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Sollers-Rolin : « SFCDT. Guérilla ! »

D 14 décembre 2020     A par Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


CORRESPONDANCES.
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Sollers-Rolin : « SFCDT*. Guérilla ! »

Gallimard poursuit la parution de la correspondance Rolin/Sollers avec, ces jours-ci, « Les lettres de Dominique Rolin à Philippe Sollers », de 1958 à 2008. Un must.

Avec Annick Geille

*Se Foutre Carrément De Tout (devise de Sollers)

Établie et présentée — une fois de plus — par Jean-Luc Outers — exégète et ami de la romancière disparue — et subtilement annotée par Frans de Haes — cette édition fait événement. Les lettres de Sollers à Rolin de cette même période étant disponibles en librairie depuis 2019 (« Lettres à Dominique Rolin » par Philippe Sollers (1981-2008) –— voir ci-dessous le tableau des parutions — la lecture croisée Rolin/Sollers constitue non seulement un bonheur de lecture mais une parfaite idée de cadeau. Deux ouvrages, une même époque, deux axes pour «  le clan » (nom que le couple donne à sa fabrique littéraire ET amoureuse) : l’écriture de l’amour, l’amour de l’écriture. Aimer. Écrire. Les clandestins vaincront, semblent dire les amants tandis que nous lisons, sous le charme, leurs échanges ; l’intelligence le dispute à la tendresse. Du «  lit magique » à la page : Sollers/Rolin, c’est le triomphe de l’amour et de la littérature, un art de vivre terriblement français, celui que nous envie le monde entier. Les amours ultra-littéraires sont à ce prix. Il faut leur accorder toute l’énergie et la passion textuelle requises.

« Dans le conformisme contemporain, disait Roland Barthes, ce n’est plus le sexuel qui fait scandale mais le sentimental, c’est-à-dire l’amour  » (cf. « Fragments d’un discours amoureux » (Point/Seuil). Pascal Quignard reprend cette idée dans « Vie Secrète » (Folio). Il faut que les amants fassent sécession. L’amour se doit de vivre à l’écart de tout, à part, dans le secret. « Immédiateté de l’amour : rien ne l’annonce ni ne le prépare, affirme par ailleurs l’académicien Alain Finkielkraut dans « Et si l’amour durait » (Poche/Stock) (…) Mais L’amour a-t-il assez de ressources une fois levés tous les interdits pour résister à l’épreuve du temps ? s’interroge Finkielkraut (cf.« Et si l’amour durait »). Ce n’est pas le temps qui tue l’amour, ce sont nos modes de relations aux autres. « Il y a beaucoup de trahisons. Il faut donc être mieux renseigné que les autres, comme le préconisait Lawrence. Balzac était mieux renseigné que les autres. Stendhal, aussi. Devise imparable : SFCDT (« Se foutre carrément de tout »). Guérilla !  » déclara à ce sujet Philippe Sollers à la journaliste Patricia Boyer de Latour, auteure d’un livre d’entretiens avec Dominique Rolin, Plaisirs, Gallimard (Gallimard/« Folio », 2004). « Le clan » dans les codes — de ces amants follement littéraires que furent Dominique Rolin (1913-2012) et Sollers, c’était elle et lui vivant leur histoire d’écriture et d’amour en mesure, valse silencieuse sans équivalent dans notre histoire littéraire. Cinquante ans de correspondance amoureuse, cinquante ans dévolus à « l’axiome  » tel que Rolin et Sollers avaient baptisé leur univers, ce lien sacré entre le «  lit magique » et la page, l‘écriture de la passion amoureuse selon Rolin et l’écriture de la passion du verbe signée Sollers, unies pour le meilleur et le meilleur. Point de couple officiel, de mariage, de liaison au vu et au su de tous, mais des planques dans l’appartement de Rolin, rue de Verneuil, ou à Venise deux fois l’an. Des clandestins qui cachaient à tous, relations, proches, amis, familles, cet amour divin qui les animait depuis leur rencontre, et que les diverses publications de leurs échanges consacrent au fil des ans. Un régal pour l’esprit. Une leçon de littérature, d’amour et de vie. Comme dit l’apôtre Jean : « Au commencement était le Verbe. » Le langage est une peau : «  je frotte mon langage contre l’autre », dit Roland Barthes dans cette bible de l’amour qu’est « Fragments d’un discours amoureux ». Nous apprenons ce que nous pressentions : et les phrases de Rolin caressent Jim ou réciproquement, les écrivains n’étant bons qu’à ça : caresser les idées avec la sémantique appropriée, car les idées prennent corps avec les justes mots. La sensualité des missives ne franchit jamais certaines limites, mais on pressent que les nuits ou les après-midis du petit appartement de la rue de Verneuil se vivent à bureaux fermés.

