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L’Infâme aujourd’hui - L’Infini n° 128, Automne 2014

Dante et les Rimes par Jacqueline Risset (extraits)

D 3 septembre 2014     A par Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Philippe Sollers, L’Ange de Proust
Une Princesse de rêve
Éloge de la contre-folie

André Magnan, Voltaire et l’Infâme

Bertrand Bellamy, France-Allemagne : le match

Les équipes [1]. Manet, <i>Lola de Valence</i>, 1862.

Jean-Jacques Schuhl, Miroir-Machine

Olivier Baumont, Les mots de la musique pour écrire l’histoire

Jacqueline Risset, Dante et les Rimes

Les Rimes sont certainement la part la plus oubliée et la plus méconnue de l’œuvre de Dante.
Considérées comme réceptacle des compositions poétiques laissées de côté par l’auteur même, et donc exclues des ensembles bien construits qui forment ce qu’on appelle l’oeuvre dantesque, elles sont traitées comme un « résidu » — le mot a été prononcé à leur propos. Et les critiques qui s’en sont approchés ont concentré leur attention à peu près uniquement sur l’identité des femmes qui y sont chantées : s’agit-il, dans tel poème, de Béatrice, ou de Fioretta, de Violetta, de Lisetta, ou d’une cruelle aussi dure que la pierre, ou encore d’une pure allégorie — Dame Philosophie ?
En fait, les Rimes sont le résultat de vingt-cinq ans d’une expérimentation intense. Elles sont le laboratoire - le seul directement accessible — de la poésie de Dante, et le champ de sa plus grande hardiesse technique, mais aussi le lieu de réussites étonnantes, d’une beauté qui frappe par sa densité et sa modernité expressive. Celui qui a su construire les « rimes pierreuses » et les canzoni de la douleur d’amour est un poète lyrique tout-puissant, qui s’est emparé de toutes les traditions préexistantes, les a réélaborées et réinventées.
Dante explore non seulement les possibilités qu’il découvre dans la tradition, dans toute la poésie médiévale, en particulier, chez les troubadours (du trobar clus d’Arnaut Daniel à qui il fera conclure en provençal le chant XXVI du Purgatoire, "Ieu sui Arnaut...") comme du « premier ami », Guido Cavalcanti.
Dans les Rimes on rencontre aussi bien ce qui sera définitivement exclu du grand livre que ce qui se constituera comme son futur matériau. Et la Comédie est si vaste qu’elle inclut en elle le projet de son contraire ; en ce sens que le choix de Dante, fortement orienté, implique un passage attentif par tous les points, y compris par ceux qui seront écartés du texte définitif. En ce sens, les Rimes sont transgressives par rapport à l’image idéalisée, affadie, monovalente qui est encore pour beaucoup celle de l’auteur de la Divine Comédie, et en même temps elles sont nécessaires pour comprendre à fond le parcours qui mène au grand poème.

Extraits du livre à paraître, les Rimes de Dante, Flammarion, automne 2014.

Invitée d’Alain Veinstein le 4 avril 2014, Jacqueline Risset parle de Rimes, sa nouvelle traduction de Dante.


Pour démarrer l’écoute, cliquez sur la flèche verte (3’30)

Dante, Rimes (extraits), traduction de Jacqueline Risset

Jean-Hugues Larché, De Kooning

Kévin Contini, Le Dimanche du Chinois

Marcelin Pleynet, Paul Gauguin « sauvage civilisé »

Jean-Pierre Briant, Le philosophe de la non philosophie

*

Jean-Hugues Larché, "De Kooning, Standing Figure"

W. de Koonig, Standing Figure (1969-1985). Jardin des Tuileries.

Toute seule, elle se tient cette Standing figure (1969 /1985) de De Kooning.
Cette explosive apparition dans le jardin à la française des Tuileries, comme un aérolite qui serait tombé là, sans faire de marque au sol. Comme une torsion originelle du monde en suspension, une obscénité comique de trois mètres cinquante de haut sur plus de six de large. Son poids me semble être dans les dix tonnes, beaucoup moins si l’on perçoit sa légèreté voulue. Souple gesticulation ténébreuse à trois ou quatre tentacules, elle barrit silencieusement, sûre de sa puissance dans sa belle ironie de plomb. Bronze hystérique à toutes directions, ses appendices sont comme une série de jambes jetées en l’air, comme des modelages naïfs roulés au doigt qui perforent gratuitement l’espace. Je vois une géante écartelée qui se débat, un fauve vrillant en son bond sous l’électrochoc d’un tir de balle, une éclaboussure involontaire de gros pot de peinture, un ressac infini, un combat maladroit à main nues, une partouze compacte, une simple figure debout.

Un grand rectangle en pelouse lui sert de socle. Paris lui a aménagé ce bel espace presque digne des grands jardins des musées américains. Cette figure érectile est aussi bien un Stabat mater qu’une Piéta. De la souffrance, en veux-tu en voilà. Debout, couché, d’accord ! Mais goûte cette suprême force de création dans son dépassement. Elle peut jouir de sa métamorphose perpétuelle. Rire d’elle-même ! Surmonter sa peur d’être incomprise. Laisser libre cours à l’imagination de quiconque. Passer à l’envie d’une situation aplanie à sa propre érection. Son repli et son déploiement sont à volonté. Explosion, implosion, indétermination.
Comme Iris en démultiplicatrice de la projection des dieux avec son ouverture de matrice infinie, cette figure aux reflets clairs qui transpercent son bronze sombre laisse deviner sa matière d’incandescence interne. On sent les geysers, les laves, les purulences la travailler de l’intérieur, cette forme de l’ombre qui s’irradie pour rien,
qui s’aspire dans sa cavité vide. Aucune autre oeuvre ne pourrait bien sûr la jouxter (l’imaginer quand même en suspension dans le baldaquin aux colonnes torsadées du Bernin de Saint-Pierre de Rome).
Impériale matrice du non sens. Sens interdit du dire. Classique ancestrale. Baroque très comique.
Moderne paradoxale. Contemporaine pour rien. Post moderne, pour le moins. Grande fête jubilante concentrée. Dernier grand totem américain échoué ici au coeur de Paris. Retrouvailles de la ronde rituelle aux franges de toutes les couleurs. Ce chant invocatoire du grand chaman hollandais est une incroyable ironie pour l’ultime danse de la pluie. Le rafraichissement des temps oubliés. Contraire parfait de l’intentionnelle mobilité d’un Calder, cette implosion de De Kooning est une plume. Une simple plume. Sensible, très sensible aux courants ascendants et descendants du ciel de Paris.

Jean-Hugues Larché, 2012 [2].


Elle a fini par regarder ce qu’elle m’a vu regarder. Tenir le pas gagné.
Photos A.G., 21 avril 2013, 14h [3].
Manet, <i>Lola de Valence</i>, 1862.

*

[1C’est la France qui gagne. Parmi les remplaçants français : Pascal (ne jouera pas), Voltaire (auteur d’un but qui, en fait, est dû à Nietzsche qui marque contre son camp !), Haenel, Vincent Bellamy (« formé au stade Malherbe de Caen », « le parfait inconnu »), etc... Désopilant (et profond) !

[2Extrait paru en 2013 sous le titre Aération de Paris sur le site Paroles des Jours.

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