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Enfance et jeunesse d’un écrivain français

Conférence au Collège des Bernardins

D 23 février 2021     A par Viktor Kirtov - C 4 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


23/02/2021 Ajout de la vidéo de la conférence des Mardis des Bernardins du 2 novembre 2010 publiée sur KTO que nous avons découpée en trois parties :


1. L’introduction du Père Antoine Guggenheim (remarquable exposé de ce théologien jésuite ouvert sur le monde de Sollers).
2. La présentation de Julia Kristeva ( l’enfance et la jeunesse d’un écrivain français, Philippe Sollers vues par « l’amante, l’épouse, la mère, la psychanaliste, la théoricienne de la littérature »).
3. Lectures choisies par Julia Krisreva, lues et commentées par Philippe Sollers.
*


29 juin 2010. Philippe Sollers, Julia Kristeva, Antoine Guggenheim
Cliquez l’image pour ZOOMER

Le Collège des Bernardins avait annoncé la conférence par ces mots :

« La recherche d’une coïncidence aussi serrée que possible entre l’acte d’écriture et le récit /../, le monde écrivant et se lisant, le livre devenant monde. » ( Drame, 1965).
L’auteur de Paradis I et II (1981,1986), Femmes (1983), La Guerre du goût (1994), Une vie divine (2006), Un vrai roman (2007), Les Voyageurs du Temps (2009), Discours parfait (2010) révèlent les sources biographiques, historiques et politiques de son écriture, qui sont aussi ses thèmes et personnages principaux. Bordeaux et l’Atlantique, le Front populaire, l’Occupation et la Résistance, le stalinisme et le nazisme, la guerre d’Algérie et Mai 68, Mao et Jean-Paul II, Paris et Venise, New-York et Pékin : Philippe Sollers situe son expérience de la langue française dans l’histoire de sa famille et de la France, dans la vitalité de la culture européenne et dans « l’avenir certain quoique hautement improbable » d’une Renaissance.

L’Introduction d’Antoine Guggenheim [1]


Je voudrais, simplement, vous accueillir, tous les deux, d’un mot :
Très heureux et très ému
étant donné le sujet que vous avez choisi
qui a beaucoup de raisons de s’inscrire dans un lieu comme le Collège des Bernardins.
Il s’agit d’enfance et de jeunesse,
il s’agit d’écriture,
trois termes, trois thèmes qui se
de ce qu’un théologien
se doit de chercher et scruter
surtout s’il est de tradition biblique

Je commencerai cher Philippe Sollers par vous citer,
puis j’essaierai de l’interpréter
de la manière d’un apprenti théologien [...]

Antoine Guggenheim cite alors le début de l’avant-propos de Vision à New York,
[qui rappelons le, était en quelque sorte une explication de texte à travers des entretiens avec l’américain David Hayman, à propos de Paradis. Entretiens commencés en 1978, publiés en 1981, en parrallèle avec la publication de Paradis en livre.]

Plus j’écris, plus je vois.

j’entends, je parle, je vois, je disparais dans ce qui s’écrit en moi. C’est une vieille, très vieille expérience toujours nouvelle et qui, chaque fois, me reprend avec une violence, une légèreté inconnues. C’est, et ce n’est pas, dans le temps. C’est au bord du temps, dans la fuite du temps, à la fin du temps. C’est de maintenant et de toujours, la chose la plus personnelle, la plus impersonnelle. La plus familière, la plus étrangère. La plus rassurante, la plus inquiétante ; la plus interrompue, la plus soutenue. Chaque jour, aux moments les plus différents du jour ; et la nuit, à travers le rêve, ou réveillé comme jamais au c ?ur du silence de toutes les nuits. Année après année, à quoi bon compter les années ? Je sais que je n’ai pas vraiment décidé de cette vie-là, ce retrait-là, ce malentendu permanent avec les autres. Malentendu qui s’accroît et que je ne fais rien pour atténuer, au contraire. Ne pas s’expliquer, ne pas se plaindre ; never complain, never explain : cette devise laconique et britannique est finalement la seule qui vient diriger mon comportement. Pour ne pas s’expliquer, pour en avoir le droit, encore faut-il être sûr d’avoir la force de ne pas se plaindre. Je ne me plains pas. Mais il faut du moins que j’explique un peu pourquoi je ne tiens pas à m’expliquer. Pourquoi, ayant été atteint par cette maladie particulière, j’accepte sans regrets de me perdre en elle.

Sur l’enregistrement, vous pourrez écouter l’interprétation de ce texte par Antoine Guggenheim.

Antoine Guggenheim

Julia Kristeva

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Julia Kristeva
Collège des Bernardins, juillet 2010

Avant de donner la parole à Philippe Sollers, je vous dois quelques explications - en tout cas des précisions.

