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Le libertin métaphysique

D 23 janvier 2007     A par Albert Gauvin - C 13 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


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Gabriel Matzneff au Jardin des Plantes,
devant sa statue favorite
L’Amour captif de Félix Sanzel (1868)
été 2011 (photo par Véronique Bruez)
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Gabriel Matzneff est un écrivain à part, inclassable. Ses goûts, sa vie, ses références littéraires, ses convictions brouillent les repères. Il passe pour un écrivain "sulfureux" mais pourquoi et de quoi s’agit-il ?

Philippe Sollers (en 1981) : « Ce qui irrite le conformisme ambiant chez Matzneff, je sais bien ce que c’est : sa sérénité, son honnêteté, son refus de tricher en exposant ses contradictions. Mêler, comme il le fait, le sexe à la prière, par exemple, provoque immédiatement le comble du malaise. C’est un bon test, je crois, pour discerner les esprits vraiment libres, libres de tous côtés. »

En 1981, Matzneff publie ce qui est peut-être son plus beau roman Ivre du vin perdu. Sollers le défend dans Le Monde du 25 septembre. Le directeur du quotidien est alors Claude Julien qui vient, pour quelques mois, de succéder à Jacques Fauvet. La directrice du Monde des livres est Jacqueline Piatier, sa fondatrice [1].

Le libertin métaphysique


Le Monde des livres, 25 septembre 1981.
Archives A.G. (j’ai souligné à l’époque). ZOOM : cliquer sur l’image.
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Où en est le libertin aujourd’hui ? Existe-t-il encore, ce héros douteux dont la vie agitée est fondée sur le renversement des valeurs, la critique permanente, au nom de la vérité sexuelle, de l’hypocrisie des temps ? Mais oui, le revoilà bizarrement parmi nous, plus aigu et corrosif que jamais, transformé à la mesure des changements récents. La loi ayant déplacé son réseau de contraintes et de surveillances, le libertin, celui qui veut faire un avec la liberté, suit la loi à la trace, devient sans cesse comme son ombre, quelqu’un d’autre. Casanova, Don Juan, sont bien obligés de s’adapter. Leur adepte le plus souple, le plus déterminé, le plus complexe s’appelle maintenant, à la russe, Nil Kolytcheff. Une figure endiablée qui mérite de passer à la postérité comme le jeu brillant et mortel encore possible au dessus de nos jours soucieux et moroses. C’est là, il me semble, la grande réussite du dernier livre de Gabriel Matzneff, Ivre du vin perdu : être personnellement à la hauteur du mythe, le ranimer, le renouveler.

L’hypothèse dissimulée du diable
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C’est un être à part. Tour à tour sublime, comique, enfiévré, froid, pathétique, étroit, sentencieux, avide, désintéressé, drôle, lyrique, mystique, lucide, mais voué à une action fixe, enchaînante, qui occupe tout son temps, toute son énergie. Rien de plus disciplinaire, en un sens, que le libertinage. "J’ai peu d’argent et beaucoup de temps libre." Mais ses caractéristiques sont désormais retournées. Que faire quand la loi est athée ? Réintroduire Dieu, ou du moins son trouble. Quand le sexe est décrété fadement naturel, objet de science et de théorie, catégorie de l’épanouissement gérable ? S’appuyer sur l’hypothèse dissimulée du diable. Quand les corps se prétendent libérés, libérables ? Défendre la passion, la possession, la jalousie en même temps que la dépense, la prodigalité, la répétition étourdissante, l’excès. Quand l’adulte moderne des sociétés développées (comme on dit) est devenu pratiquement maître des échanges physiques qu’ils soient d’ailleurs hétéro ou homosexuels ? Réinventer la transgression, le scandale, en se lançant à corps perdu dans l’aventure qui ne peut pas ne pas révulser la Loi : la chasse aux mineurs. Ce dernier point est probablement inacceptable. Il m’est complètement étranger. Je ne juge pas, je constate. Je vois que cela a lieu. J’essaye de comprendre cette fantaisie obstinée, peinte par ses illustrateurs comme un paradis.

Étrange recherche qui consiste à introduire la sexualité précisément là où elle est censée ne pas exister (la pureté de l’enfance !). Par tout un pan de son roman, Matzneff nous décrit ce qu’il appelle lui-même la "secte philopédique" dont il étudie sans complaisance les obsessions, les manies, les joies baroques, les terrains privilégiés (autrefois l’Afrique du Nord, maintenant Ceylan et les Philippines, Manille). Rodin, porte-parole des amateurs exclusifs de jeunes garçons, développe à travers le livre sa vision prostitutionnelle misérable et grandiose. Comptabilité frénétique dans la ligne méticuleuse (le crime en moins) du Sade des Cent vingt journées. La pédérastie allusive de Gide, les "vivantes racines heureuses" des Nourritures terrestres sont ici dépliées, déployées, industriellement décrites. On dit tout de la façon la plus crue et en même temps avec une innocence ravie. Rodin constitue un "type" documentaire de premier ordre et c’est vrai qu’il y a dans tout cela quelque chose d’odieux et de sympathiquement puéril.

L’immense théâtre pervers
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Mais le roman va beaucoup plus loin que ce qui pourrait rester, somme toute, un reportage amélioré sur une particularité, une marge. En effet, le libertin principal et "sentimental", Nil Kolytcheff, Gabriel Matzneff par lui-même, a une prédilection pour la "jeune débutante" (entre ici la voix de Leporello chez Mozart). La voici. Quinze ou seize ans, dix-sept au plus, lycéenne, entrant dans la circulation de l’immense théâtre pervers qu’est la société. Je crois que c’est la première fois, en littérature, qu’une telle somme d’observations, de sensations, de notations nouvelles sont accumulées sur un sujet, c’est pour une fois le cas de le dire vraiment, vierge. Matzneff est le premier chroniqueur précis de cette situation. C’est étonnant, détonnant, superbe. Mères de tous bords, mère féministes, surtout, tremblez désormais pour vos filles !

