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Vers Les Proses Évangéliques d’Arthur Rimbaud

D 17 octobre 2023     A par Albert Gauvin - C 1 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


L’édition d’Une saison en enfer illustrée par Patti Smith comporte la reproduction d’un brouillon d’une des pages des Proses évangéliques (« A Samarie » et « L’air léger et charmant de Galilée ») qui se trouve au dos du manuscrit de Mauvais sang. L’édition préfacée par Yannick Haenel n’en comporte pas. Dans la postface à ce dernier petit livre, Grégoire Beurier qui analyse avec précision ce que les brouillons d’Une saison révèlent (« Rimbaud travaille », souligne-t-il), consacre un petit paragraphe à ce « que la tradition a appelé les proses "évangéliques" ». Il attribue à André Guyaux (2009) le « resserrement du texte » d’Une saison, formule que Philippe Sollers avait longuement justifiée dans La Divine Comédie (2000) comme le montre les extraits de L’éternité retrouvée. La « bibliographie sélective » qui clôt le livre ne mentionne ni le nom de Sollers, ni celui du poète Marcelin Pleynet, pourtant auteur de Rimbaud en son temps. Après avoir rappelé hier comment l’un et l’autre avaient lu Une saison en enfer, je rappelle donc aujourd’hui ce qu’ils avaient dit des Proses évangéliques, ces proses, il est vrai énigmatiques, qui, aujourd’hui comme hier, semblent bien embarrasser les commentateurs.



Rimbaud par Picasso, 13 décembre 1960. [1] Manet, <i>Lola de Valence</i>, 1862.
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Regardez attentivement ce manuscrit.

Rimbaud, Proses évangéliques. A Samarie. L’air léger et charmant de la Galilée.
ZOOM : cliquer sur l’image. Manet, <i>Lola de Valence</i>, 1862.

Ce n’est pas un faux. Il ne s’agit pas d’une nouvelle mystification comme celle de La chasse spirituelle, attribuée à Rimbaud en 1949, et dont Jean-Jacques Lefrère a retracé les péripéties dans un ouvrage récent [2]. Il s’agit des brouillons de deux textes sans titre de Rimbaud — A Samarie et L’air léger et charmant de la Galilée — publiés pour la première fois par Henri Matarasso et Henry de Bouillane de Lacoste dans Le Mercure de France du 1er janvier 1948 [3]. Le deuxième manuscrit — Betsaïda — que vous lirez plus loin se trouve à la Bibliothèque Nationale (n.a.f. 13153). Il fut publié par Paterne Berrichon dans La Revue blanche du 1er septembre 1897 sous le titre imprudent « Page inédite d’Une Saison en enfer », puis, en 1898, à la suite des Illuminations [4]. Les deux manuscrits sont reproduits dans le livre de Claude Jeancolas, Les manuscrits d’Arthur Rimbaud. L’intégrale (éditions textuel, juillet 2012) [5], livre précieux pour qui est encore sensible, au temps du tout numérique, au travail de « la main à plume » ; outil indispensable pour les lecteurs à venir qui s’attacheront à étudier comment Rimbaud a écrit, raturé, corrigé, modifié ses textes au fur et à mesure que sa pensée poétique se précisait (« de la pensée accrochant la pensée et tirant ») et que les « illuminations » approchaient.

J’ai parlé du « travail » de la main. Pour qui n’a vu que les manuscrits des Illuminations, minutieusement recopiés (on dirait presque scolairement), le mot peut surprendre. Et puis Rimbaud n’écrivait-il pas, en 1871, à Georges Izambard, pour qui « on se doit à la Société », qui fait « partie des corps enseignants » et roule « dans la bonne ornière » : « travailler, jamais, jamais ; je suis en grève », pour aussitôt préciser : « je veux être poète, je travaille à me rendre voyant. [...] Les souffrances sont énormes, mais il faut être fort, être né poète, et je me suis reconnu poète. » (lettre à Georges Izambard du 13 mai 1871).

Rimbaud précisera, pourtant, un an plus tard, ce qu’il en est de ce « travail » : « Maintenant c’est la nuit que je travaince. De minuit à cinq du matin. » (sic, Lettre à Ernest Delahaye, Parmerde, Junphe 72, Paris, juin 1872). Commentaire de Sollers dans Studio :

«  Je "travaince" : du latin vincere, "vaincre". Veni, vidi, vici. Travaincer n’est pas travailler. Ça vient tout seul, ou rien. Attention, je travaince, ce sera ma vengeance, et elle n’est pas mince. » (Gallimard, 1997, p. 76. Je souligne)

Ça vient tout seul, ou rien. Mais pas sans lutte et ratures (et « maladresse dans la lutte » écrit Rimbaud au début de Mauvais sang).

La langue française a un beau mot, aux sens multiples, pour désigner de quoi il s’agit, c’est l’épreuve. Que nous dit le dictionnaire ?
« Épreuve. n.f. Conflit éprouvant le courage ou la résistance de quelqu’un : difficulté... Chacun des travaux, exercices ou interrogations dont se compose un examen... Essai pour éprouver la qualité d’une chose... [6] » (Petit Larousse)

Épreuve : « les souffrances sont énormes, mais il faut être fort ».
Épreuve (sans autre examinateur que le poète lui-même) : « La première étude de l’homme qui veut être poète est sa propre connaissance, entière ; il cherche son âme, il l’inspecte, il la tente, l’apprend. » (Lettre du Voyant, à Paul Demeny, 15 mai 1871).

Ces brouillons de Rimbaud sont des épreuves. Il n’est pas interdit d’entendre que ces épreuves sont aussi des preuves. De quoi ? D’une expérience fondamentale qui n’a plus rien à voir avec la « fadasse » « poésie subjective », ni avec les commentaires des « corps enseignants ».

Ces brouillons n’ont pas de titre. Publiés dans les deux premières éditions des oeuvres de Rimbaud dans la Pléiade (1954, 1963) sous le nom de Proses Johanniques - Ébauches, et désormais, depuis l’édition de Suzanne Bernard dans les Classiques Garnier (1960) plus couramment sous celui de Proses Évangéliques ou de Proses « Évangéliques », ces brouillons (ou ébauches) ont été écrits au verso de deux autres brouillons manuscrits des deux textes qui ouvrent, après Jadis..., Une Saison en enfer : Mauvais sang et Fausse conversion (qui deviendra Nuit de l’enfer dans la version définitive). Au verso ou au recto ? Nul ne peut le dire aujourd’hui. On pense en général que les Proses Évangéliques ont été écrites à Roche au printemps 1873 avant que Rimbaud commençât Une Saison. Jean-Jacques Lefrère émet l’hypothèse qu’elles auraient pu être écrites dès 1872 [7]. C’est possible..., de même qu’il est possible que certaines pièces des Illuminations aient été écrites avant ou pendant Une Saison en enfer. Au-delà des raisons factuelles retenues par les commentateurs (le manque de papier), il est permis de considérer que ces brouillons constituent les côtés pile et face d’une même pièce, d’une même partition .

On lit dans Mauvais sang :

L’esprit est proche, pourquoi Christ ne m’aide-t-il pas, en donnant à mon âme noblesse et liberté : Hélas ! L’Évangile a passé ! L’Évangile ! L’Évangile !

Certains ont vu dans cette déclaration un reniement de Rimbaud, un rejet du passé de l’Évangile et du christianisme (Rimbaud aurait été en quelque sorte animé par « l’esprit de vengeance », « le ressentiment contre le temps et son "il était" » [8]). Il ne faut pas exclure cette tentation — le temps d’une saison.

Dans Rimbaud en son temps, Marcelin Pleynet — qui souligne, dans la phrase, « et liberté » mais aurait pu souligner le mot « noblesse » tant il semble indissociable —, écrit, à mon avis, plus justement :

« Le "Hélas !" porte sur le "a passé" », « Passé l’Évangile : c’est dire, c’est vivre, c’est penser ce qui "historialement" passe dans les Évangiles. » (Rimbaud en son temps, Gallimard, 2005, p. 332).
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Rimbaud, première communion, 1866.

Pleynet rappelle aussi en note (cette note a sa portée, ce n’est pas rien) :

Rimbaud est baptisé le 20 novembre 1854. Il fait sa première communion en 1866, il est, à douze ans, "très religieux, premier en instruction religieuse" (voir les anecdotes citées par J.-J. Lefrère, Arthur Rimbaud). Dans les années suivantes, il reçoit les premiers prix d’instruction religieuse. En 1869, il a quinze ans et obtient un second prix d’enseignement religieux. En 1870, il se fait remarquer par un devoir en vers latins sur "Jésus de Nazareth" (comme ouvrier charpentier) (op. cit., p. 323-324. Je souligne.)