Après tant d’années de vie commune avec lui.
C’est l’amante, l’épouse, la mère, l’écrivain, la psychanalyste, le théoricien de la littérature qui évidemment vous parle.
Antoine Guggenheim vient de le rappeler avec précision
et discrétion.
Je lui dis à mon tour, parce que j’entends l’intensité de votre présence, et de votre écoute.
Je ne l’élude pas.
Je lui répond seulement en précisant que si cette cohabitation de nos deux étrangetés,
celle de Philippe Sollers et la mienne,
continue à défier l’épreuve du temps
C’est parce que ça s’écrit !
Différemment
et en résonance réciproque.
Et puisque je situe notre pacte à deux,
dans la logique de « ça s’écrit »,
j’aurais pu très bien décliner la proposition qui m’a été faîte de présenter l’enfance et la jeunesse d’un écrivain français Philippe Sollers.
J’ai pas décliné, je l’ai accepté.
Et si j’ai accepté, ce n’est pas seulement parce que l’espace des Bernardins
place l’écriture, on l’a entendu, à l’horizon de l’Incarnation
que je vis, moi comme une invitation à dire
l’incommensurable intimité de cette expérience qu’est l’écriture comme incarnation.
Et ceci à contre-courant
De la peopolisation
Qui nous le savons, nous le savons que trop,
S’exhibe aujourd’hui
dans ce qu’ils appellent des éléments de langage
Je suis ici à cause de cela :
incarnation contre éléments de langage.
Mais pas seulement,
je suis ici surtout parce que je suis convaincue que le thème ou plutôt les thèmes de cette rencontre :
enfance, jeunesse, écriture, français, française,
loin d’être transparents
et encore moins naturels
ces thèmes là
demeurent plus que jamais énigmatiques
scandaleux mêmes
dans cette banalisation des esprits qui nous menace
et qui est à mes yeux le mal radical.

[...]

Tu traverses l’enfance sans la quitter
comme le sage taoïste
qui prétend être le seul qui se nourrit de la mère
parce que tu déplaces ton enfance et ta jeunesse au moment présent
ici même et aujourd’hui.
C’est là et maintenant,
enfance et jeunesse par écrit.
Comment ?
Mais c’est évident.
C’est même La lettre volée au sens d’Edgar Poe
Ce thème si présent dans tes romans
qu’on préfère le censurer
qu’on ne pense pas à lui attribuer l’aisance de l’enfance et l’adolescence
dans la réécriture des identités,
Notamment l’identité française
La lettre volée c’est à la fois le lien intime et rebelle
que le narrateur de ton roman Femmes
entretient avec les femmes et les mères,
la perpétuelle curiosité qui l’anime
s’enracine dans ta curiosité à l’endroit de l’autre sexe.
Cette curiosité qui irradie jusqu’à l’infini, chez toi,
curiosité pour la femme,
curiosité pour la mère,
et chemin faisant,
insatiable point d’interrogation posé
à l’endroit du plus grand sérieux
comme s’exprime Nietzsche.

[...]

Julia Kristeva

*
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Philippe_Sollers_dans les bras de sa mère avec sa soeur Annie,
dans le parc de la propriété familiale (à Talence), en 1937.

ZOOM, cliquer l’image

Philippe Sollers

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Ph. Sollers, Collège des Bernardins, juillet 2010

Julia Kristeva demande à Philippe Sollers de lui lire le passage de « Un vrai Roman » relatif à son enfance biographique (page 19).
Ph. S. - Il ne s’agit pas de ma naissance biographique, mais de ma naissance biologique et plus tard symbolique...
J. K. - Mais c’est écrit !
Ph. S. - Oui mais j’ai la page sous les yeux.
Tu as transformé biologique en biographique
J. K. - Non non...

Ouvrons « Un vrai Roman » On y trouve bien « naissance biologique ». Est-ce à dire que Julia Kristeva s’est trompée ? Je ne le crois pas, pour autant. J.K. place le passage qu’elle demande à Sollers de lire, page 19, alors qu’il se situe page 15 (sans ambiguïté possible) dans la version publiée... ce qui conduirait à penser que Julia Kristeva ne se réfère pas à la même version du texte. Une épreuve ? Un fichier informatique d’épreuve ?
Sollers aurait pu avoir d’abord écrit : naissance biographique, avant d’opter au final pour naissance biologique... Juge de paix : Le manuscrit et épreuves successives, même si ici, sans grande importance. Encore que Sollers dise que ceci est important car il y a, selon lui, plusieurs naissances : la naissance biologique [de Philippe Joyaux], puis la naissance symbolique [de Philippe Sollers]. A noter que Sollers appartient, sans doute, à la dernière génération qui produit un manuscrit... Les exégètes ne disposeront plus, bientôt de cet outil d’analyse, mais les collectionneurs vont y perdre aussi (environ 7, 5 millions d’euros pour le manuscrit des mémoires de Casanova, acquis par la BnF, facture payée par un mécène anonyme). ...Mais qui voudrait revenir à l’âge de pierre afin de pouvoir graver la grotte Chauvet ? (fin de digression)

Philippe Sollers - partie 1

J’ai eu l’impression d’être jeté , dans le d’Heidegger commente Sollers.
pas n’importe quand, ni n’importe où...
Ca se passe où et quand ?

