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Gombrowicz, « Un polonais exacerbé par l’histoire »

Grande figure de la littérature polonaise (1904-1969), il résiste au temps

D 28 mai 2018     A par Viktor Kirtov - C 2 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Le 31 mai, parait en Folio, Gallimard, Kronos le journal très intime de Witold Gombrowicz, publié chez Stock en 2016 (traduction Maougocha Smorag), avec une belle préface de Yann Moix. Une occasion de mettre le projecteur sur cet écrivain polonais (1904-1969) dont la trace résiste au temps, et considéré comme l’un des plus grands auteurs de la littérature moderne polonaise.

Nous prendrons comme guides pour cette évocation :

- Rita Gombrowicz, sa veuve, l’alors jeune étudiante en lettres françaises, une québécoise qui a partagé avec lui les cinq dernières années dans le Sud de la France à Vence, qu’il a épousée en 1968 et dont il fit la légataire universelle de son œuvre.


Witold et Rita Gombrowicz
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- Jean-Pierre Salgas, critique littéraire, écrivain [1] qui très tôt s’est intéressé à Witold Gombrowicz. En témoignent plusieurs ouvrages sur l’œuvre de Gombrowicz, des articles, des conférences [2]. Avec son aimable autorisation, nous publions ici, son article sur Kronos, publié partiellement dans Le Monde diplomatique, à l’occasion de la première publication du livre. Notons que c’est Rita Gombrowicz, qui après quelques hésitations, a fini par autoriser la publication de cette sorte d’agenda tenu par l’homme Gombrowicz, des notes intimes sans fard, quelques mots ou courts développements sur sa vie d’homme, sa vie intime, des repères chronologiques à placer en regard de ses autres écrits. La préface de Yann Moix permet de mieux appréhender le contenu de ce document brut, insolite - la face cachée de l’homme intime derrière l’écrivain public reconnu - mais auquel Gombrowicz tenait :

« Si la maison brûle, tu prends le Kronos et tu cours le plus vite possible », disait Witold Gombrowicz à sa femme Rita. Tous les lecteurs de Gombrowicz connaissent sonJournal, mais personne ne soupçonnait l’existence d’un autre journal, sulfureux, resté totalement secret après la mort de l’écrivain en 1969. De ces feuilles manuscrites, Gombrowicz surgit, mis à nu. Il retrace sa vie année après année depuis 1922. Les ennuis de santé et d’argent. Les lieux. La gloire tardive qui l’atteint. La sexualité sans fard. C’est la coulisse de l’Œuvre, le laboratoire ouvert à notre regard.

C’est ce que l’on peut lire sur la 4ème de couverture de l’édition Folio / Gallimard.


Rita Gombrowicz et Jean-Pierre Salgas
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PARTIE I

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A propos de Rita Gombrowicz

Née Labrosse, Rita Gombrowicz est la fille d’un fermier canadien originaire de la Normandie et de la Bourgogne. Après ses années scolaires passées dans un internat catholique, elle entame des études littéraires à l’Université de Montréal, qu’elle poursuivra ensuite à la Sorbonne à Paris et à l’Université Nice-Aix-en-Provence où elle soutient sa thèse de doctorat sur Colette.

Au mois de mai 1964, lors d’un colloque à l’Abbaye de Royaumont, près de Paris, elle rencontra l’écrivain polonais Witold Gombrowicz. La même année, en automne, elle s’installa avec Witold Gombrowicz à Vence où ils se marièrent le 28 décembre 1968.


Witold et Rita Gombrowicz
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Après la mort de Witold, Rita Gombrowicz vécut pendant sept ans à Milan. Aujourd’hui, installée à Paris, elle se consacre à l’œuvre de son mari qui est traduite en 37 langues.

En 2007, la ville de Lublin en Pologne attribua à Rita Gombrowicz le titre de citoyenne d’honneur.

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Philippe Sollers sur Gombrowicz

« Toute l’œuvre de Gombrowicz est polémique. S’il y a quelqu’un qui est absolument d’essence voltairienne, c’est bien Gombrowicz. J’en suis convaincu chaque fois que j’ouvre un de ses livres ou quand je lis une lettre de lui. C’est toujours la même inspiration voltairienne, c’est-à-dire tout remettre en cause, en fonction de ce qu’on découvre comme étant les grimaces ou les attitudes culturelles, les préjugés, les différents sommeils acquis, etc. Ce sont des veilles permanentes. […]
Le “Sur Dante” [“Journal”, 1966], m’intéresse beaucoup parce qu’il est sur la voie d’une liberté d’action par rapport aux monuments de la culture : être complètement libre par rapport à ce qui peut être le plus sacré, le plus bouleversant. Quand il écrit à une amie polonaise qui lui cite du Nietzsche ou du Thomas Mann, il lui répond : « C’est moi, c’est moi qui parle. Il ne s’agit que de moi. »

Philippe Sollers dans Gombrowicz vingt ans après, Paris, 1989

Gombrowicz interviewé par Michel Polac

Witold Gombrovicz et la célébrité
INA (extrait de la collection « Bibliothèque de poche »).

