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Sollers : Contre-attaque / Extraits

D 2 novembre 2016     A par Viktor Kirtov - C 9 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Dans « Les tribulations d’un auteur de policier avec Sollers » , nous avions présenté Franck Nouchi, l’interviewer de Philippe Sollers pour ces entretiens publiés sous le titre « Contre-attaque ». Le livre est maintenant paru. En voici quelques extraits, par nature réducteurs. Une invite à lire le livre dans son intégralité. Vous pénétrerez dans l’univers Sollers, ses références, ses tics et ses tacs - ses tacles -, c’est-à-dire le battement de sa vie et de son œuvre, ses amitiés et inimitiés, le commentaire sur notre époque d’un écrivain qui a beaucoup lu et beaucoup vécu. D’un écrivain qui observe et note, et nous le fait partager.

« On a voulu m’enterrer, mais j’ai esquivé.
Bonsoir. »
VOLTAIRE
(en exergue du livre)

Contre-attaque
PHILIPPE SOLLERS
Entretiens avec Franck Nouchi
Ed. Grasset, nov. 2016
240 pages

Présentation de l’éditeur
Contre-attaquer à contre-courant : Philippe Sollers ne recule décidément devant aucun obstacle. Ni décliniste, ni souverainiste, ni communautariste, ni péguyste, ni laicard, ni populiste, ce livre en forme de discussions avec Franck Nouchi ne prétend rien moins que de redonner toute sa place – la première – à la littérature.
Seize ans après la parution deLa France moisie,dans les colonnes du Monde, Sollers joue au ping-pong. En tout, treize parties, treize conversations, qui ont eu lieu du 27 octobre 2015 au 25 mars 2016, au gré d’une actualité particulièrement dense.
Idéologues et commentateurs de tous poils, à l’omniprésence médiatique arrogante, en prennent évidemment pour leur grade. Mais, l’essentiel est ailleurs.« C’est le passé qu’il faut redéfinir, dit-il. Dans ce présent instantané, il est en danger. Les morts eux-mêmes sont très en danger parce qu’il est arrivé quelque chose au temps. Hamlet dirait que le temps est sorti de ses gonds. Il y avait quelque chose de pourri au royaume de Danemark ? Il y a quelque chose de maintenant suffocant dans la République française. Il faut changer la répartition passé-présent-avenir. Puisque le présent est devenu instantané, il contamine le passé. Et quand le passé n’est plus vivant, il n’y a plus non plus de futur. C’est pour ça que tout le monde a peur ! ».
Pessimiste, Sollers ? Tout au contraire. A rebours de l’esprit du temps, cette contre-attaque est un message d’espoir. Dans trente ans, dans un siècle, les lendemains se remettront à chanter.

Nota : Tous les entretiens qui vont suivre ont eu lieu chez Gallimard, dans le petit bureau occupé par Philippe Sollers. Pour chaque « séance », il avait rangé soigneusement devant lui une dizaine de cigarettes et griffonné sur une petite feuille de papier un certain nombre d’idées qu’il souhaitait développer. L’actualité du jour ferait le reste. Des attentats de novembre à Paris à ceux de Bruxelles en mars, en passant par les élections régionales de décembre, nous fûmes servis.

Franck Nouchi

27 octobre 2015 : Indéfendable

Un peu de stratégie militaire pour commencer, l’une de tes spécialités. Puisque nous avons décidé de lancer une contre-attaque, commençons par désigner l’ennemi. Qui est-il ?

Celui qui attaque. En bonne stratégie chinoise, il suffit de profiter de la force de l’adversaire pour la retourner. Comme l’a dit Clausewitz, qui a parfaitement raison sur ce point, le fondement de la guerre, c’est la guerre défensive. Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, la guerre défensive ne comporte pas la moindre passivité. Bien au contraire, c’est le comble de la guerre. Le moment de la contre-offensive est prévu dans le dispositif défensif, qui n’implique donc absolument pas qu’on se tourne les pouces dans une forteresse imaginaire.

Si tu le veux bien, en exergue à Contre-attaque, j’aimerais qu’on inscrive cette formule de Voltaire : « On a voulu m’enterrer, mais j’ai esquivé. Bonsoir. » Cette contre-attaque se veut en effet une réplique au désir, non pas d’affrontement, mais d’enterrement, ce qui est une autre période de la guerre.

Comme il est très facile de le vérifier, je n’ai plus, depuis déjà un certain temps, la moindre tribune de presse qui puisse me permettre de répondre aux marionnettes du Spectacle, pour parler comme le trop oublié Guy Debord. Pendant assez longtemps, j’ai eu accès au Monde– on en retrouve la trace dans un recueil qui s’appelle La Guerre du Goût ; j’ai ensuite écrit dans Le Journal du Dimanche– ça a donné Littérature et politique ; et puis enfin à L’Observateur, dont j’ai été remercié, mon dernier texte ayant porté sur Shakespeare.

[Et Sollers de citer deux de ses ennemis : Pierre Bourdieu, Régis Debray, à propos de qui, il cite cette anecdote [1]

Figure-toi, à ce propos, que l’on m’a pressé de toutes parts d’entrer à l’Académie française en même temps que lui. Je n’y suis toujours pas, pas d’avantage à l’Académie Goncourt. Inadmissible ! Nous sommes dans un pays où les institutions comptent !