Sollers est un gentleman de Bordeaux. Traditions, modernité, rapidité. Il imprime donc très vite. Il n’est jamais inconséquent, simplement, il plaît ; les femmes intelligentes et dotées d’une certaine capacité de séduction lui plaisent, si bien qu’il mène parfois de front des vies compliquées ; marié à Julia Kristeva, père de David aussi, il revient toujours en son centre. Passion fixe : Dominique Rolin, ce « bloc romanesque constant », Dominique Rolin, cette romancière (belge) qui publia « Les Marais » en 1942. Jean Cocteau et Max Jacob furent enthousiastes au point que Max Jacob écrivit à Dominique Rolin : « Monsieur, vous avez compris la beauté de la création… Ce qui ne descend pas du ciel n’y remonte pas. Votre livre descend du ciel jusqu’à notre enfer (…) ; il traine à sa suite toute la méchanceté sournoise des hommes, leur orgueil et leur animalité.  » Dominique Rolin obtint le Prix Femina en 1952 pour « Le Souffle » (Seuil). «  On se rendra compte, peu à peu, que tu es un grand écrivain génétique, généalogique, ayant sondé comme personne les molécules familiales en transformation », écrit Sollers en juillet 1977. C’est le patron du Seuil, Paul Flamand qui présente Sollers à Rolin en 1958, lors d’un déjeuner en l’honneur de Sollers, qui publiait à 22 ans son premier roman : « Une curieuse solitude ». Dominique Rolin, 45 ans, effondrée, confia à son voisin de table (voisin de table, voisin de cœur) ce calvaire quotidien qu’était le fait de vivre après la mort de son mari. La passion c’est comme la foi : « A partir de quel seuil se trouve-t-on pris dans la croyance ? »

Touché, Sollers écrivit à Rolin. « Il souhaita me revoir, précisant qu’il n’aimait pas "les choses inabouties". Je lui plaisais. Il me plaisait » (cf. propos recueillis par Josyane Savigneau/L’Obs)

« Dieu sait le nombre de lettres que je t’ai adressées en trente-deux ans d’amour fou, eh bien chaque fois que je m’y mets, j’ai l’impression nette de n’avoir encore rien dit (..) tous mes livres t’appartiennent, amour ». (12 juillet 90) écrit Dominique Rolin à celui qui est devenu son « mari secret  » avant même que l’auteur de Paradis et de Femmes n’épouse Julia Kristeva, psychanalyste et linguiste française, d’origine bulgare. « En 1965 Je ne connaissais pas du tout Sollers. J’ai vu sa photo pour la première fois début 1966, dans la revue communiste Clarté  : dans une interview il disait comment bouleverser la société en changeant le langage.(…). J’en ai parlé autour de moi, et Barthes, dont je suivais le séminaire, m’a conseillé d’aller le voir. Sollers a très gentiment accepté de me recevoir. (cf. Julia Kristeva à Libération). « L’homme idéal c’est celui que l’on aime », déclara Sagan dans « Réponses » (cf. JJ Pauvert). « L’homme idéal » de Dominique Rolin (1913-2012) fut toute sa vie — ou presque — un certain « Jim », qui hantait ses livres ; tel « Trente ans d’amour fou » par exemple : « Dans la chambre aux trois fenêtres, Jim collabore sans le savoir au phénomène. (…) Il écrit. J’écris. Il est lui. Je suis moi. »). Qui se cache derrière ce prénom mystérieux, se demandent les lecteurs de Dominique Rolin ? « C’est en 2000 que Bernard Pivot révéla, dans Bouillon de Culture, l’identité de Jim, ôtant son masque à Philippe Sollers ». « Jim c’était Sollers, qui, dans ses livres faisait quelques allusions, plus ou moins transparentes, à Dominique Rolin (par exemple dans Passion fixe »/Folio) : « Dora est belle. (…) Ni grande ni petite, souple (gymnastique), brune, cheveux courts, yeux bleus, vous la voyez, vous ne remarquez rien d’extraordinaire, sauf, peut-être, un déplacement gracieux. » « Jim-Sollers, quant à lui devient toute la famille de celle qui lui écrit une lettre par jour, parfois davantage : « Amoureux, si tu savais à quel point j’admire la continuité de ton courage et ton audace. Personne ne peut tenir en comparaison. Le sang froid, tel est ton élément de base. Chaleur extrémiste comme toujours. (…) Tu es mon Trésor. Tu es mon île. Tu es mon île aux trésors  », écrit Dominique Rolin en juillet 1994.

