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Sollers au Paradis

vidéo de Jean-Paul Fargier, 1980-1983

D 21 juillet 2011     A par Albert Gauvin - Jean-Paul Fargier - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Jean-Paul Fargier, Sollers au Paradis
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Impressionné par la performance réalisée par Philippe Sollers en mars 1980 — la lecture de l’intégralité du premier volume de Paradis [1], Jean-Paul Fargier propose à Sollers une autre forme de "performance" : la lecture d’une heure de Paradis II [2], entouré de huit écrans (6+2) qui forment une rosace. Une trentaine de séances de ce « Paradis vidéo » ont lieu en France et à l’étranger. J’assiste à celle donnée à Reims au début des années 80 [3].
De ces lectures publiques, Fargier reprend un certain nombre d’images ou de séquences et fait, en 1983, une vidéo de 55 mn, Sollers au Paradis.
Cette expérience est le prélude à d’autres vidéos réalisées avec Sollers dans les années 80 (Sollers au pied du mur, Le Trou de la Vierge, Sollers joue Diderot, ou encore Godard/Sollers : l’entretien). Pileface les a présentées lors de la publication de quatre d’entre elles en DVD en 2007 [4].
Sur la proposition de Jean-Paul Fargier, nous vous les ferons découvrir dans leur intégralité dans les semaines à venir ainsi que des vidéos inédites [5].

Aujourd’hui : Sollers au Paradis.

A.G.

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Mais que pense Sollers de son expérience avec Jean-Paul Fargier ? Il s’en explique dans son Journal du Joueur (L’Infini n°23, automne 1988).

Journal intime

J’ai toujours recherché, dans la langue, la manière dont le son se change en image, d’où il vient, pourquoi, comment, et jusqu’où.
L’écriture, pour moi, est la proie de la parole qui n’est pas une ombre mais un sillage lumineux vocal sans cesse à reprendre et à vérifier. Fargier, en somme, m’a donné les moyens concrets de cette expérience, on se comprend, à partir du script de Paradis, mais l’intention démonstrative a toujours été la même, à Jérusalem, dans le dialogue avec Godard, en passant par Picasso, ou en jouant Diderot.
L’image, donc, sort du son et y rentre : je rêve que mon corps lui-même est un moment de ma voix, je veux faire sentir le roman de ce moment. Audio ergo video. Audio-video cogitando, ergo sum.
J’aime que Venise et Jérusalem soient au centre de ces films qui sont aussi un journal intime. Les meilleurs souvenirs sont celui du mont des Oliviers (travelling à travers les tombes vides) ; l’agenouillement rapide dans une église de Venise, non loin de la calle del Paradiso (un doigt sur les lèvres) ; le baiser aux fraises, à Paris, sur les terrasses du Palais-Royal, avec Sophie Volland et sa soeur enfin en situation (à ma connaissance, il s’agit d’un seul plan animé d’un écrivain en train d’embrasser comme il faut une femme).
Analystes futurs, au travail ! pourquoi ont-ils fait ça, Fargier et Sollers ? Combien d’allusions ? Que veut dire Fargier en se servant de Sollers, pour quelles raisons logiques ? Et moi, comment me suis-je arrangé de cette encombrante poupée qu’est Sollers ? Marionnette utile ! Polichinelle taoïste ! Il m’énerve, il s’efface, il revient, il s’hypnotise de loin, il est emprunté, speedé, ridicule, pas si ridicule, il cherche ses mots, il en trouve la plupart, il est parlé se parlant, c’est drôle. N’oublions pas que, dans sa jeunesse, Sollers a joué dans la troupe de Lacan au théâtre Viennois, c’était le début d’une nouvelle diction de la pensée, on retrouve ces commencements dans les mouvements lents, alors que l’innovation caractéristique se produit dans les mouvements rapides et ultra-rapides, syllabes et danse. La question est bien celle de l’ultravoix. Et Fargier s’accorde le droit (ô combien post-télévisuel) de l’ultra-violet et de l’infrarouge dans les divisions d’écran, les balayages, les incrustations. On voit ce qu’on voit. Il faudra que j’écrive un jour, pour chacun de ces enregistrements, quels étaient les enjeux réels, les coulisses, la querelle ou l’inspiration locale, les désirs de révélations. C’était, en tout cas, cette prise-là, et pas une autre. Date, climat et passions. Oui, oui, ces vidéos sont des classiques, elles sont bien consumées, rideau.


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Jean-Paul Fargier est vidéaste. Qu’est-ce qu’un vidéaste comme Fargier ? Quelqu’un qui ne se paie pas de mots et ne fait pas du cinéma. Il s’en explique en 2006 dans la revue en ligne In situ.

Témoignage à charge, 3 questions à J.-P. Fargier sur Paradis


Jean-Paul Fargier, Festival d’Ironie, Paris,
le 17 juin 2011. Photo A.G.
Manet, <i>Lola de Valence</i>, 1862.

J.-P. Fargier, vidéaste, à propos de Paradis ; le livre, le spectacle et le film.

1) Peut-on vous définir, provisoirement du moins, comme un vidéaste ?

Un vidéaste est un bricoleur d’images et de sons qui utilise avec gourmandise, amateurisme ou professionnalisme, en tous cas par prédilection et non par manque d’autres moyens (cinématographiques) les techniques électroniques pour accomplir des forfaits artistiques en tous genres (clip, portrait, journal intime, pamphlet, poésie, fiction) en jouant au maximum tantôt du direct, tantôt de l’effet de direct. Je crois avoir été sinon l’inventeur de ce mot l’un de ses premiers utilisateurs (dans divers médias où j’intervenais dans les années 70/80) pour désigner le travail des artistes vidéo ou des militants politiques se servant de la vidéo. Je me suis souvent, en conséquence, revendiqué vidéaste, puisque je pratique ce médium depuis le début des années 70.

