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Sade au bout du rouleau

L’Ecole du libertinage

D 26 février 2024     A par Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


« Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Sade », le passionnant documentaire réalisé par Caroline Halazy en 2021, a été rediffusé sur la Cinq le 23 février 2024. La (re)lecture de Sade résiste-t-elle à certains effets problématiques du mouvement #MeToo ? On y redécouvre avec plaisir les points de vue éclairés et rafraichissants de Stéphanie Genand et Abnousse Shalmani et, sans surprise, la bêtise d’un philosophe médiatique qui voit en Sade un précurseur du fascisme.
« Il me semble avoir été un des premiers à dire que, contrairement à la lourde opinion reçue, tout ce qu’écrivait Sade était humour », écrivait Sollers, en 1987, dans Sade encore. « Mauvais genres », le numéro 3 des Cahiers Sade, prévu pour 2025, et dirigé par Sylvain Martin [1] et Isabelle Goncalves, auteure, en 2015, de La lectrice de Sade : une femme qui rit ? et, en 2023, de Le rire noir de Sade, annonce la couleur :
« La décennie 2010-2020, portée par la commémoration du bicentenaire de Sade (2014), a vu la recherche universitaire explorer le rapport de Sade aux femmes dans un ouvrage collectif (Coudreuse-Genand, 2013, Genand, 2014), de nouvelles présentations, ou transcriptions, de ses lettres, mettant le féminin à l’honneur, ou prenant partie pour une féminisation de Sade, furent éditées, (Cécile Guilbert-Pierre Leroy, 2009), ainsi qu’une nouvelle biographie réinterprétant de manière valorisante le rôle de Mme de Sade (Genand, 2018, voir également Giraudon 21). [...]
Des études renouvelèrent également la vision du personnage féminin le plus consensuel (Genand, 2015), la compréhension des effets de la lecture de Sade sur les femmes (Abramovici, 2013, Delon, 2020), ou encore la place, le rôle et la fonction de la lectrice de Sade (Goncalves, 2019, 2023). [...]
La troisième livraison des Cahiers Sade souhaite par conséquent proposer d’une part un nouvel état des lieux du rapport de Sade aux femmes, objet qui a émergé tardivement dans les études sadiennes, en établissant un bilan de la riche décennie écoulée en ce qui concerne les études féministes et de genre et, vice-versa, d’explorer davantage le rapport des femmes à Sade, la possibilité d’une lecture de Sade au prisme du genre, sans oublier de réinterroger le masculin chez Sade de manière plus genrée et moins univoque. » A suivre...

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Le rouleau de la Bastille : le manuscrit des Cent-Vingt Journées de Sodome.
Exposé en 2014 à l’hôtel de Bragelonne. ZOOM : cliquer sur l’image.
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« Il existe au moins un livre, dans la littérature universelle, auquel il est impossible de s’habituer : Les Cent Vingt Journées de Sodome ou l’Ecole du libertinage. Qu’il soit aujourd’hui disponible en "Pléiade", sur papier bible, ne change rien à sa rayonnante monstruosité. Accepté, Sade ? Rangé ? Compris ? Vraiment lu ? Mais non. Nous le savons, et nous ne voulons pas le savoir. Je pourrais immédiatement en copier ici des passages insoutenables, intolérables. Sade en CD-Rom, Sade réellement illustré ? Allons donc. Redisons simplement, avec Maurice Heine, son premier éditeur de 1931 : "Il faut plaindre ceux qui, de cet effort exemplaire vers la plus féroce analyse de l’être, ne peuvent ou ne veulent retenir que des obscénités à leur taille." »

Philippe Sollers, Le Monde du 24 mars 1995.

« Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Sade »

réalisé par Caroline Halazy, Elise Baudouin, 2021.

Autant admiré que controversé, Sade est un personnage doublement sulfureux : par ses actes et par ses écrits, véritables catalogues de perversions sexuelles. Emprisonné au XVIIIe siècle, vilipendé, condamné aux éditions clandestines, "le divin marquis" est devenu synonyme d’une pratique sexuelle réprouvée : le sadisme. Sade sera pourtant partiellement réhabilité, influencera largement les intellectuels français et sera porté aux nues par les plus grands : de Baudelaire à Giacometti, de Pasolini à Simone de Beauvoir. Aujourd’hui, certains vont même jusqu’à faire de Sade une figure féministe. A l’occasion de l’entrée du manuscrit des "120 journées de Sodome" dans les collections de la Bibliothèque nationale de France, "Le Doc Stupéfiant" propose un portait inédit d’un libertin sans limite.

