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Éloge de l’infini, 2001 (II)

Rencontre avec Philippe Sollers, à l’occasion de la parution, chez Gallimard.

D 20 novembre 2006     A par Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook




Le premier tome de La Guerre du Goût a paru en 1994. Voici le deuxième composé d’un choix d’essais écrits depuis cette date. Je répète aujourd’hui qu’il ne s’agit pas ici d’un recueil mais d’un véritable inédit, chaque texte ayant toujours été prévu pour jouer avec d’autres dans un ensemble ouvert ultérieur. Dans un tel projet, encyclopédique et stratégique, les circonstances doivent se plier aux principes. D’où le titre : Éloge de l’infini.

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Sollers parle de son livre

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Dans quel sens faut-il prendre le mot « infini » ?

Philippe Sollers - C’est l’infini au sens mathématique. Tous les textes réunis ici, quels que soient l’endroit et le moment où ils ont été écrits ou parlés, ont toujours été conçus dans la perspective d’un livre qui n’aurait pas de fin. D’ailleurs, j’aurai pu mettre en exergue l’une des déclarations sur l’infini d’Antonin Artaud, qui sont tout à fait intéressantes. Mais j’ai finalement préféré une citation du Houai-nan-tse, un ensemble taoïste du IIe siècle avant Jésus-Christ, pour rappeler que cet ouvrage, tout comme le précédent, traite d’un conflit. C’est un livre de stratégie.

Contre quel adversaire ?

Philippe Sollers - Le fini, c’est-à-dire tous les symptômes de l’époque : l’amnésie commémorative, la souveraineté de la technique incarnée par les marchés financiers, l’instrumentalisation de la sexualité, les nouvelles formes de censure, l’illettrisme galopant.... Plus globalement, la falsification de l’histoire. Je développe là tous les thèmes évoqués dans mes romans.
L’infini, c’est l’ouverture contre le réductionnisme. On prétend que le XXe siècle est un siècle affreux ? Je dis que c’est aussi un grand siècle de création, et par la même occasion je montre que quelque chose se poursuit depuis très longtemps à travers des formes nouvelles, par exemples les ?uvres de Picasso, de Faulkner, d’Artaud, de Bataille... Tous ces textes sont très polémiques, et chacun prend son sens dans l’ensemble.

La peinture et la littérature occupent une grande place dans cet ouvrage...

Philippe Sollers - On peut repérer dès le sommaire un certain nombre de thèmes, je dirais même plutôt de massifs ou de strates : la peinture, la littérature, la Chine, le XXe siècle... C’est une orchestration d’interventions, dont certaines ont une fonction plus politique ou philosophique, comme le massif concernant le corps : que devient le corps ? Qu’est-ce que « corps » veut dire aujourd’hui ? Je pose là la question de la perception.
Il y a évidemment une strate concernant les XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, où je revisite les classiques pour montrer que les classiques sont modernes et que les modernes sont classiques. Que tout cela s’inscrit dans une autre temporalité.
En fait, l’ennemi, c’est le retard, le frein. C’est donc un livre sur le temps : sommes-nous sûrs d’être à l’heure du temps ?

Peut-on dire qu’il s’agit d’un ouvrage intemporel ?

Philippe Sollers - Intemporel n’est pas le mot. Je dirais plutôt ultra-temporel. Le temps y est en mouvement, offensif. Quand je convoque Eschyle pour évoquer Francis Bacon, ils ne sont pas contemporains apparemment, pourtant c’est tout à fait justifié. De même quand je mets côte à côte Pascal et Rimbaud. Et quand on rencontre dans le même volume Les petites femmes de Paris, un texte sur la prostitution au XVIIIe siècle, et plusieurs interventions sur Nietzsche, le lien n’est pas plus évident. Et pourtant, je vous assure que tout cela se suit, d’une certaine façon, bien sûr.
C’est ça, au fond, être infinitiste. Ne pas être obligé de tracer un axe préalable de sélection exclusive, ce qui est le fait même de l’idéologie - donc d’une certaine finitude. Pour citer Leibniz, «  Tout système est vrai par ce qu’il affirme et faux par ce qu’il nie ».

Vous parliez il y a quelques instants de la notion de perception...

Philippe Sollers - Du corps et de la perception, oui, et c’est peut-être le sujet principal de tout le livre. J’aime beaucoup la formule de Nietzsche « Le corps traverse l’histoire », qui rejoint Proust lorsqu’il affirmait qu’« il n’y a qu’un seul écrivain qui traverse toute l’histoire sous des formes parfois contradictoires ».
Je montre, à travers la peinture, comment la perception de l’espace, du corps, du corps dans l’espace a changé. Si vous êtes sensible à cette transformation, vous entrez aussi dans un autre temps, par définition. Sinon, c’est le règne de la stéréotypie, des clichés, de l’évacuation du corps, de la sensation, de la perception, de la mémoire... Dans ce sens, je dirais qu’il s’agit d’un livre intempestif.

Intempestif ?

Philippe Sollers - Comme les Considérations intempestives de Nietzsche. Intempestif dans le sens où il est positif, très affirmatif, contre la croyance actuelle à l’apocalypse générale : vous iriez mieux et vous n’auriez pas cette vision épouvantable du monde si vous connaissiez mieux Cézanne, Bacon, Picasso, Shakespeare, Céline, Artaud, Bataille et tant d’autres. Intempestif aussi par l’extrême variété des sujets abordés et l’unification qui en résulte.
C’est aussi un livre pour servir à l’histoire du XXe siècle, si elle est faisable, et dont je me plains qu’elle ne soit pas faite encore, peut-être par manque de recul - mais pas le recul du temps, le recul de la pensée. Il y a là un violent désir historique qui se manifeste par un projet nouveau d’encyclopédie. Non pas au sens de l’Encyclopédie des Lumières, mais j’ai tout de même le sentiment d’être conduit par une nécessité : le besoin d’éclaircissement.





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