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Zao Wou-ki : De la Chine à Montparnasse jusqu’au musée de l’Hospice Saint-Rock à Issoudun

Une double culture, trois continents, trois femmes

D 18 décembre 2022     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Une nouvelle donation d’œuvres de la veuve de l’artiste, Françoise Marquet-Zao

Le deuxième ensemble de pièces qu’elle donne au musée d’Issoudun.

Le musée de l’Hospice Saint-Roch, à Issoudun (Indre), vient de recevoir une nouvelle donation d’œuvres de Zao Wou-Ki (1920-2013) de la part de sa veuve, Françoise Marquet-Zao. Elle a été officialisée ce 8 décembre 2022. Cet ensemble comprend 353 estampes et 27 livres de bibliophilie. Selon l’institution, elle vient saluer « le travail entrepris par le musée autour des arts graphiques et de l’abstraction lyrique, tout en marquant son attachement à la région du Berry dont [la famille de Françoise Marquet-Zao] est originaire  ». Une donation de la collection personnelle de l’artiste – près de 90 œuvres – avait déjà été faite au musée en 2015. La nouvelle libéralité sera présentée au sein de la rétrospective consacrée au peintre franco-chinois par le musée du 17 juin au 10 septembre 2023.

« Cet ensemble d’une valeur inestimable pour connaître le travail de l’artiste de 1949 à 2010 sera conservé au musée de l’Hospice Saint-Roch, seul musée dépositaire d’une collection aussi complète  » de Zao Wou-Ki, a déclaré André Laignel, le maire d’Issoudun.

Artnewspaper


Zao Wou-Ki, sans titre, 2000, épreuve d’artiste numérotée 4 sur 25. Courtesy Zao Wou-Ki
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Ses grands formats : souvenir d’un choc esthétique


Le credo de Zao Wou-Ki

Un jour, j’ai vu un grand format de Za Wou ki, le tableau était en surplomb, il fallait lever la tête pour en saisir toute la dimension et se faire absorber dans une explosion de jaune intense. Une harmonie et une énergie vitale irradiaient du tableau : fulgurance esthétique rare ! Ce jour là Zao Wou Ki faisait une entrée fracassante dans ma vie.

Cet écho dans la presse de la donation de sa veuve, Françoise Marquet-Zao, me donne l’occasion de replonger dans l’univers de cet immense artiste franco-chinois.. Ancrage dans une double culture, trois continents (l’Asie, l’Europe, l’Amérique), trois femmes (deux Chinoises et une Française). et traversée de grandes transitions artistiques et historiques de son temps (1921-2013). Mais je réalise que malgré la richesse de l’iconographie consultée, et restituée ici, j’ai la sensation qu’on ne peut pas saisir et apprécier pleinement l’œuvre de Zao Wou Ki en petit format.
Si ce n’est déjà fait, il vous faudra un jour le découvrir en vraie grandeur dans un des nombreux musées à travers le monde où l’on peut voir ses œuvres ou à l’occasion d’une exposition. Puissent ces notes et illustrations vous y inciter.

Le prénom Wou-ki de cet immense artiste signifie d’ailleurs « sans limite » (Selon l’usage chinois, le nom précède le prénom).
Zao Wou-ki va développer ses grands formats à partir des années 1970.


Zao Wou-Ki dans son atelier de campagne vers 2000, devant 11.08.99 – Eclipse et le grand triptyque Hommage à mon ami Henri Michaux terminé en mars 2000 © Guillaume de Laubier
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Au fil du temps, Zao Wou-Ki a pris l’habitude de titrer ses tableaux par la date de fin d’exécution de l’œuvre avec ou sans complément de titre, ou un simple « sans titre ».

Un grand maître de l’abstraction d’après guerre…

Le 1er avril 1948, à 28 ans, T’Chao (Zao) Wou-ki rejoint la France pour se rapprocher de ses maîtres Cézanne, Matisse, Picasso qui ont formé son regard. Arrivé à Paris, il intègre la nouvelle Ecole de Paris. C’est alors le début d’une vie de rencontres et de création artistique. Il fréquente l’Académie de la Grande Chaumière, rencontre Pierre Souages, Sam Francis, Giacometti, Jean-Paul Riopelle, Miro, Léger et devient l’ami du poète Henri Michaux, de René Char, de Malraux. Mais c’est Paul Klee qui ouvre son horizon esthétique et le pousse vers l’abstraction lyrique*.

* L’abstraction lyrique apparaît dès 1947. Ce mouvement dominé par Gorges Mathieu et Hans Hartung. Elle est caractérisée par la vitesse, l’improvisation, la spontanéité du geste et l’émotion de l’instant. L’abstraction lyrique s’oppose à l’abstraction géométrique, jugée trop froide, rigoureuse, systématique.

Mais, Zao Wou-ki n’aime pas se laisser enfermer dans une catégorisation et il n’a jamais revendiqué celle-ci.

Archive INA - 07.03.1969 ( 00’ 40)

Zao Wou Ki parle de peinture abstraite et figurative. Il ne s’intéresse pas à cette distinction.

Expo - Zao Wou-Ki, de la Chine à Montparnasse (2018)

C’était du 1er juin 2018 au 06 janvier 2019 Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, la première grande exposition consacrée à Zao Wou-Ki (1920-2013) depuis quinze ans.

A propos de son Autoportrait (1988)

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Edition initiale de 1988, Fayard
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Édition augmentée de 2022, Fayard

Cet automne 2022 est aussi marqué par la réédition augmentée d’Autoportrait, chez Fayard, initialement publiée en 1988 et rédigée avec son épouse Françoise Marquet

La parution d’Autoportrait en 1988 coïncide avec l’anniversaire des quarante ans de l’installation de Zao Wou-Ki à Paris. Écrit en étroite collaboration avec son épouse Françoise Marquet, ce livre retrace la vie et l’œuvre de Zao Wou-Ki. Cette autobiographie rend compte de son itinéraire d’homme et de peintre, de Pékin où il naît en 1920 à l’école des beaux-arts de Hangzhou où il est élève à partir de 1935, de son installation à Paris en 1948 à sa découverte de New York en 1957, de sa naturalisation française en 1964 à sa lente redécouverte de son pays natal à partir de 1972.