Mon cas s’est considérablement aggravé, j’en conviens, lorsque, en 1999, j’ai publié un article titré « La France moisie ». Ce texte a été publié en première page d’un journal extrêmement sérieux, de grande portée, qui s’appelle Le Monde. C’est dans ce même journal, quelques années auparavant, qu’un journaliste important, Pierre Viansson-Ponté, avait, juste avant mai 68, publié un article intitulé « Quand la France s’ennuie ».

[...]

[Sollers est comme on dit] : « indéfendable ». Indéfendable, c’est parfait.

30 octobre : Je suis pour la liberté libre

[Sollers évoque un autre de ses ennemis attitrés : L’Express, en la personne de Jérôme Dupuis (après Angelo Renaldi), à propos de Péguy. Je dois avouer que ces vieilles rancunes ont sûrement une vertu purgative pour Sollers qui ne lâche pas facilement sa proie, mais ne font pas vraiment mon miel. Néanmoins on en trouve quand même pour une tartine - avec une pique à Onfray au passage.Et quand Sollers oublie sa rancœur à l’égard de Dupuis, c’est l’occasion d’un approfondissement et mise au point intéressants sur Péguy ainsi que d’autres considérations sur Proust, la philosophie, l’actualité. Au final, chacun peut y récolter son miel favori, et laisser celui qu’il n’aime pas ou moins.]

… Boum ! L’Express poursuit : « Mais comment expliquer que Péguy devienne notre contemporain capital en 2015 [dont la collection “Bouquins” vient alors de republier les principaux textes] ? Peut-être Péguy “arrange-t-il” tout le monde au fond. »

Ah ! Nous y voilà une nouvelle fois. Mais qu’est-ce que ce « fond » ? Attention, nouvelle rafle : « Sartre s’est trop trompé, Malraux a fini en metteur en scène du gaullisme. Gide fut trop détaché et Aragon trop apparatchik. »

Péguy, lui, « est redevenu actuel, en ces temps où la République, la laïcité et l’identité sont au cœur de débats passionnés. Seul le théâtre des opérations a changé : les sunlights d’“On n’est pas couché” ont remplacé les austères unes des Cahiers de la Quinzaine. »

« Autres temps… », ajoute L’Express. « On sourit en effet, songeant aux récents déboires de Nadine Morano, en découvrant sous la plume de Péguy le mot “race” qui revient littéralement à chaque page de L’Argent. La race, le peuple français, les racines chrétiennes de la France, toutes ces expressions aujourd’hui truffées de mines, s’opposent pour lui aux “coups de Bourse” des bourgeois. On ne sera donc pas étonné qu’un penseur comme Michel Onfray », le voilà lui aussi dans cette charrette triomphale, « revendique cette célébration anticapitaliste du peuple. Et, dans le long portrait que Péguy dresse,dans Notre jeunesse, de son ami Daniel Halévy, intellectuel juif bourgeois parisien, on croit revivre au mot près l’opposition Onfray-Bernard-Henri Lévy… »

En considérant la trajectoire, en particulier politique, de Péguy, on peut comprendre que quelqu’un comme Alain Finkielkraut puisse se reconnaître en lui. En revanche, qu’un intellectuel comme Edwy Plenel ne soit pas dérangé par ce mélange de nationalisme et de socialisme…

… et surtout de chrétienté ! Tous ces braves gens viennent buter contre la littérature et contre la po-é-sie ! Les grands poèmes de Péguy sont illisibles. Mais vois ce livre extrêmement important qui s’appelle Le XIXe siècle à travers les âges. [Et aussi ICI] J’ai été ami avec son auteur, Philippe Muray. Dans ce chef-d’œuvre, qui a été très critiqué, il remonte aux origines spiritualistes du socialisme français.

Rien à voir avec les derniers poèmes de Muray qui sont exécrables. De même, Houellebecq, qui est un excellent raconteur, est un très mauvais poète. Les tentatives poétiques de Péguy (Ève, par exemple) sont pathétiques. Il ne reste qu’à ouvrir Baudelaire au hasard pour mesurer l’abîme.

*
Quel est le blasphème le plus profond dans cette morosité générale qui est aussi, paraît-il, une crise d’identité ? Une identité qui s’affirmerait comme heureuse. En cela, je ne suis effectivement qu’un modeste élève de Voltaire. « Je ne sais pas comment j’ai fait pour être aussi heureux », disait-il. Gonflé, non ?

N’oublions pas Stendhal, pour qui Bordeaux était « la plus belle ville de France ». « Ma principale occupation, ou plutôt la seule, a toujours été l’amour », disait-il.

Je crois à la haine inconsciente du style comme disait Flaubert, mais je crois aussi à la haine profonde du bonheur. Aujourd’hui, un écrivain se doit d’être souffrant, maudit ou marginalisé. Ou alors, qu’il décrive la misère. C’est ce que fait, d’ailleurs très bien, Houellebecq à propos de la misère sexuelle. Bravo !

Savoir tomber amoureux, être capable de détecter le sentiment amoureux, c’est également important, non ?

Oh oui ! Pense à Stendhal : son physique n’était pas terrible, et il s’est pris des fiascos considérables. J’en ai parlé dans un roman, Trésor d’Amour.

Note l’inflation idéologique dès lors qu’il s’agit de questions sexuelles. Et souviens-toi du début de Femmes : « Le monde appartient aux femmes, c’est-à-dire à la mort, là-dessus tout le monde ment. »

Si tout le monde ment, ça veut dire que les deux sexes mentent et se mentent l’un à l’autre. Ils ne sont pas conscients de ne pas avoir les mêmes intérêts du tout. Je m’appuie sur un sentiment extrêmement violent de la mort. S’il y a des corps, c’est qu’ils doivent mourir.

