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Quintet pour Venise

Sprezzatura, Tiepolo et plus

D 25 janvier 2023     A par Viktor Kirtov - C 3 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Sur Pileface, nous avons croisé plusieurs fois Jean-Hugues Larché dans quelques unes de ses aventures littéraires, artistiques et musicales parmi lesquelles :

- Sa production d’un double CD d’entretiens avec Sollers : Déroulement du Dao .

- Une collection de DVD documentaires sur quelques penseurs de la Bibliothèque universelle, incluant notamment Nietzsche miracle français par Philippe Sollers. A cet auteur il a aussi dédié un texte Sollers l’éveillé , extrait d’un Dionysos à la lettre , prétexte à présenter son panthéon incluant Fragonard, Picasso et Rodin érotiques… et bien d’autres.

- Son implication dans l’aventure de la revue de haut vol Sprezzatura . Dionysos n’était pas loin dans les bars parisiens qui accueillaient le groupe lors de la gestation de la revue.

- Côté peinture, citons aussi De Kooning : Le rire de De Kooning puis La dernière De Kooning : Woman, Sag Harbor – 1964

- Sans oublier ses Déambulations avec Delphine de Lectothèque , entre mille autres choses.

« Léger et exigeant, Jean-Hugues Larché nous entraîne dans l’art de dériver entre les lignes de son univers littéraire ».
Delphine de Lectothèque
Aujourd’hui, Jean-Hugues Larché nous convie à une autre aventure artistico-musicale avec Venise en point d’orgue, qu’il a intitulée « Quintet pour Venise », à paraître le 3 mars chez « serge safran éditeur »
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sergesafranediteur.fr
le livre sur amazon.fr
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Quatrième de couverture

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Un voyage à Venise en cinq textes à résonnance européenne. Du grand Canal à la Giudecca, d’un vaporetto à l’autre, d’une église au musée de l’Accademia, des ruelles étroites aux places splendides, du fond de la nuit au grand jour. Avec un crochet par cette fresque de Tiepolo, à la Résidence de Wurtzbourg, en Allemagne, qui peignit le plus grand plafond d’Europe. On y trouve une dose de désinvolture toute vénitienne dans les qualités de la sprezzatura. On entre dans le tourbillon pictural et musical de la Sérénissime qui inspire toujours plus loin le voyageur dans un émerveillement sans cesse renouvelé comme devant une aquarelle de William Turner qui, lors de ses trois voyages au XIXe siècle, enflamma Venise et révéla ses reflets d’or sur la terre comme au ciel.

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La passion pour Venise de Jean-Hugues Larché

Avant d’ouvrir ce nouveau livre de Jean-Hugues Larché nous l’avions déjà accompagné dans quelques unes de ses déambulations artistico-littéraires comme mentionné ci-dessus, nous connaissons son talent littéraire, sa culture étendue, sa liberté et son ouverture d’esprit hors des chapelles institutionnelles, mais nous avions une interrogation. Alors que tant de grands anciens ont associé leur nom à la Sérinissime, comment allait-il réussir à trouver un angle propre pour nous faire partager sa passion ?

Une partie de la réponse se trouve dans la conclusion de l’introduction : Venise, lettre par lettre :

Vision du site maritime inspirant une infinie liberté.

Ecoute de Vivaldi ou de Monteverdi et de ses mystérieux sons de nuit.

Narines ouvertes à l’air iodé, aux parfums de femme volant ici à gré.

Ingestion délicate de la cuisine des pêches lagunaires et des boissons à bulles.

Saisie de la main des pierres de ce roc de beauté scuipté par des orfèvres.

Existence physique et amoureuse, là, maintenant et pas ailleurs.

J-H. L

Voilà le programme, il est dans ce préambule,

L’esprit dionysiaque en toile de fond

Dans ce programmme on retrouve l’esprit dionysiaque dont il a eu l’occasion de déclarer par ailleurs :

« …[Dionysos] qui dynamise ma vie depuis plus d’un quart de siècle »

J-H. L Dionysos à la lettre

« Liberta, ton nom est femme. L’élégance des embarcations de caractère féminin, la ligne, le tracé, la grâce du contour, la générosité s’inspirent du corps des femmes, des modèles des peintres. Ici ou là, les choses glissent et ondulent à plaisir. Venise a été conçue pour ça. »

Quintet pour Venise , p. 32

Je prends un café au bar Laguna, où la serveuse est un vrai Titien. Une peinture sur pied d’environ vingt-cinq ans, jambes musclées, regard noisette, chevelure ondulée blond vénitien, bien sûr. Elle est assez froide au premier abord, plus cordiale ensuite. Le caffè lungo est bon. Après un mutuel et cordial Ciao, je me dirige vers la Scuola grande dei Carmini au concentré des peintures de Tiepolo. Je prends une nouvelle fois la céleste vérité du peintre en pleine face.