12 oct. 1969 2’09

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Interview de l’écrivain Witold GOMBROVICZ à propos de la célébrité
Émission : Bibliothèque de poche
réalisateur : Michel Polac
participant : Witold Gombrowicz
Invités : Dominique de Roux, Michel Vianey.

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Crédit : INA.fr

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Gombrowicz répond aux critiques de Michel Polac, Dominique de Roux et Michel Vianey

Bibliothèque de poche
12 oct. 1969 14min 41s (Extrait plus long du même documentaire)

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Michel POLAC, Michel VIANEY et Dominique de ROUX, sur la terrasse de la villa de Witold GOMBROWICZ, font la critique de l’homme et de son oeuvre, puis lui font écouter l’enregistrement de cet échange sur un magnétophone. L’écrivain réagit aux critiques concernant les lieux communs, la complaisance de son "Journal", très typique d’un émigré polonais, son opposition à la science. Il reconnaît qu’il a un public limité et que sa notoriété ayant été tardive, il ne put en profiter. Il déclare : "L’art ne peut pas donner du profit".

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Rita Gombrowicz sur Witold Gombrowicz

A Vence

(L’interview est en français)

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La gardienne d’un trésor littéraire

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Centre Pompidou. Conférences-performances : Le Déferlement Gombrowicz

Rencontre du 24 octobre 2009 entre Rita Gombrowicz et Jean-Yves Jouannais autour de la projection de l’émission Livre de poche que Michel Polac lui a consacrée en 1969.

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Witold et Rita Gombrowicz à Vence
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PARTIE II

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Witold Gombrowicz : "Un Polonais exacerbé par l’histoire" par Jean-Pierre Salgas

[Une version de cet article est parue sous le titre En finir avec la cuculture dans Le Monde diplomatique en novembre 2016. Sous-titrages pileface (V.K.)]

De l’écrivain polonais Witold Gombrowicz (1904-1969), plus que les romans et le Journal, on connait aujourd’hui en France, le théâtre. Trois pièces, sous le signe de Shakespeare, qui sont comme des charnières de l’œuvre : Yvonne princesse de Bourgogne (1935), interprétée chaque année dans de nombreuses villes de France : la « mollichonne » y met à jour le théâtre social. En 1966, la même, devenue « mignonnette », fera triompher la nudité sur les idéologies qui habillent l’Histoire (Opérette). Entre les deux, Le mariage créé par Jorge Lavelli en 1964 qui selon Bernard Dort ouvrait , après les grandes années Brecht , la voie à la réception ultérieure d’un théatre qu’incarnera Bob Wilson. Il en existe une quatrième, très autofictive , de 1951 (écrite en Argentine où, parti pour quelques semaines, il vécut vingt-quatre ans). Publié en France en 1977, mais composée avant le Journal (qui paraît lui à partir de 1953 dans Kultura la grande revue de l’émigration) : Histoire : « le pied nu » de Witold adolescent y brave le conseil (de famille et de classe) de l’Histoire : à l’examen de maturité (le bac) succèdent Pilsudski héros de l’indépendance et dictateur qui l’envoie chez Hitler et Staline…

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Kronos, la doublure intime de son Journal