Le Jeune Charpentier de Nazareth.
ZOOM : cliquer sur l’image.
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Voici la traduction du devoir de Rimbaud « Le Jeune Charpentier de Nazareth » :

En ce temps-là, Jésus habitait Nazareth. L’enfant croissait en vertu comme il croissait en âge.
Un matin, quand les toits du village se mirent à rosir, il sortit de son lit alors que tout était en proie au sommeil, pour que Joseph, en se levant, trouvât le travail terminé.
Déjà penché sur l’ouvrage commencé, et le visage serein, poussant et retirant une grande scie, il coupait maintes planches de son bras d’enfant.
Au loin apparaissait le soleil brillant, sur les hautes montagnes, et son rayon d’argent entrait par les humbles fenêtres...
Voici que les bouviers mènent aux pâturages leurs troupeaux ; ils admirent à l’envi, en passant, le jeune ouvrier et les bruits du travail matinal.
« Qui est cet enfant ? disent-ils. Son visage montre une beauté mêlée de gravité ; la force jaillit de son bras.
« Ce jeune ouvrier travaille le cèdre avec art, comme un ouvrier consommé ; et jadis Hiram ne travaillait pas avec plus d’ardeur quand en présence de Salomon, il coupait de ses mains habiles et robustes les grands cèdres et les poutres du temple.
« Pourtant le corps de cet enfant se courbe plus souple qu’un frêle roseau ; et sa hanche, droite, atteindrait son épaule. »
Or sa mère, entendant grincer la lame de la scie, avait quitté son lit et, entrant doucement, en silence, elle aperçoit, inquiète, l’enfant peinant dur et manœuvrant de grandes planches... Les lèvres serrées, elle regardait ; et, tandis qu’elle l’embrasse d’un regard tranquille, des paroles inarticulées tremblaient sur ses lèvres.
Le rire brillait dans ses larmes... Mais tout à coup la scie se brise et blesse les doigts de l’enfant qui ne s’y attendait pas.
Sa robe blanche est tachée d’un sang pourpre, un léger cri sort de sa bouche...
Apercevant sa mère, il cache ses doigts rougis sous son vêtement ; et, faisant semblant de sourire, il lui dit : « Bonjour, mère ! »
Mais celle-ci, se jetant aux genoux de son fils, caressait, hélas ! de ses doigts, les doigts de l’enfant et baisait ses tendres mains en gémissant fort et baignant son visage de grosses larmes.
Mais l’enfant, sans s’émouvoir : « Pourquoi pleures-tu, mère qui ne sais pas ?... Parce que le bout de la scie tranchante a effleuré mon doigt ! Le temps n’est pas encore venu où il convienne que tu pleures. »
Il reprit alors son ouvrage commencé ; et sa mère en silence et toute pâle, tourne son blanc visage à terre, réfléchissant beaucoup et, de nouveau, portant sur son fils ses yeux tristes : « Grand Dieu, que ta sainte volonté soit faite ! » [9]

*

Tel universitaire, auteur de nombreux (et nécessaires) ouvrages sur Rimbaud, écrivait encore, en 1987, reprenant la vieille antienne d’Étiemble, grand pourfendeur du mythe Rimbaud [10] :

Rimbaud l’a pourtant crié avec assez de force : "L’Évangile a passé ! L’Évangile ! L’Évangile !". En insérant dans la série de ses oeuvres complètes trois "Proses évangéliques" ses plus récents éditeurs le trahissent. Ils ajoutent encore au mythe. Ils oublient presque que pour lui le Christ n’est pas un commencement mais une fin, la "fin de l’Idylle" (Michel et Christine) [11].

« Michel et Christine, — et Christ ! — fin de l’Idylle. » Ainsi se conclut le poème, écrit en 1972. Mais peut-on lire à la lumière d’un poème écrit en 1872 des textes sans doute écrits en 1873 et qui, à la différence du style de l’ancienne poésie, procèdent peut-être déjà d’une toute autre illumination ?

Jean-Jacques Lefrère, dans les deux pages qu’il consacre aux Proses Évangéliques (sur les 1242 pages de son monumental Arthur Rimbaud, 2001), relève, outre la « proximité matérielle », une proximité de ton avec « un passage de Nuit de l’enfer — chapitre de la Saison dont Fausse conversion est le brouillon ». Il cite :

... Jésus marche sur les ronces purpurines, sans les courber... Jésus marchait sur les eaux irritées. La lanterne nous le montra debout, blanc et des tresse brunes, au flanc d’une vague d’émeraude...

Les commentateurs sont bien embarrassés.

Si « le Christ n’est pas un commencement mais une fin » (Pierre Brunel), pourquoi, en 1873, au moment même où il écrit Une Saison en enfer et lui donne congé (il n’y passe qu’une saison), Rimbaud choisit-il de s’intéresser à saint Jean l’évangéliste ?

Ni fin, ni commencement, ni « fausse conversion », ni conversion, et s’il y avait, à travers le désir éprouvé par Rimbaud de répéter la parole du commencement (d’un certain commencement), un appel à un re-commencement, une renaissance, une insurrection, une résurrection ?

Saint Jean affirme — dès le commencement :

Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu ; et le Verbe était Dieu.
Il était au commencement avec Dieu.

et poursuit un peu plus loin :

Et le Verbe a été fait chair, et il a habité parmi nous ; et nous avons vu sa gloire, sa gloire telle que le Fils unique devait la recevoir du Père ; il a, dis-je, habité parmi nous, plein de grâce et de vérité.

Rimbaud a sûrement ces mots en tête quand il écrit dans Alchimie du Verbe (dont le brouillon — un recto/verso — a été retrouvé en même temps que les Proses Évangéliques) :

J’inventai la couleur des voyelles ! — A noir, E blanc, I rouge, O bleu, U vert. — Je réglai la forme et le mouvement de chaque consonne, et, avec des rythmes instinctifs, je me flattai d’inventer un verbe poétique accessible, un jour ou l’autre, à tous les sens. (je souligne)

A-t-il pu ne pas y penser alors qu’il termine son Adieu à Une Saison en enfer par cette phrase :

et il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et un corps. (c’est Rimbaud qui souligne)

Car le fait est que les Proses Évangéliques de Rimbaud sont inspirées d’abord par l’Évangile de Jean (ce qui justifie pleinement le premier nom qu’on leur a donné : Proses johanniques) dont elles reprennent certains épisodes (Jean, IV, 1-42 pour la scène que Rimbaud situe en Samarie [12] ; Jean, IV, 43-54, pour l’épisode qui se situe en Galilée ; Jean, V, 1-17, pour le miracle de la piscine de Bethsaïda [13]), même si, en les réécrivant (et pour les réécrire ?), Rimbaud s’appuie sur d’autres Évangiles comme l’Évangile de Matthieu (X, 5 : « Ne prenez pas le chemin des païens et n’entrez pas dans une ville des Samaritains »), de Luc (XVII, 11-19) ou encore (pour l’épisode de Bethsaïda et la guérison du paralytique) sur l’Évangile de Marc (II, 1-12).

Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, mais il faudra bien que cela soit « accessible, un jour ou l’autre, à tous les sens ».

*

Citons plus longuement ce que Pleynet écrit à propos des Proses Évangéliques dans Rimbaud en son temps (2005) :

Peut-on, sans être endormi (en enfer), ignorer que sur la portée musicale qui est la sienne, Rimbaud est catholique ?

La portée : peut-on oublier que c’est au dos d’une des Proses évangéliques que figure le brouillon de la première version de l’ouverture de Une Saison en enfer, intitulée Mauvais sang où Rimbaud finalement déclare : « L’esprit est proche, pourquoi Christ ne m’aide-t-il pas, en donnant à mon âme noblesse et liberté : Hélas ! L’Évangile a passé ! l’Évangile ! l’Évangile. »

«  L’Évangile a passé » Hélas ! —« l’idée du Déluge s’est rassise »... les Évangiles ont passé, mais depuis qu’ils ont passé, « depuis qu’ils se sont dissipés, — oh les pierres précieuses s’enfouissant, et les fleurs ouvertes ! — c’est d’un ennui ! ».

Et sans doute est-ce ainsi en effet, et de nos jours plus que jamais dans les « piaulements » et dans la grogne (de la littérature... « des églogues en sabots »), bref pour tout ce qui ne se donne pas une chance de s’éveiller, de ne pas « céder aux instincts délétères à une époque immémoriale ».

Après le Déluge... « l’Évangile a passé »... mais il ne s’en trouve pas moins, sur la portée musicale, au propre d’un destin... et d’une promesse, de cette promesse tenue au nom de l’homme de parole, de l’être de parole qu’est l’homme, au nom de l’alliance que Rimbaud « historialement » réitère.

« La poésie est fondation de la parole et dans la parole est fondé ce qui demeure. Mais ce qui demeure peut-il être fondé ? N’est-ce pas ce qui toujours est déjà là subsistant ? Non ! Il faut que précisément ce qui demeure soit amené à persister contre le flux qui emporte... Il faut que vienne à découvert ce qui supporte et régit l’existant dans son ensemble. Il faut que l’être soit mis à découvert pour que l’existant apparaisse [14] ? »

Il faut qu’un destin (« historial ») soit amené à subsister dans le « flux » de tous les « après », et de tous les Déluges... et il faut alors que soient pensées, vécues sur la partition les dispositions monumentales et plus ou moins ponctuelles de cette historialité.

« Je veux la liberté dans le salut », affirme Rimbaud dans Mauvais sang. « L’homme justement ne devient libre que pour autant qu’il est inclus dans le domaine du destin [15] ? »

*

Alors, en cette fin du XIXe siècle, sur la portée, après le Déluge, c’est aussi le Déluge et les Déluges... Passé l’Évangile : c’est dire, c’est vivre, c’est penser ce qui « historialement » passe dans les Évangiles.

« Et c’est la vie ! — Si la damnation est éternelle ! Un homme qui veut se mutiler est bien damné, n’est-ce pas. Je me crois en enfer donc j’y suis. C’est l’exécution du catéchisme. Je suis l’esclave de mon baptême [16]. » Mais quel autre « baptême » « la liberté dans le salut » !

Rimbaud est baptisé et catholique (« La première étude de l’homme qui veut être poète est sa propre connaissance, entière ; il cherche son âme, il l’inspecte, il la tente, l’apprend. Dès qu’il la sait, il doit la cultiver... [17] »).

Passé l’Évangile — lorsque l’Évangile a passé, qu’en est-il de l’universalité —, que reste-t-il de l’« historialité » du baptême ?

Rimbaud, n’en doutons pas, a consacré de nombreuses « veilles » à cette étude...

