issue, pas de débouché et il y a une pression considérable, constante, pour une normalisation absolument implacable, c’est-à-dire le calcul, l’argent, l’argent, encore une fois l’argent, le débouché... Le problème c’est l’absence d’esprit...

VP : ... d’insouciance...
Ph. S : C’est l’absence d’esprit. La propagande de ce pouvoir est une propagande d’argent exclusivement mis en scène. Il n’y a rien qui soit d’ordre spirituel et ça c’est très grave. (applaudissements)
GD : Vous écrivez : « De toute façon, désormais, pour la planète entière, les affaires sont les affaires, ça suffit comme ça. »

Un extrait de l’émission

Capture et remontage : Dominique-Emmanuel Blanchard.

Ensuite, dans l’émission , Sollers revient — comme il l’a toujours fait — sur la difficulté, aujourd’hui, de la lecture, l’illettrisme, l’analphabétisme, la "dévastation"... qui n’ont rien à voir avec " les difficultés de la jeunesse " et les dépassent largement...
Les récentes critiques de ses livres sont là pour en témoigner.


[1« Cahiers secrets de la Ve république », 2007

[2 Liste d’invités établie par Cécilia Sarkozy

Mathilde Agostinelli, responsable de la communication de Prada-France
Robert Agostinelli, fondateur du fonds d’investissement Rhône Capital, membre du Council on Foreign Office
Christine Albanel, ex-directrice du château de Versailles, future ministre
Bernard Arnault, président de LVMH, numéro un du luxe français, première fortune de France
Arthur, producteur et animateur de télévision
Patrick Balkany, député-maire de Levallois-Perret
Isabelle Balkany, premier adjoint de son mari, vice-présidente du Conseil général des Hauts-de-Seine
Nicolas Baverez, essayiste, chroniqueur au Point
Nicolas Bazire, secrétaire général de LVMH
Antoine Bernheim, banquier d’affaires, président de la compagnie d’assurances Generali
Nicolas Beytout, directeur de la rédaction du Figaro
Basile Boli, ancien joueur de l’OM, héros de la finale de coupe d’Europe des Clubs champions 1993
Vincent Bolloré, PDG d’Havas, sixième groupe de communication mondial
Zofia Borucka, top model, femme de Jean Reno
Martin Bouygues, PDG de Bouygues, premier actionnaire de TF1
Conrada de La Brosse, dirigeante de la maison de l’Esprit de Château
François de La Brosse, publicitaire
Denis Charvet, ex-rugbyman du Racing, actionnaire de casinos
Marie-Anne Chazel, comédienne
Christian Clavier, acteur de cinéma
Stéphane Courbit, ex-président d’Endemol France
Agnès Cromback, présidente de Tiffany France
Bruno Cromback, joaillier, PDG d’Augis 1880
Jean-Claude Darmon, ex-président de Sportfive, ancien grand argentier du football français
Serge Dassault, PDG de Dassault et du journal le Figaro
Rachida Dati, future ministre
Jean-Claude Decaux, PDG de JCDecaux, leader mondial de mobilier urbain
Paul Desmarais Sr, milliardaire canadien, PDG de Power Corporation, actionnaire de plusieurs groupes français
Dominique Desseigne, PDG du groupe Barrière
François Fillon, futur Premier ministre
Bernard Fixot, éditeur de best-sellers
Valérie-Anne Giscard d’Estaing, éditrice, épouse de Bernard Fixot
Albert Frère, première fortune de Belgique
Hugues Gall, président de l’Institut de financement du cinéma et des industries culturelles
Pascal Gentil, triple vainqueur de la coupe du monde de taekwondo
Pierre Giacometti, directeur général d’Ipsos France
Henri Guaino, conseiller spécial et « plume » du Président
Claude Guéant, préfet, futur secrétaire général de l’Elysée
Johnny Hallyday, première vente de disques en France
Laeticia Hallyday, épouse de Johnny Hallyday
Roger Karoutchi, futur secrétaire d’Etat
Patrick Kron, PDG d’Alstom
Bernard Laporte, sélectionneur de l’équipe de France de rugby
David Martinon, futur porte-parole de l’Elysée
Alain Minc, président d’AM Conseil, conseil de grands dirigeants
Henri Proglio, PDG de Veolia, ex-Compagnie générale des eaux
Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre
Jean Reno, acteur de cinéma
Andrée Sarkozy, mère du Président
François Sarkozy, frère du Président, vice-président du conseil de surveillance du groupe Bio-Alliance Pharma
Guillaume Sarkozy, frère du Président, ancien vice-président Medef
Xavier et Sylvie de Sarrau, les meilleurs amis
Eric Vu-an, maître de ballet au Ballet national de Marseille
Richard Virenque, ancien coureur cycliste et maillot de jaune du tour de France
Philippe Warrin, unique photographe présent au Fouquet’s, agence SIPA.

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