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Verlaine, vilain bonhomme

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D 8 janvier 2016     A par Albert Gauvin - C 2 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook



Verlaine est mort le 8 janvier 1896.

1ère mise en ligne le 21 janvier 2007. Version complétée.


Henri Fantin-Latour (1836-1904), Coin de table (détail : Verlaine).
Zoom : cliquez l’image.

Verlaine, vilain bonhomme

Tout commence bien dans la vie de Verlaine : il ouvre son comptoir poétique à l’ombre de la cathédrale Hugo, il se fait bientôt connaître par sa petite musique. En 1867, il a 23 ans, il est déjà fonctionnaire, et le maître vénéré le complimente pour sa « jeune aube de vraie poésie », son « souffle », son « vers large et son esprit inspiré ». Le génial concurrent, Baudelaire, vient de mourir, Mallarmé est encore dans l’ombre. La poésie française, à l’époque du Second Empire, marque le pas, essaie de survivre à l’océan hugolien, mais enfin ce n’est pas ça : Lamartine, Théodore de Banville, José Maria de Heredia, Leconte de Lisle, Sully Prudhomme, François Coppée, l’incroyable Moréas, auteur des « Syrtes », et tant d’autres dont nous avons heureusement oublié les noms. Tout le monde a l’air de faire des vers, comme aujourd’hui des romans : les lycéens, les professeurs, les journalistes, les employés de bureau, les ministres. C’est une carrière. On reste ahuri devant cette épidémie de sentimentalisme, de préciosité et d’extase.

Verlaine se distingue par une oreille plus fine, un goût plus sûr : ses « Fêtes galantes » annoncent un tournant, mais lequel ? Lui-même admire un peu n’importe qui, et jusqu’à la très mauvaise poésie de Sainte-Beuve. Parnasse et symbolisme d’un côté, réalisme et naturalisme de l’autre, on est en pleine décadence, et chacun s’en doute sans vouloir le savoir. La Commune de Paris approche.

Décadence veut dire aussi fleur bleue en surface et pornographie dans la marge. Verlaine est membre des Vilains Bonshommes, et il y aura bientôt « l’Album zutique ». Là, on parle très librement en argot, on multiplie les dessins obscènes. Lettre de Verlaine à François Coppée : « On compte sur votre retour pour ajouter de nouvelles pierres à ce monument gougnotto-merdo-pédérasto-lyrique. » Retenez le mot « merde » : il va envahir la Correspondance de Verlaine avec une obsession significative. Le délicat poète est pourtant marié, et sa femme est enceinte, quand quelqu’un surgit. Un cyclone.


Rimbaud par Verlaine.
Lettre à Delahaye, 1875.
Manet, <i>Lola de Valence</i>, 1862.

Ce quelqu’un, c’est Rimbaud, c’est-à-dire, après Baudelaire et Lautréamont (mort complètement inconnu), le génie en personne. Il n’a pas 18 ans, les Vilains Bonshommes le trouvent « effrayant », il fascine, il terrifie, il est beau, sauvage, violent, c’est le diable. Verlaine est sous le choc, sa passion commence. Il est devant un « ange en exil », un « Casanova gosse », et surtout devant une puissance d’invention verbale sans précédent (« Shakespeare enfant », aurait dit Hugo). A partir de là, tout bascule. Adieu femme, bébé, respectabilité, emploi d’ailleurs supprimé par la répression versaillaise. Lettre à Rimbaud, le 2 avril 1872, écrite à la Closerie des Lilas : « C’est ça, aime-moi, protège et donne confiance. Etant très faible, j’ai très besoin de bontés. » Immédiatement masochiste et très « vierge folle », Verlaine rêve de « martyre », de « chemin de croix ». Un peu plus tard : « Ecris-moi et me renseigne sur mes devoirs, la vie que tu entends que nous menions, les joies, affres, hypocrisies, cynisme, qu’il va falloir ! » L’ange en exil, le surdoué d’une poésie en train de changer d’axe de façon révolutionnaire, devient ainsi un « époux infernal ». Ce qui n’empêche pas Verlaine d’écrire à sa femme : « Ma pauvre Mathilde, n’aie pas de chagrin, ne pleure pas ; je fais un mauvais rêve, je reviendrai un jour. »


Rimbaud par Verlaine.
Lettre à Delahaye, 1876.
Manet, <i>Lola de Valence</i>, 1862.