Très rares sont les femmes qui reconnaissent avoir mis au monde un être, homme ou femme, pour la mort. C’est très mal de dire une chose pareille. À moins de se référer à la religion.

Dans le catholicisme, le baptême, c’est une seconde naissance. La première est douteuse, c’est du diable qu’il s’agit, avec ses pompes et ses œuvres. La formule du baptême, elle, est tout à fait extraordinaire, mais chut ! Mieux vaut ne pas en parler. On peut toujours relire Dante, cela dit. Lui est allé regarder par là-bas.

L’amour, le sexe, le distinguo est important…

Le profane n’est en rien contradictoire avec le sacré. Titien a peintL’Assomption de la Viergeet une Vénus voluptueusement allongée sur un lit. Aucune contradiction, c’est juste une question de pinceau. Musique sacrée, musique profane : cette distinction est absurde, en tout cas pour un artiste ou pour un écrivain. Il faut toujours refuser la séparation. Le corps humain est capable à la fois d’amour et de libertinage. Sinon sans contradiction, du moins par un très subtil maniement de la contradiction. Tout est dialectique. C’est comme cette idée selon laquelle il faudrait savoir sacrifier la vie à l’œuvre. C’est ce que j’appelle le « catéchisme Flaubert ». Ou encore Julien Gracq : on allait, en pèlerinage, le voir à Saint-Florent-le-Vieil. Touchant.

Pour moi, la littérature est avant tout une école de liberté. Une liberté libre comme dit Rimbaud. Je suis pour la liberté libre !

3 novembre : Le reproche des morts

Tu me disais avoir été trop bref, la semaine dernière, en remarquant qu’en France on ne lisait pas la Bible…

Ne pas lire la Bible, je dis bien toute la Bible, c’est se priver de la moitié, au moins, de la civilisation dite occidentale.
*

La littérature te semble donc très menacée…

La littérature actuelle a ceci de particulier, et peut-être d’ailleurs est-ce un tournant considérable, que ce sont les morts qui sont en danger, et pas forcément ceux qui sont vivants. Il y a les morts vivants et les vivants morts.
« Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs,
Et quand octobre souffle, émondeur des vieux arbres,
Son vent mélancolique à l’entour de leurs marbres »…

dit Baudelaire d’une façon magnifique.

*
Ensuite, est arrivé quelqu’un qui s’appelle Dominique Rolin, une romancière. En tout nous allons échanger des milliers de lettres qui seront bientôt publiées (en février 2017). 1958, j’ai 22 ans, elle en a 44-45. Elle en paraît dix de moins. Je la trouve ravissante, charmante, j’aime beaucoup son rire. Et il se trouve que je ne lui ai pas déplu non plus.
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6 novembre : Un certain rapport au transcendental

[Entre autres, Sollers évoque « Le Bleu du ciel » de Georges Bataille, Miles Davis, Hegel…]

[A propos de « Bleu du Ciel » : ]

C’est probablement un des plus grands livres de Bataille, et aussi de toute l’histoire de la littérature française. Un livre écrit en 1935 à Barcelone, et publié seulement en 1957. Voilà un blanc étrange.

[Sur Hegel, ces mots parmi beaucoup d’autres à découvrir dans le livre :]

Hegel m’intéresse donc beaucoup. De même Spinoza. Toute détermination est une négation. La négation de la négation, l’infini. Quant à Goethe, que dit-il ? « Ich bin der Geist, der stets verneint. » (« Je suis l’esprit qui toujours nie. ») Le diable ne nie pas la négation, il la propage. Napoléon dit ça à Sainte-Hélène : « Je me suis élevé contre la négation qui courait le monde. » Il a fait ce qu’il a pu, mais malheureusement il est allé se perdre en Russie comme chacun devrait mieux le savoir.

13 novembre : Foncer tout droit dans l’intimité des choses


Entre autres, évocation de Céline

20 novembre : Une semaine en enfer

Appelons cette séance « Une semaine en enfer », veux-tu. Et n’oublions pas cette formule de Rimbaud : « Je me crois en enfer, donc j’y suis. »

La question est en effet de savoir qui se croit et qui ne se croit pas en enfer. Un mot d’autant plus bienvenu qu’en parcourant la presse, j’ai lu au moins dix fois le mot « apocalypse », « surréaliste » au moins quinze fois, « dantesque » au moins dix fois. L’Enfer de Dante : personne ne sait de quoi il s’agit puisque personne d’autre –parole de spécialiste– n’a visité la région.

Passons donc sur les métaphores grandioses –« l’Apocalypse », ce n’est pas rien–, passons sur « carnage », « massacre », « horreur » –horreur que je partage bien entendu, ô combien ! – et interrogeons-nous sur ce qui vient de se produire. Sur cette accélération de la mort qui n’est autre qu’une accélération du temps. Toujours ce paradoxe de cette étrange époque : le temps s’accélère et, en même temps, il se contracte.

Tout a donc commencé le 13, au Stade de France, puis à des terrasses de cafés, à Paris, pour finir, momentanément, au Bataclan. Nous voici maintenant arrivés à Bamako. Extrême porosité des frontières. Sécurisation maximum de l’Hexagone.

Quelques remarques, tout de même. Lors des attentats à Charlie Hebdo et à l’Hyper Cacher, nous avions affaire à des tueurs, en quelque sorte, lyriques, romantiques ; de légende. Ils parlaient beaucoup. Ils voulaient venger le Prophète.

Ensuite, tout le monde fut Charlie.