Ce livre témoigne également de son parcours d’immigré, quittant sa terre natale pour une ville rêvée et un monde artistique dont il fait rapidement partie. À Montparnasse, Saint-Germain-des-Prés, puis New York, Zao Wou-Ki découvre les abstractions européenne et américaine, qui confortent son choix d’une abstraction où se mêlent sa connaissance de la peinture chinoise et la liberté du geste désormais acquise. En France, où il choisit de rester face aux troubles politiques et sociaux que connaît la Chine sous Mao Zedong, il prend part à l’effervescence artistique du Paris d’après-guerre.

Mêlant souvenirs d’enfance, anecdotes et réflexions sur la peinture de son époque, cet ouvrage majeur révèle la richesse d’une œuvre sans cesse questionnée, nourrie de deux cultures, enrichies de rencontres et d’amitiés exceptionnelles.

Cette réédition mise à jour est également augmentée d’une préface de Dominique de Villepin, ancien Premier ministre proche de Zao Wou-Ki et fin connaisseur de son œuvre, d’une conclusion de Françoise Marquet, épouse de l’artiste et Conservateur du patrimoine, ainsi que d’un complément biographique de Yann Hendgen, Directeur artistique de la Fondation Zao Wou-Ki, qui permet de prolonger l’histoire de ce peintre au parcours exceptionnel jusqu’à ses dernières années de création. Cette réédition de l’Autoportrait, témoignage précieux de l’artiste, entend ainsi actualiser l’œuvre de Zao Wou-Ki et la faire connaître à un public d’une nouvelle génération.

Lien vers le site de l’éditeur

Entretien avec Bernard Pivot dans son émission "Apostrophes". (1988)

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24 février 2016 Portrait de Françoise Marquet, veuve de Zao Wou-Ki © Coppet Sigfredo Haro
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La Tentation de l’Occident

Picasso m’avait appris à dessiner comme Picasso, mais Cézanne m’apprit à regarder la nature chinoise. J’avais admiré Modigliani, Renoir, Matisse. Mais c’est Cézanne qui m’aida à me retrouver moi-même, à me retrouver peintre chinois.
Zao Wou-Ki

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La Tentation de l’Occident est à la fois un essai d’André Malraux publié en 1926 et une série de dix estampes de Za Wou-ki en 1962, en illustration de l’œuvre de Malraux.
Lorsqu’il publie La Tentation de l’Occident en 1926, Malraux n’a que 24 ans mais celui qui écrira quelques années plus tard Les conquérants et La condition humaine est déjà fasciné par les cultures et les civilisations asiatiques et en particulier par la Chine. Aussi, il imagine dans ce livre, à mi-chemin entre roman et essai, un dialogue épistolaire entre deux intellectuels, un Français et un Chinois, représentants respectifs de l’Occident et de l’Orient, séjournant tour à tour en Europe et en Asie.


01.04.76 — Hommage à André Malraux – Triptyque
1976, huile sur toile, 200 × 524 cm,
The Hakone Open-Air Museum, Hakone, Japon.
Droits réservés

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Cet Hommage, exécuté quelques mois avant la mort d’André Malraux, témoigne de l’admiration pour l’auteur de La Tentation de l’Occident qu’il a illustré en 1962 de dix lithographies La Tentation de l’Occident. Alors ministre chargé des Affaires culturelles, André Malraux aide deux ans plus tard Zao Wou-Ki à obtenir la nationalité française, l’année même où le général de Gaulle reconnaît officiellement la République populaire de Chine de Mao Zedong.

Grâce à la Fuji Television Gallery, qui l’expose à Tokyo dès 1977, cet important tableau demeure en Asie, terre chère à Malraux. Appartenant à la Fuji Media Holdings Inc., il est déposé au Hakone Museum of Open Air, au Japon.

Zao Wou-ki, la puissance du geste

« L’une des figures les plus populaires de l’art contemporain s’est éteinte, mardi 9 avril, en Suisse à l’âge de 93 ans » sous-titrait Philippe Dagen dans Le Monde du même jour. Son article-hommage constitue un excellent résumé de la vie et de l’œuvre de l’artiste.


Sans titre, lavis d’encre
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Par Philippe Dagen
Le Monde, le 09 avril 2013, mis à jour le 30 octobre 2014

Le peintre français d’origine chinoise Zao Wou-ki est mort le 9 avril, en Suisse, à l’âge de 93 ans. Il vivait au bord du lac Léman depuis 2011, de plus en plus diminué par la maladie d’Alzheimer, à laquelle il a succombé. Auparavant et pendant cinquante ans, […] il montait dans son atelier, au dernier étage de sa maison, rue Jonquoy, dans le 14e arrondissement de Paris. Il riait de cette régularité d’"ouvrier", si éloignée du mythe de l’artiste inspiré.

Là, seul, il peignait à l’huile sur toile le plus souvent, à l’encre de Chine plus rarement, à l’aquarelle dans les dernières années. A l’exception d’une collection de pinceaux somptueux rapportés de Chine au cours de l’un de ses voyages, rien ne rappelait en ce lieu son pays natal. Les livres de la bibliothèque concernaient l’histoire de l’art occidental, Cézanne, Matisse. La musique était européenne, de Mozart à Varèse qui fut de ses amis. Peu de vies attirent aussi évidemment la réflexion du côté des rapports et de la convergence des cultures, caractéristique du XXe siècle. Peu d’œuvres rappellent aussi combien les jugements sont susceptibles d’évoluer en matière d’art.