« Ce fut d’abord une étude. J’écrivais des silences, des nuits, je notais l’inexprimable ; Je fixais des vertiges [18]. »

« J’ai fait la magique étude... » est explicitement donné dans Alchimie du verbe comme la clef de la Saison...

« Reprenons l’étude au bruit de l’œuvre dévorante qui rassemble et remonte dans les masses [19]. »

Et plus explicitement encore dans Mouvement :

« Ce sont les conquérants du monde
Cherchant la fortune chimique personnelle ;
Le sport et le confort voyagent avec eux ;
Ils emmènent l’éducation
Des races, des classes et des bêtes, sur ce Vaisseau [20].
Repos et vertige
À la lumière diluvienne,
Aux terribles soirs d’étude. »

Faut-il souligner « la lumière diluvienne » ? Cherchant la fortune chimique personnelle à la lumière diluvienne, une « lumière » qui vient du déluge... aux terribles soirs d’étude... de veille.

[...]

(Rimbaud en son temps, p. 330-334)

Peut-on vraiment ignorer, aujourd’hui, la portée signifiante de ces phrases du poète Marcelin Pleynet, infatigable lecteur de Rimbaud ?

Rappelons la dédicace de Rimbaud en son temps :

« A Philippe Sollers dont les travaux (on en trouvera quelques références dans le corps du texte et en notes), et de très nombreux entretiens, de 1961 à ce jour, ont essentiellement alimenté et déterminé la poétique et la politique de la revue Tel Quel comme de L’Infini, et permis ce livre. » (je souligne)

*


Illuminations

Dans un récent entretien avec Frank Charpentier — « Une saison en enfer » : aller-retour (L’Infini 122 (printemps 2013) —, Philippe Sollers le rappelle à nouveau :

on trouve au verso d’Une Saison en enfer manuscrite, ce qu’on appelle les Proses Évangéliques, qui n’ont jamais d’ailleurs été très commentées... Elles gênent, elles gênent les rimbaldiens...

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Piero della Francesca, Ange.
San Francesco, Arezzo.

C’est, en 2003, dans Illuminations (folio 4189) dont le titre premier est Illuminations à travers les textes sacrés (je souligne ce qui est désormais en sous-titre), «  en hommage à Arthur Rimbaud », «  le plus grand poète de tous les temps », que Sollers lit, en les citant dans leur intégralité, les Proses Évangéliques, les commente et les actualise. En ouverture du livre, un extrait de l’Apocalypse de saint Jean écrit vers 95, suivi du poème inachevé de Hölderlin, Patmos, « hommage à la prophétie johannique » dont Sollers cite un extrait de la troisième ou de la quatrième version (1803-1806) qui commence ainsi :

Du Jourdain ou de Nazareth
Et du lac au loin, vers Capernaüm,
Et de Galilée, les brises, et de Cana.
Je suis ici pour peu de temps, dit-il.

Patmos, cette île dans laquelle, dans un autre passage (de la première version cette fois) qui fait étrangement écho aux « horreurs économiques » de notre sinistre actualité bancaire, Hölderlin écrit qu’il « brûlait de descendre » :

Car là ce n’est pas Chypre,
La riche en sources, ni non plus
L’une des autres,
Patmos ne vit pas dans le luxe,
N’empêche, l’hôte, elle l’accueille
Dans sa maison plus pauvre
Avec le sourire [...]
Ainsi prit-elle soin
Jadis du bien-aimé du lieu,
Du voyant, qui avait dans sa jeunesse heureuse
Marché avec
Le fils du Très-Haut [...] [21]

Merveilleux petit livre, ces Illuminations, qu’on peut toujours avoir avec soi (petit par son format, il tient facilement dans la poche) et relire « en "déroulé" » dans son cheminement implacable, mais aussi, comme Barthes le disait à propos de « H », « en "piqué" », « en "prisé" », « en "rase-mottes" » ou « en "plein-ciel » [22]. Loin des érudits commentaires universitaires (sans toutefois les ignorer), écartant toute approche étroitement « poétique », Sollers est le premier, me semble-t-il, à insister sur l’expérience « métaphysique » (physique et méta-physique) de Rimbaud, sa dimension « historiale » et, plus précisément, catholique (qu’une lecture superficielle s’étonnera de voir rapprocher de l’expérience extrême de Nietzsche). Lecture que seuls Marcelin Pleynet dans Rimbaud en son temps (Gallimard, coll. L’Infini, 2005) et, plus récemment, de manière décisive, Olivier-Pierre Thébault, dans La musique plus intense - Le Temps dans les Illuminations de Rimbaud (Gallimard, coll. L’Infini, 2012 [23]), me semblent partager à la lumière de leur expérience poétique propre.

Voici le texte de Sollers que j’ai accompagné en notes, pour les Proses Évangéliques, des commentaires faits par Pierre Brunel (PB) et Claude Jeancolas (CJ) à partir de leurs études des manuscrits de Rimbaud [24], y ajoutant parfois quelques remarques personnelles. Je vous invite à le lire tout d’abord en « prisé » (« je saisis délicatement toute une plage du texte et je la savoure », Roland Barthes).

Qu’Une saison en enfer soit le carnet de « damné » de Rimbaud, il n’empêche : les Illuminations sont, au sens strict, les éjaculations mystiques qu’il a composées sur les feuillets de l’« Ange » qu’il fut en même temps. « Moi ! qui me suis dit mage ou ange... » Rimbaud prévient qu’il ne se croit pas « embarqué pour une noce avec Jésus-Christ pour beau-père ». Néanmoins, de ce « beau-père », non plus que de sa « Mother », la « Mère Rimb », « aussi inflexible que soixante-treize administrations à casquettes de plomb », il ne réussira jamais à se défaire tout à fait. Il a beau faire, assurer qu’il ne se voit jamais dans « les conseils des Seigneurs — représentants du Christ », force lui est d’ajouter un peu plus loin : « Mais l’orgie et la camaraderie des femmes m’étaient interdites. » N’est-il pas celui qui n’a « point fait de mal » — celui qui est « intact » ? N’est-il pas encore celui qui « attend Dieu avec gourmandise », car « la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul » ? Celui enfin qui questionne : « Pourquoi le Christ ne m’aide-t-il pas en donnant à mon âme espace et liberté », avant d’ajouter, en une parole, trois fois explicite, qui évoque, en la renversant, celle de Jésus sur la Croix : « Hélas ! L’Évangile a passé. L’Évangile ! L’Évangile. »

En vérité, Rimbaud ne cesse de penser au Christ :

« Du même désert, à la même nuit, toujours mes yeux las se réveillent à l’étoile d’argent, toujours sans que s’émeuvent les Rois de la vie, les trois mages, le cœur, l’âme, l’esprit. Quand irons-nous, par-delà les grèves et les monts, saluer la naissance du travail nouveau, la sagesse nouvelle, la fuite des tyrans et des démons, la fin de la superstition, adorer — les premiers ! — Noël sur la terre !
Le chant des cieux, la marche des peuples ! Esclaves, ne maudissons pas la vie. »

Des preuves, encore ? Qui se rappelle que Rimbaud a eu la volonté d’écrire une Vie de Jésus ? Qui a lu ces trois textes peu étudiés, les Proses évangéliques ? (En 1655, Pascal déjà avait fait une tentative restée inachevée avec son Abrégé de la vie de Jésus-Christ, succession rapide de « mystères » et méditation rigoureuse sur la Trinité, l’Incarnation et la Rédemption.) Et c’est peut-être dans les Proses évangéliques que Rimbaud approche au plus près l’illumination. Écoutons-le :


À Samarie, plusieurs ont manifesté leur foi en lui [25]. Il ne les a pas vus. Samarie [26], la parvenue [27], l’egoïste, plus rigide observatrice de sa loi protestante que Juda des tables antiques. Là la richesse universelle permettait toute [28] discussion éclairée. Le sophisme, esclave et soldat de la routine, y avait déjà, après les avoir flattés, égorgé plusieurs prophètes.
C’était un mot sinistre, celui de la femme à la fontaine : « Vous êtes prophètes, vous savez ce que j’ai fait. »
Les femmes et les hommes croyaient [29] aux prophètes. Maintenant on croit à l’homme d’État. À deux [30] pas de la ville étrangère, incapable de la menacer matériellement, s’il était pris [31] comme prophète, puisqu’il s’était montré là si bizarre, qu’aurait-il fait ?
Jésus n’a rien pu dire à Samarie [32].
*

L’air [33] léger et charmant de la Galilée : les habitants le reçurent avec une joie curieuse : ils l’avaient vu, secoué par la sainte colère, fouetter les changeurs et les marchands de gibier du temple. Miracle [34] de la jeunesse pâle et furieuse, croyaient-ils.
Il sentit sa main aux mains chargées de bagues et à la bouche d’un officier. L’officier était à genoux dans la poudre : et sa tête était assez plaisante, quoique à demi chauve [35].
Les voitures filaient dans les étroites rues ; un mouvement, assez fort pour ce bourg ; tout semblait devoir être trop content ce soir là.
Jésus retira sa main : il eut un mouvement d’orgueil enfantin et féminin : « Vous autres, si vous ne voyez des miracles, vous ne croyez point. »
Jésus n’avait point encore fait de miracles. Il avait, dans une noce, dans une salle à manger verte et rose, parlé un peu hautement à la Sainte Vierge. Et personne n’avait parlé du vin de Cana à Capharnaum, ni sur le marché, ni sur les quais. Les bourgeois peut-être.
Jésus dit [36] « Allez votre fils se porte bien. » L’officier s’en alla, comme on porte quelque pharmacie légère [37], et Jésus continua [38] par les rues moins fréquentées. Des liserons oranges [39], des bourraches montraient leur lueur magique entre les pavés, enfin il vit au loin la prairie [40] poussiéreuse, et les boutons d’or et les marguerites demandant grâce au jour.
*


Rimbaud, Proses évangéliques. Bethsaïda. ZOOM : cliquer sur l’image. Manet, <i>Lola de Valence</i>, 1862.