Il y a là un portrait étourdissant, Angiolina, grand premier rôle d’une distribution étincelante (on ne les compte plus, le catalogue s’enflamme). La performance devient simultanément une prouesse de langage, la débutante en question ayant un don épistolaire particulier, sur qui nous vaut des échantillons dignes de La Religieuse portugaise en plus frais. Elles défilent, elles s’emballent, elles deviennent des femmes en cours de route (c’est-à-dire, assez vite, des "drogues dures", des calculatrices de ressentiments). La courbe par laquelle Angiolina, par exemple, passe du lyrisme érotique le plus échevelé, confondant les tu et les vous, à la froideur agressive est magistralement dessinée. Et d’une vérité glaçante. C’est la même bouche qui gémit ou qui hurle (excellent éclairage sur la crise paranoïaque féminine) et qui, plus tard, laisse calmement tomber au séducteur transi : " Quand vous vous suiciderez, prévenez-moi, ça fera un scoop super ".

Matzneff s’étonne qu’une toute jeune fille puisse ainsi évoluer rapidement d’un pôle à l’autre. Il semble stupéfait que la haine succède à l’amour. Moi, c’est son étonnement qui m’étonne. C’est évidemment fatal. Il faut accepter Mozart jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la parution de la Commandeuse. L’embarquement pour Cythère se transforme immanquablement en bal des vampires. Sauf bond dans la transcendance à deux, numéro de voltige fort difficile, mais qui obsède notre héros, lequel ne manque pas de hanter les églises orthodoxes, d’allumer quelques cierges en passant, de regretter sa femme, qui s’appelle ici Véronique (elle l’a quitté, elle a disparu, elle est devenue infirmière ou lesbienne, variante gauchiste de l’opéra). Je parlais des Mères. Elles sont là, en effet, elles et non pas les Pères, comme nouvelles gardiennes de la Loi. Il est bien clair que nous sommes, désormais, en pleine réglementation matriarcale. Les jeunes filles, les toutes jeunes filles de Matzneff, en parlent souvent, de leurs mères, à leur amant-Faust intrépidement décidé à défier leur pouvoir. Matzneff a beau jeu de vitupérer contre la "cage familiale" (ce petit camp de concentration plus que jamais barbelé). Contre "la jalousie, la bêtise, la méchanceté des parents". Indirectement, ses aventures nous laissent entrevoir un grand enfer mécanique, pas celui de "Familles, je vous hais", un nouvel enfer, un cercle plus bas (les choses se sont donc aggravées ? La misère des couples est plus grande encore ?). Les filles s’échappent un moment, pas longtemps...

La dernière société secrète
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"Il faisait de la philo avec l’une, du français avec l’autre, du latin avec une troisième, l’amour avec toutes." L’art libertin consiste à ne pas se perdre dans cet emploi du temps libre super-occupé. A éviter que les actrices ne se croisent dans les escaliers. Le grenier du séducteur est une sorte de temple païen (mi bouddhiste, mi orthodoxe), mais c’est aussi, à chaque instant, le risque du vaudeville. Quand la situation est inextricable, au monastère ! C’est-à-dire, aujourd’hui en cure de désintoxication en Suisse (le libertin doit rester en forme, c’est là son principal souci, pathétique là encore, et un peu ridicule). Cache-cache, chassés-croisés, raids aux Philippines (ah ! Le parc de Rizal à Manille !), retour à la Piscine Deligny, au jardin du Luxembourg... et de nouveau les lycéennes : Anne-Geneviève, Karin, Sarah... Menaces des familles. "Nous allons assister au retour du puritanisme et à son triomphe. Aussi aurons-nous plus que jamais besoin de nos masques, qu’ils soient de velours ou de fer." Ou encore : "Nous formons la dernière société secrète, nous sommes les carbonari de l’amour. Persistons dans cet état, le paradis est une chasse réservée". Trahison des filles (pas toutes), une de perdue, dix de retrouvées, étrange nostalgie du héros pour un bonheur stable...

Le sexe et la prière
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Ce qui irrite le conformisme ambiant chez Matzneff, je sais bien ce que c’est : sa sérénité, son honnêteté, son refus de tricher en exposant ses contradictions. Mêler, comme il le fait, le sexe à la prière, par exemple, provoque immédiatement le comble du malaise. C’est un bon test, je crois, pour discerner les esprits vraiment libres, libres de tous côtés.

La question finale que pose le libertin métaphysique est en effet celle-ci : existe-t-il des athées qui le soient autrement que par puritanisme inconscient, par effroi de voir s’agrandir les limites de leur jouissance ? Et d’autre part : y a-t-il des consciences religieuses qui le soient autrement que par peur et refoulement de la sexualité ? Tout le problème du sens et non-sens de la vie, de la mort, est là, et personne n’y échappe. Voici donc le nouveau journal du séducteur. Un Danois, un Espagnol, un Italien, un Autrichien (Mozart), un Franco-Russe... Allons, Français, encore un effort.

Philippe Sollers, Le Monde, 25 septembre 1981.

