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Willy Ronis, les combats d’un photographe

D 20 juillet 2020     A par Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook



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« Willy Ronis a fixé lui-même, dans Derrière l’objectif, les degrés de la passion qui l’anime : la Patience, la Réflexion, le Hasard, la Forme, le Temps. De ses admirables photographies, qui sont bien davantage que des photos de "grand photographe", on retient une aventure complexe et tout un éventail de romans. Il est ici ou là, il attend, il se poste, il aimante le lieu, quelque chose doit se passer, il faut appuyer quand il faut, ni trop tard ni trop tôt, la saisie se fait d’elle-même. » C’est en ces termes que Philippe Sollers commence le texte qu’il écrit pour le livre Nues publié aux éditions Terre Bleue, en novembre 2008 (Willy Ronis est mort le 11 septembre 2009). Le texte de Sollers s’appelle La Beauté. « Le sujet » ? Le nu.

Les nus secrets de Willy Ronis

Il était né en 1910. Willy Ronis vient de mourir ce samedi 12 septembre 2009. Ce proche de Robert Doisneau, qui avait immortalisé les grèves du Front populaire, avait 99 ans. En décembre dernier, il publiait cependant encore de nombreuses photographies inédites dans « Nues », un livre préfacé par Philippe Sollers. Et racontait à Bernard Géniès l’histoire des femmes qui l’avaient inspiré.

La plupart des photographies publiées dans « Nues », un livre préfacé par Philippe Sollers, étaient à ce jour inédites. A 98 ans, le photographe français nous raconte l’histoire des femmes qui l’ont inspiré

La lumière était grise ce jour-là. Mais Willy Ronis ne semblait guère s’en soucier. Il était même plutôt content de nous montrer la belle vue qui s’offre au regard de l’appartement qu’il occupe depuis 1989 dans le quartier de la place de la Nation à Paris. « Vous voyez ces immeubles derrière le square ? Quand il y a du soleil, leur façade renvoie une lumière superbe. » Assis derrière son bureau, dans une pièce encombrée de livres, Ronis – qui se déplace désormais difficilement – nous a raconté sa vie de photographe – ce métier de « piéton solitaire » –, sa passion pour la musique de Stravinsky, pour les peintures de Bruegel qui l’ont fait pleurer un jour à Bruxelles – « tellement c’est beau et plein de vie !  ». D’une étagère, il a sorti un album qu’il a feuilleté, montrant la photo d’un gamin, le regard émerveillé, face à une bicyclette : « C’était en 1954, dans un magasin parisien. Aujourd’hui encore, je trouve que l’expression du gosse, face à ce petit vélo que ses parents n’ont sans doute pas les moyens de lui offrir est déchirante.  » D’autres images ont défilé. Puis nous avons parlé de son nouveau livre, album secret qui révèle une nouvelle facette du grand art de ce photographe humaniste.

Né en 1910 à Paris, Willy Ronis se consacre au reportage photographique en 1936. Après la guerre, il entre à l’agence Rapho et collabore à « Regards », « Time », et « Life ». Membre du groupe des XV (aux côtés de Robert Doisneau et Pierre Jahan), Ronis défend l’idée d’une photographie liée à l’expression artistique. Il est l’auteur de « Belleville-Ménilmontant » et « Mon Paris ».

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Willy Ronis en 2009. ©Giniès/Sipa

Le Nouvel Observateur. Vous avez déjà publié des nus mais c’est la première fois que vous leur consacrez un ouvrage entier. Qu’est-ce qui vous a décidé à le réaliser ?

Willy Ronis. L’idée n’est pas vraiment de moi. Elle m’a été suggérée par des amis. Je n’ai fait aucune image pour ce livre. Depuis 2002, je ne fais plus de photos, j’ai rangé mon appareil au placard. J’ai du mal à me tenir debout, je souffre de douleurs à l’épaule et il m’est impossible d’appuyer sur un déclencheur. Tout au long de ma carrière, je n’ai jamais utilisé un pied même lorsque je faisais des portraits. Pour donner forme à ce livre, j’ai donc utilisé les photos de mes archives.

Le nu est-il pour vous un genre photographique ?

Je ne l’ai pas pratiqué comme tel. Même si j’ai un parcours assez linéaire, je ne me suis jamais considéré comme un photographe à thème. Ces nus, je les ai pris au fil des années, sans me soucier de savoir s’ils appartenaient ou non à une catégorie. La plupart ont d’ailleurs été pris de manière presque spontanée. Je connaissais la plupart des femmes qui ont posé pour moi, ce pouvait être des connaissances ou des amies. Mais j’ai été parfois sollicité.

Comment cela ?

Des femmes m’ont parfois demandé de poser nues pour moi.

Vous ne les connaissiez pas ?

Oui, cela m’est arrivé. En 1981, lors du vernissage d’une de mes expositions à New York, une femme m’a abordé. Elle était employée dans une ambassade et m’a demandé de la photographier nue. J’ai accepté. Pour le livre, j’ai changé son prénom et l’ai appelée Isabelle.

Pour éviter des ennuis ?