Quintet pour Venise , p. 98

Et aussi pour illustrer le « I » de « Venise à la lettre » évoquée plus haut, nous accompagnons J-H.L. au restaurant. Il commande « des seiches à l’encre avec polenta » « (ma principale raison culinaire de venir à Venise.) » ajoute-t-il, Dionysos ne se nourrit pas que d’art.

Et quand à Venise, la purée de poix, refuse de se lever, J-H. L. nous dit : « Pour éclaircir ce jour, je vais relire Le Songe d’une nuit d’été du grand Will et Le cœur absolu de Sollers. Clin d’œil à son compatriote bordelais : le titre du roman évoque la Société secrète « Le Coeur Absolu » dont » le siège est à Venise, 8 Piazza san Agostino. La société a été fondée le 8 octobre 1984, à 18 heures, par très beau temps ». VOIR sur pileface "Le Coeur absolu" décrypté : Da Sollers Code / Fiction et réalité.

La musique qui justifie le titre est bien présente aussi :

« Je me dirige vers la chapelle de Monteverdi. Il y a six roses couchées sur sa dalle gravée. Deux blanches sont couplées sur le lutrin à la partition des Vêpres de 1610. Je me remémore cette musique céleste. Je ressens la dimension exceptionnelle de Venise. Je sors des Frari. La brume a disparu. »

Quintet pour Venise , p. 102-103

«  Hors du temps. Au cœur du temps. Il n’y a que Venise et moi. Jr suis un derviche à Venise. Vivaldi joue en fond. »

Quintet pour Venise , p. 29

En outre, la quatrième de couverture, bien que concise par nécessité, est un bon résumé du contenu du livre.

Quant à nous, nous avons choisi de mettre le focus sur deux thèmes particuliers abordés dans le livre :
- La Sprezzatura
- Tiepolo

Sprezzatura

Jean-Hugues Larché y a consacré un chapitre de son Quintet pour Venise qu’il a intitulé « Souplesse italienne ». Cette notion dépasse en effet le cadre de Venise, elle est italienne et elle est chère à l’auteur. Nous n’oublions pas que c’est lui qui proposa le nom Sprezzatura pour la revue littéraire qu’il cofonda avec Sandrick Le Maguer et qui enlumina notre ciel littéraire de 2008 à 2015.

C’est Castiglione qui le premier fit connaître cette notion avec « Le livre du courtisan » (1528).

Faire preuve de sprezzatura est, selon Castiglione, une des vertus essentielles de l’homme de cour. Il s’agit pour Castiglione :

« d’user en toutes choses d’une certaine « nonchalance » [mais le mot ne traduit pas bien le concept, une forme de désinvolture sans connotation négative, de détachement, de légèreté, de grâce) [1] ], qui cache l’artifice, et qui montre ce qu’on fait comme s’il était venu sans peine et quasi sans y penser » ; en effet, « le vrai art est celui qui ne semble être art ».

Castiglione, Le livre du courtisan.

« Impériale semence de grâce. Usage souverain du langage : Sprezzatura.

Don juvénile inséparable du sourire avenant et de la bienveillance envers chacun, chacune. Sprezzatura est italienne. L’étymologie veut dire sans pression, sans tension. Le s est privatif. La pression prezzatura est décollée par le s. L’art de la sprezzatura est élégance et allure, le pas gagné dans le rire, dans le sourire simple. Attitude liée à l’audace, au risque, à l’ironie aussi.
Légèreté de l’être, fort soutenable. »

Quintet pour Venise , p. 49

Tiepolo

« Tiepolo, mon peintre vénitien préféré »
Quintet pour Venise , p. 14

Tiepolo, le peintre célèbre de la gloire aérienne des plafonds de Venise

( Couronnement de la Vîerge à la Pietà , Institution du Rosaire aux Gesuati chers à Sollers, Notre-Dame du-Mont-Carmel des Carmini), voyage accompagné de la musique de Venise, Vivaldi et Monteverdi.