Né à Pékin le 1er février 1920, Zao Wou-ki – son nom francisé – appartient à la famille Tsao (ou T’chao), connue depuis les Song, famille aristocratique et lettrée. Admis dès 1935 à l’Ecole des beaux-arts d’Hangzhou, il y demeure six ans et y devient assistant en 1941. Cartes postales rapportées de Paris par un oncle et magazines américains lui révèlent l’art occidental, l’impressionnisme, Matisse et Picasso. Une première exposition personnelle à Shanghaï en 1947 précède de peu son départ pour Paris : la situation politique et le désir de connaître par lui-même cet autre monde déterminent un départ qu’il ne sait pas définitif.

ASCENSION

Il racontait volontiers comment, arrivé à Paris, le 1er avril 1948, en compagnie de Lalan, sa première épouse, il passe son après-midi au Louvre. Il trouve un atelier rue du Moulin-Vert, proche de celui de Giacometti, dans le 14e arrondissement déjà, fréquente l’académie de la Grande-Chaumière, se rend dans les galeries et découvre l’un de ses artistes de référence, Klee.

Il rencontre de jeunes artistes depuis peu arrivés à Paris, Pierre Soulages, Sam Francis, Norman Bluhm, Jean-Paul Riopelle. Il expose à la galerie Creuze, en mai 1949, puis chez Pierre Loeb. Celui-ci vient dans son atelier en janvier 1950, en compagnie du plus discret des amis de Zao Wou-ki, le poète et peintre Henri Michaux. Dès 1952, ce dernier préface une exposition du peintre à New York : "Montrer en dissimulant, briser et faire trembler la ligne directe", écrit-il.

En peu de temps, alors que la langue française ne lui est pas encore familière, Zao Wou-ki s’inscrit dans le mouvement qui porte alors les peintres de sa génération vers des expérimentations abstraites, chacun selon sa voie singulière. Si proches soient-ils amicalement – et professionnellement à la Galerie de France où ils exposent longtemps tous trois –, Zao Wou-ki, Hartung et Soulages ne forment pas un groupe. Leurs œuvres n’ont rien de commun, mais ils partagent la même exigence d’expérimentation physique et intuitive. L’assiduité de Zao Wou-ki dans son atelier répond à cette idée de l’art conçu comme expérience visuelle, hors de tout système.

Se dégageant de Klee, il s’écarte autant de la tradition calligraphique chinoise. A partir du milieu des années 1950, les formats grandissent, les couleurs gagnent en éclat, les gestes en puissance. Les tensions sont accentuées par l’affrontement entre des couleurs très intenses. Rien de surprenant si, rompant avec son habitude de ne donner aucun titre, Zao Wou-ki nomme une toile Hommage à Henri Matisse – hommage à ses roses et à ses bleus, mais aussi à sa géométrie tranchante. La bidimensionnalité de l’abstraction est emportée dans un espace vaste et mouvant, océanique ou céleste. Les encres sont animées du même souffle. ZaoWou-ki revient à cette technique en 1971, à la suggestion de Michaux.

L’encre lui permet de réinterpréter l’abstraction selon la conception chinoise du geste et de l’espace, comme auparavant l’huile, technique occidentale, l’avait déterminé à s’écarter de son éducation première. Dans les deux cas, les notions de rencontre et de passage sont centrales.

Bien que naissent alors quelques-uns de ses chefs-d’œuvre, Zao Wou-ki paraît dans les années 1960 et 1970 loin des courants à la mode. On l’enferme dans le label commode de l’"abstraction lyrique", dont il ne se réclame pas. On lui reproche d’être "trop" peintre, de ne pas tenir de discours théorique, de ne pas cultiver l’ascétisme et d’aspirer même à une sorte de sublime de la couleur. Depuis, le jugement s’est inversé, de la désaffection à l’admiration, jusqu’à faire de lui l’un des artistes les plus connus de tous les publics.

CÉLÉBRITÉ INTERNATIONALE

L’inventaire de ses expositions dans des galeries, de ses rétrospectives dans des musées, des commandes et des distinctions qu’il a reçues serait interminable. A partir des années 1980, sa notoriété gagne l’Asie, Singapour – où il travaille avec l’architecte Ieoh Ming Pei, l’architecte de la pyramide du Louvre, –, Hongkong, Taïwan, le Japon, la Corée.

En 1983, il est invité à revenir dans la Chine qu’il a quittée trente-cinq ans plus tôt, pour des expositions à Pékin et Hangzhou. Il y retourne pour enseigner pendant un mois en 1985 et fait découvrir à ses élèves l’art occidental, auparavant prohibé.

A mesure que son pays natal s’ouvre, que des collectionneurs s’y révèlent et que les artistes chinois s’imposent, l’engouement pour son art devient immense et son renchérissement est proportionnel. Jadis contraint de s’exiler, il apparaît désormais comme un maître et un symbole pour ses compatriotes – un symbole culturel parce que son art allie un sentiment de l’espace et une puissance du geste, que l’on tient pour caractéristiques de l’art chinois, à la peinture à l’huile, création européenne qu’il a su apprivoiser et attirer vers le monde aérien et mobile qui était le sien.
Le Monde

Biographie : Zao Wou-Ki, l’homme du double rivage

Par François Legrand
03.05.2021


Zao Wou-Ki, 14.03.92,
1992
, huile sur toile, 65 x 81 cm, collection particulière, © Adagp, Paris, 2021 © Dennis Bouchard

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C’est ainsi que l’écrivain François Cheng parle de son ami Zao Wou-Ki (1920-2013), dont l’œuvre offre une rare symbiose de l’Orient et de l’Occident. Retour sur la carrière d’un peintre qui a noué nombre d’amitiés poétiques, avec le concours de l’historienne d’art Peng Chang-Ming.

