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Diderot, reviens !

Journal du mois d’août 2007

D 27 août 2007     A par Viktor Kirtov - C 1 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook



Goncourt Bush Notre-Dame Journaux Pollution Lectures


Goncourt
Le Président a raison : à l’ère spectaculaire, il ne faut pas laisser deux minutes au spectateur. Il doit être sans cesse réveillé, bousculé, empoigné, déménagé, intrigué. Tout va si vite que l’épisode d’hier est déjà emporté par celui de demain, et nous irons ainsi, à toute allure, de surprise en surprise. L’opposition court après l’épisode Kadhafi ? C’est déjà loin. L’énigme Cécilia ? C’était il y a dix ans. L’avenir de la gauche ? Revenez à la case départ, c’est-à-dire à la fin du XIXe siècle. Non, la seule question intéressante des prochaines semaines, c’est de savoir si le Président (ou plutôt Yasmina Reza) aura le Goncourt.

A mon avis, pour des raisons hautement historiques, il le faut. On aurait ainsi la réédition du Goncourt de Marguerite Duras dans le sillage de Mitterrand. L’amant, rappelez-vous, un million d’exemplaires, et ensuite des entretiens au sommet qui sont dans toutes les mémoires. Le moment est venu de faire moins provincial, plus cosmopolite, plus mondial. Je n’ai pas encore lu le Reza, mais j’imagine que les réseaux s’activent dans l’ombre. Le bouquin est sûrement enlevé, captivant, théâtral, susceptible d’une transposition scénique immédiate avec comédiens doués, sans parler d’une série télévisée qui s’impose, ou d’un film en plusieurs épisodes. On attend déjà la suite. Et puis Reza et Sarkozy reçus ensemble chez Drouant, quelle gueule ça aurait ! Quelle fête ! Vous n’allez quand même pas me dire qu’il ne s’agit pas d’un vrai roman !


Bush
La vie survoltée du Président m’intéresse : c’est la chevauchée fantastique, en avion, en bateau, en hors-bord. Le Président a des amis fortunés partout, il tient à le faire savoir aux Français racornis dans leurs petites vacances maussades. Le voici luxueusement installé aux Etats-Unis, et invité par Bush à déjeuner. Là, on voit bien à quel point les Américains déclinent et sont vulnérables. Pas de homard grillé traditionnel pour notre Président ? Seulement des hot-dogs et des hamburgers "au choix", comme dans un vulgaire McDo ? Quelle radinerie ! Quel scandale ! Une petite virée sur l’eau, conduite par Papa, et pas le moindre espadon brandi ? Misère.

Ces Bush, que voulez-vous, déjà sur le départ, sont des caricatures : le père, le fils, la femme, l’énorme Mémère, les enfants et les enfants des enfants, quelle lourdeur sur fond de Bagdad ! En plus tarte, ces jours-ci, je ne vois que Mazarine Pingeot, photographiée, enceinte de son deuxième enfant, pour vendre son livre.

D’accord, on reçoit le Président d’un petit pays, d’un dominion de sous-traitance, mais ce n’est pas une raison pour le traiter comme un garagiste ! Lui mettre sans arrêt la main sur l’épaule, se pencher sur lui, comme sur un enfant, pour voir s’il est content et s’il a bonne mine ! On comprend Cécilia et son "angine blanche" (un ange passe, et il n’est pas forcément blanc). Angine ou angyne ? Allez savoir. Quoi qu’il en soit, bien joué, l’honneur national est sauf. D’autant plus qu’on a vu la malade se balader le lendemain en tee-shirt et short pour faire du shopping. Le Président est allé jusqu’à dire que c’était lui qui avait contaminé son épouse (donc par un bouche-à-bouche). Aux dernières nouvelles, mais c’est peut-être une rumeur malveillante, on me dit que toute la famille Bush est au lit avec des angines blanches carabinées. Voilà la vengeance du homard !


