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Le Journal du mois (juin 2006)

dans le JDD

D 25 juin 2006     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


L’actualité vue par Sollers


Foot Sego Bac Mao Libe Angot Monaco
Foot

La tête est confuse, les
jambes s’enlisent, je parle
évidemment des Bleus, et de la
France qui n’arrive pas à
marquer des buts. Cette équipe,
malgré sa difficile victoire sur le
Togo, est malade, aucun doute.
Pauvre Zizou appliqué, pauvre
Thierry Henry étouffé, pauvre
Ribéry brouillon, pauvre Cissé
opéré, étrange Domenech buté,
sombre plaine. On a l’impression
que les Français se la jouent
plutôt que de jouer, ils sont dans
un film, le match a déjà eu lieu,
la seconde mi-temps leur paraît
trop longue, si on pouvait passer
tout de suite aux interviews et à
la publicité, ce serait mieux, on
pourrait respirer. On n’est pas
starisé pour affronter la réalité.
On n’est pas une vedette pour
faire ses preuves. Chirac,
déprimé, maintient Villepin en
attaque, mais l’embêtant c’est
que ce joueur s’obstine à rater
ses penaltys. Vous avez remarqué
que l’ailier Sarkozy fait tout pour
ne pas lui passer le ballon, et
frappe de façon déraisonnable en
touche. L’équipe se rebiffe, essaie
de faire pression sur l’entraîneur
qui n’en démord pas, en
grommelant qu’il n’est pas là
pour céder à la dictature de la
rumeur. Les éléphants
socialistes, en milieu de terrain,
font traîner la partie en
attendant de prendre les
commandes du bateau à la
dérive. Les remplaçants, sur
leurs bancs, boudent de façon
voyante. L’univers nous regarde,
ricane, s’apitoie, ne manque pas
une occasion de tirer sur le coq
gaulois. Pendant ce temps-là, les
Argentins emballent leur tango,
les Brésiliens continuent leur
samba, les Espagnols peaufinent
leur corrida, les Portugais
naviguent, les Anglais et les
Allemands sont professionnels,
aucun état d’âme, alors que la
psychologie ravage les visages
hexagonaux. Je te hais, je
t’adore, j’aurai ta peau, je ne
pense qu’à toi, mourons
ensemble, c’est la loi. Des
femmes, ici et là, s’inquiètent
dans les tribunes. Que faire ? Les
raisonner ? Ils n’écoutent rien.
Demander à l’armée
d’intervenir ? Pourquoi pas, mais
c’est quand même un risque. Les
joueurs, maintenant, en sont à
s’insulter en public. Le mot
« lâcheté » est prononcé et
enregistré. L’avant-centre l’a crié
à l’ailier gauche qui venait de
bousiller un corner. L’arbitre
siffle, sort tous ses cartons
jaunes, perd les rouges, les
ramasse, et renvoie tout le
monde aux vestiaires sous l’ ?il
médusé de l’équipe étrangère qui
n’en attendait pas tant de son
adversaire supposé.


Ségo

Le mieux, au point où on en
est, serait une candidature de
progrès bicéphale. Voilà la vraie
rupture paritaire, un aigle à deux
têtes et à quatre pattes,
l’androgynat parfait. Donc : Royal
et Hollande. Tantôt à droite,
tantôt à gauche, l’union
nationale, avec débordements de
mariages gays. Pour l’instant,
Ségo est une frégate chinoise, ou
plutôt un sous-marin avec
Hollande en sous-main. Ses
atouts : une enfance malheureuse
dans une famille catholique de
huit enfants, un père colonel très
réactionnaire, une fierté et une
ténacité à toute épreuve, une
morale d’acier. On la soupçonne
de vouloir militariser la lutte
contre la délinquance ? D’avoir
ainsi un retour de refoulé au
père ? Elle tient bon : « Alors,
quoi, le mot discipline serait un
mot de droite ? » Et aussi :
« Depuis quand l’uniforme des
militaires, des gendarmes et des
pompiers ne serait pas
socialiste ? » C’est vrai, ça, et
honte à ceux qui ont crié
autrefois, sous les coups de
matraque, « CRS-SS ! ». Un
colonel socialiste n’a rien à voir
avec un colonel d’extrême droite.
Un policier socialiste se
remarque aussitôt, malgré
l’uniforme, et inspire une
confiance qu’un gendarme du
Front national serait incapable
d’incarner. N’importe quel
dissident de l’ex-URSS vous dira
qu’un gardien socialiste était
doux, modéré, ouvert, humaniste,
cultivé. La discipline, vous dis-je,
la discipline. Une bonne équipe
est une équipe disciplinée.


Bac

J’aurais bien aimé plancher
sur un des sujets du bac :

Sollers a aussi été "sujet de bac...