*

Ivre du vin perdu :
Ce que Gabriel Matzneff disait de son livre

"Un créateur est le dernier à savoir ce qu’exprime sa création", écrivais-je en 1974 dans la préface des Moins de seize ans. Du moins peut-il tenter de définir ce qu’il désirait qu’elle exprimât.
Avec Ivre du vin perdu, j’ai voulu écrire un roman sur le temps ; sur la passion et la mémoire de la passion ; sur l’obsession du nevermore ; sur la nostalgie paradiasiaque. Le personnage cardinal, autour duquel tout le roman s’organise, est Angiolina. Quand l’histoire débute, elle a vingt-trois ans, c’est déjà une femme, une adulte, mais c’est telle qu’elle était entre quinze et dix-huit ans, durant les trois années d’amour-passion qu’elle a vécues, adolescente, avec Nil, qu’elle surgit sans cesse dans le cours du roman, fantôme tendre et cruel, spectre tenace, souvenir obsédant, visage inexorcisable.
Plus jeune, j’eusse été incapable d’une architecture romanesque aussi complexe, et élaborée. J’aurais, de façon linéaire, raconté la rencontre de Nil et d’Angiolina, leurs amours, leur séparation. Comparées à celles de mes trois premier romans, la construction et l’écriture de Ivre du vin perdu marquent un progrès considérable. Certes, un auteur nourrit toujours une tendresse particulière pour son dernier enfant, mais — tout parti pris paternel mis à part — il me semble évident que Ivre du vin perdu est le plus accompli de mes romans, et ceux d’entre les critiques qui ne le voient pas, ou affectent de ne pas le voir, sont des gens bien légers, ou d’une divertissante mauvaise foi.
On a dit — je l’ai lu dans plusieurs journaux — que j’écris toujours le même livre, et qu’il n’y a rien dans Ivre du vin perdu qui ne se trouve déjà dans mes douze ouvrages précédemment publiés. Ce grief mérite qu’on s’y attarde. Il est en effet exact qu’un artiste, c’est un univers soutenu par un style, et que les thèmes, les obsessions, les idées fixes, les passions qui composent cet univers intime sont nécessairement limités. Cézanne peint toujours la même pomme, Fellini tourne toujours le même film, on pourrait allonger cette liste à l’infini, et, à la suite de ces maîtres éminents, j’accepte volontiers ce reproche qui m’est fait de raconter des histoires où se mêlent l’amour de la vie et la tentation de la mort, la religiosité et l’érotisme, l’Orient lointain et le jardin du Luxembourg, Vénus et le Christ, l’orthodoxie et la macrobiotique, la passion de l’extrême jeunesse, le donjuanisme...
Cela est sans doute vrai, mais dans un roman les thèmes ne sont pas tout : il y a aussi, je dirai même surtout — car nos idées et nos goûts sont partagés par beaucoup, mais notre écriture est notre trésor singulier —, la manière de les traiter, de les orchestrer, de les explorer, et, au cours des années, l’écrivain acquiert une plus grande maîtrise de son art, une connaissance plus profonde et subtile du coeur humain. Toujours le même livre ? Soit, mais il existe un abîme entre l’Archimandrite (1966), premier roman schématique et maladroit, et la vaste symphonie sur le temps que constitue Ivre du vin perdu (1981) ; il existe quinze années d’expérience du monde et des êtres, quinze années de joies étincelantes et de douleurs irrémédiables.
Encore un mot. Parce que le souvenir et la nostalgie d’Angiolina visitent Nil dans son existence actuelle, qui est celle d’un libertin et d’un roué, certains se sont plaints du caractère immoral de Ivre du vin perdu. Cela m’a amusé, car j’ignorais que la moralité fût l’aune à laquelle se mesurent l’importance et la beauté d’un livre. N’importe ! Quand on n’est, comme moi, qu’un pauvre pécheur, il est réconfortant d’apprendre que les jurys littéraires sont composés de parangons de vertu. Ce qui intéresse ces messieurs, c’est le salut de mon âme. Pour me rendre justice, pour me couronner enfin, ils attendent que je sois mort.

La Revue des deux Mondes, décembre 1981 (directeur : Jean Jaudel).

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1985. Philippe Sollers, Gabriel Matzneff et Eric Neuhoff.
ZOOM : cliquer sur l’image.
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Gabriel Matzneff a publié dans la revue L’Infini :

Du côté de Quinte-Curce et de Pétrone , n°14, Printemps 1986
Le taureau de Phalaris , n°17, Hiver 1986
Les petites cuillères d’argent , n°31, Automne 1990
Maistre Saepe Noster , n°31, Automne 1990
La prunelle de mes yeux, n°41, Printemps 1993
« C’est la gloire, Pierre-François ! » , n°57, Printemps 1997
La question pédophile, n°59, Automne 1997 [2]
Calamity Gab, n°86, Printemps 2004
Voici venir le Fiancé, n°94, Printemps 2006

Gabriel Matzneff a publié dans la collection L’Infini :

Mes amours décomposés (Journal 1983-1984) (1990)


Qui a peur de Gabriel Matzneff ?

La prunelle de mes yeux (1993)


La passion Francesca (Journal 1974-1976) (1998)
Les Soleils révolus (Journal 1979-1982) (2001)
Calamity Gab (Journal janvier 1985-avril 1986) (2004)
Les demoiselles du Taranne (Journal 1988) (2007).

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Dernière parution
L’Amante de l’Arsenal. Journal 2016-2018 (Gallimard, novembre 2019)

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Gabriel Matzneff chez Leo Scheer
Gabriel Matzneff, Entretien avec Florent Georgesco (La Revue littéraire, mai 2009) pdf
Gabriel le Magnifique par Thierry Lévy (La Revue littéraire, mai 2009) pdf
Gabriel Matzneff, Entretien avec Jean-Baptiste Fichet (décembre 2010) pdf

LIRE : Matzneff, l’exilé absolu pdf

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Une heure avec Gabriel Matzneff

France Culture, novembre 1966. Rediffusion le 3 décembre 2014.

Entretien en deux parties suite à la publication de L’archimandrite. Dans la deuxième partie, Matzneff dialogue avec Henri de Montherlant.

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VOIR AUSSI : Gabriel Matzneff et la spiritualité de l’Orient chrétien (05/01/2014)

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Gabriel Matzneff, qui vient de publier La Séquence de l’énergumène, est l’invité de Frédéric Taddéi.

France Culture, Tête à tête, le 29 janvier 2012.

Il a mauvaise réputation mais son casier judiciaire est vierge, il est obsédé par l’amour, la beauté et la mort. Il est l’auteur de L’Archimandrite, de Venus et Junon, des Moins de seize ans, de La Passion Francesca ou encore du Sabre de Didi. Il a été l’ami d’Henry de Montherlant, d’Hergé, de Cioran et un habitué de la piscine Deligny. François Mitterrand lui a dit qu’il était « le Drieu La Rochelle de sa génération ».