Parait ces jours-ci, trois ans après l’édition polonaise, Kronos. Contemporain du Journal, mais commencé un peu avant en 1951-1952, comme sa doublure intime. « On peut lire le Journal sans Kronos mais pas l’inverse » : Gombrowicz s’y retourne sur sa vie-œuvre (depuis 1922) et l’accompagne : Pologne, Argentine, reconquête de la Pologne (1956 bientôt) et de la diaspora, de l’Europe et du monde via la France. L’incipit de Kronos est le même que celui d’Histoire : l’examen de « maturité », l’entrée irréversible dans les Formes et la Culture. Kronos devient de plus en plus journal du pied nu, le journal d’un corps, d’une « pathologie » disait Bruno Schulz : vie de bureau de l’employé au Banco polaco, lectures, musique, tabac, échecs… Des rubriques et une comptabilité closent chaque année : santé (eczéma, asthme, hypocondrie), argent, littérature, érotisme – le plus souvent masculin : « L’excès de l’élément érotique paralyse ma littérature. Je décide de « suspendre » les affaires érotiques jusqu’à l’obtention de la permanencia definitiva » (1940). Je ne vois comme entreprise équivalente que les Journaux abrégés de Benjamin Constant. Dans cet aide-mémoire pour soi seul, on peut suivre la chronologie secrète de l’œuvre (Kronos fut d’ailleurs le « disque dur » de Rita composant ses deux livres sur Witold, parus en 1984 et 1988). Mois par mois… et moi par moi. Lors de la publication en volume du Journal aux éditions Kultura à Paris (Maisons-Laffitte) en 1957, en direction de la Pologne communiste et de la diaspora, Gombrowicz avait rajouté en préface, tel un manifeste : « Lundi moi, mardi moi, mercredi moi » : à la fois revendication face au communisme comme au catholicisme ( et derrière au romantisme national) et à l’envers affirmation d’un moi pluriel, incertain, morcelé qu’on retrouve dans toute l’œuvre. A vrai dire, le « journal » est pour lui la forme idéale. Ici le « journal d’écrivain », à la manière de Gide qu’il a relu juste avant. Là, le journal intime dont il est « cousu ». « Ma manie croissante du calendrier. Dates. Anniversaires. Périodes. Avec assiduité, je me livre maintenant à la comptabilité des dates. Oui, oui… pourquoi n’ai-je pas pris en note chaque journée depuis le moment où j’ai su écrire ? » (Journal, 1958). Les deux se croisent à plusieurs reprises. Les « feuillets jaunis » de Kronos passent dans le Journal sur l’océan, lors du retour en Europe, quand le passager du Federico (1953) croise celui du Chrobry (1939). A l’obsession des chiffres (Gombrowicz se croyait voué au 22), on doit rattacher celle de généalogie chez ce fils de hobereau polonais où le fait de « se prendre » pour d’autres (de Moïse à Thomas Mann via Nietzsche). Il s’agit de s’assurer « qu’il existe ». C’est que Witold Gombrowicz, qui a cessé de croire vers 20 ans, a, plus que tout autre, vécu la « mort de Dieu » dans un pays où Dieu est plus mort d’avoir été plus vivant… (l’historien Norman Davies a pu le nommer « le terrain de jeu de Dieu »). Ne demeure, nous apprend Le mariage, que l’Eglise inter-humaine, le jugement dernier permanent, à l’ombre des « fragments d’une église mutilée ».

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Un « polonais antipolonais »

Bien en amont de 1989 (qui paradoxalement vit en France cesser l’attention à l’Est), Milan Kundera proposa d’enjamber le « petit contexte » national pour situer les romans dans le « grand contexte » du Roman. En voulant lui rendre sa place, ce fut un peu la lui ôter : le génie de Gombrowicz est justement d’avoir poussé à l’extrême sa situation d’écrivain « entre »(sa « vraie patrie ») dans une Pologne « entre ». Le pays a retrouvé son indépendance en 1918 après un siècle de partages (le célèbre « nulle part » d’Alfred Jarry), mais autrement partagé, puis après-guerre encore partagé, déplacé. Nul n’est plus anti-hegelien que Gombrowicz (ou à l’inverse très hégelien). « Si seulement je pouvais atteindre/Le lieu où se crée l’Histoire ! / La politique des Puissances ! Mais je suis désarmé ! » (Histoire). Faute d’être actrice de l’Histoire, la Pologne est vouée à une géographie bousculée. Tous les autres écrivains retrouvent le nationalisme romantique, au mieux l’alignant sur les avant-gardes occidentales. Seul, avec les deux autres « mousquetaires de l’avant-garde » (Witkiewicz, Schulz) il oppose à cette Pologne, dès le départ, dans ses nouvelles écrites de 1926 à 1933, Mémoires du temps de l’immaturité (qui deviendront Bakakaï), les fictions des corps anatomique, national et littéraire, entremêlés et morcelés. Lire Les mémoires de Stefan Cziarniewski, polonais et juifs. Athéisme feuilleté et généralisé. Gombrowicz est un « polonais antipolonais » (goy, il fut surnommé « roi des juifs » avant-guerre dans les cafés de Varsovie) dans un pays entre qui se vit comme atavique. Dostoïevski bascule dans Rabelais…

En 1937, son grand roman Ferdydurke n’a pas d’autre sujet : on y assiste au retour forcé à l’école de l’immature Jojo Kowalski (Dupont), à sa traversée burlesque des trois tentations nationales dans un lycée de Varsovie. Ecrit de 1935 (la mort de Pilsudski) à 1937, il s’agit d’un grand roman « politique » (contre Pimko le vieux professeur de Cracovie qui ressasse la poésie romantique, contre la « modernité » USA-URSS-Allemagne qu’incarne Zuta Lejeune, la « lycéenne », vers quel devenir ? – le valet de ferme au pied nu : on peut y voir aussi bien l’anticipation du communisme que son contraire). Préfacière à New York du livre en 2000, Susan Sontag parle du « charabia » du titre-là où il eut fallu voir condensé de l’art de Gombrowicz : « Freddy Duke » est un personnage de Babbitt de Sinclair Lewis, prix Nobel 1930 : à l’Eglise interhumaine correspond une Eglise intertextuelle. Ferdydurke est à la Pologne comme La marche de Radetsky de Joseph Roth ou L’homme sans qualités de Robert Musil à l’empire des Habsbourg. (Gombrowicz au passage, de retour d’un voyage en Italie, a assisté à l’Anschluss). Il le dit clairement dans une préface supprimée aux Mémoires du temps de l’immaturité, il y revient en 1967 dans un auto-interview à la Quinzaine littéraire citée par Deleuze et Guattari dans L’anti-Œdipe : « Ma façon de voir était en rapport direct avec les évènements d’alors : hitlérisme, stalinisme, fascisme ». Je renvoie aussi à cette véritable « autobiographie du pays » que sont les Souvenirs de Pologne (1959), écrits pour Radio Free Europe, où il se définit comme « un polonais exacerbé par l’histoire ».

