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Ludivine comédie

par Frédéric Beigbeder

D 26 octobre 2006     A par Viktor Kirtov - C 1 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Flash back début 2006. Publication de "Une vie divine". Voici ce qu’en disait Frédéric Beigbeder, dans Le Monde, avec une caricature de Sollers qui manquait à la collection pileface.

PHILIPPE SOLLERS. Journal intime d’un philosophe qui couche avec une vendeuse blonde (Ludivine) et une philosophe brune (Nelly), avant de. se prendre pour la réincarnation de Friedrich Nietzsche.

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Souvent, Sollers s’est pris pour quelqu’un d’autre : Nietzsche, Sade, Casanova, Vivant Denon, Mozart...

LUNDI. Le Figaro littéraire me demande une chronique sur le dernier Sollers : méfiance, il doit s’agir d’un bizutage. On ne critique pas impunément un roman de Philippe Sollers. Si l’on dit du bien, on a l’air de flagorner le diariste du Dimanche. Si l’on dit du mal, de plagier le regretté Renaud Matignon. Comment se tirer de ce mauvais pas ? Peut-être en le lisant ? Mais il est impossible de lire Sollers en paix. Lui-même déploie une telle énergie pour vous en empêcher !

Mardi. Je commence Une vie divine, Comme d’habitude, c’est un roman qui n’en est pas un. Comme d’habitude, Sollers alterne des pages parfaites, limpides, alertes, et d’autres banales, répétitives, meublées de citations. A quoi sert un écrivain français ? Répondez en trois mille signes pour jeudi.

Mercredi. Une vie divine est le journal intime d’un philosophe qui couche avec une vendeuse blonde (Ludivine) et une philosophe brune (Nelly), avant de se prendre pour la réincarnation de Friedrich Nietzsche. Souvent, Sollers s’est pris pour quelqu’un d’autre : Sade, Casanova, Vivant Denon, Mozart...

Bizarrement, jamais Francis Lalanne. A la télé, il marche désormais sur les plates-bandes de Jean d’Ormesson (l’écrivain du bonheur, le séducteur cultivé qui devrait être remboursé par la Sécurité sociale) ; mais il n’est jamais aussi intéressant que quand il fait du Sollers. Il possède vraiment un style, un rythme, une pulsation à lui : énumérations, homophonies, successions de questions, dialogues brefs. La rumeur disait vrai : Une vie divine est un grand cru du Bordelais, du niveau de Femmes.

On dit toujours les mêmes choses sur cet homme : ses paradoxes, ses masques, ses casseroles ... On lui ressort l’Essec, la revue Tel quel, Mao et le Pape, Balladur et Kenza, sa coupe de cheveux piquée à Hervé Bazin. Il serait temps de reconnaître tout ce qu’on lui doit : un premier roman dont la petite musique fut saluée par Aragon et Mauriac (qui étaient pourtant rarement d’accord entre eux) : Une curieuse solitude, en 1958 ; un aphorisme immense : « Pour vivre cachés, vivons heureux ; deux tomes de textes critiques éblouissants sans lesquels Charles Dantzig ne serait pas né : La Guerre du goût et Eloge de l’infini ; mais surtout une superbe obstination à incarner l’écrivain français qui s’amuse. Peut-on être un écrivain français sans faire la gueule ? C’est sans doute le vrai sujet d’Une vie divine. Zut, il ne me reste que 500 signes pour répondre à cette question.

Jeudi. J’ai fini le livre cette nuit. Ma phrase préférée : «  Le monde n’ayant aucun sens, autant le considérer comme gratuit. » A 69 ans, Philippe Sollers n’a plus rien à perdre ni à prouver. C’est très agréable pour le lecteur, un auteur qui se fait plaisir, virevolte, fait des pieds de nez. Il est libre, il respire, il regarde Julie Lescaut, se moque de Foucault et Schopenhauer, il a une intelligence électrique, mais aussi une capacité à s’émerveiller, à transmettre le virus de la littérature, une gourmandise intacte pour chaque détail du corps des femmes, un désir de poésie, un amour de la nature, une humanité jamais résignée : voici l’écrivain le plus vivant du monde. Lisez-le ou vous êtes morts.

Une vie divine
de Philippe Sollers
Gallimard, 2006, 525 p.

www.biblioparfum.net


Crédit :
Le Monde
Archives Eric Cothenet, créateur du site www.biblioparfum.net qui a fait don de son fonds d’archives Sollers à pileface.

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