Le plus étrange, dans cette affaire qui fera couler beaucoup d’encre, c’est que Verlaine n’a pas l’air de comprendre en quoi son comportement peut scandaliser les conventions petites-bourgeoises courantes. C’est un menteur innocent, un pervers candide, un simulateur sincère, un alcoolique raffiné, un clochard sublime, un populiste aristocratique, tout cela, en somme, très français. Etre fou de Rimbaud, au fond, quoi de plus naturel ? De là à lui écrire qu’il est sa « vieille truie » et son « vieux con toujours ouvert » (cunt, en anglais), c’est sans doute aller trop loin dans la confusion des orifices. Enfin, Verlaine s’accroche, il paie grâce à l’argent de sa mère, les noces barbares se passent à Londres et à Bruxelles, à l’écart des milieux communards en exil dont les préjugés sont d’ailleurs les mêmes que ceux de leurs adversaires.

Tout cela finit, comme on sait, par un coup de revolver à Bruxelles, détonation qui n’en finit pas de résonner dans le fantasme poétique mondial. Rimbaud est légèrement blessé, il dira de façon désinvolte dans « Une saison en enfer » qu’il a « aimé un porc » ; Verlaine, lui, est en prison, se convertit au catholicisme, rêve de se réconcilier avec sa femme (peine perdue), écrit à Victor Hugo sa longue plainte en lui demandant d’intervenir. Là, Hugo est parfait. Sa réponse au prisonnier élégiaque ? « Revenez au vrai. » Le « vrai », ce seront les vers pieux et grandiloquents de « Sagesse », dont il enverra, pour plaider sa réintégration dans la vie normale, des extraits à sa belle-mère. Rimbaud y est traité de malheureux aveugle traître à son baptême, d’enfant prodigue aux gestes de satyre, d’imbécile plus bon à rien de propre, de mémoire bondée d’obscénités, bref, de raté sans idées. C’est beaucoup pour un ex-ami en train d’écrire un des grands chefs-d’oeuvre de tous les temps, « Illuminations ». Mais Verlaine n’en sait rien et ne voudra rien en savoir. Dans l’ombre, d’ailleurs, les mères s’activent. Elles perçoivent, et elles n’ont pas tort, qu’elles sont là intimement concernées.

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Un missionnaire. Dessin de Delahaye, 1876

Le correspondant principal de Verlaine (à part son ami Lepelletier), c’est bien entendu Ernest Delahaye, l’ami de jeunesse de Rimbaud à Charleville, celui qui peut toujours donner des nouvelles du « monstre ». Car maintenant on ne peut plus prononcer son nom, même si on le dessine obsessionnellement dans ses aventures. Rimbaud s’appelle « chose », « l’oestre », « l’être », « Homais » (il s’intéresse aux sciences), « machin », « lui », « le voyageur toqué », « l’homme aux semelles de vent ». C’est un déserteur, un enfant gâté, un ingrat, un réactionnaire ennemi de la poésie, un « nouveau juif errant », un « roi nègre », un « canaque ». Delahaye écrit à Verlaine : « Des vers de "lui" ? Il y a beau temps que sa verve est à plat. Je crois même qu’il ne se souvient plus du tout d’en avoir fait. » Bref, le malentendu est à son comble, et stagne, côté Verlaine et Delahaye, dans le provincialisme le plus buté. Jamais un mot sur « Une saison en enfer » qu’ils ont pourtant, l’un et l’autre sous les yeux, jamais un mot non plus, par la suite, sur « Illuminations » dont le manuscrit disparaît pendant dix ans (sur ce point capital, il faut lire l’analyse aussi accablante que précise et définitive de Marcelin Pleynet dans son dernier livre, « Rimbaud en son temps » [1]). On en arrive à une hypothèse toute simple : lors du coup de feu de Bruxelles, qui tirait sur qui ? La vieille religion poétique sur l’aventure métaphysique. L’une s’appelait Verlaine, l’autre Rimbaud. Affaire encore à déchiffrer, malgré Claudel et les surréalistes. Mallarmé non plus n’a rien vu, même s’il écrit à Verlaine en 1884 (mais cette formule vaut pour aujourd’hui où un Premier ministre s’érige en « voleur de feu » en empruntant, en vrai partenaire social, cette formule à Rimbaud) : « Il y a trop de bêtise dans l’air, ici, pour un éclair qui la déchire une fois par an peut-être. » Quoi qu’il en soit, après l’échec de « Sagesse », Verlaine comprend qu’il faut jouer une autre carte, se résoudre à parler du « monstre ». Ce sera le volume « les Poètes maudits », où la fausse légende s’installe.