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De la périphérie au centre

C’est le succès de Ferdydurke qui fut à l’origine de l’invitation de l’auteur en Argentine, pour une brève croisière, à l’initiative d’un jeune fonctionnaire nommé Jerzy Gedroyc… Et d’une trajectoire unique dans la littérature du XXe siècle qu’il ne cesse de penser dans les préfaces, adresses au lecteurs, articles, repris ou non dans le Journal. Ils sont nombreux les écrivains passés d’une périphérie au centre (tels Joyce et Beckett, Michaux ou Cioran, plus tard Naipaul ou Rushdie). A commencer par le polonais Joseph Conrad. En revanche, celle de Gombrowicz aussi rare que celles de Nabokov (d’un empire l’autre) ou… Borges (des aller-retour). De la périphérie de l’Europe à la périphérie du monde et de cette dernière au centre : « l’auteur de Ferdydurke » arrive en Argentine deux jours avant la signature du pacte germano-soviétique, y demeurera vingt-quatre ans, jusqu’à ce qu’une proposition de la fondation Ford le dépose…à Berlin…un an après la construction du mur. « L’impérialisme de notre moi est indomptable et puissant à tel point que je me sentais porté à croire, parfois, que ce chambardement du monde n’avait d’autre fin que de me poser en Argentine et de me replonger dans la jeunesse de ma vie, qu’en son temps je n’avais pu éprouver ni mettre à profit. C’est à cette seule fin qu’il y avait eu la guerre ». (Entretiens avec Dominique de Roux, 1968). Gombrowicz ne cesse de jouer avec ce qu’on pourrait après Pierre Bourdieu nommer « l’Illusion autobiographique », dupe et non dupe à la fois. L’Argentine ? c’est Ferdydurke « pour de vrai » à l’échelle de la planète… Dans les cafés de Buenos Aires et dans le parc du Retiro, il peut vivre enfin sa vie. Mais elle va vite s’avérer (en partie) une Pologne bis, en proie aux mêmes tentations. A Buenos-Aires, autour de Victoria Ocampo et de la revue Sur, face à l’indigénisme, règne l’idolâtrie de l’Europe. La traduction de Ferdydurke (1945-1947 : on suit dans Kronos la chronique de celle-ci) se solde par un échec public qui lui fait comprendre les rapport de pouvoir de la République Mondiale des Lettres. En témoigne l’unique numéro d’une revue, Aurora contre Victoria. Et il raconte Borges dans Trans-Atlantique (1952) : en revanche le personnage de Gonzalo, métis absolu, contre les patries invente la » filistrie » (ce qu’Edouard Glissant nommera la créolisation).Dans le roman suivant La pornographie (1960), derrière le désir, il fouille la patrie en guerre et divisée. Dès 1947, « l’auteur de Ferdydurke » se sait prophète de toutes les « cultures secondaires »… En 1953, dans Kultura, une polémique sur l’exil l’oppose à la vision convenue de Cioran. De Vence, où il vit avec Rita les cinq dernières années de sa vie, il s’adresse aux polonais bien sûr, autrement aux argentins (Diario Argentino, 1968, traduit par Sergio Pitol), évidement au centre français (Entretiens avec Dominique de Roux en1968, sur le modèle de la collection Ecrivains de toujours).