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Frédéric Taddeï reçoit Philippe Sollers et Gabriel Matzneff

Europe 1 Social Club, 9 janvier 2014.

Ils viennent de publier :
Philippe Sollers, Médium.
Gabriel Matzneff, Les nouveaux émiles de Gab la Rafale.

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[1Je précise ces faits ce jeudi 2 janvier 2020.

[2Sur ce numéro de L’Infini, voir mon commentaire ci-dessous.

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13 Messages

  • Albert Gauvin | 19 mai 2020 - 10:06 1

    Vous avez raison mais c’est une citation (de France Culture) et il faudrait vérifier comment Mitterrand orthographiait effectivement le nom en 1966. Malheureusement je n’ai pas accès à sa bibliothèque...
    Bien à vous


  • Gruber | 19 mai 2020 - 01:23 2

    « le Drieu La Rochelle de sa génération »
    >> le Drieu la Rochelle de sa génération
    (il n’y a pas de majuscule à l’article « la » dans ce patronyme).

    Bien à vous.


  • Albert Gauvin | 31 mars 2020 - 22:10 3

    Après Vanessa Springora, c’est autour de Francesca Gee de témoigner dans le New York Times (photos d’époque à l’appui). Francesca Gee a servi de modèle pour le personnage d’Angiolina dans le roman de Matzneff Ivre du vin perdu (1981)... LIRE ICI.


  • Albert Gauvin | 29 février 2020 - 11:40 4

    Alain Finkielkraut analyse l’affaire Matzneff au regard du livre Le consentement de Vanessa Springora avec l’éclairage de mesdames Christine Angot et Sabine Prokhoris.

    Répliques, 29 février 2020.


    Gustave Doré, Le loup déguisé avec le petit Chaperon rouge, 1870.
    Crédits : D Walker - Getty. Zoom : cliquez sur l’image.
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    Depuis la parution, le 2 janvier, du livre de Vanessa Springora Le consentement, il y a, en effet une affaire Matzneff. Cet écrivain n’a jamais eu beaucoup de lecteurs mais, désormais, tout le monde le connaît, tout le monde en parle, tout le monde a un avis sur lui, sur le milieu littéraire parisien et sur la permissivité post soixante-huitarde.
    Je n’échappe pas à la règle, mais je ne saurai oublié que je suis un mâle blanc de plus de 50 ans et mon opinion a besoin d’être approfondie, complétée, corrigée, contredite par des voix plus autorisées que la mienne.
    J’ai donc invité Christine Angot qu’on ne présente pas et la psychanalyste Sabine Prokhoris et je voudrais leur demander tout d’abord "quelle a été votre réaction au livre par lequel le sandale est arrivé et qu’avez vous appris en le lisant ?" Alain Finkelkraut


    Crédit : France Culture

    Pour mémoire :
    Christine Angot a écrit « Vous preniez vos désirs pour des réalités » (Le Monde du 31 décembre 2019)
    Sabine Prokhoris a écrit L’emprise, vous dis-je ! (Libération du 23 janvier 2020)


  • Albert Gauvin | 23 février 2020 - 14:15 5

    Il n’est pas interdit de lire avec intelligence. C’est ce à quoi nous invite haut et fort Pierre Cormary sur son blog.

    « Elle est compliquée, l’affaire Matzneff/Springora. Elle est compliquée car elle mélange tout, littérature et morale, morale et loi, délits et écrits, réalité et journaux intimes, responsabilité et subjectivité, lecture et adhésion. Mais ce faisant, elle est salubre car elle nous oblige à réviser notre perception de la littérature. » LIRE ICI.

    Les lecteurs de Pileface liront aussi la « Suite Sollers », les articles que Pierre Cormary a consacrés aux romans de Sollers et, par exemple, Suite Sollers VII - Et vogue le navire (Le Nouveau, 2019).


  • Albert Gauvin | 20 février 2020 - 14:18 6

    La critique Cécile Dutheil de la Rochère règle son compte critique à l’écrivain Gabriel Matzneff dans une tribune publiée par Libération le 17 février 2020, en en ayant lu seulement 3 livres (sur près d’une cinquantaine publiés) ; démontage critique et dialectique. LIRE ICI.


  • Albert Gauvin | 7 janvier 2020 - 22:35 7

    Lu dans la presse...

    « Le Consentement », succès en librairie : « On a été en rupture dès le jour de la sortie »

    Le récit de Vanessa Springora, dans lequel l’autrice accuse l’écrivain Gabriel Matzneff d’emprise, sorti le 2 janvier, est déjà en rupture de stock.

    « Même son éditeur ne s’y attendait pas. Pas à ce point-là, malgré l’avalanche d’articles qui ont précédé sa sortie. « Le Consentement », le récit que Vanessa Springora consacre à sa liaison, entre 13 et 15 ans, avec l’écrivain Gabriel Matzneff dans les années 1980, et l’emprise prédatrice de ce dernier sur l’adolescente, mineure sexuellement quand a débuté leur histoire, s’arrache en librairie, à Paris comme en régions. Les 20 000 exemplaires — un tirage prudent mais non négligeable pour une autrice inconnue relatant des faits anciens et accusant un écrivain lui-même pratiquement oublié — mis en place le 2 janvier sont déjà presque tous écoulés.
    Sur le site de la Fnac, on peut se faire expédier l’ouvrage "à partir du 15 janvier". Celui d’Amazon prévoit un délai de livraison "de 1 à 4 semaines". L’éditeur a déjà réimprimé le livre pour atteindre 65 000 exemplaires, mais en attendant, les libraires — et les lecteurs — trépignent ou patientent. » (Le Parisien)