Voir ici

« Faut-il préférer le bonheur à la
vérité ? » J’ai aperçu des
candidats et des candidates
disant à la télé que non, bien sûr,
impossible d’obtenir le moindre
bonheur à travers le mensonge.
Ils avaient tous l’air très
convaincu, les filles surtout.
Préférer le bonheur à la vérité
serait une faute, une erreur, une
très mauvaise action, un crime.
Le professeur Ferry, jamais à
court de citer Kant, leur donne
raison. Tout va donc bien,
l’avenir est radieux, les
nouveaux couples se diront la
vérité, et tant pis si elle est triste,
cruelle, malheureuse. Le
bonheur, que voulez-vous, est
toujours une illusion que la
vérité contredit. Le bonheur est
une vieille et mauvaise idée en
Europe. N’écoutons surtout pas
les faux prophètes dans le genre
de Casanova disant : « Si le
plaisir existe, et si on ne peut en
jouir qu’en vie, la vie est donc un
bonheur. » Bonheur, bonheur,
voilà bien une vision du monde
suspecte. Et là, je suis préoccupé.
La dernière photo de Ségo-
Hollande, prise à Antibes, elle en
pantalon, lui en bermuda, me
semble angoissante : Hollande a
l’air d’un garçonnet timide
accroché au bras de sa maman
qui, les mains dans les poches,
fait visiblement la tête.
Question : Ségo est-elle
heureuse ? La vérité le lui
permet-elle ? Et Sarkozy ? Et
Cecilia ? En tout cas, on ne les
imagine pas passer leur été à lire
Casanova.


Mao

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1974, "le voyage en chine", la grande muraille
Philippe Sollers et Julia Kristeva

Quand j’étais à Pékin, il y a
plus de trente ans, le
correspondant du Monde avait
l’air passionné par le régime
communiste, avec obstination et
une bizarre ferveur.
Heureusement, il avait un vélo
que j’ai pas mal utilisé dans les
rues, ce qui me faisait remarquer
par des milliers de Chinois
comme un « long nez », c’est-à-dire
une bête curieuse. Depuis,
beaucoup d’eau a coulé sous les
ponts. Le même journal,
aujourd’hui, s’enthousiasme
pour une biographie à charge du
monstre Mao (1), le pire criminel
du XXe siècle, responsable de
70 millions de morts, et prêt à en
faire tuer 300 millions. C’était
donc une « ordure ». Soit. Mais il
y a plus grave : c’était un pauvre
type, un médiocre, un
mégalomane orgiaque, un
sadique primaire, un agent
simultané de Staline, des
nationalistes, des Japonais et
ensuite des Américains. Un fou,
mais sans envergure. Autant dire
que les anciens « maoïstes »
occidentaux, Français en tête,
ont bonne mine [1]. Max Gallo, dans
Le Figaro, parle même, avec
commisération, de ceux « qui
agitaient le Petit Livre rouge au
bar du Pont-Royal » [2]. Il ne
manque que la photo qui, bien
entendu, n’existe que dans
l’imagination de Gallo.


Libé

Serge July, avec le temps,
a-t-il eu raison de quitter Mao
pour Rothschild ? La question se
pose, et elle est grave pour l’avenir
de la presse. Pour toute une
génération fiévreuse, la sortie du
délire Mao aura été
problématique.
Peu d’individus
sont revenus à la bonne vieille
maison de gauche. Certains ont
cru se délivrer en allant de Mao à
Moïse, ou, mais ça revient presque
au même, de Mao à Bush. Je crois
être le seul à avoir basculé de Mao
au pape. Chacun ses goûts. Benoît
XVI, à Auschwitz, est d’ailleurs
apparu en même temps qu’un arcen-
ciel, signe évident d’alliance
biblique. Qui d’autre l’a
remarqué ? Je ne sais pas.

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Rome, octobre 2000. Audience papale
"Prenez un pape, jetez le dans la mêlée", et vous serez édifié : délires, dévotions débiles, vomissements, agenouillements, crises de nerfs, grimaces obscènes, rictus, transes, scatologie, rien ne manque à la scène. " (Studio).


Angot

Le prochain livre de Christine
Angot, Rendez-vous (2), est
excellent, puissant, rapide, audacieux,
drôle. Il y a là un banquier
pervers, un acteur fasciné par la
littérature, et Angot qui s’offre à
eux, les observe, souffre, se reprend,
l’écriture étant sa seule
vraie vie dramatique. Vous commencez
à lire, c’est immédiat,
vous ne lâchez plus les pages,
vous vous demandez comment
elle va se tirer d’une folie parfaitement
maîtrisée, inceste traumatique,
sincérité, crudité lucide.
Eh oui, il faut s’y faire : Angot
est un des meilleurs écrivains
français d’aujourd’hui. But marqué,
donc. C’est rare.


Monaco

A l’opposé de toutes les
images people, la princesse
Caroline est très intelligente.
Elle vient de me donner un prix [3]. Ça n’a pas de prix.

(1) Gallimard
(2) Flammarion (sortie le 25 août).

Philippe Sollers
Journal du mois
Le Journal du Dimanche, 25 juin 2006




[1Sollers était de ceux-là et avait même commencé à apprendre le chinois. Il s’en explique dans un chapitre d’ Improvisations intitulé « Pourquoi j’ai été chinois ». Non seulement le modèle chinois marxiste-léniniste le séduisait, mais aussi la pensée taoïste capable d’unir, sans conflit, mystique et érotisme :
« Il est certain que la technique chinoise, ce qu’on peut deviner de l’utilisation, tout à fait hors de toute culpabilité, de l’érotique chinoise me paraît dans ses rapports avec la poésie, la peinture, la mystique, quelque chose de très particulier. Je n’en trouve pas trace dans les autres cultures »
(Improvisations)

[2Bar fréquenté par Philippe Sollers

[3Prix littéraire "Prince Pierre de Monaco" 2006 attribué à Philippe Sollers, pour l’ensemble de son oeuvre. ( le prix est aussi doté de 15.000 euros ).

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