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Combats politico-littéraires

Dès Ferdydurke, Gombrowicz est Contre les poètes. « Presque personne n’aime les vers et le monde des vers est fictif et faux » Sociologie et esthétique se confondent. La poésie ? une Pologne de la littérature pourrait-on dire. A rebours, Gombrowicz milite pour l’impureté du roman ou pour ce que je nommerais son « athéâtre ». C’est ce texte, manifeste politique autant que littéraire (il le reprend en…1956), qui va faire fond donc des combats politiques et-ou littéraires du journal (en public) que lui demande…Jerzy Gedroyc directeur de Kultura. Stratège de la stratégie, il se trouve des lieutenants (Joseph Wittlin pour la diaspora, Kot Jelenski en France-qui convainc François Bondy puis Maurice Nadeau qui va le publier) qui l’aident à conquérir Paris… Et cherche des alliés : à commencer, face au roitelet Borges, il compte sur le bon président de la République Mondiale des Lettres, Jean-Paul Sartre. Dans Kronos, on le surprend à lire El ser e il nada. Le Journal comporte des analyses des périodes de l’œuvre et du personnage public. Revenu d’une année malheureuse à Berlin, à Paris il ira en pèlerinage sous ses fenêtres, plus tard il dit à Nadeau vouloir rencontrer Foucault. Romancier-philosophe, « le Monsieur Jourdain de la pensée moderne » (Kot Jelenski) est au fond « existentiellement » structuraliste. Nul ne saura d’ailleurs le lire comme Gilles Deleuze qui le cite continument de 1968 à 1994. Après les coulisses, trois fois, de la Pologne et de la diaspora, Cosmos (1965) son dernier roman, « roman policier d’un genre un peu rugueux » (récemment adapté au cinéma par Andrzej Zulawski) explore celles du corps de la réalité.

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Yann Moix préface Kronos

Curieuse et bonne idée : c’est à Yann Moix (sic) que l’éditeur a demandé de préfacer Kronos, « journal du journal, journal au carré, méta-journal », mais tout sauf un dernier mot ou une clé. Jamais un, Gombrowicz n’est jamais nu. Dans ses mémoires Grâce leur soit rendue, Maurice Nadeau son éditeur, abordant Gombrowicz, changeait de manière et écrivait de lui en le pastichant : embarras palpable face à la dramaturgie des « mois », plus que jamais le nôtre. Kronos est désormais parmi nous comme un retour du « pied nu » et Gombrowicz à relire.

Jean-Pierre Salgas

Nota : Publié chez Stock en 2016, Kronos est présenté par Rita Gombrowicz et traduit par Maougocha Smorag-Goldberg. Simultanément, Stock réédite Les envoutés, un roman-feuilleton fantastique publié sous pseudonyme dans la presse polonaise en 1939. Les quatre romans se trouvent chez Gallimard : réunis dans un Quarto et en Folio. Idem pour les deux tomes du Journal et le Théâtre. On doit à Rita Gombrowicz deux ouvrages majeurs : Gombrowicz en Argentine (Noir sur Blanc), Gombrowicz en Europe (Denoël). Jean-Pierre Salgas est l’auteur de deux livres sur Gombrowicz ( Gombrowicz ou l’athéisme généralisé , Seuil 2000 . Gombrowicz , un structuraliste de la rue , L’éclat 2011 ) . Enfin, il existe sur Internet un site Witold Gombrowicz en quatre langues (polonais, espagnol, français, anglais ).

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Kronos, préface de Yann Moix

« Je n’écris rien »

Revoici Gombrowicz. Non seulement en direct, mais en trois dimensions. Le voici, pour ainsi dire, sans littérature. Le voici dans sa vie, perdu dans les soucis, emprisonné dans ses contradictions, terrorisé par tous les cancers qu’il se découvre chaque jour. Le revoici non seulement vivant, mais en vie. Nous connaissions déjà le Journal, ce monument littéraire qui, en voici la preuve, n’était finalement qu’une modalité de la fiction, puisque le véritable journal le voici.Kronos est le journal du journal, le journal au carré, le métajournal de Witold. « J’écris monJournal. » Phrase géniale ! Ou encore : « J’ai écrit un nouveau fragment de journal consacré à la peinture, au catholicisme et à la musique. » Ou encore (je ne m’en lasse pas) : « Je pars pour une semaine de vacances (j’écris mon journal). » Ou encore : « Je fignole mon journal. » Ou encore : « Travail acharné sur le journal. » Autrement dit : le Journal, au regard de Kronos, reste d’abord de l’art, davantage de l’art que de la vie.Kronos n’est pas seulement l’œuvre d’une vie, ce n’est pas seulement, non plus, la vie d’une œuvre. C’est l’œuvre de la vie. Ou, plutôt : c’est la vie à l’œuvre.

Avec Kronos, Gombrowicz invente un genre littéraire révolutionnaire : il va plus loin que le Gide du Journal des faux-monnayeurs. Il monte d’un étage. De mille étages : le texte devient texture. On vit Kronos plus qu’on ne le lit. Witold nous dit, en quelque sorte : à journal intime, journal intime et demi. Il y a toujours plus journal intime que son propre journal intime. On peut toujours franchir un degré supplémentaire dans la littérature : je ne serais pas étonné qu’un beau jour, Rita Gombrowicz découvre, dans une vieille malle de l’époque berlinoise, ou dans une chemise recouverte de la poussière de la cave de Vence, un manuscrit racontant la genèse et l’écriture de Kronos ! Dans ces pages merveilleuses, Gombrowicz s’abyme. Si Witold était cinéaste, il aurait livré le making-of du making-of. Et en eût fait le plus passionnant, le plus bouleversant des films.