Là, je constate que personne n’a eu l’idée de se confectionner un T-shirt « Je suis Bataclan ». Génération Bataclan, Génération Mitterrand, la rime est étrange. Toute une génération est touchée, on s’incline. C’est l’horreur. L’horreur absolue.

Le mode opérationnel et, surtout, le silence glacé des tueurs achevant les blessés sous leurs pieds malgré les gémissements, les supplications qui se faisaient entendre, tout cela marque quelque chose de tout à fait différent. Au point qu’il faut se demander quelles sortes de substances sont données à ces gens qui ne voient pas de problème à se faire exploser. L’État islamique, le Califat, possède un argent considérable qui provient, pour l’essentiel, du pétrole et de la drogue.

Et dire que, face à cela, avec une indécence incroyable, certains prétendent « écrire sans trembler ». Affichent leurs tronches dans les journaux et magazines. Écrivent « contre la terreur ». Mais je rêve ! Être dans l’enfer fait croire qu’on vit. Mais c’est faux ! Tout à fait faux !

Relis Georges Bataille. Immense écrivain ! Il a mis en exergue à Madame Edwarda une formule de Hegel qu’on est tout étonné de retrouver dans cette région. Je cite : « La mort est ce qu’il y a de plus terrible, et maintenir l’œuvre de la mort est ce qui demande la plus grande force »

Hegel, visiblement, sait de quoi il parle. Et Bataille s’en est souvenu. Son livre est pourtant une très grande séquence hystérico-pornographique qui se situe dans un bordel parisien. En principe, cela n’a donc rien à voir avec la mort.

Les écrivains ne se révèlent qu’avec le temps, j’insiste beaucoup sur ce fait. Et le temps dure d’une façon ou d’une autre. Il a fallu quarante ans pour que les romans de Bataille entrent dans La Pléiade. Il en a fallu vingt-deux pour que Le Bleu du ciel soit publié. Qui peut se douter, au moment où Kafka meurt à Prague, que son œuvre va avoir une valeur d’anticipation et de prophétie aussi considérable ? Personne.

Nous avons déjà évoqué le cas de Proust. Un mot de Joyce, tout seul dans Paris. Personne ne se doute que quelque chose d’énorme est en train de se faire. La presse n’est pas vraiment au courant ; son livre est interdit dans tous les pays anglo-saxons pour pornographie.

Et Céline, que dit-il ? J’ai cherché à être complètement vomi, je l’ai fait exprès, vous pouvez m’appeler mandarin de l’opprobre… Je pourrais prendre d’autres exemples.

C’est plus tard, beaucoup plus tard, que l’on se rend compte qu’il y avait des bombes de mots à retardement.

[…]

[Découvrez dans le livre la suite de ce chapitre d’Histoire contemporaine immédiate, vécue en temps réel et commentée par Philippe Sollers]

27 novembre : On ne remplace pas l’Histoire par la morale

[Le chapitre commence par rappeler l’utilisation à très haute dose du Captagon – une drogue de la famille des amphétamines par les assassins djihadistes :]

Sciences et Avenir dévoile que deux tonnes –10,9 millions de comprimés– ont été saisies par la police turque dans la province de Hatay, frontalière de la Syrie.[…]

Ces esprits faibles et délinquants utilisent donc ce type de substance. On trouve la trace de ce produit au démarrage foudroyant dans deux de mes livres où j’ai supprimé la ponctuation :H (1973) et Paradis (1981, mais écrit à partir de 1974). J’ai gagné des heures grâce à cette formule chimique ; elle ne m’a pas donné envie d’aller tuer qui que ce soit, mais d’écrire un peu plus rapidement.

C’est l’héritier du Corydrane, qui a coûté une partie de sa vue à Sartre, qui s’en gavait pour écrire. L’écriture, je le répète, est un sport de très haut niveau si on le pratique vraiment. Tout le monde croit qu’on écrit comme ça, qu’on barbouille, qu’on tapote à l’ordinateur… Tu parles !

J’ai arrêté ensuite d’en prendre parce que les effets de descente devenaient pénibles. Du coup, j’ai réintroduit la ponctuation dans Femmes (1983). Relis Baudelaire, son Poème du haschich (1858) ; intéresse-toi à Hasan-i Sabbâh, « le vieux de la montagne » qui avait l’habitude de bourrer ses tueurs de haschich avant de les envoyer à la mort tuer des Croisés. Ces derniers, voyant ces gens qui n’avaient pas peur de mourir, les ont appelés les « haschichins ». C’est devenu « assassins » par dérivation.

Au Bataclan, les assassins achevaient les blessés sans aucun état d’âme. Ces pauvres types qui se sont fait manipuler et qui ont été envoyés pour faire le plus de dégâts possible, on connaît maintenant leur référence : un pur produit de la chimie dont personne, apparemment, ne veut parler.

*

[Et le chapitre se termine ainsi :]

En quoi le but de la religion musulmane est-il de mettre fin aux deux autres religions monothéistes ?

Mais c’est le Prophète lui-même qui l’a dit et répété. Ne prenez jamais comme amis des juifs et des chrétiens ! Tu rigoles ? Il affirme même que le Christ n’a pas été crucifié. « Ils ne l’ont ni tué ni crucifié, cela leur est apparu ainsi » (sourate 4, verset 157). Il y a une volonté hégémonique de l’islam, tout comme il y en a eu une, catholique, au moment de l’Inquisition.

Ce qui, bien sûr, n’enlève rien aux apports considérables de la civilisation musulmane et à son admirable mystique.