La relation amoureuse parallèle de Rolin et Sollers perdura près de cinquante ans . « Aimer c’est écrire, écrire c’est aimer  », confirme Dominique Rolin dans son « Journal amoureux » (Folio). L’amour né dans la littérature ne meurt pas. Et c’est toute la grandeur du « Clan ». Cette possibilité d’une éternité amoureuse. Passion forte, passion fixe, dirait Sollers. « L’être humain, est une sorte de voile entre la nature et la nature, de telle façon qu’elle n’arrive pas, à cause de lui à être ce qu’elle voudrait être : rien. La splendeur immobile ou agitée, c’est ça : un grand corps qui voudrait s’annuler, qui n’y arrive pas à cause de nous, et qui du coup bouge et brille », écrit l’auteur de « Paradis » à Dominique Rolin, cette femme-écrivain, qu’il aime en secret. C’est beau à pleurer. Sollers supervise les parutions des livres de Dominique Rolin. L’éternité du clan n’est pas une vue de l’esprit.

L’amour de l’écriture et l’écriture de l’amour : le fil rouge de tous les volumes de cette correspondance Clandestin, le couple tient à le rester. Sollers/Rolin : amants indicibles, invisibles, entité d’autant plus vivante, couple d’autant plus solide. « Ton Denon (« Vivant Denon », futur livre de Sollers. NDLR) est grand : il va stupéfier, il sera l’aérolithe de la rentrée. Je suis émue, tu sais, par cette puissance de travail et de concentration qui chez toi fait songer justement à Balzac puisque tu le nommes à propos de l’Histoire. Je ris (…). La légende est maintenant bien partie mon Splendam, « l’écart se creuse » et tu m’emmènes avec toi très haut. Motus .Nous avons décidé de nous sauver nous-mêmes ensemble, par instinct :ça coupe les bras et les jambes aux curieux, aux spéculateurs, bref, aux imbéciles. Je t’aime.  », écrit Dominique Rolin qui signe souvent « Ta PF (« ta petite femme »). Quatre cent quatorze pages dévolues à «  l’Amoureux mille fois chéri ». Tous les hommes voudraient être aimés ainsi. « Il a suffi de deux jours de tranquillité pour que tu retrouves cet élan magnifique, et magique, ton île. Il y a là, toujours une source nerveuse qui te pousse en avant, très haut et l’étrangeté de sa pluie de mots sur le papier, toujours fidèle à ta grande folie », confie Rolin à son «  beau chéri » dans sa dernière missive. Il y a la maladie, la mort, mais malgré la douleur des vivants le « clan » vivra après la vie. Aimer. Ecrire. Jean-Luc Outers et Frans de Haes donnent à chaque phrase de ces correspondances ses repères historiques, géographiques, avec l’index des noms cités, le lecteur se retrouve ainsi confortablement installé parmi les pages d’une Pléiade intégrée dans la Blanche. On croise Jérôme Garcin, Josyane Savigneau et tant d’autres personnages de ce roman-vrai tellement français : « Une longue et inclassable aventure amoureuse, unique dans l’histoire littéraire française », précise l’éditeur en quatrième de couverture du volume « Sollers ». « Tu me manques, mon amour, écrit-il « à cause de notre façon de devenir ça ensemble. De nous varier, de nous retrouver en gamme, silencieusement. Ce qui nous arrive est beau en ceci que nous avons déjà disparu et qu’on est encore ensemble. J’y pense sans cesse. » Interrompant ma lecture, je sens venir les larmes : ce doit être cette « Belle-Beauté ». « L’écriture est quand même la meilleure trace de ce qui a eu lieu » (Sollers).