 [41] Beth-Saïda [42], la piscine des cinq galeries, était un point d’ennui. Il semblait que ce fut un sinistre lavoir, toujours accablé de la pluie et moisi [43], et les mendiants s’agitaient sur les marches intérieures blémies [44] par ces lueurs [45] d’orages précurseurs des éclairs d’enfer, en plaisantant sur leurs yeux bleus aveugles, sur les linges blancs ou bleus dont s’entouraient leurs moignons. Ô buanderie militaire, ô bain populaire. L’eau était toujours noire, et nul infirme n’y tombait même en songe.
C’est [46] là que Jésus fit la première action grave ; avec les infâmes infirmes. Il y avait un jour, de février, mars ou avril, où le soleil de 2h. ap. midi, laissait s’étaler une grande faux de lumière sur l’eau ensevelie, et comme, là bas, loin derrière les infirmes, j’aurais [47] pu voir [48] tout ce que ce rayon seul éveillait de bourgeons de cristaux, et de vers, de ce reflet [49], pareil à un ange blanc couché sur le côté, tous les reflets infiniment pâles remuaient [50].
Alors tous les péchés [51], fils légers et tenaces du démon, qui pour les cœurs un peu sensibles, rendaient ces hommes plus effrayant que les monstres, voulaient se jeter à cette eau. Les infirmes descendaient, ne raillant plus ; mais avec envie [52].
Les premiers entrés sortaient guéris, disait-on. Non. Les péchés les rejetaient sur les marches ; et les forçaient de chercher d’autres postes : car leur Démon [53] ne peut rester qu’aux lieux où l’aumône est sûre [54].
Jésus entra aussitôt après l’heure de midi. Personne ne lavait ni ne descendait de bêtes. La lumière dans la piscine était jaune comme les dernières feuilles des vignes. Le divin maître se tenait contre une colonne : il regardait les fils du Péché ; le démon tirait sa langue en leur langue ; et riait ou niait [55].
Le [56] Paralytique se leva, qui était resté couché sur le flanc et ce fut d’un pas singulièrement assuré qu’ils le virent franchir [57] la galerie et disparaître dans la ville, les Damnés.
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L’épisode du Paralytique fait allusion aux versets tirés de saint Matthieu :

« Jésus étant entré dans Capharnaüm, un centurion vint le trouver, et lui fit cette prière : Seigneur, mon serviteur est couché et malade de paralysie dans ma maison, et il souffre extrêmement. Jésus lui dit : j’irai, et je le guérirai. » [58]

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La guérison du paralytique.
San Apollinare Nuovo, Ravenne.

Il renvoie également à ce passage extrait de saint Marc :

« Quelque temps après il revint à Capharnaüm.
Aussitôt qu’on eut ouï qu’il était en la maison, il s’y assembla un si grand nombre de personnes que ni le dedans du logis, ni tout l’espace d’auprès la porte ne pouvait les contenir ; et il leur prêchait la parole de Dieu.
Alors quelques-uns lui vinrent amener un paralytique, qui était porté par quatre hommes.
Mais la foule les empêchant de se présenter, ils découvrirent le toit de la maison où il était ; et y ayant fait une ouverture, ils descendirent le lit où le paralytique était couché.
Jésus, voyant leur foi, dit au paralytique : mon fils, tes péchés te sont remis.
Il y avait quelques scribes assis au même lieu, qui s’entretenaient de ces pensées dans leur cœur :
Que veut dire cet homme ? Il blasphème. Qui peut remettre les péchés si ce n’est Dieu seul ?
Jésus connut aussitôt par son esprit ce qu’ils pensaient en eux-mêmes, et il leur dit : pourquoi vous entretenez-vous de ces pensées dans vos cœurs ?
Lequel est le plus aisé ou de dire à ce paralytique : Tes péchés te sont remis ; ou de dire : Lève-toi, emporte ton lit et marche ?
Or, afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a le pouvoir sur la terre de remettre les péchés, il dit au paralytique :
Lève-toi, je te le commande, emporte ton lit et va dans ta maison.
Il se leva au même instant, emporta son lit et s’en alla devant tout le monde ; de sorte qu’ils furent tous saisis d’étonnement, et rendant gloire à Dieu, ils disaient : Jamais nous n’avons rien vu de semblable. » [59]

Là, dit Rimbaud, à Samarie — mais pour lui il s’agit d’ici et d’aujourd’hui, car si le « Dieu fait homme, mort et ressuscité » est une hypothèse sérieuse, elle implique que le Christ est, bien entendu, présent ici et aujourd’hui — donc, là à Samarie, c’est-à-dire en ce moment même en France, « la richesse universelle permettait bien peu de discussion éclairée. Le sophisme, esclave et soldat de la routine, y avait déjà, après les avoir flattés, égorgé plusieurs prophètes ». Continuons par cette autre citation : « C’était un mot sinistre, celui de la femme à la fontaine : "Vous êtes prophète, vous savez ce que j’ai fait." Les femmes et les hommes croyaient aux prophètes. Maintenant on croit à l’homme d’État. »

Actualisons : nous ne croyons ni aux prophètes, ni aux poètes, ni aux hommes d’État, ni aux hommes d’affaires, ni aux hommes, ni aux femmes, ni à l’humanité, ni même à l’argent roi — nous ne croyons plus qu’il y ait lieu de croire quoi que ce soit, ni en quoi que ce soit. C’est l’accomplissement du nihilisme, aujourd’hui encore à ses balbutiements mais qui ne cessera plus de s’accomplir, à moins qu’il ne s’agisse là d’une parole de dernière extrémité : tout est déjà accompli. Quoi qu’il en soit, au moment où il rédige cette prose évangélique, Rimbaud a cette étrange idée de mettre Jésus en situation. Il veut réécrire l’affaire Jésus, pas à la Renan, il ne vise pas le Collège de France, ni une millième thèse. Il se vise lui-même.

« À deux pas de la ville étrangère, incapable de la menacer matériellement, s’il était pris comme prophète, puisqu’il s’était montré là si bizarre, qu’aurait-il fait ?
Jésus n’a rien pu dire à Samarie. »

Jésus n’a rien pu dire à Samarie ? Traduction littérale : Rimbaud n’a rien pu dire à Paris. Alors, il choisit de partir et de se taire. Mais il a écrit ce qu’il a écrit, à jamais.

Dans quelle situation subjective se retrouve raisonnablement celui qui fait l’expérience de la perception christique ? Rimbaud, la suite le prouve, n’a rien d’un fou. Bien au contraire, c’est un nouvel être de raison ; il n’a plus rien à communiquer aux fous de son temps. Il vous engage à sentir « l’air léger et charmant de la Galilée ». Vous imaginez à quel point cet « air léger et charmant » est devenu aujourd’hui toxique. Il n’empêche, ce matin même à Paris, Naples, Bordeaux, Venise, Nantes, Strasbourg, New York ou New Delhi, entendons bien en Galilée, vous avez pu respirer, vous aussi, si vous y avez prêté attention — ce qui n’est pas sûr —, pressé de tous côtés par mille choses à faire, un air aussi léger et charmant. Ensuite, les habitants vous ont reçu avec une joie curieuse, ils vous ont vu, secoué par une sainte colère, fouetter les changeurs et les marchands du temple. Ils ont pensé qu’il s’agissait d’un miracle de « la jeunesse pâle et furieuse ». Car, on le sait bien, la colère de la jeunesse peut être sainte au nom de « l’air léger et charmant ».

Considérez d’autre part la précision avec laquelle Rimbaud, en situation de perception christique, observe la tête d’un officier à genoux devant lui : « sa tête était assez plaisante, quoique à demi chauve ». Ce Christ vécu par Rimbaud a le sens de l’humour. Il voit filer des voitures dans les rues étroites. Il parle un peu hautement à la Sainte Vierge, dans le genre « qu’y a-t-il de commun entre toi et moi ». Puis le récit se fait de plus en plus détaillé : il est question d’« une noce, dans une salle à manger verte et rose ».

Devinez-vous la puissance cinématographique de ce passage, en couleurs, j’insiste ! Nous n’avons rien observé de semblable dans l’industrie du cinéma, en dépit de ce drôle de saint que fut Pasolini qui, en noir et blanc, nous a montré un Christ éclatant de vérité dans sa Passion selon saint Matthieu — film dédié à Jean XXIII et Grand Prix de l’Office catholique du cinéma [60]. Ce Saint-Office n’a pas fait, que je sache, une percée dans les salles obscures. C’est bien dommage : on pourrait tirer de la vie de Jésus au moins deux cents films plus passionnants les uns que les autres, pourvu qu’ils soient aussi précis que le Rimbaud des Proses évangéliques. Nous emmènerions Renan au cinéma, et pourquoi pas Lévi-Strauss ? Après tout, le Collège de France reste la plus haute instance du savoir. Ajoutez deux ou trois philosophes de renom, ce serait une biennale à couper le souffle.

« Personne, continue Rimbaud, n’avait parlé du vin de Cana — attention ici zoom sur le vin de Cana, un familier des margaux vous parle — à Capharnaüm, ni sur le marché, ni sur les quais. Les bourgeois peut-être. » Qu’ont dit les bourgeois du vin de Cana ? Peut-être ceci : où peut-on l’acheter ? y a-t-il un restaurant où on le sert ? J’ai bu un très bon cana hier. Il paraît qu’à Cana la récolte a été très bonne, mais qu’il y a aussi des problèmes de falsification de certaines bouteilles et que l’exportation a fléchi...