Aujourd’hui, que dit et que veut cette religion sinon une prise de pouvoir planétaire qui peut prendre des tas de formes ? Après Al Qaida et sa volonté de s’en prendre au Satan américain, voici à présent que l’affaire devient européenne. Ils ont compris qu’il y a un ventre mou, notamment en France, et que c’est là qu’il faut frapper.

On verra bien si l’on parvient à éradiquer l’État islamique comme certains l’annoncent. Ne pas se faire d’illusions : il ressurgira autrement. Cette guerre de religion n’est pas près de finir.

L’embêtant c’est que la religion républicaine est à bout de souffle, de même d’ailleurs que l’Église catholique française. On ne va pas se débarrasser comme ça de la mort.

Souvenons-nous du délire des croisades. Ça a duré un certain temps… Il faut un long chemin pour sortir de la religion. Et les musulmans sont très en retard. Six siècles environ.


Et cette idée que l’Histoire a été remplacée par la morale ?

Il y a toujours eu de la morale, de la « moraline » disait l’autre. On ne remplace pas l’Histoire par la morale. On remplace l’ignorance de l’Histoire par des clichés moraux. Comme a dit mon camarade Voltaire, c’est l’ignorance qui produit le fanatisme. Voilà tout.

4 décembre : État d’urgence

Quelques mots pour commencer sur cette expression que j’aime beaucoup : « L’état d’urgence ».

La France est donc en état d’urgence. Cela m’a rappelé que j’ai toujours eu le sentiment –très violent– de vivre en état d’urgence. Dès l’enfance, pour échapper au mensonge social global, j’ai pratiqué la clandestinité. Je continue de plus belle.

Un petit effet de langage ensuite : on entend sans arrêt parler de Daech. « Daech, Daech », ça sonne bizarrement en français. La dèche, ça rime. La déchéance, le déchet, et être dans la dèche. Juste soit dit en passant, ça me frappe… […]

22 décembre : « Les poètes seuls fondent ce qui demeure »

Quelques mots pour commencer, si tu veux bien, à propos des relations sexuelles.Il est, je crois, capital de comprendre que ça fait déjà plus de vingt ans que nous sommes entrés dans le monde de la souveraineté de la technique. Pour la première fois, la reproduction peut se passer de l’acte sexuel proprement dit. Jusqu’à présent, quels que soient les bavardages qui existent autour de ça, l’acte de pénétration avait, pour les femmes, un possible horizon : la procréation.

La reproduction médicalement assistée change absolument tout. Il n’est plus nécessaire de pratiquer l’acte sexuel pour se reproduire. C’est un événement considérable dans l’histoire de l’humanité, même si ça n’est pas encore partout possible. Autre événement majeur : la diminution significative, en quantité et en qualité, du sperme masculin.

Souveraineté de la technique ! Tout ce qu’elle peut faire, elle le fera : congélation des ovocytes, paillettes stockables, marchandisation. Je suis un des rares écrivains à avoir parlé de ça très tôt. C’est radical, calculable, mesurable et vendable.

*

Houellebecq ?

Il prend des risques. Voilà du réalisme social inattendu. Ouvrons son livre au hasard : « Il est vrai que ce monde où nous respirons mal n’inspire plus en nous qu’un dégoût manifeste, une envie de s’enfuir sans demander son reste et nous ne lisons plus les titres du journal. » Voilà, ça n’en finit plus. Il est venu annoncer une ère de misère. D’où son succès, incroyable, dans le monde entier. La « French misère » !

Il dit que ça va très mal dans une région particulière qui est celle de la sexualité. « La société de consoumission », si tu me permets ce jeu de mots. Une société de surveillance généralisée.

*

« La liberté, l’amour, la poésie », ce sont les trois mots de Breton.

Dans Souvenirs d’égotisme, rédigé en 1832 mais publié en 1892, Stendhal a imaginé son épitaphe : « Je voudrais une tablette de marbre de la forme d’une carte à jouer. Errico Beyle, Milanese, visse, scrisse, amo. » « Il vécut, écrivit, aima. » Il a aimé parce qu’il a écrit.

« L’amour a toujours été pour moi la plus grande des affaires, ou plutôt la seule », disait-il.

Dans l’acte d’écrire, il y a quelque chose qui est plus fort que tout. L’amour est fort comme la mort, dit la Bible dans le Cantique des Cantiques. Mais s’il n’y a pas la mort, pensée, il n’y a rien.

L’urgence, c’est tout de suite. Au présent.Carpe diem, disait Horace, ce qui donne approximativement :« Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain. » Autrement dit, être instant.

Le grand poème Andenken (Souvenir) de Hölderlin, qui célèbre son passage à Bordeaux où il a vu « la royale Garonne », s’achève par ce vers : « Les poètes seuls fondent ce qui demeure. » Tout s’en va, pas eux.

11 janvier 2016 : L’effondrement de la pensée

[Es-tu un écrivain catholique ? questionne Franck Nouchi.
…Dostoïesvski, « L’Idiot », Hitchcock, Cabu, Georges Bataille et Hegel encore… Et plus.]

20 janvier : Sortir de la religion

Nous n’avons pas encore parlé de Philip Roth, cet écrivain juif américain qui ne veut être qu’américain. Regarde là-haut, sur la bibliothèque, derrière toi. « Qui veut prendre du bon temps doit lire Philippe Sollers ». En américain, une citation à propos de la traduction de Femmes aux États-Unis. Roth, un esprit lucide, un type qui te raconte ce qu’était la situation des États-Unis d’Amérique au début des années soixante. Puritanisme insensé, obsession sexuelle. Goodbye, Columbus, Portnoy, scandale absolu.