Héritier, Zao l’est dans toutes les acceptions du terme. À l’aisance matérielle que lui procure une famille de banquiers installée près de Shanghai, il convient d’ajouter l’héritage plus précieux encore de cette tradition lettrée qui lui vient de son grand-père. Dès sa prime enfance, le jeune Wou-Ki fut initié à l’écriture des caractères, donc au travail du pinceau et de l’encre. Cette convergence chinoise de l’écriture, de la calligraphie et de la poésie habitera à jamais son esprit. La peinture qu’il connaît alors est avant tout celle du paysage, genre de prédilection des lettrés. Dans cette quête d’harmonie spirituelle s’exprime un penchant qui ne le quittera jamais, fût-ce dans un tout autre contexte, la prédilection pour un certain retrait, loin de l’agitation du monde, afin de se consacrer exclusivement à sa quête : le langage pictural.

La découverte de l’Occident

Quelles voies s’offraient dans la Chine de 1935 à une vocation précoce d’artiste ? Non loin de Shanghai se trouve la ville de Hangzhou, réputée pour son fameux lac de l’Ouest célébré par les peintres et les poètes de l’époque Song. Mais à cette présence permanente de la tradition s’en ajoute une autre : celle de la modernité apportée par la nouvelle Académie des beaux-arts et son directeur, le peintre Lin Fengmian, de retour d’un long périple en France.


Zao Wou-Ki, Sans titre (Nature morte aux pommes), 1935-1936, huile sur toile, 46 x 61 cm, collection particulière, © Adagp, Paris, 2021 ©Antoine Mercier

L’historienne d’art Peng Chang-Ming, qui a placé au cœur de son travail les échanges culturels entre Occident et Extrême-Orient, nous rappelle que c’est durant l’entre-deux-guerres que s’intensifient les séjours d’artistes chinois en Occident : « Le déclin sans précédent de la Chine avait convaincu intellectuels réformistes et artistes de la nécessité de rompre avec l’autosuffisance culturelle héritée de l’empire du Milieu. Des étudiants chinois vont suivre l’exemple précurseur des Japonais, qui s’étaient ouverts au monde occidental bien plus tôt. Dans le monde des arts, des bourses gouvernementales vont ainsi permettre à des artistes comme Xu Beihong (1895-1953) ou Lin Fengmian (1900-1991) d’aller étudier l’art occidental à la source. » […]


Zao Wou-Ki, Paysage Hangzhou, 1946, huile sur toile, 38,2 x 46,3 cm, collection partiulière, © Adagp, Paris, 2021, © Antoine Mercier

Une question d’espace et de lumière

Bénéficiant du soutien de Lin, puis de son successeur Wu Ta-You, Zao découvre à Hangzhou le traitement de la figure autrefois négligé par les lettrés, fait l’apprentissage de la perspective centrale et de la peinture à l’huile, approches novatrices qui forcent le regard chinois à un retour réflexif. Les rares revues d’art occidentales et les cartes postales lui révèlent Picasso et Matisse, mais uniquement à travers le prisme de reproductions en noir et blanc. Aux yeux de Zao, devenu dès 1941 lecteur dans l’école qui l’avait formé, le désir de se confronter aux œuvres originales fera de l’exil une nécessité. En 1948, ce sera chose faite. « Pour son rayonnement artistique, Paris restait encore la destination privilégiée par les écrivains et les artistes chinois », affirme Peng Chang-Ming. Zao est venu en France pour s’imprégner de cette culture occidentale qui le fascine. Ses visites au Louvre et dans les musées marquent d’emblée sa voie personnelle : contrairement à Xu Beihong, qui admirait la peinture d’histoire romantique de Géricault à Delacroix, Zao regarde autre chose tant il répugne à aborder les œuvres pour leur contenu.

Quand il admire Cimabue, Turner, l’impressionnisme, Modigliani, Cézanne, son regard est attiré exclusivement par la définition du langage pictural. Amené un jour à copier des lavis de Rembrandt, il fut ébloui par son traitement de la lumière. Et très tôt apparaît la voie qui sera la sienne : « La peinture, confiera-t-il un jour à son ami exilé le peintre figuratif Wan-Ts, c’est une question d’espace et de lumière. » « Formé par la tradition picturale chinoise, son regard s’attache avant tout à la recherche de la pureté formelle de l’expression, poursuit Peng Chang-Ming. Sa curiosité est donc orientée autant vers l’art vivant que vers l’art des musées. À Paris, il enrichit son musée imaginaire avant de développer un langage original. »

Entre peinture et écriture

Aux accents matissiens du début succède rapidement, dans les années 1950, une période figurative très singulière, où le réel n’accède à la représentation que sous la forme de traces, à travers un réseau de lignes indécises. La vision de Zao est alors placée sous le sceau de la fragilité : ses empreintes de bateaux, de poissons, d’architectures, de villes donnent en permanence la sensation d’être sur le point de s’effacer. Il n’y a de lignes que brisées, de figures que tremblées, de lumière que brouillée, d’écriture que griffée. Klee, dont on connaît mieux maintenant les liens précoces avec la poésie d’Extrême-Orient, joua un rôle déterminant dans cette évolution. Zao le découvre « en vrai » en 1951 et l’on comprend aisément comment sa dimension poétique de l’espace et ce lien tissé entre peinture et écriture ont pu confirmer Zao dans son désir d’opérer une symbiose entre la Chine et l’Occident. Les objets finissent par s’effacer de ses tableaux.