    Augmentation des ventes pour Matzneff

    « La résonance du Consentement profite en outre à Gabriel Matzneff lui-même, dont les livres ont été subitement pris d’assaut sur Amazon. Révélateur de la pédophilie de l’auteur, l’ouvrage Les moins de seize ans — un condensé de "citations terrifiantes" selon Vanessa Springora — connaît un succès étonnant.
    "Le livre, introuvable en version papier, connaît un regain de succès en version numérique depuis l’éclatement du scandale. Vendredi dernier, il figurait parmi les 300 ouvrages numériques les plus vendus dans la boutique Kindle d’Amazon France", écrivent nos confrères du Dauphiné . Si bien que le géant du commerce en ligne américain a décidé de retirer l’ouvrage de la vente. » (Le Figaro)

    Gallimard

    De son côté, fait inédit, Gallimard a retiré de la vente les Journaux intimes de Matzneff, dont le dernier sorti en novembre dernier. « La souffrance exprimée par Madame Vanessa Springora dans Le Consentement, fait entendre une parole dont la force justifie cette mesure exceptionnelle », affirme dans un communiqué la maison d’édition qui publiait le journal de Gabriel Matzneff depuis 1990.

    Matzneff sur BFMTV

    « Dans une lettre adressée à BFMTV, l’écrivain réagit pour la première fois à l’arrêt de cette publication. "La décision d’Antoine Gallimard de suspendre la vente des volumes publiés de mon journal intime ? Je pense qu’il a raison, cela calmera les excités qui auront ainsi le temps de lire mes essais, par exemple Le Taureau de Phalaris et La Diététique de lord Byron, ou un roman tel que Les Lèvres menteuses publiés en poche dans la collection Folio pour deux d’entre eux, dans La Petite Vermillon pour le troisième." »

    Voici la lettre de Gabriel Matzneff :

    "Je suis loin de Paris, trop faible, trop démoralisé pour avoir la force de répondre à vos questions. Je le ferai volontiers lorsque je me sentirai mieux, lorsque cette campagne contre moi, si excessive et agressive, aura pris fin. D’ailleurs, j’ai le sentiment que, quoique je dise ou écrive aujourd’hui, cela se retournerait contre moi. La semaine dernière, j’ai publié sur le site de L’Express un texte écrit avec le sang du coeur, une lettre à Vanessa où je cite sa propre lettre de rupture qui est une merveilleuse lettre d’amour ; une lettre où elle détaille la délicatesse, la tendresse, la félicité avec lesquelles elle a découvert l’amour dans mes bras ; une lettre où elle détaille le beau souvenir qu’elle gardera de ce premier amour ; une lettre qui devrait faire taire ceux qui, nombreux, me présentent pour un prédateur, un manipulateur, un pervers, qui est l’exact contraire de celui que je suis. Mon texte a été largement lu, diffusé, mais, me disent mes amis qui suivent ça de près (moi, je ne lis rien, je n’entends rien), les attaques n’ont pas cessé pour autant. Au cas où vous ne l’auriez pas lu, je vous le poste en pièce ci-jointe.

    Quant à mes galipettes coupables post-soixante-huitardes, oui, sans doute étions-nous inconscients, nous avons été nombreux à nous laisser enivrer par l’air de liberté, le parfum libertaire de cette époque insouciante qui dura une quinzaine d’année. Et je ne parle pas ici des écrivains, des peintres de cinéastes, des photographes, je parle, beaucoup plus généralement, des centaines de milliers de Français qui, dans tous les ordres - du désir amoureux à l’usage des drogues -, ont cru pouvoir s’affranchir des règles de la Société bourgeoise. Si vous en voulez une preuve, allez à la Bibliothèque Nationale, lisez la collection complète de Libération, depuis sa création jusqu’à l’irruption du Sida (disons en 82, 83), irruption qui siffla la fin de la récréation. Le Libération de mes amis Guy Hocquenghem, Michel Cressole, Jean-Luc Hennig, Renaud Camus, Hugo Marsan, plus encore le Libération du Courrier des lecteurs, des tribunes libres, une brûlante soif de liberté, de transgression, en particulier touchant les relations amoureuses entre majeurs et mineurs. Lisez Libé, des centaines de pages sur ce sujet qui, alors, nous semblait innocent. Le titre d’un très beau livre de Guy Hocquenghem, publié, si ma mémoire ne me trahit pas, comme celui de ma chère Vanessa, aux éditions Grasset, résume bien notre état de moeurs et d’âme de cette époque insouciante : L’Après-Mai des faunes.

    Certes, aujourd’hui, avec la vague de néo-puritanisme qui, arrivée des Etats-Unis, recouvre à présent l’entière planète, ces textes, s’ils étaient publiés aujourd’hui, feraient scandale ; mais je trouve idiot, extravagant, que l’on me fasse en 2020 grief de livres publiés il y a plus de trente ans, voire il y a plus de quarante ans (Les Moins de seize ans est paru en… 1974 !) ! De livres qui, lors de leur publication, furent reçus avec faveur, parfois avec enthousiasme, par la presse française, belge, suisse ; qui sont régulièrement réédités ; qui, depuis plus de trente ans, voire plus de quarante ans, se trouvent sur les rayons des libraires et sur ceux des bibliothèques.

    La décision d’Antoine Gallimard de suspendre la vente des volumes publiés de mon journal intime ? Je pense qu’il a raison, cela calmera les excités qui auront ainsi le temps de lire mes essais, par exemple Le Taureau de Phalaris et La Diététique de lord Byron, ou un roman tel que Les Lèvres menteuses publiés en poche dans la collection Folio pour deux d’entre eux, dans La Petite Vermillon pour le troisième.

    Seule l’intention de me nuire peut justifier que l’on sorte comme ça, comme un lapin d’un chapeau de magicien, des phrases qui dorment depuis des décennies dans ceux de mes livres écrits à l’époque où j’avais, comme des centaines de milliers de Français et de Françaises de ma génération et de la suivante, une vie que les moralistes s’accordent à juger dissolue." (BFMTV)


  • Albert Gauvin | 5 janvier 2020 - 16:17 8

    France Culture. Signes des temps par Marc Weitzmann (5 janvier).