Plus fou encore, plus génial encore (si tant est que ce soit possible), il crée le métajournal prospecto-rétrospectif : au beau milieu d’un paragraphe rédigé en mai1955, il écrit : « Dans 10ans, Vence » ! Gombrowicz fait dire au Witold de 51 ans (le Witold de 1955), par le truchement du Witold de 61 ans, ce qui se passera en 1965 ! Mais la phrase la plus extraordinaire de Kronos est évidemment celle-ci : « Je n’écris rien. »

D’où vient que ces pages inédites sont si extraordinaires ? De ce qu’elles sont ordinaires, justement. Ces pages sont des journées. Des journées qui passent et se ressemblent. Des journées comme les vôtres, comme les miennes : sauf que ce sont, sauf que ce furent les siennes. Pour la première fois, on peut assister, en temps réel, aux effets du quotidien sur le génie gombrowiczien. On observe une araignée phénoménale prise dans la toile des tracas, du vide, du rien : « Dimanche il pleut. » On a parfois tendance à l’oublier : mais les génies existent également le dimanche, et il pleut aussi sur eux. Voici donc (c’est fascinant) l’écoulement des jours, des semaines, des mois et des années dans les veines d’un des plus grands (peut-être le plus grand) écrivains du XXe siècle. Voici, sans masque, sans armure, sans coquetterie, le Witoldo des insomnies, de la cortisone, des analyses de selles (« Je crains d’avoir des vers »), des crises d’angoisse et des poussées d’eczéma (le plus souvent sur la tête), des scènes de ménage et de la pénicilline. Voici l’homme des piqûres et des rages de dents. Witold achète un imper. Witold achète des chapeaux. Witold va au cinéma. Witold pique une crise de nerfs (mais la lecture de Heidegger le calme). Witold a encore pris froid. Witold achète des actions. Witold perd sa dent de devant. Witold a la chiasse. Witold fait la grasse matinée. Witold déménage encore. Witold fait la chasse aux moustiques. Witold a perdu six kilos. Witold bande mou. Witold boit du lait. Les impôts de Witold viennent de tomber. Witold étudie la phénoménologie. Witold a des gaz. Witold se promène au bord de l’océan. Witold a une chaude-pisse. Witold est victime de blagues téléphoniques. Witold ouvre un compte épargne. La voisine de Witold fait du bruit. Witold arrête la cigarette (à partir de la semaine prochaine). Witold a un abcès sur les couilles.

On connaissait le Gombrowicz solitaire, voici le Witold seul. On le connaissait habillé, drapé, costumé, le voici nu. Non pas nu devant nous, mais nu face à lui-même, loin de son pays. Voici à la fois de quoi confirmer et infirmer Gombrowicz, voici de quoi le rectifier. Voici surtout, une fois de plus, de quoi le préférer. Mettez-vous quelques secondes à la place du fanatique de cette œuvre sans pareille : tombe, du ciel, un chef-d’œuvre tout neuf, inconnu de tous ou presque, et que Rita, sa femme, nous livre en offrande, dans un geste qui ne manque ni de courage ni de panache. Car le Gombrowicz qui se dessine là sera, désormais, irrévocable et définitif. Disons plutôt qu’il nous échappera encore, mais différemment. Disons plutôt qu’il nous interrogera encore, mais d’une autre manière. Disons plutôt qu’il continuera de fuir, mais selon une trajectoire nettoyée.

Je ne sais par où commencer, à vrai dire. Préfacer une œuvre est un exercice difficile, mais répertorié. Tandis que préfacer une vie, préfacer des hasards, préfacer des détours et des chemins, préfacer des accidents et des atermoiements ne fait point sens. On ne préface pas le mouvement. On ne préface pas Buenos Aires, pas plus que les voyages. On ne préface pas la peur, pas plus que la honte. On ne commente pas les tentations d’en finir avec l’existence. Pourquoi devrait-on introduire l’intimité d’un géant ?

