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Julia Kristeva, lectrice de Proust

France Inter, 29 juillet - 2 août 2013

D 4 août 2013     A par Albert Gauvin - C 3 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


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Julia Kristeva (photo Sophie Zhang)


Chaque soir à 20h15, France Inter nous invite à passer Un été avec Proust. Après Antoine Compagnon, Jean-Yves Tadié [1], Jérôme Prieur et Nicolas Grimaldi, Julia Kristeva était l’invitée de Laura El Makki du 29 juillet au 2 août.



Julia Kristeva, lectrice de Proust

« Tâchez de toujours garder un morceau de ciel au-dessus de votre vie. »

Ce précieux conseil est donné au narrateur dans Du côté de chez Swann, par M. Legrandin, un ingénieur à la fibre littéraire qui voit déjà en notre jeune héros une nature d’artiste. Et ce « morceau de ciel » qu’il lui intime de garder, c’est justement ce qui pourra préserver le narrateur de la violente réalité, ce qui lui permettra de conserver sa « jolie âme ».

Ce que lui suggère en fait M. Legrandin, c’est de garder une porte ouverte sur l’imaginaire...

La semaine dernière, nous parlions avec Nicolas Grimaldi de l’imagination qui faisait le malheur du sujet amoureux. Cette semaine, nous continuons à étudier cette imagination, mais nous allons essayer de comprendre comment elle se construit au travers de l’écriture.

Et pour en parler, nous recevons la romancière, essayiste et psychanalyste Julia Kristeva qui est aussi professeur de littérature à Paris. Elle a publié en 1994 Le Temps sensible, un ouvrage de référence autour de La Recherche. Plus récemment elle s’est attelée à une question éminemment proustienne dans son livre Pulsion du Temps publié aux éditions Fayard.

Archive : la voix de Roland Barthes (archive INA)
Lecture : la page préférée de Julia Kristeva, extrait du "Temps retrouvé", lu par Denis Podalydès (coffret CD Editions Thélème)

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Ecrire la sensation

« Le passé est caché en quelque objet matériel que nous ne soupçonnons pas. »

Quelques lignes après le drame du coucher, dans Du côté de chez Swann, le narrateur tente de rassembler ses souvenirs de la maison de Combray : la lumière, l’escalier, quelques pièces et bien sûr sa chambre lui reviennent à l’esprit. Mais il constate, pour l’adulte qu’il est devenu, que tout cela est désormais « mort » pour lui. Mais est-ce pour autant « mort à jamais » ?

Le héros n’en est pas si sûr et reste persuadé qu’il est possible de retrouver le passé, non pas en passant par l’intelligence, mais par « quelque objet matériel » que le hasard voudra bien mettre sur son chemin. C’est encore le début de A la recherche du temps perdu, et le narrateur a l’intuition de quelque chose d’immense, qui sera le terreau de son œuvre à venir...

Et cette chose immense prend la forme, un peu plus loin, d’une... Madeleine ! Ce soir donc, il sera question du gâteau le plus célèbre de la littérature française ! Celui que le narrateur fait fondre dans sa bouche et qui est à l’origine de la révélation de la mémoire involontaire.

Quel langage Proust utilise-t-il pour écrire la sensation ? Et comment parvient-il ainsi à nous éveiller à notre propre sensibilité ?

Archive : la voix d’un artisan-boulanger de Illiers-Combray, extrait de l’émission "Surpris par la nuit" sur France Culture, 2002 (archive INA)
Lecture : extrait de "Du côté de chez Swann", lu par André Dussollier, coffret CD Editions Thélème.

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Le regard

« Le seul véritable voyage ce ne serait pas d’aller vers d’autres paysages, mais d’avoir d’autres yeux. »

Nous sommes au 5ème tome de A la recherche du temps perdu, dans La Prisonnière. Le narrateur prononce cette phrase alors qu’il est en train d’écouter le septuor de Vinteuil chez les Verdurin. C’est la première fois qu’il entend cette musique. Et à la manière de la sonate pour Swann, elle le transporte « en pays inconnu » et lui fait ressentir intensément la réalité.

Le musicien Vinteuil parvient ainsi à le faire « voyager », à lui faire percevoir l’univers autrement : il lui donne « d’autres yeux ». Il s’agit là du sens figuré de la vision.

Mais les yeux servent évidemment et avant tout à voir, à regarder, à scruter, et même à « radiographier » le réel. Et le narrateur, tout au long du roman, se délecte de cette activité...

Archive : la voix de Mme Straus (archive INA)
Lecture : extrait du "Temps retrouvé", lu par Denis Podalydès, coffret CD Editions Thélème.

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Picasso, Le rêve, 1932.

Le sommeil et le rêve

« Nous avons tous besoin, pour rendre la réalité supportable, d’entretenir en nous quelques petites folies. »

Dans A l’ombre des jeunes filles en fleurs, le deuxième volume de A la recherche du temps perdu, le narrateur commence sérieusement à s’interroger sur l’amour et ses difficultés. Suite à un malentendu, il ne parle plus à celle qu’il aime, la petite Gilberte, mais espère de toutes ses forces qu’ils vont vite se réconcilier.