Bien sûr, aussi, l’auteur ne manque pas la salle Tepolo à l’Academia. Il y voit « le grand tableau Le Portement de Croix, exposé incliné vers l’avant », mais il « remarque surtout l’autre incroyable tableau de Tiepolo ; le Transport de La Sainte Maison de Lorette. A mon avis, c’est le chef d’œuvre ovale des chefs-d’ œuvre vénitiens. »


Tiepolo, Trasporto della Santa Casa di Loreto, 1743
ZOOM : cliquer l’image
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Le livre ne comporte pas d’illustrations mais nous avons des descriptions telles celle-ci :

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« Avez-vous déjà vu une maison décoller comme ça ? Les contes des Mille et Une nuits ont leurs tapis pilotés par des djinns, mais là, c’est la Vierge qui conduit la maison de Lorette, soutenue par une demi-douzaine d’anges et conduite à la barre tel un bateau céleste par un patriarche ou par Joseph. Une maison dans les airs, c’est l’apesanteur absolue ! La Vierge est la première femme à pouvoir aller sur la lune avec sa propre maison. Sur le bord du tableau, il y a un diable brun, voire Satan lui-même qui s’en tient la tête et en crie de dépit. C’est la tentation sur la montagne à l’envers et l’insupportable preuve de l’inégalable puissance du mystère catholique ! C’est l’acte le plus incroyable montré aux impies. D’après la légende, en 1291, la maison de la Vierge aurait été transportée dans les airs pour échapper à l’avancée des armées musulmanes. Et après une escale à Terzatz sur la côte adriatique, elle serait parvenue en Italie à Loretto. Merveilleuse désinvolture des cieux et enchanteresse absurdité des miracles ! Le diable ne peut qu’en devenir fou. Fou de ce tableau aux anges à la trompette, à la mandoline ou au violon qui accompagnent cette souveraine traversée du mur du son. Ce tableau est trop beau d’insupportable réalisme miraculeux. On y croit de fait. Tout comme le diable est obligé d’y croire. Ce tableau est l’esquisse du plafond des Scalzi bombardé par les Autrichiens, en octobre 1915. »

Quintet pour Venise , p. 94-96

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Après la transportation de la Maison de Lorette, l’auteur nous transporte à Wurtzbourg dans ce pays protestant qu’est l’Allemagne. Là, Tiepolo, en 1750, y fait rayonner l’art de Venise pris dans le mouvement de la contre-réforme catholique et Jean-Hugues Larché y consacre un texte entier de son Quintet. C’est « Venise à Wurtzbourg » avec le vénitien Tiepolo déjà européen qui y créa une fresque mémorable sur le plus grand plafond d’Europe : « cinq cent quatre-vingt mètres carré d’étendue, de clarté apollinienne et d’inspiration grecque m’apparaissent comme une exposition lumineuse du catholicisme universel » nous dit J-H. L qui poursuit : « L’évangélisation passe ici par l’art, par l’universalité des figures et la plus grande des libertés, celle de Venise. »

Dans ce texte Jean-Hugues Larché se fait critique d’art professionnel et amateur – au sens premier de celui qui aime – historien – conteur. Il nous narre la composition, les personnages et leurs intrigues, le contexte historique, les subtilités de l’art de Tiepolo, les détails cachés au premier regard, les mystères des scherzi, ces gravures de fantaisie au nombre de vingt-trois. « Gravures en code secret de la création de Tiepolo. Ces scènes cryptées se tiennent à l’écart de la civilisation et de l’histoire. Leur mythologie dégage un ésotérisme complexe. Leur mystère interpelle. C’est Le roman de la Rose, en version Tiepolo, par Jean-Hugues Larché. A découvrir dans la richesse des 31 pages du texte original "Venise à Wurtzbourg" ).

En voici le début :

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« Je monte lentement les marches de l’escalier de marbre clair. Au rebord du plafond, une figure de femme, ocre, nue, couronnée de plumes. Un arc en bandoulière, elle est assise sur un caïman caricatural qui jouxte une corne d’ abondance. C’est la figure del’ Amérique telle que Giambattista Tiepolo la représente sur la voûte de l’ escalier d’honneur ’de Wurtzbourg au début des années 1750. Le ton est donné : étrangeté, exotisme, liberté. […] À la verticale, Apollon surgit en pleine lumière, drapé de blanc dans le cercle solaire. En protecteur des arts, il préside à cette splendeur que je vais découvrir et goûter dans toutes ses dimensions. »

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Tiepolo, Wurtzbourg, l’Amérique (détail)
Crédit : www.yvanbeltrame.it
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Et, un peu plus loin :