Witold est un homme qui a peur. Peur de vivre, presque autant que de mourir. Ce n’est pas le trahir que d’écrire qu’il a quitté la Pologne de 1939 pour fuir la guerre. Cela ne fait pas de lui un lâche, au contraire : le courage l’attend ailleurs, et autrement.Ailleurs, sur un continent qui n’est pas le sien, dans un pays qui n’est pas le sien, et ne le sera jamais. Autrement, car il faudra se battre contre d’autres démons que le Mal nazi : la misère, l’oubli, l’errance, le dépaysement, la canicule, l’ennui (« une année pauvre, dépourvue d’attractions », « Piqûres. Retour d’eczéma. Ennui. »), le découragement, la maladie, l’hypocondrie (« J’ai mal au foie (si c’est bien le foie) » ; « peur du cancer de la cavité buccale » ; « peur –je vais chez Zellner, qui me rassure, rien de spécial » ; « Cancer ? Espérons que non. »), la timidité, la dépression, la mort du chien Fumfi, l’esseulement, la monotonie, le mépris, le désespoir (« Je songe au suicide »), l’humiliation. Et le vieillissement, surtout, première (et ultime) des obsessions gombrowicziennes : la fin le travaille depuis le commencement. Et le travaille, le mine aussi dans ce re-commencement qu’est son aventure argentine. Est-il venu en Amérique latine pour commencer à naître ou pour commencer à mourir ? Les deux. Il se situe sur la crête, sur cette fameuse et terrible « ligne d’ombre » définie par Conrad. Il fait son entrée dans le gris : « Quelque chose s’est définitivement cassé. » Il surveille ses cheveux, ses ridules. Sa vue baisse (« Je me suis acheté des lunettes. »). La vieillesse de sa jeunesse va doucement s’achever ; il va s’acheminer vers la jeunesse de sa vieillesse. Puis vers la vieillesse tout court –l

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D’autres points de vue sur Gombrowicz

E. M. Cioran :

« Les divagations de Gombrowicz sur Dante me font songer à celles de Tolstoï sur Shakespeare. C’est beau, déroutant, fou et intolérable. »
E. M. Cioran, lettre à Dominique de Roux, 17 mars 1970
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Michel Polac :

« Tout en étant un grand admirateur de “Ferdydurke” et de “La Pornographie”, je préfère le “Journal”, d’une stupéfiante limpidité, plus proche de la « clarté française » du XVIIIe siècle que du baroque « mitteleuropa ». Il n’est rien de tel pour se fouetter l’intelligence que de rouvrir au hasard Nietzsche, Cioran ou Gombrowicz. […]

Cet orgueil peut paraître « enfantin » comme ont paru « enfantines » à certains critiques les attaques de Gombrowicz contre les poètes, les peintres, ou Dante en personne ! Mais il faut être reconnaissant à ceux qui mettent des moustaches à la Joconde (du moins sur des copies, pas sur l’original, Gombrowicz n’est pas un barbare), qui mettent les pieds dans le plat, qui savent que tout a de l’importance et que pourtant rien n’est sérieux, que la mauvaise foi affichée est jubilatoire, que démolir les fausses gloires est une nécessité, mais que démolir les vraies gloires est un exercice presque… d’ascèse. Il n’y a pas de chefs-d’œuvre intouchables, l’admiration ne doit pas être obligatoire. »
Michel Polac dans Gombrowicz vingt ans après, Paris, 1989

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PARTIE III

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Bibliographie / Sélection de livres

de Rita Gombrowicz

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de Jean-Pierre Salgas

Auteur, notamment, d’un Witold Gombrowicz ou l’athéisme généralisé ; (Seuil 2000), et de Gombrowicz, un structuraliste de la rue

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de Witold Gombrowicz

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Liens

www.gombrowicz.net/ version française du site officiel dédié à Witold Gombrowicz

www.muzeumgombrowicza.pl/ le musée Gombrowicz a ouvert le 11 octobre 2009 dans le Manoir de Wsola, près de Radom (site en polonais)

Le site de Jean-Pierre Salgas Voir la section Gombrowicz.


[1aussi commissaire d’expositions, professeur dans les Ecoles Nationales Supérieures d’Art (aujourd’hui à l’ENSAD)

[2Voir aussi la rubrique Gombrowicz sur son site jeanpierresalgas.fr

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2 Messages

  • Viktor Kirtov | 28 août 2018 - 20:16 1

    Sur le site « En attendant Nadeau », Jean-Pierre Salgas, fin connaisseur de l’œuvre de Witold Gombrowicz a publié, ce mois d’août 2018, un long article très documenté qui commence ainsi :

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    Witold Gombrowicz
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    L’article comprend les sections suivantes :

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    Décalage horaire

    Je me rappelle avoir en 1967 acheté Ferdydurke en 10-18. Attiré par la couverture (Arcimboldo) et le « charabia » du titre (comme écrira faussement Susan Sontag en 2000), préfacé par Kot Jelenski et Maurice Nadeau. Et inclus dans une série : « Les romans les plus significatifs de la littérature d’aujourd’hui » : Beckett, Butor, Cayrol, Duras, des Forêts, Obaldia, Mandiargues, Pinget, Robbe-Grillet, Sarraute, Segalen, Vian). En août 1966, à Vence, où il s’est installé avec Rita, Gombrowicz s’est fait expliquer le structuralisme par François Wahl et Severo Sarduy et, dans son Journal à la date du 30 octobre 1966, il consacre dix pages à brocarder structuralisme et Nouveau Roman : « le problème fondamental de notre temps, celui qui domine toute l’épistémè occidentale […] peut s’énoncer ainsi : plus c’est savant plus c’est bête » (épistémè : Les mots et les chosesa paru en avril 1966. Il ignore qu’à Royaumont en 1964 Foucault a assisté au colloque Nietzsche, il n’y a remarqué que les deux participants polonais…).