    La déflagration du Consentement, récit d’une relation d’emprise terrible entre un écrivain reconnu et l’autrice de ce livre Vanessa Springora, mineure à l’époque, amène à revenir sur des années de connivence dans le milieu littéraire. Connivence qui recouvrait parfois d’insupportables violences.


    Gabriel Matzneff en 1987. Crédits : Sylva Maubec - Getty.
    ZOOM : cliquer sur l’image.
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    En 1993, l’écrivain Gabriel Matzneff publiait La Prunelle de mes yeux, un volume de son journal couvrant la période de mai 86 à décembre 87 et racontant ses amours romantiques avec une adolescente de 13 à 14 ans alors qu’il en avait lui-même 50.
    Le 2 janvier dernier, l’adolescente devenue femme publie Le Consentement, sa version de ce qui apparaît sous sa plus comme une relation d’emprise violente, pathétique, dont elle a mis dit-elle des années à se remettre.

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    Dans ce que l’on appelle Saint-Germain des Prés, le livre fait depuis l’effet d’une bombe à fragmentation. On se souvient du coup que Matzneff, devenu depuis lauréat du prix Renaudot, a consacré une bonne part de son œuvre à narrer ses conquêtes avec des mineurs, filles de 14 ou 13 ans mais aussi garçons de 10 ou 11 ans, sans que nul n’y trouve à redire. On se souvient que la seule à avoir publiquement protesté, la journaliste Denise Bombardier, s’est vu traitée de "salope" et de "mal baisée" par certains des meilleurs esprits de Paris. On se souvient qu’après avoir fait signer des pétitions à gauche pour la dépénalisation de la pédophilie, Matzneff entretient à droite des amitiés avec des personnalités fières d’être asociales.

    Et tandis qu’un effet de meute soudain vertueux joue à plein, tandis que le parquet se décide à ouvrir une enquête et qu’un ministre de la culture jusque-là invisible cherche quoi dire, tandis que la militante féministe Caroline de Haas se trouve des points d’accord avec la militante anti-mariage gay Denise Bombardier, et le communiste Jean Ristat défend l’écrivain de droite Gabriel Matzneff, un milieu littéraire et médiatique se réveille et redécouvre la violence inhérente à l’acte d’écrire.

    Quand et comment l’a-t-il désappris ?

    Musiques : Léo Ferré, "Petite" et Jim White, "Borrowed Wings"

    Crédit ; France Culture

    Notes :
    1. L’intérêt de l’émission est aussi de nous faire entendre la voix de Nabokov évoquant les contresens qu’aurait suscités son roman Lolita.
    2. Une lecture rapide a fait attribuer certains propos de soutien à Gabriel Matzneff à Jean Ristat alors qu’ils sont le fait de Franck Delorieux. Ils faisaient suite à l’attaque dont a été victime Matzneff dans un café parisien en octobre 2019. On peut les lire sur le site des Lettres françaises. — A.G.


  • Albert Gauvin | 4 janvier 2020 - 17:46 9

    Avec ces fêtes de fin d’année qui n’en finissaient pas, j’ai pris du retard, je file à la Fnac pour acheter le livre dont tout le monde parlait avant de l’avoir lu, Le consentement de Vanessa Springora. Je cherche. Je ne trouve pas. Je tombe sur mon vendeur préféré qui me dit, devin : vous chercher le livre de Vanessa Springora ? Je n’en ai plus. Pas avant mercredi. Idem dans la grande librairie d’en face. Compte tenu du battage fait depuis quinze jours, je m’étonne que les éditions Grasset ait mal anticipé, Flammarion avait fait beaucoup mieux l’an dernier avec Sérotonine... Je me console en achetant le seul exemplaire de Méditation de Heidegger enfin arrivé. Je fonce chez mon marchand de journaux pour acheter le dernier Charlie hebdo. Tandis qu’Haenel nous parle cinéma (La Sainte famille de Louis-Do de Lencquesaint, réalisateur dont j’ignore tout), Philippe Lançon tire le diable par la queue. Il s’agit du cas Matzneff. Ce n’est pas sa meilleure chronique, mais j’aime bien Lançon, alors la voici.