Trois lettres

Reçu à Paris le jeudi 29 juillet 1993 à 18 heures.

Le Martray, le 28/7/93

Mercredi

Mon amour,

Tu as raison, il faut sans cesse replonger dans l’enfance (ta relecture d’Un cœur simple) : c’est là. Toute l’aimantation de l’existence se fomente dans un tissu involontaire, inconscient, averti, magnifique. On est déjà tout ce qu’on suce, avec, en plus, la fraîcheur et la profondeur. Nous sommes deux enfants magiques. Baudelaire : « le génie, c’est l’enfance retrouvée à volonté ».

Quelques‐uns ont cette « volonté », très rares.

Je suis en train, pour Studio, de fouiller un peu par là... Plein de gisements, inexploités, filons, sources, bancs de poissons... Chut ! Au travail !

Je m’aperçois qu’il faut décrire, et encore décrire. Je n’ai pas assez patienté pour des descriptions.

Toi, tu as ça d’emblée : tout s’est gravé pour toi, d’une façon indélébile et indéfinie. Tu n’as qu’à te pencher, prendre ton stylo, saisir.

Oui, les gens ont disparu. Ils sont dans le trente‐sixième dessous du déboussolage. Bien fait pour eux : eh bien, dansez maintenant ! Le système les a eus : douze ans de « socialisme » calmants, anesthésie, télés, magazines, enrichissez‐vous, facilités, bobonnes, petites manières... Ils sont tout simplement gâteux. Les cerveaux ne fonctionnent plus ou à peine. Tout cela tragique ou comique, au choix (je penche pour l’affreux comique).

Résultat : ils vont en vouloir cent fois plus à ceux qu’ils soupçonneront d’avoir tenu le coup, en douce. Attention ! Soyons mille fois plus prudents, souples, silencieux, clandestins !

Jardin d’agrément, Train de rêves, L’Accoudoir !... Du grand Shamouth !

Je t’aime, je t’embrasse,

Ph

[Philippe Sollers, Lettres à Dominique Rolin (1981-2008)]

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Paris, Lundi 18 juillet 2005 11 heures 15

Chéri mien que j’admire,

Il suffit d’écouter ta voix au téléphone pendant trois minutes, et la machine du bonheur parfait se remet en route. Je me sens pourvue, abritée, soutenue, bref éternelle jusqu’à l’appel suivant. Comment t’expliquer que le seul timbre de ta voix m’apaise : je suis au bord de la mer, je plonge les doigts dans le sable, le léger vent m’apporte un petit goût de sel, nous sommes assis ensemble en été 58, nous rêvons déjà de Barcelone dont tu m’as tant parlé, et, crac, le temps heureux d’alors se renverse pour être le temps heureux d’aujourd’hui, de demain, c’est-à-dire de toujours.

À la nuance près que maintenant (pendant que tu travailles là-bas à ta Vie Divine et que je poursuis ma lettre) nous sommes devenus l’un par l’autre et l’un pour l’autre deux jeunes et beaux génies d’une planète en décomposition et pourtant splendide ! Cela ne me sort jamais une seconde de l’esprit. En fait, en traversinant sans cesse nos temps, nous nous sommes élus nous-mêmes les rois des lieux et de toutes les temporalités confondues.