L’expérience de Roth est fabuleuse. Tu sais ce que faisait son père après qu’il a eu du succès ? Il achetait des livres de son fils et il les signait lui-même : Herman Roth. L’invivable total. Il n’a pas cédé du tout. Très courageux.

Il a donc sur le dos le puritanisme américain –il promet qu’il baisera quarante-huit filles américaines, comme autant d’États des États-Unis. Il a scandalisé les juifs, les communistes et, forcément, les féministes. Il s’est aussi beaucoup occupé de la Tchécoslovaquie au moment où elle était occupée. Sans compter des maladies de dos, des pontages cardiaques invraisemblables. Une vie exceptionnelle.

24 mars : Les deux complexes français

[Sur la France et l’Allemagne, et plus, en guise de conclusion.]

*

Crédit : http://www.grasset.fr/contre-attaque-9782246861348

Le livre sur amazon.fr

oOo


Philippe Sollers se drape dans son indignité

par Boris Senff
24heures.ch/culture/livres/, le 09/01/2017

Littérature. Se plaignant d’être censuré par une omerta médiatique, l’écrivain sonne la « Contre-attaque », quasi-monologue face au journaliste Franck Nouchi.


Philippe Sollers a travaillé avec le journaliste Franck Nouchi (à g.) pour « Contre attaque », son dernier essai. (Image : JF PAGA) -
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Il y a toujours quelque enseignement à tirer des diatribes drolatiques de Philippe Sollers, même s’il faut du temps pour contourner la gigantesque planète de sa tête, grande gazeuse gonflée à l’hélium de sa mégalomanie et de son délire de persécution, pour atteindre les météores de ses raisonnements. Dans le récent Contre-attaque, recueil d’entretiens menés par le journaliste Franck Nouchi, actuel médiateur du Monde, ce vétéran de la polémique littéraire commence en effet par se plaindre de la censure dont serait victime son esprit dans une France qui ne serait même plus « moisie », qualificatif qu’il avait jadis usé à son endroit, mais désormais en « situation d’enlisement absolument catastrophique ».

Qu’importe, le vieux mousquetaire bordelais ne rend pas les armes et dans ce dialogue qui ressemble trop souvent à un monologue complaisant, entend rétablir du même coup et son honneur et celui des Lettres en analysant la déconfiture de son pays à travers le prisme de la littérature. Tant pis s’il cite plus souvent Hegel que Proust, ce « juif homosexuel, qui (…) a le mieux décrit la France des cathédrales et des églises romanes ». Se réclamant aussi bien de la Bible – il serait le seul auteur français actuel à l’avoir lue – que de Guy Debord et de sa critique de la société du spectacle, Philippe Sollers tempête contre le diktat des assignations identitaires. Dès l’exergue de Voltaire (« On a voulu m’enterrer, mais j’ai esquivé »), il se revendique mouvant, irrécupérable pour la fixité et même « indéfendable » – savourez le paradoxe ! Là où d’autres soignent leur vertu, il vante son caractère changeant…

Si l’ancien maoïste qui se mire dans le miroir que lui tendait Barthes ne dansait pas trop vite, certaines de ses flèches pourraient prendre du poids. Sa façon de pointer l’absence de style de ses contemporains sonne juste. Ses accusations contre le mal rampant de l’antisémitisme français aussi… Mais Sollers distribue à tout vent et l’islam en prend évidemment pour son grade avec ses 600 ans de retard. Girouette revendiquée, l’écrivain n’éclaire pas tant en matière politique mais rappelle surtout que l’élégance de l’esprit est la politesse de la pensée libre, fût-elle méchante. Sollers radote, caresse ses rides et ses exploits passés, mais il a au moins ce mérite de rappeler qu’en France, il est loisible de se présenter en réactionnaire sans forcément s’avérer totalement nauséabond.

Crédit : http://www.24heures.ch/culture/livres/

*

Voir aussi « La France suffoque »


[1notations de pileface (V.K.), entre crochets

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9 Messages

  • MN | 16 janvier 2017 - 16:02 1

    Réponse à Bimahir - j’espère sincèrement que vous vivrez assez longtemps pour voir, comme en 1792, le bataillon des Marseillais changer radicalement la donne française puisque depuis sa fondation révolutionnaire Marseille l’est et le reste

    Quant à votre survie, implorez sainte Rita, elle fait des miracles, spécialement dans la cité phocéenne car elle aime les causes perdues ce qui semble être aujourd’hui la marque même de la ville... (pâle soleil, pluies de kalachnikovs, mondialisation phynancière etc.)

    Marseille étant une alliance révolutionnaire, faites-vous faire l’anneau de sainte Rita comme sur cette image

    JPEG - 19.1 ko

  • Viktor Kirtov | 14 janvier 2017 - 17:31 2

    Merci Bimahir de votre témoignage de 12H27 et d’avoir choisi pileface pour le dire.
    Quant à votre message sur Marseille de 14H26, je laisse à mon ami MN, né au-delà de nos frontières du Nord, mais marseillais d’adoption et de cœur, le soin de défendre sa ville. Le cœur a ses raisons que la raison ignore.
    Prenez soin de vous.