En 1954, le tableau Vent marque cette rupture qui l’inscrit dans le mouvement général vers l’abstraction. Une nouvelle poétique de l’élémentaire – air, eau, feu, terre – prend appui sur la présence de signes abstraits, souvenirs des idéogrammes classiques gravés sur les parois des bronzes rituels, dont Zao est un grand admirateur. Au même moment, cet intérêt pour l’écriture chinoise était aussi partagé par le peintre André Masson et son ami Henri Michaux, lequel avait traversé la Chine au début des années 1930 et fut un passeur essentiel entre les deux cultures. Mais ces signes abstraits et calligraphiés sont dépourvus de signification. Leur autonomie plastique vise avant tout à créer une tension qui dynamise l’espace. À la fin des années 1950, ces signes disparaissent à leur tour.


Zao Wou-Ki, 17.12.75 – Hommage à Turner, 1975, huile sur toile, 55 x 55 cm, collection particulière, © Adagp, Paris, 2021, ©DR
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Faire dialoguer les éléments

Durant les décennies suivantes, Zao a désormais trouvé sa voie. Lorsqu’il peint, l’artiste semble être immergé dans le monde qui l’entoure au point de faire surgir de véritables poussées telluriques, puis aériennes, projections de son état intérieur tourmenté puis apaisé. D’obédience abstraite, cette peinture, qui passera au fil des décennies de la convulsion la plus véhémente au silence, reste cependant rétive aux catégories : « On l’a souvent classé dans le courant de l’abstraction lyrique, reconnaît Peng Chang-Ming. Mais c’est cette richesse de l’œuvre abstraite de Zao dont il faut rendre compte sans le réduire à ce seul mouvement auquel il appartient de fait.  » À cet égard, son écart avec le dogme formaliste de la planéité est manifeste : Zao préfère sonder l’espace. Il se confronte à la profondeur en révélant de multiples foyers chromatiques dont les forces vitales irradient l’ensemble de la toile.

Si le peintre rejoint une certaine idée de la nature, s’il révèle une poétique de la matière primordiale dans un cosmos encore inorganisé, il récuse l’idée même de paysagisme abstrait. Expression du souffle, le corps à corps de l’artiste avec la toile se déploie dans une dimension gestuelle qui s’accentue au fil du temps. Ami d’Edgard Varèse et de Pierre Boulez, Zao est un mélomane averti qui s’adonne au chant et peint souvent avec un accompagnement musical. Grâce à ce dialogue entre les arts, sa peinture renvoie l’écho sonore d’une multitude d’espaces reliés et presque enchevêtrés. Les grands formats, employés à partir des années 1970, accentuent la densité sensorielle de ses vibrations lumineuses et le caractère incommensurable de sa peinture.

Projection intérieure de l’artiste

« Car la toile de Zao, selon Peng Chang-Ming, est traversée par le principe du souffle, pierre angulaire de la peinture chinoise : “Dans l’harmonie du souffle, le mouvement de la vie.” Cet élément central de l’esthétique lettrée est rendu sensible par la présence active du vide. Le vide permet un continuum dans la peinture de paysage, qui fait dialoguer les éléments, comme l’eau et le ciel. Naturel, phénoménal, ce souffle est surtout en accord avec l’esprit de l’artiste. La ressemblance n’est pas privilégiée car le paysage n’est jamais la représentation d’un motif mais toujours une projection intérieure de l’artiste. Zao est nourri de cette esthétique qui donne à sa peinture abstraite sa spécificité. Le vide fait respirer les couleurs. »

« Pour ces grands formats, Zao devait travailler dans cette liberté d’esprit héritée du Xie Yi, peinture à l’encre monochrome jetée sur le papier sans travail préparatoire. Dans cette peinture gestuelle traditionnelle, l’intention s’exprime de manière spontanée, sans le moindre repentir. L’exécution très rapide se traduit par des stries de blanc dans le trait ; ces “blancs volants”, qui témoignent de la rapidité du geste, sollicitent non seulement l’esprit mais le corps entier. » Plus qu’à une convergence, c’est donc à une véritable symbiose de l’Orient et de l’Occident que nous convie l’art de la lumière de Zao Wou-Ki. Ce n’est pas par hasard que son ami le poète François Cheng a pu qualifier cette rencontre de « miracle ». La fascination qu’exerce aujourd’hui l’œuvre de Zao en Chine et à Taiwan en témoigne.

[Visite Live] Zao Wou-Ki au musée d’Art moderne de la Ville de Paris

Connaissance des Arts

Hommage au peintre Zao Wou-ki -La vie des Arts (2013)

2021. Exposition à l’Hôtel de Caumont, Aix en provence

Réalisée en collaboration avec la Fondation Zao Wou-Ki, l’exposition regroupait près de 80 oeuvres de 1935 à 2009 (huiles sur toile, aquarelles et encres de Chine sur papier) provenant de collections publiques et privées.
Dans la période qui suit son installation à Paris en 1948, Zao Wou-Ki explore le thème de la lumière diurne ou nocturne dans une série d’œuvres poétiques intégrant simplement la représentation des astres lunaire et solaire.Le passage à l’abstraction opéré au milieu des années 1950 par l’usage du signe emprunté à Paul Klee, enrichit son rapport à la lumière et à l’obscurité, exprimées alors par le jeu des masses colorées, qui s’affrontent ou fusionnent.
La pratique de l’encre de Chine, grâce à Henri Michaux à partir de 1970, lui permet de faire évoluer la tradition chinoise. Il entame alors un travail sur le vide, associé au blanc ou à la réserve, et le plein, associé au noir de l’encre. Cette recherche se prolonge dans sa peinture et lui fait découvrir de nouveaux espaces.

Les œuvres des années 1970 et 1980 renvoient à une face plus sombre correspondant à des périodes de souffrances et de deuil. Ces va-et-vient entre lumière et part d’ombre puisent leur inspiration dans la longue histoire de la peinture chinoise qui recherche l’équilibre des contraires.