Notre-Dame
Le Président a longuement hésité. Fallait-il interrompre ses vacances de rêve et rentrer à Paris pour les obsèques solennelles du cardinal Lustiger à Notre-Dame de Paris ? La République pouvait-elle se montrer catholique ? Le triste Fillon suffisait-il comme représentation ? Vite fait, bien fait : le Président prend l’avion (au moins quatorze heures aller-retour), déboule à l’heure sur le parvis de la cathédrale, on lui donne des fauteuils un peu grands pour lui. Là, le grand jeu de l’au-delà commence : terre d’Israël minutieusement versée dans un bol sur le cercueil, kaddish dit en araméen (langue que parlait Jésus, soulignent les commentateurs), entrée dans la cathédrale sur fond de requiem chanté en latin, discours en français du successeur, un peu pâle, de Lustiger, éloge spiritualiste, mais fatigué, de l’Académie française, message du pape lu de façon légèrement pincée (pourquoi ?) par le cardinal Poupard. C’est parfait.
Tout cela très insolite et d’ailleurs émouvant et beau (la chorale de Notre-Dame est en net progrès), puisque ce n’est pas tous les jours qu’un cardinal, juif, et français, monte au firmament du Saint-Siège. J’entends, ici et là, des murmures. Je les fais taire. Ils sont déplacés.

Pensons plutôt à la fatigue du Président, déjà sous angine, passant d’un enterrement éprouvant aux bourrades de son camarade de chambrée, tout en emportant avec lui une biographie de La Fayette. Les Etats-Unis, il ne faudrait pas l’oublier, ont existé grâce à nous. Vous savez combien il y avait d’Américains, il y a deux cent cinquante ans ? Non, le président McDo ne le sait pas. Seulement quatre millions, assène notre Président, qui, visiblement, a préparé son effet, sachant qu’on a supprimé le homard grillé.


Journaux
A part la passionnante enquête du Journal du Dimanche sur les sept péchés capitaux dans laquelle quelques grandes vedettes, avec des photos géantes, sont restées quand même plutôt évasives sur la luxure, mes séries préférées de l’été ont été, dans Le Figaro, les reportages de François Hauter sur la Chine et la diaspora chinoise à travers le monde, et la bande dessinée de Libération, Tigresse blanche, épatant délire de Conrad et Wilbur. Hauter nous raconte que la psychanalyse connaît un développement foudroyant chez les Chinois, de plus en plus stressés par l’évolution brutale de leur société. Après "l’oncle Marx", "l’oncle Freud" ? se demande-t-il. Ça me donne presque envie d’ouvrir un cabinet là-bas, avec séances courtes, ultra-zen, à la Lacan. Après quoi, récit de mon expérience, Un divan à Pékin, best-seller automatique, surtout après les Jeux olympiques. Mais non, je recule devant la pollution.


Pollution
Des crétins sont allés verser de l’huile de vidange sur des livres, dans une librairie de province. Le prétexte ? Un colloque sur « la nuit sexuelle », titre d’un livre publié bientôt de Pascal Quignard. Il y avait aussi, pour chauffer les esprits fragiles, des projections de films d’Oshima et de Pasolini. Le problème est que tout ça avait lieu dans une moitié d’abbaye, l’autre moitié étant occupée par des moines. Une pollution nocturne des moines ? Impossible. Un commando intégriste situationniste ? Qui sait ? Après tout, Dieu a ses dévots, souvent commandés par le Diable.

Quignard qui avait dû décliner l’invitation de Julia Kristeva et Philippe Sollers à venir fêter leurs quarante ans de mariage. « J’entre au couvent avec Catherine Millet.  » leur avait-il écrit, en termes sibyllins, En ce début août, effectivement, le couple Quignard-Millet franchissait le seuil de l’abbaye de Lagrasse pour « La nuit sexuelle », thème du « Banquet du livre » des éditions Verdier, du 3 au 10 août. C’est ce que confie Valérie Marin La Meslée, journaliste du Point, qui assistait à la manifestation. Elle raconte aussi cette scène :
« Le 4 août, [...] le dortoir à la douce pénombre est le décor d’une savoureuse lecture. Celle de « La vie sexuelle de Catherine M. », portée par la voix sage d’une jeune lectrice, assise derrière une table recouverte d’un drap blanc. Au premier rang de l’assemblée, Catherine Millet et son compagnon, Jacques Henric, écoutent religieusement. « J’aime offrir l’écartement de mes fesses et de mes jambes à la circulation de l’air... » A ces mots, un vent léger gonfle la nappe, dont les bords se soulèvent. La lecture touche à sa fin quand un autre son de cloche retentit : cinq coups scandant un passage où Catherine M. décrit la résonance d’autres coups au plus profond d’elle-même. Applaudissements. »