  • BIMAHIR | 14 janvier 2017 - 14:26 3

    Monsieur MN,
    je suis, tout comme vous, marseillais. JE NE SUIS JAMAIS ALLÉ A BORDEAUX, je ne peux donc comparer les deux villes. Par contre, l’éloge que vous faîtes de notre ville, est malheureusement, obsolète. MASSILIA A PERDU SON HELLENISME. LE SOLEIL EST devenu BIEN PÄLE. Il singe la lune, le soleil. Le Marseille présent est absent CAR IL A PERDU TOUTE SA SINGULARITÉ. CA NE VIBRE PLUS REVOLUTIONNAIRE. Marseille a DONNÉ :
    - NABE : http://www.dailymotion.com/video/x5hxj1_nabe-lit-rimbaud-chez ; -taddei_creation
    - SUARES : https://www.youtube.com/watch?v=LAWeBK8-_5Y
    - ARTAUD : https://www.youtube.com/watch?v=C3lMGhWFo-A
    DES LIBERTÉS incarnées.
    Aujourd’hui la ville marseillaise s’est faite chanté par la république, trop française, elle est, trop "Gauloise" comme vous le dîtes, donc trop MONDIALE. RICHES EN HORIZONS DIVERSES, la mondialisation phynancière, avec l’aide de la mafia locale, a réussi à retourner ce brassage culturel en bêtise et en pluie de Kalachnikov.... et je tiens à préciser, je suis d’autant plus en colère que je suis un très jeune marseillais issu de l’immigration comoriene. JE NE SAIS PAS CE QUE BORDEAUX EST AUJOURD’HUI, mais me semble-t-il, elle a pu garder un minimum de son prestige. Et j’ose dire, puisque Bordeaux a donné Sollers, l’argent de l’esclavage aura servi à faire entendre une parole libératrice : DE GAULLE.... MAI 68... PARADIS... FEMMES... LA GUERRE DU GOÛT.... COMPLOTS...


  • Bimahir | 14 janvier 2017 - 12:27 4

    Il me reste peu de temps à vivre. J’ai 26 ans. Je suis un jeune marseillais musulman, issu de l’immigration Sub-Saharienne des années 90. Rien "socialement" n’aurait du me conduire ici. Et pourtant, avant de partir, il faut que Sollers sache qu’il y a quelques êtres singulier, contrairement à ce que Zemmour ou Naulleau croient, qui ont tout à fait compris son message. La littérature est bien plus l’âme de l’homme que la politique. C’est en lisant Sollers que je l’ai compris. Je mourrais vivant. Un grand merci.


  • Viktor Kirtov | 9 janvier 2017 - 16:47 5

    Sollers : Contre-attaque / Critique de Boris Senff (24heures.ch/cultures/livres/). C’est ICI.


  • Viktor Kirtov | 2 décembre 2016 - 13:54 6

    C’est l’un des meilleurs livres politiques, sinon le meilleur, du moment, avec les livres sur la technique de Jacques Ellul. Et Sigmund Freud et Jacques Lacan, bien sûr.

    Rien de plus sérieux que le propos de Contre-attaque. La position ironique est une position éminemment politique, au sens du politique et non de la politique. Pour Philippe Sollers elle lui est rendue possible par sa fréquentation assidue des grands textes littéraires. Politiquement c’est, selon nous, la seule position sérieuse. Elections pièges à con. Oui. Du poste où il est, Sollers a une vue imprenable sur le marketing politique, mais aussi sur la pulsion de mort à l’oeuvre sous mille guises. Et il en témoigne. Pour écrire : "La société se dévoue à la négation de la singularité", il faut être décapé de tout ce qui fascine dans la société du spectacle d’aujourd’hui. Et ils ne sont pas nombreux. Mais cela ne suffit pas de le dire ainsi. L’enfance est aussi l’un des paramètres de la boussole infaillible de Sollers. " Pourtant, cette enfance est là, avec les sensations qui touchent à l’ensemble des perceptions dont est capable le corps humain". Pour tout cela, comme Philippe Sollers, je n’ai jamais "urner". Autant pisser dans un violon, pour jouer sur ce néologisme. Le bulletin de vote n’est plus aujourd’hui que l’ancêtre du clic facebookien. Nous sommes en pleine délikessence. Car n’est ce pas le vote qui nous mène à cette situation tragique ? Déléguer aux autres, s’affranchir de toute action en allant donner sa voix, comme on dit, et si on la donne, on ne l’a mathématiquement plus, alors ! Parlons pour soi-même. En donnant ma voix, je deviens inaudible, c’est m’ôter toute possibilité de "donner de la voix". La preuve : beaucoup vont voter à droite alors qu’ils pensent à gauche. Ce n’est pas inaudible çà ? Voter d’un côté et de l’autre s’adonner quotidiennement au calcul des petites etgrandes connivences, aux petits et grands calculs, aux combines, car sinon pourquoi en serions-nous là, dans ce désastre sociétal, si chacun n’avait sa petite ou grande tambouille à entretenir ? L’argent, toujours l’argent ! Il s’en passe des vertes et des pas mûres, dérrière les semblants affichés ! Comment ne pas être sollertien ? Et ce n’est pas aujourd’hui que je vais m’inscrire sur une liste éléctorale. C’est d’un risible ! déconcertant ! Avec toute cette pauvreté et cette précarité qui enfle ! Cette licence donnée à l’a "phynance" comme Alfred Jarry le faisait dire à Ubu. (voir aussi la belle chanson de Dick Annegarn) Cette position donc, je l’estime éminemment politique. C’est une position active. La passivité et les passions sont bonnes pour les urnes. Action et passion, antique antinomie ! Soyons plutôt fidèles à la surprise de l’enfant, et de la langue. Personne alors ne nous empêche d’agir à notre façon. Ce sera souvent modestement, certes, ou en tous cas à la mesure des moyens que l’on a à sa disposition, mais ce seratellement plus digne ! Tout le monde n’a pas la littérature et l’écriture pour arme. Pourquoi la langue ? Ce sont les écrivains, comme l’écrit sollers, qui lui ont donné sa frappe, sa force de frappe. La langue d’aujourd’hui, spectaculaire, n’est que déshabitée. La psychanalyse n’a pas bonne presse en ce moment, mais les plus souffrant de ce ravage de la singularité, la leur, y viennent aussi pour retrouver la frappe de la langue, celle de de leur enfance. Lalangue comme l’écrivait Lacan. Car cette singularité, elle s’écrit, oui, d’une manière ou d’une autre. L’écrire pour ne pas la perdre, se perdre.