Guidé à ses débuts et jusqu’à la fin de sa vie par le génie de Paul Cezanne (Paysage Hangzhou, 1946 ; Hommage à Cézanne, 2005), Zao Wou-Ki a lui aussi été sensible à la lumière spécifique du soleil du midi de la France. Après avoir loué entre 1958 et 1972 un atelier dans le Var où il retrouvait nombre d’amis, il accepte la proposition de Josep Lluis Sert qui lui construit un atelier à Ibiza en 1973, un nouveau lieu de création.
A partir de 2004, Zao Wou-Ki séjourne à plusieurs reprises en été dans la propriété du Luberon du couturier Emanuel Ungaro, très attaché par ailleurs à sa ville natale d’Aix-en-Provence. Zao Wou-Ki y travaille « sur le motif », fait nouveau pour lui, et peint une série d’aquarelles présentées pour la première fois à l’Hôtel de Caumont. Elles rendent compte de la luminosité et des couleurs tantôt flamboyantes tantôt assourdies des paysages du Luberon. Ces œuvres expriment à l’ultime moment de sa vie son bonheur de peindre immuable.

02.02.86 Hommage à Henri Matisse, 1986
Zao Wou-ki — Triptyque juillet-octobre 1997-janvier 1998 - Exposition : “Il ne fait jamais nuit”, Musée Caumont, Aix-en-Provence, 11 août 2021.

PLUS ICI (pdf)

Zao Wou Ki (Radioscopie du 4 octobre 1988)

Avec Jacques Chancel :

A travers ses œuvres

PEINTURES A L’HUILE


12.08.69
1969, huile sur toile, 200 × 300 cm,
National Taiwan Museum of Fine Arts, Taichung, Taiwan.

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PLUS DE PEINTURES ICI

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AQUARELLES


Sans titre, 2007
aquarelle sur papier, 66 x 102 cm.
Photo Dennis Bouchard

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PLUS D’AQUARELLES ICI

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ENCRES DE CHINE


Sans titre, 1972
encre de Chine sur papier, 69 x 119 cm.
Photo Dennis Bouchard

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PLUS D’ENCRES DE CHINE, ICI

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ESTAMPES


Jardin la nuit, 1954 lithographie sur papier imprimée en 5 couleurs chez E. et J. Desjobert, Paris, 44 x 57 cm, édition Klipstein & Co., Berne [Ågerup n° 87]. Droits réservés
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CERAMIQUES


Paire de vases, 2008
Manufacture Bernardaud de Limoges, tirage d’après un décor original à l’émail sur céramique peint par l’artiste, hauteur 43 cm ; édition à 8 exemplaires et 4 exemplaires d’artiste, édition Marlborough Gallery, New York.
Photo Dennis Bouchard

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Repères biographiques

1920

Zao Wou-Ki naît à Pékin en février 1920 : le 13 selon les documents chinois ; le 1er selon l’acte de sa naturalisation française.
Quelques mois plus tard, sa famille s’installe à Shanghai.
Il appartient à la famille T’chao, qui remonte à la dynastie Song.
À son arrivée en France, T’chao Wou-Ki devient Zao Wou-Ki (Wou-Ki étant le prénom).
Il passe son enfance à Nantong, petite ville au nord de Shanghai, où son père est banquier.

1930

Dès l’âge de dix ans, Zao Wou-Ki dessine et peint, avec les encouragements de sa famille, des intellectuels qui tiennent la peinture en haute estime.
Il apprend auprès de son grand-père à tracer les caractères de la langue chinoise, préliminaire indispensable à la pratique de la calligraphie.

1935


Zao Wou-Ki à l’École des Beaux Arts de Hangzhou, 1935. Droits réservés

À l’âge de quinze ans, Zao Wou-Ki passe avec succès l’examen d’entrée à l’École des beaux-arts de Hangzhou, où il suivra durant six années l’enseignement de professeurs chinois et occidentaux.
Il s’affranchit très tôt du cursus imposé pour se lancer dans la peinture à l’huile.
En 1937, l’École des beaux-arts, confrontée à l’avancée des troupes japonaises, quitte Hangzhou pour Chongqing.

1941

Diplômé de son école, Zao Wou-Ki y devient professeur assistant.
Pendant cette période, il est très influencé par Cézanne, Matisse et Picasso, qu’il découvre grâce aux cartes postales que son oncle lui rapporte de Paris ou à des reproductions publiées dans des revues américaines, dont Life, Harper’s Bazaar ou Vogue, qu’il achète dans les librairies de la Concession française.

1946


Avec ses soeurs à Hangzhou, 1946 . Droits réservés
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Vadime Elisseeff, attaché culturel de l’ambassade de France en Chine, rencontré à Chongqing, l’encourage vivement à venir à Paris.
Le diplomate emporte à Paris une vingtaine d’œuvres de Zao Wou-Ki, qu’il présente au musée Cernuschi dans le cadre de l’« Exposition de peintures chinoises contemporaines ».

1947

Après une exposition personnelle à Shanghai, Zao Wou-Ki décide,
avec l’accord de son père, d’aller vivre à Paris afin d’y poursuivre sa formation artistique.

1948

Le 26 février, il quitte Shanghai avec son épouse Lalan. Après trente-six jours en mer, il débarque à Marseille, d’où il rejoint la capitale française.
Il se plaît à explorer Paris et passe ses après-midi au Louvre.
Il s’installe dans le quartier des artistes, à Montparnasse, dans un petit atelier voisin de celui d’Alberto Giacometti. Zao Wou-Ki apprend le français à l’Alliance française et fréquente l’Académie de la Grande-Chaumière.
Il dira plus tard que c’est à Paris qu’il a découvert sa véritable personnalité.
Parmi son nouveau groupe d’amis cosmopolites figurent les artistes américains Sam Francis, Norman Bluhm et Joan Mitchell, le Canadien Jean-Paul Riopelle, la Portugaise Maria Helena Vieira da Silva, l’Allemand Hans Hartung et le Français Pierre Soulages.