A ce moment-là, on le sait, pas maudit du tout mais en pleine poésie concrète, Rimbaud s’occupe de trafic d’armes dans le désert.

Philippe Sollers, Le Nouvel Observateur, 23 juin2005.

« Correspondance générale, 1857-1885 », par Paul Verlaine, édition établie par Michael Pakenham, Fayard.

Voir aussi : Dessins issus de la correspondance de Verlaine

Paul Verlaine (1844-1896) commence par faire l’éloge d’une vie simple et heureuse dans « la Bonne Chanson » (1870). L’année suivante, il rencontre Rimbaud. Emprisonné après avoir tiré sur lui, il écrit « Romances sans paroles » (1874) et les poèmes mystiques de « Sagesse » (1880).

*

Le dur destin de Verlaine

Une biographie de Verlaine à travers celle de son corps volontairement abîmé ? Mais oui, Alain Buisine a raison : plus le Spectacle s’étendra, et plus il faudra s’habituer à parler des écrivains en fonction de leur singularité physique (ce qui n’a rien à voir avec leur image). Un poète, un romancier, à la différence de l’intellectuel, incarne une façon spéciale d’entendre, de voir, de rêver, de sentir, de jouir, de dormir. Pas de généralités : un ton, un rythme, une musique. Une façon d’aller droit au coeur du public inconnu, présent ou futur, sans passer par l’assentiment du clergé du temps. Ce dernier, qu’il soit métaphysique, moral, politique ou seulement formaliste, essaie, en général, de noyer le poisson.

Toute société est, par définition, un inlassable effort, plus ou moins répressif, de normalisation. L’intellectuel aime les rassemblements, il signe l’ensemble. L’écrivain s’écarte, parle à chacun comme s’il était seul. On peut, bien entendu, selon les exigences du marché ou de l’asservissement des consciences, fabriquer de faux romanciers ou des poètes sans conséquences. En effet, rien n’est plus rare, et gratuit, qu’un corps réellement poétique. Mais rien non plus n’est plus vrai pour donner à l’Histoire son relief critique insoupçonné. Le XIXe siècle nous étonnera toujours. Ses mères, surtout.

Madame Verlaine, par exemple, gardait précieusement dans une armoire, en suspension dans des bocaux remplis d’esprit de vin, les quatre foetus de ses grossesses avortées avant l’arrivée de son fils Paul. Celui-ci finira par renverser les bocaux sacrés, tentera plusieurs fois d’étrangler sa génitrice tout en vivant le plus souvent avec elle et à ses crochets, sera un alcoolique obstiné et défiera sans cesse l’ordre établi en voulant, périodiquement, le rejoindre par Dieu interposé. Poésie, bisexualité, mysticisme, érotisme, progressive déchéance physiologique exhibée avec fierté : tel sera le programme pendant cinquante-deux ans. Madame Rimbaud, on le sait, avec sa rigidité nécrophile, n’était pas mal non plus dans son genre.

Verlaine sera donc un fils dénaturé, un mari odieux, un père indigne, un ami plus que trouble, un comédien, un martyr, et l’un des grands poètes français. Naturellement, il porte les stigmates de la plus grosse tempête qu’ait connue son époque : la Commune, Rimbaud. Verlaine communard ? Comme ça, sans plus. On peut discuter cette proposition de Buisine : "L’irrécupérable anarchisme des conduites privées dérangera toujours plus que les engagements politiques." Fénéon écrira plus tard : "Verlaine fut maratiste, athée, communard. La vie contemplative l’a transformé : du dernier bien avec les saints les plus en cour, il confit dans le papisme." Irresponsabilité ? Sans doute, mais c’est vite dit. Verlaine a en réalité une tâche très lourde à accomplir, d’une importance encore aujourd’hui difficilement calculable. Elle consiste à témoigner du "météore" Rimbaud, "l’ange en exil", "l’enfant sublime", "la beauté du diable", "l’archange damné".

Pauvre Verlaine : Rimbaud est très beau, on le trouvera donc, lui, très laid. C’est un faune, un satyre, une tête de mort, un mongoloïde, un dégénéré, un Socrate éthylique, un singe, un orang-outan. Il fascine, il fait peur. Valéry dira qu’il lui inspirait "une horreur sacrée". Gide, au contraire, et pour cause, aura ce mot : "Verlaine ivre était formidable." Fénéon, encore, le compare à un "Tongouse goguenard" qui "a humé l’air de nombreuses patries, géôles, églises, tavernes et paquebots." La fin du XIXe siècle n’encourage guère l’esprit d’aventure : les poètes officiels sont Leconte de Lisle et François Coppée. Tout le monde est plus ou moins bien-pensant. L’effet Rimbaud, radical, ne se fait pas encore sentir, sauf à travers ce vieux marginal bourré d’absinthe dont la jeune génération sait déjà les poèmes par coeur.