Quoi qu’il en soit, Rimbaud avec un naturel et une désinvolture qui ne nous surprennent pas de sa part, intimement au fait de ces propos, nous décrit l’officier dont il vient de guérir le fils qui s’en va « comme on porte quelque pharmacie légère », alors que Jésus continue sa route, dit Rimbaud, par « les rues moins fréquentées ». Et que découvre-t-il à ce moment, ce Jésus, à travers les yeux du poète ? « Des liserons orange, des bourraches montraient leur lueur magique entre les pavés. Enfin il vit au loin la prairie poussiéreuse, et les boutons d’or et les marguerites demandant grâce au jour. » Dans le film tiré de ce passage, comme le plan fixe sur les liserons, la prairie poussiéreuse, les boutons d’or et les marguerites dure une heure, le producteur se plaint, il retire son budget de cette affaire qui s’annonce très mal et le scénario, pourtant passionnant à mes yeux, n’obtient pas, malgré quelques pressions de bonne volonté, l’avance sur recettes. Nous voilà bien !

D’autant que tout se gâte dans la troisième partie. Après une heure sur les fleurs vues par Jésus, ce qui, admettez-le, est un scoop — comment Jésus voyait-il les fleurs, les fleurs du bien ? — on arrive à la piscine de Beth-Saïda qui est, dit Rimbaud, « un point d’ennui ». « Il semblait que ce fût un sinistre lavoir, toujours accablé de la pluie et moisi ; et les mendiants s’agitant sur les marches intérieures blêmies par ces lueurs d’orages précurseurs des éclairs d’enfer, en plaisantant sur leurs yeux bleus aveugles, sur les linges blancs ou bleus dont s’entouraient leurs moignons. »

Tintoret, La piscine probatique. Huile sur toile 529x533 cm. 1578-1581 [61].
Venise, La Scuola Grande di San Rocco.
Photo A.G., 9 juin 2019. ZOOM : cliquer sur l’image.

Ce Jésus, dit Rimbaud, fait là sa première action grave avec « les infâmes infirmes ». Le rapprochement inhabituel de ces deux mots ne devrait pas nous étonner si nous avons lu l’épisode d’Ainsi parlait Zarathoustra sur la rédemption [62].

« Comme Zarathoustra un jour franchissait le Grand Pont, les éclopés et les mendiants l’entourèrent, et un bossu lui parla ainsi :
"Regarde, Zarathoustra ! Même le peuple s’instruit à t’écouter et la foi en ta doctrine le gagne : mais pour qu’il te croie tout à fait il est encore besoin d’une chose — il faut que tu nous convainques, nous les éclopés ! en voici sous tes yeux une digne sélection, en vérité une occasion que tu ne peux manquer ! Tu peux guérir des aveugles et faire marcher des paralytiques ; et celui qui en a trop sur le dos, tu pourrais sans doute lui en ôter un peu : — à mon avis, ce serait une bonne façon d’inciter les éclopés à croire en Zarathoustra !"
Mais voici comment Zarathoustra répondit à celui qui avait discouru de la sorte : "Si l’on retire sa bosse au bossu, on lui ôte son esprit — la sagesse du peuple le dit. Et si l’on rend ses yeux à l’aveugle, il lui apparaît trop de choses mauvaises sur la terre : en sorte qu’il maudit celui qui l’a guéri. Mais le plus grand tort, c’est en faisant marcher un paralytique qu’on le cause : car à peine peut-il courir qu’il se sauve avec tous ses vices — voilà ce que dit la sagesse du peuple au sujet des éclopés. Et pourquoi Zarathoustra ne devrait-il pas lui aussi s’instruire auprès du peuple, s’il est vrai que le peuple s’instruit à écouter Zarathoustra ?"
Depuis que je suis parmi les hommes, le moindre de mes soucis, c’est bien de voir ceci : "À un tel manque un œil ; à tel autre une oreille, à tel troisième une jambe, et il y en a d’autres qui ont perdu la langue ou le nez ou la tête."
Je vois, j’ai vu bien pire, des choses si horribles que je suis incapable d’en parler — ou que je ne puis garder sur elles le silence : j’ai vu des hommes à qui tout manquait, sauf un seul membre dont ils avaient bien trop — des hommes qui n’étaient rien qu’un grand œil, une grande gueule ou un gros ventre ou n’importe quoi d’autre de gros — ces hommes-là, je les appelle des éclopés à l’envers. »

Encore une fois, sur quoi Rimbaud insiste-t-il ? Sur la description du bien :

« Il y avait un jour, de février, mars ou avril, où le soleil de deux heures après midi, laissait s’étaler une grande faux de lumière sur l’eau ensevelie, et comme, là-bas, loin derrière les infirmes, j’aurais pu voir tout ce que ce rayon seul éveillait de bourgeons et de cristaux et de vers, dans le reflet, pareil à un ange blanc couché sur le côté, tous les reflets infiniment pâles remuaient.
Alors tous les péchés, fils légers et tenaces du démon, qui, pour les cœurs un peu sensibles, rendaient ces hommes plus effrayants que les monstres, voulaient se jeter à cette eau. Les infirmes descendaient, ne raillant plus ; mais avec envie. »

On retient trop vaguement ce que le Christ a dit. C’est grave, puisque ses paroles sont censées ne jamais passer, ni être au passé — mais quant à le mettre en situation, dans le saisonnement du temps, à travers une vue perçante, là, plus personne ne se risque.

Dans le passage cité, Rimbaud décrit un instant bien précis, celui où une grande faux de lumière implique qu’en se jetant à l’eau, à ce moment-là, la guérison est rendue possible. Rimbaud raconte ensuite ce que l’on dit de la superstition locale, à savoir que les premiers entrés étaient les premiers guéris. Et il ajoute, tranchant : non. « Les péchés les rejetaient sur les marches, et les forçaient de chercher d’autres postes : car leur Démon ne peut rester qu’aux lieux où l’aumône est sûre. » Il vient d’être midi, personne ne lave, ni ne descend de bêtes. « La lumière dans la piscine était jaune comme les dernières feuilles des vignes. Le divin maître — tout mettre au présent — se tenait contre une colonne : il regardait les fils du Péché ; le démon tirait sa langue en leur langue ; et riait ou niait. » Ce rire de négation doit nous rappeler qu’au début d’Une saison en enfer nous avons une phrase explicite : « Je me suis allongé dans la boue. Je me suis séché à l’air du crime. Et j’ai joué de bons tours à la folie. Et le printemps m’a apporté l’affreux rire de l’idiot. » Le démon est évidemment idiot. Les possédés du démon sont saisis par l’idiotie. Et le dernier mot de cette prose évangélique est « les damnés ».

Rimbaud, qui dans ce passage se décrit comme Jésus guérissant un paralytique, commence justement sa Saison en enfer en disant qu’il va détacher « quelques hideux feuillets de son carnet de damné ». Quand vous lisez que ce paralytique se lève et que « les damnés le voient d’un pas singulièrement assuré », vous entendez aussi la fin d’Une saison en enfer :

« Oui, l’heure nouvelle est au moins très sévère.
Car je puis dire que la victoire m’est acquise : les grincements de dents, les sifflements de feu, les soupirs empestés se modèrent. Tous les souvenirs immondes s’effacent. Mes derniers regrets détalent, — des jalousies pour les mendiants, les brigands, les amis de la mort, les arrières de toutes sortes. — Damnés, si je me vengeais !
Il faut être absolument moderne.
Point de cantiques : tenir le pas gagné. »

Autrement dit, il s’agit de ne pas rester possédé. Et qu’est-ce que guérir, sinon rentrer en possession de soi-même ?

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Quand Nietzsche dans ses derniers messages parle de « Dionysos contre le Crucifié », nous devons entendre que le prodigieux courant de force qui résulterait réellement de la résurrection n’ose pas être pensé et, par conséquent, que le sacrificiel mortel l’emporte sur toute représentation du corps ressuscitable.

Pour Hölderlin, Héraclès, Dionysos et Jésus sont frères. Je cite des fragments de son poème L’Unique :

Mais je le sais, la faute
Est de moi seul. Car une ferveur trop vive
À toi me lie, ô Christ !
Et cependant tu es le frère d’Héraclès.

Et plus loin :

Héraclès est tel un prince. Et Dionysos l’unanime esprit.
Mais le Christ est
La fin. Et sans doute d’une autre nature encore, mais il parfait
Ce qui manquait aux autres pour
Que la présence des Divins fût totale.

Philippe Sollers, Illuminations, folio 4189, p. 75-92.

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Si, comme le dit Sollers, Rimbaud « n’a rien d’un fou » mais est ce « nouvel être de raison » qui « n’a plus rien à communiquer aux fous de son temps », rien ne vous empêche de réécouter maintenant La parole de Rimbaud lue par Philippe Sollers, notamment la dernière partie À une Raison.

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À une raison

Un coup de ton doigt sur le tambour décharge tous les sons et commence la nouvelle harmonie [63].

Un pas de toi, c’est la levée des nouveaux hommes et leur en-marche.

Ta tête se détourne : le nouvel amour !
Ta tête se retourne, — le nouvel amour !

« Change nos lots, crible les fléaux, à commencer par le temps », te chantent ces enfants. « Élève n’importe où la substance de nos fortunes et de nos vœux » on t’en prie.

Arrivée de toujours, qui t’en iras partout.

Arthur RIMBAUD, Illuminations.

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Ici, c’est, une fois de plus, Fragonard qui donne le ton.