Par conséquent je me débarrasse d’un geste de la vilaine tunique de fatigue dont je te parlais ce matin. Figure-toi que je me suis acheté chez Issey Miyake une ravissante robe dont la couleur m’a fait craquer il y a une dizaine de jours. Je la mettrai pour notre première Nouba, elle est très simple et m’enveloppe agréablement. Je suis sûre qu’elle te plaira. Si je te raconte une chose aussi stupide apparemment, c’est qu’elle est au fond très importante. Un mois et un jour passés loin de mon merveilleux amour méritaient d’être remarqués. Je poursuis la Guerre du Goût avec toujours la même joie de stupeur : un étincelant fil romanesque va de texte en texte à la fois pour la lumière et le sens. Et c’est toi, toi, Philippe Sollers qui en sort transfiguré.

Vive mon amour que j’aime.

Lundi 10 juillet 2006 10 heures

Mon merveilleux chéri,

Comme j’aime te savoir à Ré, tu n’imagines pas, la certitude que tu es aimé par cet inimaginable décor d’enfance qui pour moi me repose, me détend, m’illumine et me nourrit instant par instant. Quand tu me dis « Je pars au village », ces quatre mots familièrement répétés par toi chaque matin, chaque année depuis 1959 (mais oui, l’Amoureux, c’est à ce moment-là que tu m’as emmenée au galop, sans la moindre hésitation, sans redouter la moindre erreur, dans ton immense paysage intérieur illimité !) Alors sans façon, chaque matin, je te suis sur la place de l’église au crayon pointé vers le ciel, nous buvons ensemble un café, tu t’en fumes encore une, nous rentrons à la maison chez toi, chez moi, chez nous, nous rêvons là notre vie tout entière en quelques minutes et nous sommes heureux pendant un siècle de liberté magique et toute simple, n’est-ce pas, Amour chéri de seconde en seconde, d’année en année et de siècle en siècle, ce qui nous a transportés dans l’inrepérable, dans l’irréprochable, l’incontournable magie du bonheur d’être. Tes livres sont nos moyens de transport : nous les utilisons de mieux en mieux et de plus en plus loin sans avoir rien à payer, au contraire, ils ont fait tranquillement notre fortune.

À ce soir, Sollers que j’aime, repose-toi, je t’en prie !

(Extrait de « Lettres à Philippe Sollers (1981-2008) par Dominique Rolin (édtion établie par Jean-Luc Outers, annotée par Frans de Haes/ Copyright Gallimard)

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Dates de parution des volumes de la correspondance Sollers/ROLIN aux éditions Gallimard

- Philippe Sollers, Lettres à Dominique Rolin (1958-1980), "Blanche", Date de parution : 16 novembre 2017
- Dominique Rolin, Lettres à Philippe Sollers (1958-1980), "Blanche", Date de parution : 25 octobre 2018
- Philippe Sollers, Lettres à Dominique Rolin (1981-2008), "Blanche", Date de parution : 17 octobre 2019
- Dominique Rolin, Lettres à Philippe Sollers (1981-2008), "Blanche", Date de parution : 3 décembre 2020 ( voir article ci-dessus)

Ces volumes n’existent pas encore en version de poche.

Annick Geille, atlantico, 13 décembre 2020.


Venise, La Calcina.
Photo A.G., 3 juin 2019. ZOOM : cliquer sur l’image.
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Venise, La Calcina.
Photo A.G., 3 juin 2019. ZOOM : cliquer sur l’image.
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Il y a vingt ans : Bouillon de culture du 24 mars 2000

Nous sommes donc le 24 mars 2000. Il y a sur le plateau plusieurs invités. Parmi eux : Dominique Rolin pour la publication du Journal amoureux, Philippe Sollers pour Passion fixe et... Michel Onfray pour son essai, Théorie du corps amoureux.