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« Qu’ai-je vu à Wurtzbourg de plus merveilleux que cette cuisse d’Heure ascendante portant la bride d’un étalon du char d’Apollon ? Le déhanchement de Vénus rêvant à la proximité du signe du scorpion ? La gracieuse jambe levée de la Renommée claironnant de sa trompette ? Le buste de la sublime porteuse d’amphore d’Amérique ? Ma préférence va au premier regard à la belle Cavale à l’aile verte sur fond pourpre qui maintient le cheval du char solaire. Elle est le centre musical et érotique de cette divine composition, son incarnation pointée, là, au plus haut des cieux. »

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Et aussi, ceci, qui sera notre finale :

« Chercher à comprendre rationnellement cette œuvre, la mesurer scientifiquement est le contresens à éviter. Je ne la vois pour ma part ni en spécialiste, ni en touriste, mais plutôt en dilettante amoureux.  »

A propos de l’auteur

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Crédit photo : Raphaël Gaillarde

Jean-Hugues Larché, né à Bordeaux en 1962, a réalisé un film sur Nietzsche puis plusieurs documentaires littéraires sur Paris. Il contribue aux revues Sprezzatura, L’Infini et Cahiers de Tinbad et a déjà publié Le rire de De Kooning et Seul Mozart, aux éditions Olympique, à Bordeaux, où il exerce le métier de libraire.

Pour découvrir ses nombreux centres d’intérêts VOIR :

Jean-Hugues Larché sur pileface


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3 Messages

  • Viktor Kirtov | 20 avril 2023 - 09:54 1

    En prolongement de la publication textuelle de Quintet pour Venise, voici un quintet sonore.
    Le lien ci-dessous est l’extrait de l’émission de Paludes de Nikola Delescluse
    sur Radio Campus Lille du 14 avril 2023.
    Avec lecture et présentation de Quintet pour Venise.

    https://soundcloud.com/nikola-delescluse/jean-hugues-larche-quintet-pour-venise


  • Viktor Kirtov | 4 mars 2023 - 19:51 2

    Jean-Hugues Larché invité en voisin à la librairie Mollat, à Bordeaux, vous présente son ouvrage "Quintet pour Venise" publié aux éditions Serge Safran, en librairie le 3 mars 2023.
    .

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  • Viktor Kirtov | 4 mars 2023 - 14:10 3

    Par Fabien Rribery
    Mar 4

    Aquarelle vénitienne, William Turner.
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    « Un hiver, depuis Bordeaux, je prends la route. Il est cinq heures du matin, je traverse la Garonne sous la pleine lune. Je laisse Lormont à droite et salue Hölderlin. Je prends l’autoroute à Libourne, à quelques dizaines de kilomètres de chez Montaigne. A six heures, du côté de Lascaux, je fais un signe intérieur à Bataille. Trois heures après, à hauteur de Clermont, une pensée pour Pascal. J’arrive à Lyon, je laisse Grenoble au sud en saluant Stendhal et Le Bœuf de Soutine au musée des Beaux-arts. Un peu avant Chambéry, en voyageur solitaire, je fais signe à Rousseau. En voyant le panneau Genève je lance un candide salut vers Ferney, à Voltaire. Je cois qu’il n’y a presque pas de neige sur les montagnes et que l’hiver n’est pas encore là. Je prends le tunnel de Fréjus qui rejoint Turin, je contourne cette ville en pensant un peu gravement à Nietzsche. Je retrouve la rocade très encombrée de Milan (Ambroise, ouvrez la route !), puis je passe au niveau de Padoue (Giotto et François, donnez-moi un peu d’humilité !). Je gagne enfin Venise sous les intermittences de la brume et du soleil. »

    Comme il est bon de revenir à Venise.

    En pleine journée, en Bretagne, dans un café, clandestinement, avec le livre de Jean-Hugues Larché, Quintet pour Venise, publié avec élégance (maquette, typographie) chez Serge Safran éditeur.

    En cinq textes, l’auteur de Le rire de De Kooning (2019), Seul Mozart (2021) et de Dionysos à la lettre (2022), publiés aux éditions Olympique*, déploie avec légèreté ses visions vénitiennes.
    « Titien, Tintoret, Tiepolo, Turner », prolonge l’auteur passionné.

    Venise, comme Venus, comme veni vidi vici dans la lumière du soir embrasant le Redentore.

    On respire, l’air du large vient à nous, la lagune est une ouverture des cinq sens extérieurs, et des sept sens ésotériques.
    A Venise, il faut bien entendu se perdre pour se retrouver, tomber dans la spirale vertigineuse d’un labyrinthe initiatique.

    […]

    http://jh.larche.free.fr/
    https://www.sergesafranediteur.fr/

    La suite sur le blog L’Intervalle de Fabien Ribery