_ Zao Wou-ki, Portrait de ma femme, 1949
huile sur toile, 73 × 60 cm
Photo Dennis Bouchard

Les aplats de couleurs de ce Portrait de ma femme sont un écho des peintures d’Henri Matisse. Ses nus féminins au fusain, sanguine ou crayon, montrent également une influence d’Aristide Maillol.

1949

Zao Wou-Ki découvre la lithographie chez l’imprimeur Desjobert.

Première exposition personnelle à Paris, à la Galerie Creuze.

1950


Un premier livre de bibliophilie, Lecture par Henri Michaux de huit lithographies de Zao Wou-Ki, paraît après que Henri Michaux, qui ne l’a pourtant pas rencontré, a spontanément écrit huit poèmes pour accompagner les premières lithographies de Zao Wou-Ki. C’est le début d’une amitié indéfectible entre les deux hommes.
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Dans son atelier parisien devant 29.09.64
et la première version de 21.09.64, vers 1964
. Photo Budd

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1956

Séparation avec son épouse Lalan.

1957

Première exposition à la Galerie de France à Paris. Il y retrouve ses amis Pierre Soulages, Hans Hartung et Alfred Manessier.
Zao Wou-Ki crée quatre eaux-fortes pour illustrer Les Compagnons dans le jardin du poète René Char. Ils resteront très proches jusqu’à la mort de René Char en 1988.
À l’automne, Zao Wou-Ki séjourne chez son frère Wu-Wai vers New York. Il rencontre le marchand américain Samuel Kootz et de nombreux artistes avec qui il se lie d’amitié, dont Franz Kline, Conrad Marca-Relli, Philip Guston, Adolph Gottlieb, William Baziotes, Saul Steinberg, James Brooks et Hans Hofmann.
La peinture américaine, notamment celle de l’École de New York, lui paraît plus instinctive, plus spontanée que la peinture européenne.
Il poursuit son voyage avec Pierre et Colette Soulages à Hawaï et au Japon.

1958

Zao Wou-Ki passe six mois à Hong-Kong, où il rencontre Chan May-Kan, qui devient sa deuxième épouse.

Avec sa deuxième épouse May à Hong Kong, 1958. Droits réservés

1959

La Kootz Gallery à New York présente sa première exposition personnelle. Zao Wou-Ki se rend à New York presque chaque année jusqu’en 1965.
Il achète à Paris un ancien entrepôt qu’il fait transformer en atelier.

1961

Première exposition à la Tokyo Gallery au Japon.


« Chez Margot », Golfe-Juan, le 03 mars 1962. Joan Mitchell, Patricia Matisse, May Zao, Jean-Paul Riopelle et Pierre Matisse. Droits réservés
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1962

Zao Wou-Ki illustre de dix lithographies La Tentation de l’Occident d’André Malraux, alors ministre des Affaires culturelles.
Grâce à son soutien, Zao Wou-Ki devient citoyen français en 1964.

1967-69

Zao Wou-Ki participe au Pavillon français lors de l’Exposition internationale de Montréal.(1967)

Expositions à la Franck Perls Gallery à Los Angeles et au San Francisco Museum of Modern Art.(1968)

Rétrospective au musée d’Art contemporain de Montréal et au musée du Québec.’1969)

1971

Sur les encouragements d’Henri Michaux,
il redécouvre la difficile technique de l’encre de Chine.

1972

Décès de son épouse May en mars.
À la fin du mois, Zao Wou-Ki part en Chine retrouver sa famille, qu’il n’a pas vue depuis 1948.

1973-1975

Après une pause de plusieurs mois, il se remet au travail pour peindre de très grands formats, qui sont exposés en 1975 à la Galerie de France.
Il retourne en Chine en 1974 et 1975.

1977

Quatorze tableaux, pour la plupart de grands formats, sont exposés à la Fuji Television Gallery à Tokyo, dont l’Hommage à André Malraux (200 x 525 cm).
Grâce au directeur de la galerie, Susumu Yamamoto, des œuvres entrent dans plusieurs grandes collections japonaises, dont le musée de Hakone et la Fondation Ishibashi

. Zao Wou-Ki épouse Françoise Marquet en juillet.

Françoise Marquet et Zao Wou-Ki, 1977. Photo : Waintrob-Budd, New York

1978

Zao Wou-Ki fait une donation à la Bibliothèque nationale de France, qui vient compléter une série de gravures déjà conservées au Cabinet des estampes. La donation est présentée au public l’année suivante.

1979

Le marchand new-yorkais Pierre Matisse visite l’atelier de Zao Wou-Ki et propose une exposition de peintures et de dessins dans sa galerie. Pour l’artiste, qui n’a pas exposé dans cette ville depuis plus de quinze ans, ce projet revêt une importance capitale.

1980

Zao Wou-Ki est nommé professeur de peinture murale
à l’École nationale supérieure des arts décoratifs à Paris.

1982

Zao Wou-Ki et Françoise visitent Hong-Kong, Shanghai, Hangzhou et Xi’an avant de se rendre à Pékin à l’invitation de l’Association des artistes chinois.

1983

Zao Wou-Ki se rend à Taipei (Taïwan) pour une exposition au National Museum of History. Lors de ce voyage, il rencontre le grand maître chinois Zhang Daqian, quelques mois avant sa mort.
À l’invitation du ministère de la Culture chinois, Zao Wou-Ki expose dans son pays natal pour la première fois depuis 1948, au musée national de Pékin et dans son ancienne école à Hangzhou, devenue entre-temps la Zhejiang Academy of Fine Arts.