    Le diable attrapé par la queue

    Philippe Lançon, Charlie hebdo du 31 décembre 2019

    Gabriel Matzneff est un écrivain qui, pour le peu que j’ai lu de lui, m’a toujours ennuyé. Je le trouvais précieux, trop « construit », complaisant envers l’image qu’il prétendait donner de lui-même ; un véritable « homme de lettres », au sens le plus vain de l’expression. Ceci n’étant que mon goût, je n’en faisais pas un fromage : il faisait partie du paysage. Aujourd’hui, à 83 ans, il ne vend plus guère ses livres et on ne le voit plus à la télé. Et, naturellement, sa pédophilie pose problème. Revendiquée, décrite sans détour dans ses ouvrages depuis quarante ans, comme une sorte de mode de vie épicurien, elle a longtemps contribué à son demi-succès. Quand j’étais jeune journaliste, à la fin des années 1980, mes aînés le savaient, donc moi aussi. Ça rigolait en pensant à ce quinquagénaire « au ventre plat », un cliché de l’époque, qui allait draguer les nymphettes à la piscine Deligny. Le person­nage me dégoûtait, sans me scandaliser : la comédie humaine en avait vu d’autres. Les temps ont changé. Il y a quelques jours, Wikipédia le présentait comme « écrivain et pédophile assumé français », puis comme « écrivain français, connu pour ses écrits et propos sur la pédophilie ». L’état de pédophile concurrence celui d’écrivain.
    Du fait de la publication d’un livre écrit par l’une de ses anciennes proies. le dandy chauve, sportif et entièrement rasé, comme passé à la chimiothérapie et rajeuni sans fin par son vampirisme méthodique et souriant, sort malgré lui de l’oubli. Tel le spectre du Commandeur, Vanessa Springora, directrice des éditions Julliard, fait toc, toc à la porte du vieux Don Juan, amateur de chair vierge, et présente la note : encore une "femme puissante" qui abat le masque d’un homme qui ne l’est plus. La presse en parle, les réseaux sociaux dénoncent. Les faits sont prescrits, mais il est d’autres enfers que celui de la justice. Il est improbable que ses livres en profitent. Il n’est pas facile pour un écrivain borderline, bon ou mauvais, de traverser les apparences et les époques sans y laisser, sinon sa vieille bite, du moins quelques plumes.
    Gabriel Matzneff est souvent passé à Apostrophes, l’émis­sion de Bernard Pivot. Je regarde l’un de ses passages, en 1975. Il a 39 ans. Il est déjà chauve, mince, presque féminin, sans âge : un doux requin juvénile, dans le genre Dorian Gray. L’émission a pour titre « Les enfants sont doués, mais pour faire quoi ? ». Il y a un spécialiste de ce qu’on appelle alors les « surdoués », l’écrivain Christiane Rochefort, une femme qui a publié un livre sur les enfants. C’est l’époque où il faut libérer les enfants de la morale répressive des adultes. Nul ne réagit à ce que dit Matzneff d’une voix douce, persua­sive, bien articulée, dans un excellent français. Écoutons-le : « Je crois que tout le monde a besoin d’amour. Tous les âges ont besoin d’amour. Les vieillards, les adultes, il n’y a pas d’âge pri­vilégié ; mais je pense que les adolescents, les jeunes enfants, disons, entre 10 et 16 ans, les moins de 16 ans, sont peut-être à l’âge où les pulsions d’affectivité, les pulsions sexuelles éga­lement, sont les plus fortes, parce que les plus neuves ; et je crois que rien ne peut arriver de plus... de plus beau, et de plus fécond, à un adolescent, ou une adolescente, que de vivre un amour, une véritable amour...  » En féminisant le terme, il le poétise, et coule la Seine.
    Pivot : « Avec qui ? » Matzneff : « Soit avec quelqu’un de son âge. Fort bien : nous avons tous peut-être connu cela [...], mais aussi, peut-être, avec un adulte, qui l’aide à se découvrir soi-même, à découvrir la beauté du monde créé, la beauté des choses. » Pygmalion, c’est lui, et il se prend pour Dieu. Pivot, imperceptiblement goguenard : « En tout cas, les enfants dont vous parlez sont doués pour la liberté sexuelle. » Maztneff cille, agacé : « Ils ne sont pas doués pour la liberté sexuelle, ça ne veut rien dire. Ils sont doués pour recevoir et pour don­ner. » Dans une autre émission, huit ans plus tard, il parle de l’importance de leur « éveil », dans un monde où la plupart des adultes sont des « âmes mortes ». C’est Lolita chez Gogol. C’est de la littérature, mais c’est la vie. Apostrophes passe alors vers 21h 30, le vendredi. On fume sur le plateau. La classe moyenne française, que Pivot reflète, regarde paisiblement : Matzneff n’est qu’un monstre de plus dans le zoo littéraire. (Charlie hebdo)

    Sur l’affaire Matzneff, vous pouvez écouter Vanessa Springora sur France Culture. C’était hier matin. Il y avait aussi l’avis d’un sociologue... On peut aussi lire le point de vue de Marc Alpozzo L’affaire Matzneff. Du Pygmalion et de ses impasses qui, nous dit l’auteur, aurait été refusé dans les journaux (?).


  • Albert Gauvin | 3 janvier 2020 - 21:48 10

    Dans la déferlante médiatique qui a précédé et qui suit désormais la publication du livre-témoignage de Vanessa Springora Le consentement, beaucoup reviennent, avec une plus ou moins grande mauvaise conscience et une plus ou moins grande honnêteté intellectuelle, sur la complaisance dont eux-mêmes ou d’autres (cela fait du monde !) auraient fait part à l’égard de Gabriel Matzneff dont les propos sont depuis longtemps connus et assumés. Evidemment, par ricochet et amalgame, les positions de Sollers qui a écrit sur Matzneff (cf. l’article ci-dessus que l’actualité réactualise) et l’a publié sont interrogées (notons que Gallimard n’est pas le seul éditeur de Matzneff et que, ironie ou cruauté du sort, Les moins de seize ans a jadis été publié chez Julliard dont Springora est aujourd’hui la directrice). Nulle part, pourtant, la presse pressée n’a cité un numéro que la revue L’Infini a consacré, dans son intégralité, à la question pédophile à l’automne 1997, suite à l’affaire Dutroux. C’est dommage car il y a dans ce numéro (le 59) beaucoup de témoignages pertinents qu’il faudrait relire calmement (mais est-ce possible aujourd’hui ?).


    Le sommaire de L’Infini n° 59.
    ZOOM : cliquer sur l’image.
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    Dans Libération du 2 octobre 1997, Antoine de Gaudemar rappelait le questionnaire envoyé aux contributeurs de ce numéro et écrivait :

    Suite à l’affaire Dutroux, la revue de Philippe Sollers publie les réponses d’une quarantaine d’écrivains et d’intellectuels au questionnaire suivant :
    « I. Comment expliquez-vous le retentissement de l’affaire Dutroux ?
    II. Qu’appelle-t-on selon vous un enfant aujourd’hui ? Qu’appelle-t-on un pédophile ?
    III. Avez-vous eu, étant mineur, une relation amoureuse avec un ou une adulte et quel souvenir en gardez-vous ? Avez-vous, personnellement, des souvenirs de sexualité infantile ?
    IV. Estimez-vous que les spécialistes et les porte-parole de l’enfance nous disent tout ? Avez-vous quelque chose à ajouter ? »
    Parmi les témoignages, encadrés par deux contributions de l’avocat Henri Leclerc et de Philippe Sollers, citons ceux de Renaud Camus, René de Ceccaty, Roger Dadoun, Marie Darrieussecq, Florence Dupont, Annie Ernaux, Bernard Faucon, Philippe Forest, Jean-Luc Hennig, Jacques Henric, Michel Houellebecq, Alain Jouffroy, Mathieu Lindon, Gabriel Matzneff, Patrick Mauriès, Dominique Noguez, Michel Onfray et René Schérer. Loin du climat de lynchage et de « bien-pensance généralisée » (P. Sollers), une tentative de réflexion collective sur un tabou (la sexualité de l’enfant) et un « bouc émissaire » (le pédophile).