Oui, parce que j’en ai déjà eu. Et pas pour un nu en plus ! En 1947, j’avais photographié une marchande de fleurs sur le carreau des Halles. Des années plus tard, un ami m’a dit que cette femme tenait un magasin de fleurs non loin de chez moi, avenue de Saint-Mandé. Pensant lui faire plaisir, je suis allé la voir en lui offrant un agrandissement. Elle l’a trouvé si beau qu’elle l’a accroché au mur de sa boutique. Mais, quand elle a appris que j’avais publié cette photo d’elle dans un livre, elle m’a fait un procès en prétendant que cela lui faisait du tort. J’ai choisi un mauvais avocat, j’ai été condamné à verser 25 000 francs !

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Le Nu provençal, Gordes, 1949.

Il y a en tout cas un nu pour lequel vous n’avez jamais eu de soucis, puisqu’il est déjà mondialement connu. C’est le fameux « nu provençal » qui est reproduit ici. Est-ce que vous pourriez nous raconter comment est née cette icône moderne ?

C’était au cours de l’été 1948. Avec ma femme, nous avions acheté une ruine à Gordes et nous avions décidé d’y passer nos vacances. Le confort était rustique, il n’y avait pas d’électricité et nous devions aller chercher l’eau à une fontaine.
Un matin, alors que j’allais prendre mon petit déjeuner, j’ai vu ma femme en train de faire sa toilette. Je lui ai dit : « Ne bouge pas », et je suis allé chercher en vitesse mon Rolleiflex qui était sur le buffet. J’ai gravi deux marches de l’escalier qui montait au grenier. J’ai pris quatre photos. Pas une de plus. Cela m’a pris à peine une minute. L’agence Rapho l’a diffusée et elle est aussitôt devenue célèbre.

C’est une photo qui fait songer à un tableau du peintre Bonnard. Vous y avez pensé ?

On me l’a souvent dit, en effet. Mais au moment où j’ai pris la photo, je n’y ai pas songé une seconde. J’ai pensé : c’est un joli nu, c’est ma femme.

C’est la première fois que vous la preniez ainsi ?

Non, je l’avais déjà photographiée chez nous à Paris, dans l’appartement que nous occupions alors boulevard Richard-Lenoir. Les volets étaient entrebâillés et il y avait un jeu de lumière, avec des traits d’ombre qui se projetaient sur sa peau.

Dans la préface, Philippe Sollers évoque, à propos de l’un de vos nus, page 87 du livre, la célèbre sculpture de Rodin, « Iris ». Vous êtes d’accord ?

Ce que dit Sollers est très élogieux. Nous avons parlé deux fois au téléphone. Ses compliments me gênaient. Je ne mérite pas tout ça ! Pour ce qui est de la comparaison avec la sculpture de Rodin, je dirais que ma photo est moins osée. Je dirais même qu’elle prête plutôt à sourire…

Qu’est-ce qu’un beau nu pour vous ?

C’est difficile à dire parce que, dans la prise de vue, il y a une grande part d’instinct. J’ai eu de la chance, je ne suis jamais tombé sur des modèles qui me désespéraient, dont je ne tirais rien. J’ai toujours trouvé des jeunes filles, des jeunes femmes qui étaient à leur aise avec moi, qui se laissaient photographier pour le plaisir, certaines dans l’espoir d’avoir une ou deux photographies d’elles, que je leur donnais, bien entendu. La beauté du corps féminin m’a toujours impressionné. Dans un beau nu, le corps se suffit.

Votre dernier nu date de 2002. Avez-vous fait d’autres photographies par la suite ?

Non. Et je vais même vous dire une chose. Le nu dont vous parlez, et qui figure à la toute fin du livre, est la dernière photographie que j’ai prise. J’avais décidé, ce jour-là, que j’allais ranger mon appareil et que ce nu serait ma dernière photo.

Avez-vous éprouvé des regrets ?

Pourquoi en aurais-je eu ? Quand la séance a été finie, je me suis dit : « Tu as bossé pendant soixante-quinze ans, tu as fait des milliers de photos, tu peux l’arrêter, non ? » Il faut dire que j’ai une relation difficile avec moi-même. Je m’engueule souvent, je me dis « ah, ce jour-là, tu n’aurais pas dû faire ça ». Enfin, maintenant que je ne fais plus de photos, je m’engueule moins. Et puis, en général, je ne suis pas mécontent de ce que j’ai fait.

Propos recueillis par Bernard Géniès, le Nouvel Observateur du 11 décembre 2008.
Mis à jour le Mis à jour le 14 septembre 2009.

Nues, par Willy Ronis, préface de Philippe Sollers, Terre bleue, 136 p., 39 euros.

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Sollers écrit aussi : « Il faut faire attention aux groupes populaires cadrés par Ronis, qu’on sent, comme Orwell, touché par la "décence ordinaire" des prolétaires, en vrai anarchiste conservateur. Essayez de vous mettre en imagination là où, d’instinct, il se place, là, juste là, pas à côté, pas ailleurs. Que veut dire être-là ? Au moment voulu ? L’émotion décide. La vision sera d’autant plus précise qu’elle sera globale. » Les gens du peuple ont aussi leur beauté (on l’oublie souvent).