L’"affaire" (Londres, le coup de révolver de Bruxelles) a été en réalité, pour le très médiocre et provincial milieu littéraire français, un scandale inouï [2]. Verlaine le sait. Ses passions masculines seront toujours une recherche de Rimbaud, et de la lumière où, "filant légers dans l’air subtil", ils étaient deux "spectres joyeux". Hélas, les spectres désormais sont tristes, l’Histoire est fermée. Elle se rouvrira bientôt en fanfare avec une guerre, et il suffit de citer les noms de Claudel, de Breton, et d’Aragon, pour comprendre que les illuminations d’un jeune homme aux "yeux d’un bleu pâle inquiétant" vont faire des ravages dans tous les sens.

Cependant, Verlaine a une sorte de copyright sur le phénomène. Qu’il se trompe en instaurant la légende des "poètes maudits" est une autre question. Il a vu, il a cru, il a suivi comme il a pu, il a décroché, il ne peut pas oublier, et d’ailleurs comment le pourrait-il ? Les plus beaux poèmes de Parallèlement ont toujours Rimbaud pour horizon. Où est-il ? Que devient-il ? On le dit mort : c’est impossible. Pour l’instant, c’est lui, Verlaine, qui tombe peu à peu en enfer. Hôtels minables, prostituées, ivresse, hôpitaux. L’hôpital ? "Au moins c’est la paix loin des gens et la souffrance laissée tranquille. Les idées de mort, mort aux gens, mort à soi-même, s’évaporent dans les odeurs d’éther et de formol. Le sang bat plus calme, la tête raisonne de nouveau, mes mains se font ce qu’elles furent toujours, bonnes et paisibles."

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Paul Verlaine, photographié vers 1892
par Paul François Arnold Cardon, dit Dornac (1858-1941)

Avec ténacité, avec gaieté, Verlaine a décidé de faire honte à son temps. Au fond, il est chargé du testament de Baudelaire. En plus de la prophétie de Rimbaud, cela fait beaucoup. "Parfois, dit-il, en présence de tant d’offenses et de méchancetés, des idées rouges me prennent." Il rappelle, sans illusions, qu’il est "au fond un homme très digne, réduit à la misère par un excès de délicatesse". On vient le voir dans son lit comme une bête curieuse. On le retape, on l’emmène faire des conférences en Belgique, en Angleterre, en Hollande. Partout, ou presque, il boit trop. On l’escamote, mais, enfin, il fait impression. Son état s’aggrave : ulcère à la jambe, suite de syphilis, diabète, cirrhose. Il tient le coup. Il écrit sa musique, tantôt désinvolte, tantôt pornographique.

Jules Renard raconte que Marcel Schwob l’a trouvé tout habillé dans son lit, "ses souliers sales sortaient des draps". Il n’arrive à lui tirer que des "hou ! hou !". Verlaine ne répond plus, ou à peine. Il peint ses meubles de misère avec de la poudre d’or. Schwob, après les "hou ! hou !", s’en va, mais remarque un livre sur la table de nuit : "C’était un Racine." Pour pousser le paradoxe jusqu’au bout, le poète Paul Verlaine pose même sa candidature à l’Académie en visant le fauteuil de Taine. Bien entendu, il n’obtient pas une voix. Même son vieux camarade à succès, François Coppée, n’a pas voté pour lui. Déjà, Anatole France, en l’écartant d’une anthologie, avait dit de lui qu’il était "indigne". La France bourgeoise, décidément, s’est ressaisie : on ne passe pas.

Il finit par mourir, rue Descartes. Son enterrement est une sorte d’événement, surtout si on le compare à celui, sinistre, de Baudelaire. Le discours le plus tarabiscoté est de Robert de Montesquiou. Le plus niaisement politique, celui de Barrès. Il y en a d’autres, purs bla-bla. Voici enfin Mallarmé, le seul à comprendre qu’il doit assumer la transmission dans un océan d’ignorance. De Verlaine, il dit sobrement : "Il ne se cacha pas du destin." Pas un mot sur Rimbaud, mort cinq ans auparavant. Au fond, certains absents peuvent décrocher l’avenir sans que les vivants le voient.

Philippe Sollers


Paul Marie Verlaine (1844-1896) au Café François 1er,
69 boulevard Saint-Michel dans le 5e arrondissement de Paris.