Fragonard, L’amant couronné, 1771-1773.
Photo A.G., Grasse, Villa Fragonard, 25 août 2020. ZOOM : cliquer sur l’image.
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Dans l’Ouverture de son livre sur Le Temps dans les Illuminations de Rimbaud, La musique plus intense, Olivier-Pierre Thébault écrit de son côté :

Singularité des « Proses évangéliques »

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Fleurs de pêcher sur la rive.
Je parle avec ma main,
tu écoutes avec tes yeux :
il n’est donné à l’ignorant de connaître
cet échange subtil
Shitao

Rimbaud possède à loisir cette aptitude surhumaine consistant à laisser vivre en lui tous les temps, avec leurs univers. Nous avons ici l’exemple rêvé pour venir conclure ce qui précède. Si se multiplient — les prétextes à pareil pullulement sont nombreux — les récits de la vie de Jésus, qu’ils soient psychologiques, historiques, ou simplement théologiques, ou encore une combinaison plus ou moins habile et savante de ces éléments, seul un poète, mieux qu’un penseur, ou plutôt seul un poète qui pense (ce qu’est Rimbaud) sait véridiquement restituer dans les mots cet avènement de l’absolu en tant qu’esprit qu’est celui du Messie. Pourquoi ? Parce que d’être poésie qui pense, en acte, est la nature, tant de Rimbaud que du dénommé Jésus [64], et que seule cette affinité de nature permet à Rimbaud de s’exprimer aussi librement, et avec justesse, qu’il le fait. La tonalité poétique fondamentale de sa singularité s’accorde à celle de l’universalité christique, vibre avec elle à l’unisson dans une parfaite harmonie. Parce que Rimbaud est le témoin du Temps, il peut, avec aisance, devenir l’apôtre de la bonne nouvelle messianique [65], de ce que j’appelle « la messianité du Temps » — dans laquelle il n’y a ni avant ni après.
Il a plus de souvenirs que s’il avait mille ans. Le christianisme n’est pas antique ou se tenant au loin, mais en lui vivant.
« L’anachronisme [sic] systématique » relevé par le commentateur de la Pléiade ne se limite pas à la comparaison entre Samarie et la perfide Albion protestante, bien que ce soit, étrangement, le seul exemple donné pour étayer cette assertion. Pour être tout à fait clair, il faut dire que Rimbaud vit, dans sa langue, l’expérience de Jésus et qu’il l’exprime donc pour son temps — dans tous les sens : le temps de l’époque qui lui est contemporaine, celui de son Verbe.
D’où, premièrement, la modernité évidente du lexique : outre ce qui concerne Samarie portraiturée en « rigide observatrice de sa loi protestante », il est question de « voitures » filant dans des « étroites rues », d’un « bourg », d’une « salle à manger verte et rose », de « bourgeois », d’une « pharmacie légère », de « buanderie militaire » ou de « bain populaire », etc.
D’où, deuxièmement, que, dans ces Proses évangéliques, confirmation définitive, l’on retrouve déjà le temps des Illuminations, dans la description des fleurs en quelque sorte prêtée à Jésus voyant la campagne, ou en tout cas à son évangéliste :

« Des liserons oranges, des bourraches montraient leur lueur magique entre les pavés. Enfin il vit au loin la prairie poussiéreuse, et les boutons d’or et les marguerites demandant grâce au jour. »

Le temps des Illuminations est déjà là, dans la présence même du langage. En effet, ces deux phrases sont d’une nature poétique comparable à celle des Illuminations, que Rimbaud construit, comme il l’affirme lui-même dans Guerre, par analogie avec les phrases musicales [66] (il y en a aussi quelques-unes dans certains poèmes, mais en vers [67], ou surtout dans Une saison en enfer, mais ici la proximité avec les Illuminations est confondante, bouleversante). Cette analogie se vérifie à un certain ton de jouissance de la phrase rimbaldienne audible dès la première écoute. La lueur magique des fleurs initiales évoque même directement ces fleurs magiques qui bourdonnent dans Enfance.
Donc, plutôt que de parler d’ « anachronisme » comme le fait ce petit spécialiste autorisé, ce qui n’est pas sans un certain relent accusateur tant le terme est péjoratif — comme s’il s’agissait là d’une faute de Rimbaud ! —, il faudrait parler d’une aufhebung du temps de l’époque et de la vie, intrinsèquement verbale, de Jésus dans celui de Rimbaud, de son Verbe virevoltant et électrique, le premier se trouvant accompli dans le second (sur l’accomplissement de la temporalité de la poésie biblique dans celle de Rimbaud, nous aurons largement l’occasion de revenir...).
Ainsi, par l’art d’écrire propre au Voyant, la vie du dénommé Jésus est devenue l’une de ses vies, Rimbaud est bien un saint Jean « absolument moderne ».

Olivier-Pierre Thébault, La musique plus intense, Gallimard, 2012, p. 36-39.

D’autres extraits de l’Ouverture dans Vers les « Illuminations ».

Vous trouverez un inventaire des différentes lectures qui ont été proposées des Proses évangéliques dans cette bibliographie détaillée. Les interprétations de Pleynet et de Sollers n’y figurent pas. Mais l’auteur a l’amabilité de signaler mon article dans un lien qui, hélas, ne fonctionne pas. A.G.

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Cinéma 68 !

Vous n’êtes pas convaincus ? Tout cela vous paraît incroyable ? Vous vous dites : Quoi ! Encore des (faux) évangélistes ? Du Christ ? De Rimbaud ? De Pleynet ? De Sollers lui-même ? « Ce Christ vécu par Rimbaud a le sens de l’humour », écrit Sollers dans Illuminations.


Buñuel sur le tournage de La voie lactée (1968)
Zoom : cliquez sur l’image.
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Un peu d’humour donc ! Regardez ces courtes séquences de La voie lactée tournée par Luis Buñuel entre le 26 août et la mi-octobre 1968 (pas n’importe quelle date), deux ans après Belle de jour. Buñuel, qui aimait à dire : « Grâce à Dieu, je suis toujours athée ! », y montre, en subtil (a)théologien espagnol, avec sa verve ironique et baroque impayable, le seul Christ décidément « naturel et désinvolte », aimable, que le cinéma ait filmé (avec celui de Pasolini, admirable, « éclatant de vérité » (Sollers), mais nettement plus sévère [68]).

« Il n’y a pas de dieu »

Méditation théologique du maître d’hôtel dans un grand restaurant.
Extraits de Sade, Justine ou les malheurs de la vertu : « Il n’y a pas de dieu. Toutes les religions partent d’un principe faux, Thérèse... »

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Les noces de Cana

Deux scènes montrent un Christ alerte et joyeux
en route vers Cana avec ses disciples (Matthieu 12, 46-50 et Marc 3, 31-35)
aux noces de Cana (récit de l’intendant infidèle : Luc 16, 19 ; changement de l’eau en vin : Jean 2, 1-3)

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La guérison des aveugles

Méditation sur le "miracle"... cinématographique.

Jésus remet Pierre à sa place (« Loin de moi, Satan », Matthieu 16, 22-23), guérit les deux aveugles (Matthieu 9, 27-30 et Marc 8 22-25. Miracle relaté dans Matthieu 8, 23 et Jean 9, 6) et proclame qu’il n’est pas venu apporter la paix mais le glaive (Matthieu 10, 34-36 [69] [70])

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Le film s’achève sur cette séquence. Les aveugles hésitent avant de franchir un fossé, l’un des deux le franchit, l’autre pas. Buñuel en proposait une double interprétation : ou il n’y a pas eu de miracle et les aveugles n’ont pas voulu décevoir le Christ en le lui disant, ou bien il y a eu un miracle et ils sont tellement pris dans leurs habitudes qu’ils en doutent encore [71]...

Dans un entretien récent pour la revue Sofilm, Sollers déclare :

«  Il y a aussi quelqu’un qui m’a amusé, c’est Buñuel. Oui Buñuel est là, il fait tout ce qu’il faut pour essayer de pénétrer dans la chose que je viens d’évoquer [la substance féminine], mais il s’en tient trop au mensonge. Il y a quelque chose qui n’est pas saisi. Quoique... ma plus grande émotion au cinéma, c’est quand même Un Chien andalou, parce que là c’est difficile de faire mieux avec la lune et l’œil. L’Age d’or est moins bon quoique intéressant. [...] Vous connaissez cette histoire ? Buñuel arrive à New York et est invité à déjeuner par Cukor. Ah, Cukor, celui-là ! Dans son film The Women, pas un homme, que des femmes. Que c’est intéressant, moi je trouve qu’il est très fort [72]. Bref, Buñuel arrive à New York et toutes les huiles du cinématographe sont là, Billy Wilder... et Hitchcock [73] ! On demande à Hitchcock ce qu’il pense de Buñuel, alors il dit une chose très modeste, très simple, il dit : "Après moi, c’est lui"... » Cf. Contre le cinéma.

Jean-Claude Carrière, scénariste de six films de Buñuel, confirme :

« Hitchcock avait déclaré à un journaliste américain qui lui demandait quel metteur en scène il admirait : "À part moi, Buñuel" ! (rire) Lors d’un déjeuner mythique à Hollywood, j’ai joué les traducteurs entre ces deux Maîtres. Hitchcock connaissait par cœur les films de Buñuel. Il admirait tout particulièrement la séquence de Tristana, adapté d’un roman de Benito Pérez Galdós, où l’on découvre l’héroïne après son amputation. Elle joue du piano. La caméra descend sur son unique jambe, puis remonte sur le visage de Deneuve qui a adopté un masque de dureté. Tristana est devenue une autre femme. Buñuel respectait aussi beaucoup le cinéma d’Hitchcock, mais il le traitait de starlette à cause de ses fameuses apparitions. Lorsque Luis est apparu dans Belle à jour, je lui ai déclaré : "Maintenant, il y a deux starlettes". Ça l’a fait rire ! » Jean-Claude Carrière : Luis Buñuel, mon Maître

CQFD.