C’est ce Willy Ronis, engagé , qu’un très beau documentaire diffusé sur la chaîne arte propose de redécouvrir.

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Pendant le défilé de la victoire du Front Populaire, rue Saint Antoine, 14 juillet 1936 © Willy Ronis.

Le photographe Willy Ronis (1910-2009) a traversé le XXe siècle en capturant les temps forts des luttes sociales et, avec tendresse, les instants de vie quotidienne de ses contemporains. Portrait.

Willy Ronis, les combats d’un photographe

Réalisation : Vladimir Vasak, France, 2019

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Un môme hilare qui court baguette sous le bras, une fillette poing levé sur les épaules de son père à la Bastille en 1936, un bistrot mélancolique sous un rideau de pluie mais aussi un nu, façon Bonnard, de sa compagne : Willy Ronis, faux jumeau de Robert Doisneau à l’agence Rapho, a produit nombre d’images emblématiques. Né à Paris en 1910 dans le 9e arrondissement, ce fils d’exilés juifs de l’Est grandit dans l’ombre d’un père adulé, photographe retoucheur qu’il rejoint d’abord dans son studio. Violoniste – un sens de la composition qui infusera ses clichés −, le jeune Willy, témoin engagé précoce des luttes ouvrières, documente dès les années trente le monde prolétaire, des usines à l’euphorie des congés payés. Après-guerre, ses clichés empreints d’humanisme s’arrachent dans une presse illustrée à son âge d’or, entre grèves, misère des taudis et légèreté des guinguettes. Photographe de l’intime aussi, ce maître de la lumière, ami de Prévert, saisit la poésie du quotidien, dans les rues pentues de Belleville comme en famille. Le cœur à jamais auprès des "exploités et des humiliés", il adhère au Parti communiste, jusqu’à l’aveuglement, à la faveur d’un reportage enthousiaste commandé par la RDA en 1967. Sombrant dans l’oubli, l’artiste est redécouvert dans les années 1980, ses photographies exhumées, trésors de l’école française, s’imposant alors comme des icônes du passé.

Idéaliste

Au fil de ses images, célèbres ou moins familières, et d’entretiens, un portrait touchant de ce "grand photographe du petit peuple", idéaliste romantique et sérieux délicieux, en même temps qu’une plongée dans les combats du siècle qu’il a traversé jusqu’à sa disparition en 2009, à 99 ans.

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Les Amoureux de la Bastille, Paris, 1957, de Willy Ronis.

LIRE : Willy Ronis, grand photographe des « petites gens », (Le Monde)

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Le bon plaisir de Willy Ronis

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Willy Ronis tenant son Rolleiflex.
Crédits : Lily FRANEY/Gamma-Rapho

France Culture, 1ère diffusion : 30/09/1995.

Un documentaire avec Gilles Plazy et Monique Veilletet

Par Gilles Plazy - Avec Willy Ronis, Jane-Evelyn Atwood, Guy Le Querrec, Didier Daeninckx, Bertrand Eveno, Robert Malet, Pierre Bonhomme, Jean-Claude Gautrand et Gérard Macé - Réalisation Monique Veilletet

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Willy Ronis, l’instant du déclic (1910-2009)

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Willy Ronis chez lui en 1979, à Paris
Crédits : Pierre-Jean Amar

Une vie, une oeuvre par Julie Gacon, 20/10/2018.

Révélé au grand public sur le tard, Willy Ronis disait être « tombé en photographie non par vocation, mais par accident ». Persuadé que le merveilleux peut jaillir à tout instant, il fut l’un des derniers représentants de la photographie dite « humaniste » à la française.

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Je n’ai pas eu une pratique heureuse. Mes bonheurs se passaient dans l’instant du déclic, mais jusque-là, j’étais assez mélancolique. (…) La mélancolie du photographe est composée du contraste entre le bonheur de la prise de vue et l’incertitude de la destinée de l’image. Willy Ronis en 2009 sur France Culture dans l’émission A Voix Nue

"Chère Madame, il y a des lettres que l’on espère recevoir. La vôtre me bouleverse et je suis heureux que vous vous soyez reconnue". En 1986, Willy Ronis répond à Rose Zehner. Cette septuagénaire a découvert quelques semaines plus tôt, par l’intermédiaire d’une amie qui lui a fait parvenir une coupure de Paris-Match, être depuis 50 ans l’un des sujets les plus célèbres du photographe. L’image en noir et blanc date de mars 1938, en pleine grève chez Citroën, elle est alors syndicaliste sur le site de Javel. Rose Zenner en tablier noir, juchée sur une table, harangue les ouvrières en manteau à qui elle désigne du doigt quelque chemin à suivre.

Il partage la vie de ceux qu’il photographie, en étant au milieu des siens. Son cœur bat au même rythme que ceux qu’il photographie. Il n’a jamais triché avec son œuvre, à aucun moment, il a négocié avec son art. C’est un personnage exemplaire. Il ne figeait pas la vie, il la démultipliait. Didier Daeninckx

WILLY RONIS SUR FRANCE CULTURE

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La chevelure, Paris, 1990.
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Nu, Paris 1990.

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