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Ma façon de penser, dites-vous, ne peut être approuvée. Et que m’importe ? Bien fou est celui qui adopte une façon de penser pour les autres ! Ma façon de penser est le fruit de mes réflexions ; elle tient à mon existence, à mon organisation. Je ne suis pas le maître de la changer ; je le serais, que je ne le ferais pas. Cette façon de penser que vous blâmez fait l’unique consolation de ma vie ; elle allège toutes mes peines en prison, elle compose tous mes plaisirs dans le monde et j’y tiens plus qu’à la vie. Ce n’est point ma façon de penser qui a fait mon malheur, c’est celle des autres. L’homme raisonnable qui méprise les préjugés des sots devient nécessairement l’ennemi des sots ; il doit s’y attendre et s’en moquer... Si donc, comme vous le dites, on met ma liberté au prix du sacrifice de mes principes ou de mes goûts, nous pouvons nous dire un éternel adieu, car je sacrifierais, plutôt qu’eux, mille vies et mille libertés, si je les avais. Ces principes et ces goûts sont portés par moi jusqu’au fanatisme, et le fanatisme est l’ouvrage des persécutions de mes tyrans. Plus ils continuent leurs vexations, plus ils enracinent mes principes dans mon cœur, et je déclare ouvertement qu’on n’a pas besoin de me jamais parler de liberté, si elle ne m’est offerte qu’au prix de leur destruction.

Le plus honnête, le plus franc et le plus délicat des hommes, le plus compatissant, le plus bienfaisant, idolâtre de mes enfants, pour le bonheur desquels je me mettrais au feu. […] Voilà mes vertus. Pour quant à mes vices : impérieux, colère, emporté, extrême en tout, d’un dérèglement d’imagination sur les mœurs qui de la vie n’a eu son pareil, athée jusqu’au fanatisme, en deux mots me voilà, et encore un coup, ou tuez-moi ou prenez-moi comme cela ; car je ne changerai pas.
— Sade, 1783.

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« Les Cent Vingt Journées de Sodome », un sulfureux trésor national

Le manuscrit composé en 1785 est désormais conservé à la bibliothèque de l’Arsenal, à Paris. Retour sur l’histoire rocambolesque d’une œuvre particulière.

Par Emilie Grangeray


Le rouleau du manuscrit des « Cent Vingt Journées de Sodome », de Sade,
conservé à la bibliothèque de l’Arsenal.

BANGUMI. ZOOM : cliquer sur l’image.
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C’était au cœur de l’été. Après deux siècles d’une errance rocambolesque – perdu, caché, volé, partiellement édité, censuré… –, le manuscrit de l’une des œuvres les plus dérangeantes et magistrales de la littérature française faisait enfin son entrée à la Bibliothèque nationale de France. Une acquisition que le ministère de la culture qualifia de « majeure », après avoir, en 2017, interdit de sortie du territoire ledit objet. Car c’est bien un objet hors norme que ce manuscrit.

Imaginez donc : un rouleau de plus de douze mètres de long constitué de trente-trois feuillets collés bout à bout, sur une largeur de quelque onze centimètres et demi. C’est l’une des principales saveurs de ce documentaire : nous faire pénétrer dans la bibliothèque de l’Arsenal, où il est désormais conservé. Et que dire du lieu où il fut conçu : c’est à la Bastille, où il est emprisonné dès 1784, que Sade va mettre au net ces fameuses Cent Vingt Journées de Sodome.

Le roman se situe à la fin du règne de Louis XIV. Quatre aristocrates s’enferment, en plein hiver, dans un château perdu au cœur de la Forêt-Noire, avec quarante-deux victimes soumises à leur pouvoir absolu. Si Alberto Giacometti, André Breton, Georges Bataille, Maurice Blanchot, Annie Le Brun, Philippe Sollers ou encore Pier Paolo Pasolini sont quelques-uns des créateurs profondément marqués par ce « soleil noir », selon la formule consacrée de l’historien Michel Delon, il faudra pourtant deux siècles pour que Sade, sa Justine et ses Journées aient le droit aux honneurs de « La Pléiade », en 1990.