    René FIORI

    *

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    oOo


  • MN | 12 novembre 2016 - 19:49 7

    Admirable exclamation de Pipe* Sollers à 9.09 : "Le savoir-vivre, l’identité heureuse a lieu à Bordeaux et pas à Marseille bien entendu". Bigre ! D’où lui vient cette idée ?

    Comme si Bordeaux jouait dans la même catégorie que Marseille ! Massilia, la ville fondatrice de la Gaule antique, porteuse de l’olivier et de la vigne, des arts et des lettres, le berceau, le noyau de la France, la cité de l’alliance révolutionnaire, championne d’Europe, inventrice du pastis et du jeu de boules, grand producteur de papinades, de pignolades croquignolesques passées dans le conscient culturel de tous les Français, la ville dont le nom rime avec soleil, pivot entre le nord, le sud, l’est et l’ouest : euh... que pèse Bordeaux ici ?

    Bordeaux ? Commune agréable certes, province profonde, un brin snob, belle architecture payée par le trafic d’esclaves, la localité préférée des fuyards, lâcheurs, déserteurs et autre gratin moisi de 1870, 1914 et 1940... C’est évidemment assez hénaurme...

    Bah, Bordeaux depuis longtemps a dit son dernier mot quand la cité phocéenne n’a même pas encore ouvert sa bouche...

    * À Marseille Philippe se dit Pipe (sans aucune connotation négative)


  • Viktor Kirtov | 11 novembre 2016 - 16:57 8

    Littérature et politique : Sollers sous les lance-flammes de Zemmour et Naulleau sur Paris première le 9 novembre 2016.


  • Viktor Kirtov | 8 novembre 2016 - 08:45 9

    Philippe Sollers. (©Baltel/Sipa)

    On attend surtout sa Correspondance avec Dominique Rolin, puisque l’époque est aux lettres d’amours clandestines.

    Jérôme Garcin
    L’Obs
    Publié le 07 novembre 2016

    Ils avaient presque vingt-cinq ans d’écart. Ils se rencontrèrent à la fin des années 1950, échangèrent des milliers de lettres enflammées et vécurent une magnifique histoire d’amour clandestine. Comme un troublant écho aux« Lettres à Anne », de François Mitterrand, mais où les rôles seraient inversés, lui jeune homme, elle femme mûre, la Correspondance, longue d’un demi-siècle, entre Dominique Rolin et Philippe Sollers paraîtra en février prochain.

    C’est ce que révèle l’écrivain de « Femmes » à la page 59 de « Contre-attaque »(Grasset, 19 euros), recueil d’entretiens accordés à Franck Nouchi :


    1958, j’ai 22 ans, elle en a 44-45. Elle en paraît dix de moins. Je la trouve ravissante, charmante, j’aime beaucoup son rire. Et il se trouve que je ne lui ai pas déplu non plus.

    Le brillant Bordelais venait de publier son premier roman, « Une curieuse solitude », et la Franco-Belge, d’origine juive et polonaise, prix Femina pour « le Souffle », venait de perdre son mari sculpteur. Coup de foudre réciproque. Jusqu’à sa mort, en 2012, Dominique Rolin allait être « la passion fixe » de celui qu’elle avait surnommé « Jim » et qui disait d’elle :« Je suis moi quand elle est moi. Elle m’a laissé naître, elle saura comment me faire mourir. »

    GIF

    Rien, ni la notoriété grandissante des deux écrivains ni le mariage de Philippe Sollers avec Julia Kristeva, ne devait ombrer cette relation solaire dont un hôtel vénitien fut le repaire et le repère. Mais, contrairement aux « Lettres à Anne », où seules figurent celles de Mitterrand, ce gros volume comprendra les preuves d’amour des deux correspondants. On est impatient de les lire pour y découvrir, comment dire ?, un Sollers attendrissant. Tout le contraire du vieux lion qui, dans « Contre-attaque », sort encore ses griffes.

    A bientôt 80 ans, le contempteur de « la France moisie » ne décolère pas et règle ses comptes. Avec, justement, François Mitterrand, qui a« falsifié l’Histoire », Pierre Bourdieu,« professeur stalinoïde au Collège de France », Régis Debray, coupable d’avoir voulu l’« assassiner »et commis des« romans exécrables », Michel Houellebecq,« excellent raconteur, mais très mauvais poète », Eric Zemmour, promu ici« ministre de la Culture de Marine Le Pen », ou Alain Finkielkraut. Tous animés, selon l’hédoniste Sollers, par « la haine profonde du bonheur » (« Aujourd’hui, un écrivain se doit d’être souffrant, maudit ou marginalisé »), dont sa Correspondance avec Dominique Rolin devrait être l’illustration et la consécration.

    Jérôme Garcin

    Crédit : L’Obs