Lectures

Qui peut penser que Sollers défende un livre auquel il ne croirait pas ? Mais il n’est pas interdit de noter que les trois livres cités sont publiés par des éditeurs « amis » : Gallimard, Hermann (l’éditeur de son essai Fleurs). L’amicale sélectivité n’exclut pas la qualité. Certes, certes et nul n’est obligé de se limiter au guide rouge du Sollers-Michelin ou au Petitrenaud-Sollers, comme vous voudrez.

La rumeur vous a sûrement avertis : vous devrez lire impérativement Cercle de Yannick Haenel [1], qui surplombe, de loin, tous les romans de la rentrée, et, dans la foulée, De l’extermination considérée comme un des beaux-arts, de François Meyronnis [2]. étourdissant démontage du nihilisme de notre temps, à travers, par exemple, les livres de Houellebecq.

Mais, pour l’instant, les amateurs se procureront la réédition des Ecrits sur l’art et les artistes, de Diderot, choix de textes, introduction et notes par Jean Seznec, avec trois textes importants de Jean Starobinski, Michel Delon et Arthur Cohen [3]. Ecoutez simplement ce dialogue entre Diderot et Grimm, dans le Salon de 1767. Diderot : "L’argent avec lequel on put se procurer tout devint la mesure commune de tout. Il fallut avoir de l’argent, et quoi encore ? De l’argent. Quand on en manqua, il fallut en imposer par les apparences et faire croire qu’on en avait."

« Amusons-nous sur la terre et sur l’onde ; malheureux celui qui se fait un nom ; richesses, honneurs, faux éclats de ce monde ; tout est bulle de savons »
disait, quant à lui, le peintre Eugène Boudin, citation par laquelle Pierre-Gilles de Gennes avait conclu son discours, à Stockholm, lors de la remise de son prix Nobel de physique (1991)

Et Grimm : "Et il naquit une ostentation insultante dans les uns, et une espèce d’hypocrisie épidémique de fortune dans les autres." Et voici Diderot parlant de Chardin : "On s’arrête devant un Chardin comme d’instinct, comme un voyageur fatigué de sa route va s’asseoir sans presque s’en apercevoir dans l’endroit qui lui offre un siège de verdure, du silence, des eaux, de l’ombre et du frais."
Diderot, reviens !


Philippe Sollers
Le Journal du mois
Le Journal du Dimanche du 19 août 2007.

Diderot, un thème récurrent chez Sollers

Dès 1980, « Sollers joue Diderot » avec Annie Hamel et Elisabeth Barillé
Un documentaire de Jean Paul Fargier

Diderot, par la bouche de Philippe Sollers, plus libertin que jamais, explique dans la version complète DVD quels ont été ses rapports exacts avec la grande Catherine de Russie et Sophie Volland.


Crédit :YouTube

On peut aussi replonger dans Le Nouvel Observateur du 21-12-06 qui consacrait un dossier au siècle des lumières. En introduction, un article de Sollers : Rallumez les lumières où Diderot ne pouvait pas ne pas être évoqué. Il en a été rendu compte sur ce site et si vous lancez la fonction « recherche pileface » sur le mot clé "diderot" vous obtenez ceci

Sollers encyclopédiste dans le sillage Diderot ? Sûr, qu’il aimerait que soit reconnue cette composante de son ?uvre : Dans l’avertissement de son Eloge de l’Infini , Gallimard, 2001, ne qualifie-t-il pas, lui-même, son travail de « projet encyclopédique et stratégique ». Rien moins que çà ! Et d’ajouter que « chaque texte a toujours été prévu pour jouer avec d’autres, dans un ensemble ouvert ultérieur (...)  »


[1Gallimard/L’Infini.

[2Gallimard/L’Infini

[3Hermann.

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