    […]

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    Entropologie

    Ce décalage de « l’auteur de Ferdydurke » est sûrement à l’origine des gloses innombrables dont l’œuvre est cousue – comme un réglage perpétuel avec les Polonais du pays et de la diaspora, puis les Argentins, puis le monde entier à travers la France, au point de se confondre avec elle. Les nouvelles, les cinq romans, les trois pièces de théâtre et le journal sont irrigués de politique littéraire (de stratégie), esthétique et sociologie se confondent. Comme l’a dit Jelenski, cet « engin futurible », passé d’une gentilhommière polonaise aux portes du Nobel en 1969, fait de Gombrowicz un écrivain loin du grand romancier européen tout d’une pièce façon Milan Kundera. « Mes livres résultent en quelque sorte de ma vie – mais ma vie s’est en grande partie formée à partir d’eux et grâce à eux. » Sa trajectoire est unique si on le compare aux écrivains qui peuvent lui être comparés. Athée issu d’un pays « terrain de jeu de Dieu » (Norman Davies), partagé puis déplacé sur la carte, il passe de la périphérie de l’Europe à celle du monde, puis au centre parisien. Gombrowicz ? « un Polonais exacerbé par l’histoire », dit-il vers 1960 dans les Souvenirs de Pologne : ses dates coïncident avec les articulations du siècle, 1939-1953-1963-1968 . « Je suis le self made man de la littérature[…]j’ai débuté trois fois ». « L’entre » est sa « vraie patrie », dit-il à Dominique de Roux.

    […]

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    Pologne, Argentine : la bêtise nationale

    La bêtise advient dès que l’immaturité adhère à la forme. Sa forme suprême chez Gombrowicz est le nationalisme : « le principe même de s’adorer dans sa propre nation », d’où son combat pour « délivrer les Polonais de la Pologne », très concrètement du romantisme ou de la copie des avant-gardes d’ailleurs (le champ hétéronome).

    […]

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    Réflexions sur la question juive

    […]

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    Contre les poètes

    […]

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    Bêtise de Gombrowicz

    « Je suis devenu littérature et mes révoltes elles aussi sont de la littérature. La loi : plus c’est savant, plus c’est bête s’applique à moi parfaitement », dit-il au terme des pages d’octobre 1966 dans le Journal.

    […]

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    L’article est à découvrir ICI


  • Albert Gauvin | 29 mai 2018 - 12:21 2


    Witold Gombrowicz avec le peintre Jozef Jarema, Czeslaw Milosz, et Alastair Hamilton à Vence, mai 1967.
    Zoom : cliquez l’image.
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    Entretiens avec Witold Gombrowicz

    Enregistrés en juin 1967, deux ans avant sa mort.
    Diffusés sur France Culture en 1970, rediffusés en 2015.

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    Lakis Proguidis
    Un écrivain malgré la critique.
    Essai sur l’œuvre de Witold Gombrowicz

    Collection L’Infini, Gallimard
    Parution : 18-10-1989

    L’idée optimiste et courante que nous nous faisons des relations entre un écrivain et son temps, ou un écrivain et la critique, consiste à penser que l’écrivain crée et qu’on tente de le comprendre. La bonne volonté serait donc à l’œuvre. Mais s’il en allait autrement ? Si le malentendu était, pour ainsi dire, originel ? Et pire que le malentendu : un véritable travail de malveillance ? Une lutte à mort, subtile, complexe, implacable, un ostracisme de fond ?
    Voilà, en tout cas, la démonstration que ce livre minutieux et terriblement comique nous apporte : Gombrowicz écrit des romans dont personne ne veut, il s’explique en vain, la critique parle pour ne pas l’entendre et comme pour le raccompagner aux frontières, doucement et obstinément. « L’œuvre est très peu connue. Elle s’achemine inéluctablement vers l’oubli. Seule la critique qui l’a accompagnée survit encore d’une certaine manière. » Et s’il en allait de même pour tout écrivain ? Si, de plus en plus, notre belle et attentive humanité avait trouvé enfin le moyen de noyer sans bruit l’inconvénient majeur qu’incarne Ia littérature ?

    Witold Gombrowicz dans la revue L’Infini :
    Pampelan dans le porte-voix, n°25, Printemps 1989
    Lettres inédites, n°41, Printemps 1993
    Lettres inédites (suite), n°42, Eté 1993

    *