[...]

(Grèves du personnel de l’usine familiale)
Joyaux au poteau !

Philippe Sollers - partie 2

Philippe Sollers - Final

[...]

On voit bien ce que le sulfureux Eckhart
veut dire.
Dieu fleurit sans pourquoi
comme néant créateur [2]
et illuminateur.
Sans le savoir, ni même oser l’imaginer,
pauvre mort,
tu auras toujours été libre et sans pourquoi [3].
Et maintenant le cimetière
et l’énorme silence sans glas.
Je revois l’énorme tas de terre,
l’assemblée, le cercueil, la fosse.

Puissance de l’éternel instant présent
c’est la formule.

*

En somme vous avez toujours plus ou moins mêlé
le transcendantal, la mystique,
la pensée, la poésie,
l’amour, l’érotisme, l’ironie
la révolution
Mais oui, et c’est justement ça la révolution.

Je vous remercie [...]

Il n’est pas anodin que Philippe Sollers termine par l’ évocation de sa lecture de Maître Eckhart sur la fosse de son père, lors de ses obsèques, et en ce lieu du Collège des Bernardins. Ce qu’avait souligné, aussi, Julia Kristava, en ces termes :

« Cet événement de lire Maître Eckhart sur la tombe de ton père
éclaire d’une manière surprenante, la tienne,
comment tu dénoues
le rapport du fils au père
par l’écriture
question centrale
qu’Antoine Guggenheim a formulé avec force
en théologien lisant tes livres. »

Il fallait toutefois une oreille exercée pour relever dans l’introduction d’Antoine Guggenheim ce passage où il évoque la pensée de Sollers : « Théologie négative, sûrement pas négation de la théologie »... Du Maître Eckhart pur jus !

(Plus sur Sollers et le paradoxe de la « théologie négative » dans l’article de A. Gauvin)

C’est aussi dire l’ouverture d’esprit qui règne aujourd’hui en ce lieu hautement symbolique, incarnation du renouveau de la pensée théologique : « chercher » et « scruter » sans cesse. Ici et maintenant ... Aux Bernardins ! « Il s’y passe toujours quelque chose... » Allez y oublier les slogans publicitaires.

Questions

Sollers en profite pour sortir de sa poche une flasque de whisky (J&B si fidèle à la marque préférée de son narrateur). Pas de gobelet d’argent. Au goulot !


La vidéo de lla conférence des Mardis des Bernardins du 2 novembre 2010 publiée sur KTO.

La recherche d’une coïncidence aussi serrée que possible entre l’acte d’écriture et le récit (...), le monde écrivant et se lisant, le livre devenant monde. (Drame, 1965).

1. L’exposé du Père Antoine Guggenheim

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2. La présentation de Julia Kristeva

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3. Lectures et commentaires de Philippe Sollers

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Au cours de son échange avec Julia Kristeva et à travers des lectures choisies de son oeuvre, Philippe Sollers révèle les sources biographiques, historiques et politiques de son écriture. Bordeaux et l’Atlantique, le Front Populaire, l’Occupation et la Résistance, le stalinisme et la nazisme, la guerre d’Algérie et Mai 68, Mao et Jean-Paul II, Paris et Venise, New-York et Pékin : Philippe Sollers situe son expérience de la langue française dans l’histoire de sa famille et de la France, dans la vitalité de la culture européenne et dans « l’avenir certain quoique hautement improblable » d’une renaissance.
Les Mardis des Bernardins du 02/11/2010.
Crédit : KTO

VOIR AUSSI sur pileface Compléments AG


[1enregistrements V.K. sur dictaphone numérique de poche Olympus VN-7800 PC, non destinés à une exploitation commerciale

[2Terminologie de la « théologie négative. En qualifiant Dieu ou la Déité de néant (niht), Eckhart (1260 - 1327) ne veut pas dire que Dieu n’est pas, mais qu’il n’est ni être ni néant, ou plus exactement au-delà de l’être et du néant, antérieur à toute représentation de ce qui est et de ce qui n’est pas, précédant toute détermination ontologique (crédit : http://www.buddhachannel.tv/portail/spip.php?article3341. »

[3cf. aussi "La rose est sans pourquoi" in Fleurs, citation de
Angelus Silesius (1624-1677, reprise par Sollers. Ce poète et mystique allemand qui a été très influencé par Maître Eckhart.

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