Photographie de Paul François Arnold Cardon dit Dornac (entre 1890 et 1896). ZOOM : cliquer sur l’image.
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Verlaine, histoire d’un corps , d’Alain Buisine, éd. Tallandier, 1995.

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L’enterrement de Verlaine.
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Depuis la rédaction de cet article, Alain Buisine avec qui j’ai pu, étudiant, partager l’amitié, est mort, trop jeune. J’ai appris sa mort en 2010 par Philippe Bonnefis, notre ami commun (lui aussi décédé, en 2013). Il y avait du Verlaine en lui. Un dépliant, à la pension La Calcina, à Venise, mentionne qu’il y séjourna comme d’autres illustres écrivains. — A.G.

Alain Buisine

Alain Buisine est décédé, à soixante ans, le 2 juillet 2009. Quand on rappelle qu’il fut élève au Lycée Van der Meersch de Roubaix, qu’agrégé de lettres classiques, il enseigna quelque temps au Lycée Gambetta de Tourcoing et passa l’essentiel de sa carrière universitaire à Lille 3, où il fut un animateur de la Revue des Sciences Humaines, on ne dit pas l’essentiel.
Les nombreux ouvrages d’Alain Buisine en font, en effet, un critique original. Il s’est, bien sûr, intéressé à la littérature. Ses auteurs préférés, sur lesquels il écrit en empathie, sont Casanova, Loti (Tombeau de Loti, Aux Amateurs de Livres, 1988), Proust (Proust et ses lettres, Presses Universitaires de Lille, 1983), Sartre (Laideurs de Sartre, Presses Universitaires de Lille, 1986), Verlaine (Verlaine Histoire d’un corps, Tallandier, 1995). Sur ces auteurs, il utilise diverses approches critiques : analytique, biographique — Proust Samedi 27 novembre 1909 (Jean-Claude Lattès, 1991) résume une journée de l’écrivain —, thématique.
Il s’est aussi intéressé à la peinture, en particulier celle de Venise, où il séjournait régulièrement. Il écrivit, avec une érudition inspirée par la passion, des monographies (Les Ciels de Tiepolo, Gallimard, 1996 [3] ; Un Vénitien dit le Canaletto, Zulma, 2001) ; des synthèses thématiques (Dictionnaire savant et amoureux des couleurs de Venise, Zulma, 1998 ; Cènes et banquets de Venise, Zulma, 2000 ; Nudités de Venise, Zulma, 2004). Son goût de l’exotisme, déjà visible dans ses travaux sur Loti, lui fit écrire L’Orient voilé (Zulma, 1993), réflexion sur l’orientalisme et sur un sujet devenu brûlant.
La mort prématurée d’Alain Buisine nous prive non seulement d’un critique savant, personnel et pédagogique (il s’adresse souvent à son lecteur pour le persuader), mais d’un écrivain brillant et profond. (Paul Renard)

*

Portfolio

  • Rimbaud (debout à gauche)
  • Rimbaud par Verlaine
  • Rimbaud par Verlaine (Lettre à Delahaye, 1876)
  • Rimbaud par Verlaine (Lettre à Delahaye, 1875)

[1Gallimard, « L’Infini »

[3Collection L’infini.

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2 Messages

  • Cyd | 13 juin 2019 - 17:55 1

    Lire Rimbaud c’est entrer en enfer. La preuve que la poésie ne peut rien. Et c’est désespérant. Comment vivre en poésie ?... alors que tout est profit et marchandise, y compris l’art. En outre comme vous le dites dans un court extrait, la poésie n’existe plus aujourd’hui, c’est vrai. Les jeunes générations prennent de niaises chansons stupides (10 mots de vocabulaire, pour pouvoir être compris !) pour de la poésie. Rimbaud aujourd’hui quitterait de nouveau la France, l’Europe, la Terre. Mais il faut aimer et lire la poésie (et la musique !) car c’est le seul remède contre le mal ambiant et généralisé, contre la mort de la pensée et l’ignorance de la Beauté (que plus personne ne voit). De la part d’une lectrice de longue date de vos romans et de vos essais. Merci à vous.


  • Imtheboy | 22 janvier 2007 - 09:04 2

    "Rimbaud en plein poésie concrète" ; c’est aussi la thèse qu’il tient dans Studio. Personellement, c’est un point sur lequel je suis incertain. Je ne peux voir qu’un échec dans ce choix de Rimbaud, même s’il fuit loin des marais occidentaux.