    Après une reproduction d’un dessin de Botticelli illustrant La Divine Comédie, Enfer, chant XXXIV, on pouvait lire l’Editorial de Sollers.

    Y a-t-il un adulte dans la salle ?
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    « De ce que nous nommons perversions sexuelles, c’est-à-dire des transgressions de la fonction sexuelle relativement aux régions corporelles et à l’objet sexuel, il faut savoir parler sans indignation. Le manque de limites déterminées où enfermer la vie sexuelle dite normale, suivant les races et les époques, devrait suffire à calmer les trop zélés. »

    « Lorsque quelqu’un est devenu grossièrement et manifestement pervers, on peut dire plus justement qu’il l’est resté, il représente un stade d’arrêt dans l’évolution . »

    « Je tiens sans hésiter pour hystérique toute personne chez laquelle une occasion d’excitation sexuelle provoque surtout ou exclusivement du dégoût. »

    Freud, 1905

    Rien de nouveau sous le soleil, donc, sauf la violence du spectacle de la marchan­dise. L’époque est misérable : ses actions et ses réactions aussi.

    Ph. S., 1997

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    Botticelli, Lucifer.

    Alors que j’ai rédigé ces lignes, je découvre que « le parquet de Paris a annoncé, ce vendredi 3 janvier, l’ouverture d’une enquête pour "viols commis sur la personne d’un mineur de 15 ans au préjudice, notamment, de Vanessa Springora". Dans un communiqué, le parquet explique avoir pris cette décision "après avoir analysé l’ouvrage Le Consentement", paru le 2 janvier.
    "Au-delà des faits décrits par Vanessa Springora dans son livre, les investigations s’attacheront à identifier toutes autres victimes éventuelles ayant pu subir des infractions de même nature sur le territoire national ou à l’étranger", écrit le procureur de Paris, Rémy Heitz. L’enquête a été confiée à l’Office central de répression des violences faites aux personnes » (France info).

    A l’évidence, aux yeux de la Loi (et de l’état de l’opinion), Matzneff est indéfendable. C’est d’ailleurs ce qu’écrivait Sollers en 1981 (« la chasse aux mineurs. Ce dernier point est probablement inacceptable. Il m’est complètement étranger. Je ne juge pas, je constate. Je vois que cela a lieu »). La question reste : pourra-t-on continuer à lire ses livres sans être suspecté de complicité envers ce qu’on englobe dans la « pédocriminalité » ? Il faudra sans doute ajouter un chapitre au livre de Georges Bataille La littérature et le mal :

    « La littérature est l’essentiel, ou n’est rien. Le Mal – une forme aiguë du Mal – dont elle est l’expression, a pour nous, je le crois, la valeur souveraine. Mais cette conception ne commande pas l’absence de morale, elle exige une “hypermorale” » (Avant-propos)


  • A.G. | 11 janvier 2014 - 21:25 11

    Frédéric Taddeï recevait Philippe Sollers et Gabriel Matzneff sur Europe 1 le jeudi 9 janvier à 21h. Dialogue enjoué, cultivé, très drôle. Témoignage d’une vieille complicité entre deux écrivains du même âge, mais plus alertes que jamais, et de leurs différends théologico-littéraires qu’ils règlent à coups de passe d’armes humoristiques. Une occasion de relire l’article de Sollers ci-dessus, Le libertin métaphysique, daté de 1981, consacré à Matzneff et à meilleur roman qu’il a sans doute écrit, Ivre du vin perdu.
    Signalons que, depuis quelques mois, c’est Matzneff qui « remplace » Sollers dans Le point.fr avec une chronique intitulé Le diable dans le béntier.
    L’émission du 9 janvier dans son intégralité est ici (1h07).


  • Thelonious | 9 juillet 2010 - 11:05 12

    Le site consacré à l’écrivain Gabriel Matzneff annonce une conférence de ce dernier demain samedi 10 juillet sur Giacomo Casanova (salle Pétrarque à Montpellier, à 17H30).


  • D.B. | 28 janvier 2007 - 08:31 13

    Actualité G MATZNEFF... Nouveau volume du Journal publié le 15 mars prochain...

    Gabriel Matzneff

    Les demoiselles du Taranne

    Editions Gallimard
    « L’Infini »
    En librairie
    le 15/03/2007

    Samedi 3 septembre, 20 heures, au Taranne. Hier, obsèques de Guy Hocquenghem. À l’église Notre-Dame-des-Champs j’ai lu l’épître de saint Jean (à la demande de Jean-Pierre Mignard et du curé - curieux curé qui, devant une assemblée composée aux trois quarts de pédés, s’est cru obligé, dans son prône, de rompre des lances contre l’homosexualité). Après l’absoute, incinération au Père-Lachaise. Tendre présence d’Hélène. Durant l’horrible attente crématoire, sa main pressant doucement la mienne. [...]
    Dimanche 4 septembre. À 17 heures, Annah viendra au Taranne, mais auparavant je vois Marie-Élisabeth qui, hier, m’a déposé une très belle lettre d’amour, de tendresse complice, où elle évoque une exposition où nous avions été, jadis, avec Guy Hocquenghem :
    « ... il y avait une espèce de légèreté dans l’air qui venait de vous deux ensemble... »
    En sortant de cette expo (sur Vienne), Guy avait dit : « Bon, maintenant, on est cultivé pour un mois au moins ! »

    G. M.