Bernard Pivot a bien préparé son coup. Les caméramen savent ce qu’ils doivent faire. Pendant l’intervention de Dominique Rolin, admirable, le réalisateur cadre régulièrement le visage de Philippe Sollers qui écoute en souriant, détendu. Et puis, vers la fin de la première séquence : « le piège ». Et l’indiscrétion : « L’homme que vous aimez depuis quarante ans, c’est Jim... Et Jim, c’est Philippe Sollers ». Dominique Rolin tente d’esquiver, puis, de manière souveraine, poursuit... A la fin, elle insiste : il s’agit bien d’un roman (« la vie est un roman »).
Sollers intervient ensuite calmement pour "recadrer" Bernard Pivot. Éloge de la discrétion. Éloge de l’amour comme acte anti-social, immédiatement et nécessairement clandestin. C’est le thème de tous ses romans, et notamment de... Passion fixe. « Comment aurais-je tenu et vécu sans Dora ? Impossible à prévoir », écrit Sollers dans le roman. On s’étonne presque que Bernard Pivot n’ait pas demandé qui était Dora, l’héroïne du livre (mais cela aurait sans doute été trop) [1].

Littérature et télévision. La littérature contre la télévision ? La télévision contre la littérature ? Oui, bien sûr. Mais aussi, un grand moment de télévision d’où la littérature est pourtant sortie victorieuse. Sans doute fallait-il que ce soient avec ces écrivains-là, écrivant ces romans-là.

Ils vivent, ils écrivent, ils aiment. Finalement, ils se foutent carrément de tout.

Tout cela se passe sous l’oeil bienveillant des autres participants. Parmi eux, habillé en jeune clergyman, Michel Onfray, brillant. J’ai gardé la séquence car on ne la trouve pas sur la "toile" et il m’a semblé que ces moments de complicité manifeste entre Sollers et Onfray, même gros de malentendus, méritaient d’être rappelés. Onfray ne va-t-il pas jusqu’à dire que le sous-titre de son essai — Pour une érotique solaire — aurait pu être « Pour une érotique Sollers » [2] ?

La fin de l’émission est particulièrement savoureuse. Je vous la laisse découvrir.

A.G., le 15 janvier 2011.

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1. Dominique Rolin et son Journal amoureux

(1ème partie, durée : 18’52). Archives A.G.
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2. Philippe Sollers, Passion fixe,

(2ème partie, durée : 19’06). Archives A.G.
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3. Michel Onfray et La théorie du corps amoureux

In fine Dominique Rolin répond au questionnaire de Bernard Pivot.

(3ème partie, durée : 12’47). Archives A.G.
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Un mois plus tard...

Paris Dimanche 23 avril 2000

Mon amour, je ne te répéterai jamais assez à quel point je te dois tout. Ton énergie, ta maîtrise, la géniale Passion fixe que tu as osé penser jour après jour tout en l’écrivant. Comment fais-tu pour tenir la barre ? Question stupide : tu es vraiment un capitaine et les matelots qui te suivent en toute fière humilité le savent si bien qu’ils ne peuvent que t’obéir à tout instant, à travers les tempêtes et les calmes du grand large. L’expérience que nous venons de traverser ensemble (toi en avant, moi en arrière) me remplit d’orgueil. C’est la première fois qu’une telle sensation me bouleverse. J’ai l’impression très nette de te re-rencontrer. Toute notre histoire vient de se ramasser pour nous emmener plus haut et plus loin en douceur feutrée, nous n’avons qu’à nous laisser faire, et c’est un vrai délice […]

LIRE : Dominique Rolin et Jim - Journal amoureux / Passion fixe
Sur « Passion fixe » de Sollers

***

[1Dora est et n’est pas Dominique Rolin. Cf. Dominique Brouttelande, Les romans de Dora.

[2Cf. vers la fin de la 2ème partie de l’enregistrement. C’était, il est vrai, juste avant que Sollers ne rencontre le pape Jean Paul II pour lui remettre un exemplaire de La Divine Comédie, son livre d’entretiens avec Benoît Chantre. Événement qui n’est sans doute pas pour rien dans le changement d’attitude d’Onfray à l’égard de Sollers, même s’il publiera encore, en 2003, dans la revue L’Infini (La philosophie populaire, n° 85, hiver 2003). Les choses se gâteront un an plus tard.

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