Alberto Giacometti, Femme égorgée, 1932-1933.
ZOOM : cliquer sur l’image.
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VOIR SUR PILEFACE

Le documentaire de Caroline Halazy et Elise Baudouin revient sur l’histoire de ce manuscrit qui, sauvé de la prise de la Bastille et après bien des détours – y compris par Berlin et la moulinette de certains psychanalystes prompts à n’y voir qu’un catalogue de perversions sexuelles –, devra attendre qu’un tout jeune éditeur, Jean-Jacques Pauvert, prenne le risque de le publier. Nous sommes alors à la sortie de la seconde guerre mondiale, et c’est la première fois que Sade est publié « à ciel ouvert, sans censure », rappelle l’avocat, écrivain et éditeur Emmanuel Pierrat, à la tête du Prix Sade et auteur, en 2016, d’une monographie sur Pauvert.

Pas sûr que cela soit d’ailleurs du goût de tous. Il n’y a qu’à écouter Michel Onfray, ici interrogé, pour en faire le constat. Pour le philosophe populiste, le marquis de Sade « a clairement fait le choix du mal »…

Sans tomber aussi bas, il est certain que la lecture de Sade ne laisse personne indifférent. Raphaël Enthoven parle « d’expérience d’une violence absolue ». Pour Abnousse Shalmani, autrice de Khomeiny, Sade et Moi (Grasset, 2014) et dont les interventions sont incroyablement libres, « Sade vient titiller la violence qu’il y a à l’intérieur de nous ». « Sade nous met face à nous-même », abonde Emmanuel Pierrat.

Quant à savoir s’il était misogyne ou féministe, les avis divergent, bien que davantage penchent pour la seconde option. Pour Abnousse Shalmani, contrainte de se voiler, en Iran, dès l’âge de 6 ans, aucun doute : Sade fut « extrêmement libérateur ». Il est en tous les cas certain qu’avec Les Cent Vingt Journées de Sodome, le « divin marquis » pulvérise allègrement l’idée de limite : il était donc temps que le manuscrit, déclaré trésor national, trouve sa place à l’Arsenal.

Emilie Grangeray, Le Monde, 15 octobre 2021.

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Philippe Sollers : Un amour de Sade

Suite à la tentative d’interdiction en Corée du Sud des "120 Journées de Sodome", Philippe Sollers nous parle de la poétique et de la pensée du Marquis de Sade à l’épreuve de la bien pensance mondialisée et de la morale, cette "faiblesse de la cervelle" selon Rimbaud.

Avec la voix de Cécile Mainardi.

Vidéo de Alessandro Mercuri & Haijun Park

ParisLike n°3__2013

« Les guerres considérables que Louis XIV eut à soutenir pendant le cours de son règne, en épuisant les finances de l’Etat et les facultés du peuple, trouvèrent pourtant le secret d’enrichir une énorme quantité de ces sangsues toujours à l’affût des calamités publiques qu’ils font naître au lieu d’apaiser, et cela pour être à même d’en profiter avec plus d’avantages. La fin de ce règne, si sublime d’ailleurs, est peut-être une des époques de l’empire français où l’on vit le plus de ces fortunes obscures qui n’éclatent que par un luxe et des débauches aussi sourdes qu’elles. » Ainsi débute les 120 journées de Sodome du marquis de Sade...

PHILIPPE SOLLERS : Un amour de Sade (Sade's Way) from ParisLike on Vimeo.

Le site Carnets du marquis de Sade

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En 2014, l’Institut des Lettres et Manuscrits expose l’un des trésors les plus décriés de la littérature française : le rouleau autographe des Cent vingt journées de Sodome ou l’École du libertinage.
Écrit par le Marquis de Sade sur un rouleau de papier mince, alors qu’il était emprisonné à la Bastille en 1785, ce manuscrit lui a survécu et fut retrouvé lors de la prise de la forteresse. Son sauvetage et son histoire sont dignes d’un roman-feuilleton.

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Mathieu Lindon écrit dans Libération du 17 octobre 2014 :

Rouleau de la Bastille, un recto verso fascinant

L’original des « Cent Vingt Journées de Sodome » révélé à l’Institut des lettres et manuscrits, à Paris.
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par Mathieu Lindon

Le morceau de roi de l’exposition Sade à l’Institut des lettres et manuscrits de Paris est le rouleau qui tient lieu de manuscrit des Cent Vingt Journées de Sodome. Pour que ses geôliers ne découvrent pas son existence, Sade embastillé constitue en 1785 son manuscrit de petites feuilles de onze ou douze centimètres de large, collées bout à bout pour devenir à la fin un rouleau de plus de douze mètres écrit recto verso. Un étui peut ainsi le contenir et cet étui être lui-même caché entre deux pierres de la cellule pour échapper aux fouilles. Le texte inachevé est publié pour la première fois en 1904, avec plein d’erreurs de transcription bien compréhensibles : l’Institut a beau fournir des loupes au visiteur, déchiffrer le moindre mot de l’écriture minuscule de Sade est une aventure. L’édition servant de référence sera celle établie par Maurice Heine de 1931 à 1935 (la Pléiade dit en corriger les rares fautes).