Les « petites folies » dont il parle, ce sont donc ces espoirs nécessaires qui lui permettent de croire en des temps meilleurs, et de continuer à vivre. Et c’est un exemple, parmi d’autres, du besoin de rêve à l’œuvre dans La Recherche...

Contre une réalité qui ne cesse d’être décevante, notre héros, lecteur des Mille et une nuits semble avoir trouvé la parade idéale : jamais pleinement endormi, ni totalement réveillé, il joue avec les frontières du songe.

Comment Marcel Proust, l’écrivain insomniaque par excellence, devient-il avec son livre le romancier du sommeil et du rêve ?

Archive : la voix de Jean Cocteau (archive INA)
Lecture : extrait de "Sodome et Gomorrhe", lu par Guillaume Gallienne, coffret CD Editions Thélème.

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Marcel Proust et ses amis © Radio France - 2013 / Gallica - Bibliothèque Nationale de France

Proust, auteur moderne et inclassable

« En être ou ne pas en être. »

C’est en ces termes que Robert de Saint Loup, l’ami du narrateur, désigne le salon des Verdurin, au chapitre III de Sodome et Gomorrhe. Ce salon, cette « secte » comme il l’appelle, il ne souhaite pas y appartenir, et il ne souhaite surtout pas y être introduit. Cela ne l’intéresse pas. Saint Loup s’oppose ainsi au narrateur et au baron de Charlus qui font partie de ce cercle mondain, et qui répondent à toutes ses invitations.

Il y aurait donc deux possibilités de se comporter dans le monde pour l’auteur : il suffit juste de choisir son clan...

Cela paraît simple pour les personnages de A la recherche du temps perdu. Cela l’a moins été pour Marcel Proust lui-même qui a porté toute sa vie, et qui porte encore, la question de son identité sociale. Juif et catholique, solitaire et mondain, romancier et un peu philosophe : Proust est soumis, dans tous les domaines de sa vie, à cette dualité, à ce clivage, qu’il n’a cessé de fuir.

Alors que cela révèle-t-il de lui et de l’image que nous avons de lui aujourd’hui ?

Archive : la voix de Roland Barthes (archive INA)
Lecture : extrait de "Du côté de chez Swann", lu par André Dussollier, coffret CD Editions Thélème.

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Proust : être juif entre la Victoire et la Madeleine

1. Une identité textuelle

Julia Kristeva, Doctor honoris causa de l’université de Haifa, Israël, 27.5.2014, nous fait découvrir les liens complexes de Proust avec la question de l’identité en général et de l’identité juive en particulier. (Talmudiques, Rediffusion d’octobre 2013)

Programmation musicale

L’air d’Eléazar, Rachel quand du Seigneur, par José Carreras, La juive, un Opéra en 4 actes, livret d’Eugène Scribe et de Jacques Fromental Halévy. On pourra aussi écouter la version de Caruso (1920) contemporain de Proust, que Marcel Proust a certainement entendu en concert.

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2. Le fil rouge de la judéité

Julia Kristeva poursuit sa conversation avec Marc-Alain Ouaknin autour des liens complexes de Proust avec la question de l’identité en général et de l’identité juive en particulier et explore les relations qui existent entre l’écriture proustienne et l’herméneutique talmudique.

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« Le temps proustien croise celui de l’histoire : les mutations sociales, l’Affaire Dreyfus, la Première Guerre mondiale, l’antisémitisme, l’identité nationale. Juif et catholique, ni l’un ni l’autre, Proust écrit en moraliste une des fresques les plus complexes de cet univers qui sort de La Bruyère, Sévigné et Saint-Simon pour basculer déjà dans la société de l’éphémère. Mais c’est un moraliste insolite, qui éclaire d’une impitoyable ironie nos vices les plus dérobés, nos amours les plus infantiles. Tissé de perceptions et de fantasmes, ce temps proustien, qui n’est ni celui de Bergson ni celui de Heidegger, devient sensible. À l’imaginaire avide du lecteur, le narrateur offre l’appât savoureux de ses personnages : Swann et Odette, Bloch, Oriane, Verdurin, Albertine, Charlus, dont cet essai aide à retrouver les caractères mêlés aux paysages, églises, dalles et aubépines. Pourtant, dans les plis de longues phrases, dans le cumul des brouillons et des lettres, dans la cruauté et le ridicule des passions, l’insignifiance des amours et le néant des êtres brusquement s’imposent. Les personnages se contaminent et se brouillent, une profondeur secrète les attire. Telle la madeleine trempée dans le thé, ils perdent leur contour absorbé par le style. Ces héros, ces visions, fruits d’une imagination dont Proust disait qu’elle était son seul organe pour jouir de la beauté, finissent par nous laisser un goût, un seul, âcre et tonique : le goût de l’expérience littéraire. Du roman comme thérapie, comme transsubstantiation. » [Quatrième de couverture]

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