A.G., 26 mars 2013, entre le dimanche des Rameaux et
le jour de Pâques (semaine sainte) ; 25 décembre 2021.

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Un cinéaste de notre temps : Luis Buñuel

par Sacha Vierny et Robert Valey (1964).

Premier film de la série Cinéastes de notre temps d’André Labarthe et Janine Bazin, ce portrait de Luis Buñuel se décline en deux parties : la première s’attache à retracer la vie de l’artiste et cinéaste surréaliste, la seconde est un entretien avec l’auteur de L’ Âge d’or.
« Ce qui m’a frappé, ce soir où je le voyais pour la première fois, c’est, dans ce visage assez terrible, un regard d’enfant, un sourire qui est le sourire de l’enfance. » François Mauriac, Le Figaro littéraire, mai 1964.
« Rapprochement de films anciens et récents, d’idées et de thèmes, témoignages qui sont comme autant de coups de projecteur. Aucun visage qui soit indifférent, aucune anecdote qui n’ait son intérêt. Buñuel d’abord : on le voit assez peu. Dans la seconde partie, on le voit de plus en plus et bientôt on ne voit que lui. Le portrait est remarquable. » Jacques Siclier, Le Monde, avril 1964.

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Portfolio


[1Lithographie, sur Arches, signée au crayon.
En ZOOM : Lithographie originale, signée au crayon, exécutée pour l’album Arthur Rimbaud vu par les peintres contemporains. Edition « Au dépens d’un amateur », Nice.
Au total 104 épreuves signées + Quelques épreuves sur papier de couleur Richard de Bas rouge.

[3Après avoir appartenu à l’éditeur Vanier, puis à son successeur Messein, au libraire Matarasso, qui les céda à Jacques Guérin, le manuscrit a été préempté par la BnF en 1998 pour 2 900 000 francs.

[4Une Saison en enfer, le seul livre que Rimbaud décida de publier en 1873 (500 exemplaires, 1F. Alliance typographique, M.-J. Poot et Cie, 27, rue aux Choux (!), Bruxelles) restera, à l’exception de quelques spécimens, chez l’éditeur jusqu’en 1901. Son acquéreur ne révèlera sa découverte qu’en... 1914. «  Le petit volume, le seul publié par l’auteur de son vivant sans aucun effet (il a fallu quarante ans pour le découvrir), est un explosif à long terme. » (Sollers, Salut de Rimbaud, 2004).

[5Il y a en fait trois feuilles, la 2ème feuille ne comportant qu’une ligne : la dernière ligne de L’air léger..., reproduite en haut de Bethsaïda.

[6Autres significations : « Épreuve d’artiste : estampe tirée par l’artiste qui en est l’auteur, en principe à titre d’essai... En photographie : image obtenue par tirage d’après un cliché. »

[7Sur la base d’un témoignage tardif de Jean Richepin à Pierre Arnoult, un des biographes de Rimbaud. Cf. Lefrère, Arthur Rimbaud, Fayard, p. 571.

[9« Le poème latin Tempus erat…, composé par Rimbaud en classe de rhétorique, a paru deux fois en 1870. Publié, sans titre, dans le Moniteur de l’enseignement secondaire. Bulletin de l’académie de Douai, 2e année, n° 8, 15 avril 1870, p. 62-63, avec trois autres compositions du même élève (Invocation à Venus, Olim inflatus… et Verba Apollonii de Marco Cicerone), on le retrouve, pourvu d’un titre : "Le jeune charpentier de Nazareth", dans un périodique de Montpellier, Le Cahier d’honneur. Revue de l’enseignement secondaire, 3e année, n° 56, du 15 juin 1870, p. 47. Les vers sont signés "A. Rimbaud, élève de M. G. Izambard, au Collège de Charleville (Ardennes)" ». Cf. « Le Jeune Charpentier de Nazareth, une réédition de Tempus erat… en juin 1870 », par Romain Jalabert.

[10René Étiemble, Le Mythe de Rimbaud : L’année du Centenaire, Gallimard, 1961. Deuxième édition revue et augmentée en 1968.

[11Pierre Brunel, Une saison en enfer, édition critique, José Corti, 1987, p. 132.

Note additive du 12 mai 2014.

Rimbaud, le credo du poète ou... les précautions embarrassées de la critique universitaire.

« Car quoi de plus mystique finalement que la poésie ? Cette voyante qui nous révèle ce qui ne se voit pas à l’œil nu, qui mobilise tous nos sens pour nous mettre en contact avec ce que l’on ne soupçonnait pas, cette entreprise aux allures démiurgiques pour laquelle on abandonne volontiers toute notre incrédulité. Aujourd’hui donc, parcours de l’enfer sur terre, le temps d’une saison, à l’éternité de l’Eden oriental, sur les traces du poète-prophète, Arthur Rimbaud, en compagnie de Pierre Brunel. »

GIF

Pierre Brunel évoque Isabelle Rimbaud et le livre d’Éric Marty, Rimbaud mourant. Relire Isabelle Rimbaud, témoin capital.

[12Rimbaud écrit « à Samarie », identifiant la Samarie à une ville ou un bourg.

[13Rimbaud semble avoir lu les textes dans la traduction de Louis-Isaac Le Maistre de Sacy (1613-1684) dont « une Bible à la tranche vert-chou » devait se trouver à Roche si l’on en croit les Poètes de sept ans car il reprend la graphie (Beth-Saïda) ou certaines citations au mot près.

[14Heidegger, Qu’est-ce que la métaphysique ?

[15Id., « La question de la technique » — Essais et conférences, Gallimard , 1958, coll. « Tel ».

[16Nuit de l’enfer (Une Saison en enfer). C’est moi qui souligne.

[17Rimbaud, lettre du 15 mai 1871, à Paul Demeny.

[18Alchimie du verbe (Une Saison en enfer).

[19« Jeunesse I » (Illuminations).

[20Ce « vaisseau »... navire, récipient... « arche ». La méditation sur le « Déluge » détermine ce « Mouvement » . C’est moi qui souligne.

[21Hölderlin, Hymnes et autres poèmes. Rivages poche, 2004. Traduction Bernard Pautrat.

[22Roland Barthes, Sollers écrivain, Seuil, 1979, p. 75-76. Barthes, à propos de H, le roman de Sollers (1973), évoque trois ordres de lecture possibles : selon l’espace « individuel », selon « l’espace sociologique », selon « l’espace historique ». Je cite le passage relatif au champ individuel — dans son intégralité :

« Dans le texte (dans l’œuvre), c’est donc de l’acteur qu’il faut s’occuper. Or, celui qui agit le texte, c’est le lecteur ; et ce lecteur est pluriel (« ... car mon nom est Légion », disait le démon) ; pour un texte, il y a une multitude de lecteurs : non pas seulement des individus différents, mais aussi dans chaque corps des rythmes différents d’intelligence, selon le jour, selon la page. Pour nous donner une idée de ce pluriel, distinguons dans la lecture de H trois champs de différences, trois ordres de lectures.
Le premier champ est individuel (corporel) : j’expérimente sur H différentes approches. Je puis lire le texte : 1) en « piqué » (je survole la page et j’y pique, par hasard, intuition ou aimantation, un syntagme savoureux, ou choquant, ou problématique, bref notable) ; 2) en « prisé » (je saisis délicatement toute une plage du texte et je la savoure) ; 3) en « déroulé » (c’est la lecture ordinaire, légale, c’est la croisière : je déroule le volume de bout en bout, comme un roman, avançant du même pas, quel que soit mon plaisir, ou mon ennui) ; 4) en « rase-mottes » (je lis minutieusement, à même chaque mot, sans économiser mon temps, me mettant, si l’on peut dire, dans le rôle d’un glossateur. Il faut signaler ici l’un des paradoxes de H : la typographie, égale de bout en bout, d’une linéarité implacable, devrait emporter une lecture plus rapide, comme si, dans cette machine cinématographique, le sens, la figure ne pouvait apparaître qu’à une certaine vitesse ; or, bien au contraire, la lecture appliquée, lente, fait de H un livre profond, subtil, dont chaque lieu est intelligent, éclaire vivement, hors de la ligne, d’autres lieux que lui-même : H est à la fois une grande nappe oratoire et une boîte japonaise, pleine à l’infini de haikaï ; H a les deux pouls : un pouls « populaire » — comme on dit : une chanson populaire —, rapide, allègre, et un pouls critique, celui d’un clerc qui lit obstinément, c’est-à-dire en levant la tête ; 5) en « plein-ciel » (je vois le livre entier comme un objet distant, prétexte d’une réflexion, je le replace dans son paysage historique : théorie du texte, résistances, Histoire, avenir, etc.). »

[23Sur Pileface qui, le premier, l’a reconnu, lire Vers les « Illuminations » et autres extraits.

[24Pierre Brunel, Une saison en enfer, édition critique, José Corti, 1987, et Claude Jeancolas, Les manuscrits d’Arthur Rimbaud. L’intégrale, op. cit.

[25CJ : foi surcharge croyance.

[26s’enorgueillait est rayé.

[27la perfide est rayé.

[28En surcharge sur un mot illisible (beaucoup de ?).

[29Surcharge rendaient.

[30Surcharge que pour quelques.

[31Trahi ou traîné est surchargé, peut-être par pris.

[32Sous la ligne : laissé de paroles.

[33Sous est éliminé, remplacé par L’air.

[34Il est surchargé par le début de miracle.

[35à demi surcharge un mot illisible, peut-être le début de presque.

[36Parla corrigé en dit, puis rayé.