L’auteur lui-même a cru ce manuscrit perdu et a pleuré sur lui « des larmes de sang ». Transféré à Charenton dans la nuit du 3 au 4 juillet 1789, Sade ne peut évidemment pas l’emporter avec lui. Et, onze jours plus tard, il ne reste pas grand-chose de la Bastille. Un homme, Arnoux de Saint-Maximin, a pourtant sauvé le manuscrit et le vend. Les tribulations du rouleau ne se sont achevées que très récemment.

Ces dernières années encore, un possesseur suisse et un possesseur français s’opposaient, chacun conforté par la justice de son pays, jusqu’à ce que, le 25 mars 2014, Gérard Lhéritier, homme d’affaires fondateur du musée des Lettres et Manuscrits, n’achète le rouleau 7 millions d’euros — une part de l’argent revenant à la famille suisse et une autre à la famille française — et rende possible l’actuelle exposition.

Il y a évidemment quelque chose de fascinant à ce que le texte conservé le plus épouvantable de Sade (les Journées de Florbelle avait l’air soigné aussi, mais il n’en reste quasiment rien) ait traversé tant d’épreuves pour finir par nous arriver intact - puisque l’horreur et la fascination sont ce qui caractérise au premier abord le texte des Cent Vingt Journées. Pour le visiteur de l’exposition, ce rouleau où tant de crimes et d’abominations sont racontés apparaît soudain avant tout comme un survivant.

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Sade songs

Giacometti et Sade

La Compagnie des poètes par Manou Farine, 3 janvier 2020.

Trois invités, un Marquis athée proclamé, des corps encagés, des piques, du théâtre et de méchantes petites mécaniques. Sade en anthropologue, Giacometti en lecteur de Sade. Avec Christian Alandete, Gérard Macé et Stéphanie Genand.


Seul portrait connu du Marquis de Sade (à l’âge dix-neuf ans, en 1760).
Crédits : Charles-Amédée-Philippe Van Loo. ZOOM : cliquer sur l’image.
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Trois invités, un Marquis athée proclamé, des corps encagés, des piques, du théâtre et de méchantes petites mécaniques. Sade en anthropologue, Giacometti en lecteur de Sade.

Avec les voix d’Alberto Giacometti et d’André Breton qui lit le testament de Sade en date du 30 janvier 1806.

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Avec Gérard Macé pour Et je vous offre le néant (Gallimard, 2019), essai consacré à Sade, dans lequel le poète examine les facettes de la vie et de l’oeuvre du “divin marquis”, une sorte de “précurseur de l’anthropologie”

VOIR SUR PILEFACE

et Christian Alandete, directeur artistique de l’Institut Giacometti, et Stéphanie Génand, professeure de littérature française du XVIIIe siècle à l’Université de Bourgogne, auteure de Sade (Folio/Biographie, 2018) pour « l’exposition Giacometti / Sade - Cruels objets du désir » qui se tient à l’Institut Giacometti jusqu’au 9 février et réunit une grande partie des œuvres surréalistes réalisées entre 1929 et 1934, des photographies d’œuvres disparues et de nombreux carnets de dessins inédits.


Alberto Giacometti, Pointe à l’oeil, 1931-1932.
ZOOM : cliquer sur l’image.
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L’Objet désagréable de Diego Giacometti ! Vous voulez savoir ce que c’est ?

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L’évocation de la relation sexuelle apparaît dans de nombreuses oeuvres de Giacometti entre 1929 et 1933. Le corps y est représenté de manière allusive par un détail organique ou sous une forme à la fois animale et végétale. L’artiste représente la tension d’une sexualité envisagée comme un combat entre les deux sexes. Giacometti a abandonné la sculpture naturaliste au profit d’une représentation symbolique évoquant la pénétration, le viol et parfois le meurtre, point ultime du plaisir sadien, dans laquelle il s’agit de libérer les pulsions sexuelles en faisant coïncider le plaisir et la mort.

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Giacometti, Homme étranglant une femme

Alberto Giacometti, Homme et Femme, 1928-1929.
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L’atelier de poche d’Alberto Giacometti

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