1984

. Il est fait officier de l’ordre de la Légion d’honneur par le ministre de la Culture français, Jack Lang.

1986

La Galerie de France présente à Paris son plus grand triptyque jamais réalisé (2,80 x 10 m), qu’il vient de terminer pour le complexe de Raffles City à Singapour construit par son ami I. M. Pei (l’architecte de la Pyramide du Louvre).

1988

Exposition chez Artcurial pour le quarantième anniversaire de son arrivée en France.

1993

. Zao Wou-Ki est promu commandeur de l’ordre de la Légion d’honneur par le président de la République française François Mitterrand. Il est également fait docteur honoris causa de la Chinese University à Hong-Kong. Rétrospective au Taipei Fine Arts Museum.

1994

Rétrospective au Centro Cultural de Arte Contemporaneo à Mexico.
Zao Wou-Ki est nommé lauréat du Praemium Imperiale du Japon en peinture

1997

. Zao Wou-Ki accompagne le président français Jacques Chirac en Chine. Il assiste à l’inauguration du musée Miho à Kyoto conçu par son ami I. M. Pei.

1998

Zao Wou-Ki se rend en Chine à l’occasion de la grande rétrospective organisée au musée de Shanghai avec l’Action française d’action artistique et le mécénat de la société L’Oréal.
Cette exposition est ensuite présentée au palais des Beaux-Arts de Chine à Pékin et au palais des Beaux-Arts de Canton.

2002

Il est élu à l’académie des Beaux-Arts, au fauteuil de Jean Carzou. Il y sera reçu officiellement le 26 novembre 2003.


À la Galerie nationale du Jeu de Paume devant le triptyque Mai-septembre 89 lors de la remise de son épée d’académicien le 26 novembre 2003. Photo Dennis Bouchard

2003

Expositions à la Marlborough Gallery à New York et au Taidehalli à Helsinki.
À Paris, la Galerie nationale du Jeu de Paume organise la première grande rétrospective française de l’artiste, regroupant une centaine d’œuvres venues du monde entier, qui seront vues par 135 000 visiteurs.

2006

I. M. Pei inaugure le nouveau musée de Suzhou (Chine) avec « Black & White Dream », une présentation d’œuvres de Zao Wou-Ki.

Treize sérigraphies pour le livre de bibliophilie Là-bas de Dominique de Villepin.

Novembre : Zao Wou-Ki est élevé au grade de Grand Officier de l’Ordre de la Légion d’Honneur et est décoré au Palais de l’Elysée par le président Jacques Chirac

2008

Zao Wou-Ki exécute deux séries de vases originaux pour la Manufacture nationale de Sèvres.
La vaste rétrospective que lui consacre la Bibliothèque nationale de France à Paris est reprise au Suzhou Museum en Chine.
Exposition au musée de l’Hospice Saint-Roch à Issoudun.

2010

Zao Wou-Ki arrête la peinture à l’huile et créé ses dernières aquarelles sur papier.
Création de quatorze vitraux pour le réfectoire du prieuré de Saint-Cosme, près de Tours.

Atteint de la maladie d’Alzheimer, depuis environ 2006, il aura vécu pour « le bonheur de peindre », jusqu’à ce que la maladie l’en empêche définitivement en cette année 2010, trois ans avant sa mort. Il venait de réaliser une œuvre ultime, en même temps qu’une expérience artistique nouvelle : des vitraux. En Touraine, par l’intermédiaire de son ami poète François Cheng, il avait été convaincu d’orner à l’encre de Chine noire, parfois rehaussée de rouge, les vitraux du prieuré de Saint-Cosme, où avait vécu Pierre de Ronsard.

Zao Wou-ki, le bonheur de peindre

Le jour de l’inauguration des vitraux de Saint-Cosme, la maladie empêcha Zao Wou-ki de parler. Il ne put que sourire et l’on comprit qu’il ne peindrait sans doute plus. Revinrent alors en mémoire ces mots de son autobiographie, écrite en 1988 avec Françoise Marquet, sa troisième épouse et ancienne conservatrice du Musée d’art moderne de la Ville de Paris : « Je ne crains pas de vieillir ni de mourir car, tant que je saurai me servir d’un pinceau ou d’un tube de couleur, il ne pourra rien m’arriver. Je voudrais seulement qu’il me restât assez de temps pour faire ce dernier tableau auquel je travaille, encore plus osé, plus libre, que celui que je viens de terminer. » Le parcours de sa peinture est « l’itinéraire d’un peintre, d’Orient en Occident », comme l’écrit Dominique de Villepin [1].
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_ Au Prieuré de Saint-Cosme à Tours devant les vitraux de la chaire de lecture, juillet 2010 . Photo Philippe Koutouzis

2011

Zao Wou-Ki s’installe à Dully, en Suisse, avec son épouse Françoise.

2013

Zao Wou-Ki meurt à l’hôpital de Nyon, Suisse, le 9 avril. Selon sa volonté, ses obsèques ont lieu au cimetière du Montparnasse à Paris.
La Fondation Ishibashi lui rend hommage en lui consacrant une salle au Bridgestone Museum of Art à Tokyo.
La ville de Locarno, en Suisse, organise la première rétrospective posthume de son œuvre, mettant en lumière la collection que lui a léguée l’éditeur et marchand d’art suisse Nesto Jacometti, avec lequel Zao Wou-Ki a collaboré de 1950 à 1965.
L’œuvre de Zao Wou-Ki est aujourd’hui présente à travers plus de 150 collections et 20 pays.

Françoise Marquet et Yann Hendgen
Fondation Zao Wou-ki


[1Valérie Sasportas, Le Figaro, 10/04/2013