[37Remplace une fiole d’huile dans une.

[38Surcharge alla.

[39Surcharge rouges.

[40Remplace les prés.

[41PB : La piscine de, biffé (et en surcharge d’un mot illisible), précède Betsaïda (dont le début surcharge un mot également illisible).

[42Sic. Sollers reprend la graphie de Bouillane de Lacoste, d’Etiemble et de l’édition de la Pléiade de 1963.

[43PB : noir lecture conjecturale, plus probable que noirci ou moisi. CJ retient Moisi.

[44CJ : blémies surcharge « éclairées ».

[45PB : lueurs, lecture incertaine, plus probable que lumières. CJ retient aussi lueurs. (Il y a cependant un point sur un i. AG).

[46PB : Un mot illisible surchargé par C’. FA Cazals lisait Maintenant. CJ : Mais ou Maintenant en début de ligne est rayé.

[47PB-CJ : J’ surcharge un o (début de on). PB : orthographe du manuscrit j’aurai.

[48PB-CJ : voir surcharge suivre.

[49PB : reflet surcharge miroir (lecture conjecturale). FAC lisait réservoir. CJ : le rayon surchargé par ce reflet.

[50PB-CJ : remuaient surcharge retombaient.

[51Biffé sur le manuscrit : « Les para(lytiques) [PB] infirmes avaient alors le désir de sillonner l’eau de la piscine ». CJ lit « pauvres » au lieu de « para(lytiques) ».

[52PB-CJ : Surcharge une expression, deux mots, illisible.

[53PB : leur surcharge le ; démon corrigé en Démon.

[54PB : Biffé sur le manuscrit : « Un signe de vous, ô volonté divine ; et toute obéissance est prévue presque avant vos signes ».

[55PB : lecture conjecturale. F. Ruchon lisait au monde.

[56PB-CJ : Le surcharge Un.

[57PB-CJ : Franchir surcharge partir.

[58Matthieu 8,5-9.

[59Marc 2, 1-12.

Cf. aussi : Luc 5, 17-26 :

« Un jour que Jésus enseignait, il y avait dans l’assistance des pharisiens et des docteurs de la Loi, venus de tous les villages de Galilée et de Judée, ainsi que de Jérusalem ; et la puissance du Seigneur était à l’œuvre pour lui faire opérer des guérisons. Arrivent des gens, portant sur une civière un homme qui était paralysé ; ils cherchaient à le faire entrer pour le placer devant Jésus. Mais, ne voyant pas comment faire à cause de la foule, ils montèrent sur le toit et, en écartant les tuiles, ils le firent descendre avec sa civière en plein milieu devant Jésus. Voyant leur foi, il dit : "Tes péchés te sont pardonnés." Les scribes et les pharisiens se mirent à penser : "Quel est cet homme qui dit des blasphèmes ? Qui donc peut pardonner les péchés, sinon Dieu seul ?" Mais Jésus, saisissant leurs raisonnements, leur répondit : "Pourquoi tenir ces raisonnements ? Qu’est-ce qui est le plus facile ? de dire : ’Tes péchés te sont pardonnés’, ou bien de dire : ’Lève-toi et marche’ ? Eh bien ! pour que vous sachiez que le Fils de l’homme a sur terre le pouvoir de pardonner les péchés, je te l’ordonne, dit-il au paralysé : lève-toi, prends ta civière et retourne chez toi." A l’instant même, celui-ci se leva devant eux, il prit ce qui lui servait de lit et s’en alla chez lui en rendant gloire à Dieu. Tous furent saisis de stupeur et ils rendaient gloire à Dieu. Remplis de crainte, ils disaient : "Aujourd’hui nous avons vu des choses extraordinaires !" »

[60Sollers se trompe ici : il s’agit de L’Évangile selon saint Matthieu, même si la musique du film fait appel à la Passion selon saint Matthieu de Jean-Sébastien Bach.

[61Tintoret, la Piscine Probatique.

Des travaux de restauration furent entrepris à plusieurs reprises : notons entre autres deux interventions de Domenico Tintoretto au XVIIe siècle (en 1602), qui refit la partie inférieure du tableau, de la jeune femme jusqu’à la vieille dame tournée vers le Christ, et la restauration entreprise par Lelio Bonetti (1696). Pour des raisons de méthode, ces différentes interventions ne furent pas éliminées durant les travaux de 1974, si bien que cette grande composition est la plus endommagée de toute l’œuvre du Tintoret dans la Scuola Grande di San Rocco. Néanmoins, l’organisation de la scène reste admirable, avec un souffle narratif qui souligne le sens et l’importance de l’événement miraculeux. Sous l’épais rideau de la treille, sur la droite, le Christ, traversé d’ombre et de lumière, se penche sur le paralytique pour le délivrer de son mal, tandis que la foule des malades se presse pleine de confiance autour de la grande vasque d’eau.

Cette œuvre illustre une des nombreuses guérisons de malades accomplies par le Christ.
Ici il s’agit de la guérison d’un malade à la piscine de Jérusalem, un jour de sabbat. (Jean 5, v. 1-8)
Autour du bassin, un grand nombre d’hommes et de femmes à demi nus attendent le bouillonnement de l’eau.
Ils sont prêts à s’y jeter dès qu’elle sera agitée par l’Ange du Seigneur pour être guéris, comme il est dit dans l’Évangile :

« Or il est à Jérusalem, près de la porte des Brebis, une piscine appelée en hébreu Bézatha [Betsaïda], qui a cinq portiques.
Sous ceux-ci gisaient une multitude de malades, d’aveugles, de boiteux, de perclus qui attendaient le bouillonnement de l’eau. »

Au premier plan, un homme emporte dans ses bras une sorte de matelas roulé.
Il s’agit du paralytique que personne n’aidait à se jeter en premier dans l’eau, afin qu’il puisse guérir lui aussi. Jésus a remarqué sa détresse et lui a dit :

« Lève-toi ! Emporte ton grabat et marche. »

Et voici qu’il s’empresse de faire ce que Jésus lui demande.
Derrière cet homme, des femmes. Allongée sur les genoux de sa mère qui sollicite l’aide du Christ, une jeune malade souffre terriblement. Il se penche vers elles, plein de douceur et de bienveillance, et la jeune femme sera guérie !
Tout ceci se déroule à l’ombre d’une treille qui apporte du naturel et de la sérénité à la scène présente.
Mais juste derrière le portique, au fond du tableau, on aperçoit un groupe d’hommes qui observent Jésus : il s’agit des Juifs qui témoigneront contre lui en disant qu’il a transgressé les interdits du Sabbat, qui doit être un jour de repos absolu.
Ce miracle, accompli un jour de Sabbat, fera partie des chefs d’accusation de l’impiété de Jésus, pour le condamner à mort. Crédit : venise.com.

[62Sur « De la rédemption » (ou « De la délivrance »), lire : Qu’appelle-t-on penser ? et « la délivrance de l’esprit de vengeance » chez Nietzsche.

[63Sollers a mis cette phrase en exergue de son roman Désir (2020).

[64Les auteurs du Nouveau Testament, inventeurs du Jésus-Josué Messie, sont avant tout des poètes qu’inspire l’Esprit saint, le souffle kabbalistique du Verbe. Ce pourquoi leurs récits, qu’ils soient traduits ou non n’important pas ici, ne peuvent être perçus et saisis de l’intérieur que par quelqu’un qui vit poétiquement.

[65Rimbaud se base ici sur le récit de saint Jean.

[66Cf. l’affirmation aussi révolutionnaire que désinvolte : « C’est aussi simple qu’une phrase musicale", dans Guerre.

[67Je pense par exemple au poème intitulé Bruxelles, avec ces précisions, juillet, boulevard du Régent. Sur le sens de ce texte et la manière dont il préfigure Alchimie du verbe et les Illuminations, voyez le travail admirable de Marcelin Pleynet.

[68J’ai utilisé certaines séquences du film de Pasolini L’évangile selon saint Mathieu pour illustrer le texte de Sollers Du diable.

[69Cette scène est également une scène clé de Pasolini dans L’évangile selon saint Matthieu.

[70Je reprends ici les références aux évangiles relevées par Maurice Drouzy, Luis Bunuel, architecte du rêve, éd. Lherminier, 1978.

[71Voir : Buñuel : Athée grâce à Dieu par Julien Gaurichon (2005). Avec Bernard Verley (le Christ), Jean-Claude Carrière, scénariste et ami de Buñuel, Jean Collet, critique de cinéma (catholique), le Père Jean-Robert Armogathe et Laurent Terzieff. Le documentaire (32’) est sur le DVD du film La voie lactée.

Écouter aussi :
Jean-Claude Carrière à propos de Luis Buñuel (1973)
Jean-Claude Carrière : Buñuel et la religion (2012).

[72Cf. The Women.

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1 Messages

  • A.G. | 12 mai 2014 - 12:06 1

    Rimbaud, le credo du poète ou... les précautions embarrassées de la critique universitaire.

    « Car quoi de plus mystique finalement que la poésie ? Cette voyante qui nous révèle ce qui ne se voit pas à l’œil nu, qui mobilise tous nos sens pour nous mettre en contact avec ce que l’on ne soupçonnait pas, cette entreprise aux allures démiurgiques pour laquelle on abandonne volontiers toute notre incrédulité. Aujourd’hui donc, parcours de l’enfer sur terre, le temps d’une saison, à l’éternité de l’Eden oriental, sur les traces du poète-prophète, Arthur Rimbaud, en compagnie de Pierre Brunel. » France Culture, 8 mai 2014.

    Pierre Brunel évoque Isabelle Rimbaud et le livre d’Éric Marty, Rimbaud mourant. Relire Isabelle Rimbaud, témoin capital.