2) Rares sont les personnes qui savent que Paradis, le roman de Sollers, fut aussi une performance mise en scène par vous et jouée par Sollers lui-même. Pouvez vous nous donner un aperçu détaillé de ce spectacle et de sa tournée ?

3) Même chose pour le film, ou la vidéo, que vous avez réalisé à partir de Paradis II et qui s’appelle Sollers au paradis. Pouvez vous nous parler de ce film et de la manière dont vous l’avez réalisé ? Qu’apporte t-il, à votre avis, au roman qu’est Paradis ?

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Venise, Punta della Dogana, la Salute

La « vidéo Paradis », intitulée Sollers au Paradis (et non le "film" Paradis comme vous dites dans votre question), est la mise en forme télévisuelle d’un spectacle-lecture donné par Philippe Sollers (Paradis vidéo au début des années 80 consistant pour lui à lire une bonne heure de son livre Paradis sur une scène, entouré d’écrans vidéo (6+2) formant une rosace. Six écrans déployant des images préfilmées et prémontées, synchronisées, développant des résonances avec le texte autant que des consonances (graphiques, culturelles, plastiques) entre elles. Deux écrans renvoyant deux échos directs de la performance de Sollers, filmée par une caméra dont l’image était soit diffusée telle quelle, soit "colorisée" à travers un petit synthetizer artisanal (le Movicolor de Marcel Dupouy) dont j’actionnais moi-même les paramètres pendant la lecture de l’écrivain.

Le Centre Pompidou était le producteur principal de ce show littéraire et vidéo. Il y eut une douzaine de séances de Paradis vidéo à Paris, puis une vingtaine en province et dans le monde entier (New York, Rome, Milan, Bruxelles, Saint Etienne, Orléans, Tourcoing, Madrid, San Sébastien, Reims, Jérusalem, Rennes, Belfort). La vidéo Sollers au Paradis reprend en partie les images du spectacle live en les incrustant derrière le visage de l’écrivain prononçant son texte presque toujours en gros plans. Philippe Sollers accomplit dans ces images un certain nombre d’apparitions, d’actions, en particulier à Venise. La plus surprenante : simulant un gisant au bord de la lagune, Sollers tout à coup bondit, ressuscite.

Jean-Paul Fargier, In situ, été 2006.

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La vidéo Sollers au Paradis

Réalisateur : Jean Paul Fargier.
Scénario : Jean Paul Fargier, Philippe Sollers.
Texte : Auteur et interprète : Philippe Sollers.
Images : Jean Paul Dars et Anne Papillault.
Montage : Pierre-Marie Fenech.
Caméra "direct" Paluche : Danielle Jaeggi.
Production : Centre Georges Pompidou - Musée National d’Art Moderne.

Philippe Sollers, cerné d’images comme un saint de vitrail ceint de son auréole, lit une heure de son Paradis II...
On est en 1981 ou 83,ou 2016 ou 2299... Le Temps ne compte plus, c’est lui qui nous conte et Sollers est son prophète, son aède, son reporter, son envoyé spécial...
Le Poète a évité l’Enfer, contourné le Purgatoire, dormi au Paradis, son berceau de naissance... Soleil de retour, il contemple la Terre, constate la catastrophe, regarde l’agitation, les foules, les sols, les fleuves, les chocs, s’ouvre, remonte le courant et au centre de la fureur écoute battre son coeur, palpiter son souffle, jaillir des mots, des phrases, la musique...
Il parle, se parle, nous parle d’Histoire, d’Éternité... Paroles sans chaîne d’un corps glorieux... Venise existe toujours, Dante attend la visite de l’échappé...

Jean-Paul Fargier

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Présentation de « Paradis vidéo »

pour la séance du samedi 28 mai 1983 à la Maison de la Culture André Malraux (MCAM) de Reims

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Le dispositif de Paradis vidéo

Philippe Sollers dit Paradis.
Il lit — une heure de Paradis — environné de huit écrans vidéo. Six de ces écrans accueillent des images préparées (à Venise, à Paris, en studio) ; les deux autres retransmettent instantanément le filmage de la performance (lecture, prononciation, annonciation) par deux caméras (couleur et noir et blanc colorisé).
Huit images. Parfois huit fois la même (ou presque même) image. Souvent huit images différentes.
De quoi s’agit-il ? Pas d’illustrer Paradis mais de brancher en regard du déroulement vocal (et vif) du texte-fleuve un flot visuel qui lui fasse écho et loupe, coupe et ricochet.
Écho, puisqu’on n’y vise nulle concordance des temps.
Loupe, car il ne peut s’agir que d’une focalisation fragmentaire immergée plus ou moins grossissante, déformante.
Coupe, dont la vocation est d’être débordée. Et vice versa. Longitudinale et transversale.
Ricochet, le ricochet étant la seule dialectique admissible en cette matière. Au fait, quelle matière ? autrement dit : de quel corps émane, jaillit ce texte inouï ?
D’un corps glorieux.
Paradis est la vision, la préhension, l’audition, l’intellection, la déambulation, le rire d’un corps qui ne peut être que ce que la théologie nomme un corps glorieux.
Un corps qui a traversé toutes les représentations de la vie et de la mort, qui a survécu à tous les avatars.
Le corps dont nous serons doté au terme de la résurrection finale.

Jean Paul Fargier

Voir aussi : Paradis Video (II) et « la haute méfinition ».

***

[2Publié d’abord dans les derniers numéros de Tel Quel (1981-1982) et dans les trois premiers numéros de L’Infini (1983), puis chez Gallimard en 1986.

[3Cf. Paradis vidéo.

[5Les inédites : Picasso by night by Sollers et Cher Mallarmé.

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